HISTOIRE PHYSIQUE, POLITIQUE ET NATURELLE DE LTLE DE CUBA. HISTOIRE PHYSIQUE, POLITIQUE ET NATURELLE L’ILE DE CUBA M. RAMON DE LA SAGBA, DIBECTEUR DU JARDIN BOTANIQUE DE LA HAVANE, CORRESPONDANT DE e’iNSTITUT ROYAL DE FRAD^CE , ETC. PREMIÈRE PARTIE KîSl’OmB BT POliraïCIDie. TOME I. INTRODUCTION, GÉOGRAPHIE, CLIMAT ET POPULATION. TRADUCTION DE M. S. BERTHELOT. AVEC ANNOTATION POUR LA GEOGRAPHIE HISTORIQUE. PARIS, ARTHUS BERTRAND, ÉDITEUR, LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ DE CÉOGRAPniE ET DE LA SOCIÉTÉ ROYALE DES ANTIQUAIRES DD NORD , RUE HAUTEFEUILLE , 23. 1842. 3 ^ Fl HISTOIRE PHYSIQUE, POLITIQUE ET NATURELLE DE LIEE DE CUBA. INTRODUCTION GÉNÉRALE. L’histoire générale d’un peuple doit êlre le tableau iidèle et eomplet de tous les laits que présentent à l’obser- vation son climat, son territoire, ses productions natu- relles, sa population, son industrie, son administration, les mœurs et la culture intellectuelle de ses habitants ainsi que toutes les institutions qui président à son exis- tence. Elle doit être l’exposé des phases diverses de cette existence, et elle sera d’autant plus exacte et plus inté- ressante , que l’écrivain n’aura négligé aucune des parties qui peuvent contribuer à faire connaître le pays dont elle s’occupe. Mais l’intérêt de l’histoire des peuples ne ressort pas toujours de la même série de faits, parce que les circon- stances et les époques qu’ont traversées les nations étant différentes , il en résulte que les phases observables chez. chacune d’elles le sont également. Chez les peuples guer- riers, par exemple, l’intérêt s’attache surtout à leurs con- quêtes; chez les peuples navigateurs, à leurs expéditions commerciales; chez les peuples agriculteurs et sédentaires, à leur organisation intérieure; chez ceux qui sont depuis IM lîOnrCTION GKNCR U.r. . II lMRObUCT10> GÉNÉRALE. longtemps civilisés, à leurs institutions et à leurs coutumes ; chez tous, enfin, à ces événements qui reconstituent pour ainsi dire la vie d une nation sur de nouvelles bases, in- fluent sur son avenir, et impriment à son histoire un ca- ractère particulier et comme local, qu’il n’est pas permis de confondre avec celui d’un peuple dont la constitution est différente. L’histoire des peuples modernes ne serait pas dune grande utilité, s’ils n’avaient pas conservédans leurs annales le souvenir des événements qui ont eu de l’inlluenee sur leur avenir et si on ne pouvait s’y rendre compte des causes qui ont amené le progrès croissant de leurs institutions. Mallieureusement tous les historiens n’ont pas eu recours au critérium nécessaire pour choisir les faits qu’il racontent dans ce but élevé d’enseignement, qui est la hase de la phi- losophie historique ; aussi ont-ils surchargé leurs ouvrages de relations indigestes, inutiles pour les générations fu- tures qui n’ont rien trouvé à imiter ni à apprendre dans ces chroniqnes aussi diffuses que stériles. Ce qui étonne certainement le plus, c’est le soin minutieux avec lequel ces historiens rapportent les faits les plus insignifiants de l’histoire, lorsqn’ils peuvent être de quelque intérêt ou inspirer quelqne curiosité aux contemporains ; c est leur dédain et leur indifférence pour les faits relatifs a 1 in- struction et à la culture intellectuelle des peuples, leurs progrès dans les arts, leur aptitude et leurs conquêtes dans les sciences, les relations qu’ils entretiennent avec leurs voisins leurs systèmes d’impôt et d’administration, en un mot tous les détails relatifs à la connaissance intime des sociétés humaines. Quant au surplus, le lecteur ren- contre dans ces relations diffuses, quelques éléments isolés qu’il s’empresse de recueillir, espérant pouvoir en former une espèce de faisceau lumineux destiné a éclai- rer les parties de l’histoire que le chromste ne put ou ne voulut pas décrire suffisamment, il reconnaît prompte- ment que son espérance était vaine, parce que ces éléments ne présentent aucune analogie entre eux et qu’ils ne con- 1NT»0»UCTÎ0\ GÉNÉRALE. Ill stituent pas un ensemble de parties homogènes ou seule- ment comparables. A l’indifFérence avec laquelle les historiens des temps passés traitèrent ces parties importantes de la vie politique des peuples , il faut ajouter la difficulté qu’ils eussent trouvée à les présenter convenablement, s’ils avaient songé à le faire , parce qu’alors ni les gouvernements ni les in- dividus n’attachaient aucune valeur à ce genre d’études. La science statistique qui les a embrassées et soumises k la méthode n’existait pas encore ; il n’est donc pas possible d’en découvrir le moindre vestige dans les ouvrages dont il est question. Mais les faits existaient, et on ne conçoit pas que ces historiens n’en aient rien dit, ne leur eussent- ils consacré qu’une faible partie du soin qu’ils mettaient à raconter les événements civils et militaires. Aujourd’hui les peuples plongent leurs regards dans l’a- venir vers lequel ils marchent , qu’ils soient conduits par la lumière de la civilisation ou poussés par la force de circonstances qui les entraînent. Dans ces deux cas , il est indispensable d’étudier à fond leur éîat et leur position soit absolue, soit relative, et de profiter des leçons de l’ex- périence pour se mettre en garde contre les embarras de l’avenir. Et, en effet, il ne suffit pas, pour qu’ils puis- sent se diriger dans la carrière qui leur est indiquée, de bien connaître leurs forces et leurs ressources , mais il est indispensable qu’ils apprécient également celles de toutes les nations avec lesquelles ils peuvent avoir des rapports, parce que le progrès et la décadence de celles-ci doivent être un aliment actif pour leur progrès ou leur décadence propre. Tout peuple sera d’autant mieux préparé pour le mouve- ment ou pour la résistance, qu’il connaîtra plus à fond les ressources et la situation des autres sociétés qui suivent une marche semblable à la sienne. En un mot , pour que l’histoire d’un peuple soit utile et profitable à la génération présente et aux générations fu- tures, elle doit embrasser toutes les parties qui constituent l’existence politique des sociétés modernes, et offrir, d(‘ JY IISTRODUCTION GÉNÉRALE. plus, l’examen comparatif de celles qui ont avec lui le plus Analogie ou de relation. L’histoire écrite ainsi sera, non- seulement un tableau fidèle du passé et du présent, mais encore un enseignement utile pour 1 avenir. ^ Ce fut d’après ces principes que nous conçûmes celle de la belle île de Cuba, depuis le jour qu’une heureuse étoile nous y conduisit avec l’idée d’étudier sa constitution socia e et ses productions naturelles. 11 nous a toujours semble en effet, comme nous l’avons déjà dit ailleurs (1), que l’histoire civile était d'une importance secondaire pour les peuples modernes, et nous croyons qu’ils doivent bien plus bnser à connaître leurs ressources propres que de recueillir les faits de leur vie civile, qui sont la plupart insignifiants. C’est pour cela que nous avons cru essentiellement utile et urgent d’étudier l’île de Cuba sous les rapports de sa valeur, de ses forces productives, de ses ressources, des éléments de bien-être et de stabilité qu’elle possède, du degre de prospérité dont elle est susceptible , et de ses relations avec les autres pays civilisés, parce que, de 1 ensemble de ces éléments, on peut déduire les moyens de jeter les fonde- ments d’une prospérité durable. D’un autre côte , ans un siècle où tout est soumis au calcul et à l’observation , et dans lequel des gouvernements intelligents s’efforcent de favo- riser le commerce, l’agriculture, l’industrie maimfactu- rière, la relation de toutes les faveurs dont celui de 1 Espagne a comblé ce pays ne peut manquer d’avoir de 1 interet. PLAN DE L’OUVRAGE. Sous quelque aspect que l’on considère l’ile de Cuba , elle présente un champ aussi vaste qu’intéressant aux nie- ditations du politique et du philosophe, et il est tres-diffî- cile de le circonscrire, parce que le rapport mutue es (t ) Ilistoria economico-politica delaisladeCuba, la Havane, ,83. , Inlroduc- 1NTR0DUCT10>" GÉnÉRALE. ' objets et du but sous lequel ils doivent être examinés les rend inséparables dans son étude. Dés notre arrivée à la Havane, en 1823, nous nous proposâmes de réunir toutes les observations qui étaient à notre portée dans le peu de moments de liberté que nous laissaient les devoirs de notre emploi. Cet ensemble de matériaux n’eut pas , dans l’ori- gine, de but déterminé; il se liait cependant plus particu- lièrement aux diverses branches des sciences naturelles qui faisaient alors l’objet de nos recherches; mais cette rela- tion des objets entre eux, dont nous venons de parler , fut cause que nous îiassâmes de leur étude à celle des productions du sol , de celles-ci à celle des ressources du pays, et de cette dernière aux diverses branches qui ont trait au gouvernement , à l’administration et à la richesse du peuple cubanéen. La marche naturelle de nos explorations nous a amené à considérer l’histoire de l’île de Cuba comme divisée en trois grandes sections : l’histoire physique, l’histoire civile et rins- toire économico-politique. En recherchant celui de ces trois titres sur lequel avaient été réunis le plus de documents, nous avons trouvé 1° que l’histoire physique de Cuba, laquelle doit comprendre, non seulement celle de son cli- mat et de son territoire , mais aussi celle de toutes ses productions , était à peu près inconnue , puisqu’il n’existait à ce sujet que les notices publiées par M. de Huraboldt; 2" que l’on possédait sur l’histoire civile de l’île des tra- vaux très-intéressants, bien qu’incomplets, contenus dans les ouvrages publiés par MM. Urrutia, Arrate et Valdés, dans les archives des corporations et dans les diverses his- toires d’Amérique ; enfin que la partie économico-poli- tique, c’est-à-dire l’histoire de l’industrie rurale et com- merciale, des progrès intérieurs, des ressources publiques et particulières, des dépenses de ces deux espèces, etc., avait été jusqu’ici entièrement négligée, puisque 1 on trouvait à peine une observation ou une donnée intéressante dans les auteurs nationaux, et encore moins dans les auteurs étian- gers qui ont traité de l’histoire de l'îlc. M. de linmboldt. VI INTRODUCnOIV GENERALE. en écrivant son ouvrage si apprécié et si connu de tous, n’a jeté qu’un coup d’œil rapide sur ces matières , non seule- ment parce qu’il n’entrait pas dans son plan de faire leur histoire complète , mais parce qu’il lui eût été impossible de pouvoir réunir beaucoup de renseignements précis durant le court espace de temps , si bien rempli d’ailleurs , qu’il passa à la Havane. Ce travail préparatoire nous mit en état de juger de l’im- portance de chacune des trois divisions dont nous venons de parler , et nous permit en même temps de concentrer notre plan d’investigation dans un cadre qui les comprît toutes et qui fût susceptible d’être renfermé dans des limites fixes. Le projet de notre ouvrage remonte à l’année 1826; les matériaux que nous avions réunis pendant trois années d’observation nous semblèrent alors de quelque impor- tance, et nous formâmes un plan ou cadre dans lequel de- vaient venir se placer tous ceux que nous nous proposions de continuer à rassembler. En accomplissant notre tâche, nous avons eu à surmonter de continuelles difficultés , soit par l’absence d’un ouvrage qui pût nous servir de base , soit pour avoir seulement les matériaux incomplets qui de- vaient nous permettre de découvrir les rapports des événe- ments et de les lier entre eux , soit dans la manière décou- sue dont nous trouvâmes rédigés la plupart des documents qui nous ont servi; puis c’était la nouveauté que nous offraient quelques-uns des points que nous devions trai- ter, et qui nous obligeait à les étudier, à nous fami- liariser avec eux; enfin la nature même d’un travail compliqué, rendu aride et fatigant par les calculs auxquels il obligeait, et d’autant moins propre, par ces divers motifs, à encourager l’écrivain. Les ouvrages étrangers publiés, dans ces dernières années , sur l’île de Cuba ne pouvaient , en aucune manière, nous servir de guide ni diminuer en rien le tra- vail que nous nous étions proposé. Le but de leurs auteurs ne fut pas, en efiet, d’écrire l’histoire économico-politique à toutes ses époques, mais seulement de faire connaître INTRODL'CTION GÉNÉUALH. celte précieuse partie de la monarchie espagnole, au moyen des rares documents que de louables recherches leur avaient procurés, documents dont nous avons eu les originaux entre les mains, et que nous avons aussi employés après les avoir soumis toutefois à un examen sévère. Cependant ce sera toujours pour nous un devoir d accorder de sin- cères éloges à l’ouvrage du baron de Humboldt, aux lettres sur la Havane écrites par M. J. , un des commissaires an- glais pour la traite des nègres , et à leur traduction fran- çaise par M. Huher, lequel y a ajouté un curieux appen- dice statistique et divers tableaux. Ces écrivains ont eu, les premiers , le mérite de réunir des documents qui ont com- mencé à faire connaître au monde politique 1 état de pros- périté et les ressources de l’île de Cuba. Notre plan fut, dés le principe, beaucoup trop vaste, parce que nous ne consultâmes , pour le tracer, ni notre capacité, ni nos forces, mais seulement le vif intérêt que nous offraient toutes ses parties; il était d’ailleurs si neuf et si étendu, que, depuis notre arrivée à Cuba, il fut 1 uni- que objet de notre jeune et ardente ambition , secondée par l’activité européenne d’un âge heureux de cinq lustres. Nous avions en effet sous les yeux, dune part, un teiii- toire inexploré, riche d’une verdure éternelle, où la vie végétale et animale se renouvelle sans cesse dans mille pio- ductions inconnues ; d’un autre côté, un climat imparfaite- ment étudié, présentant d’ailleurs les conditions les plus favorables à la reproduction d’une foule d animaux et de plantes qui, jusqu’alors, n’étaient guère mieux connus ; ici , les phénomènes d’une nature vigoureuse surexcitée encore par le ciel des tropiques; là les progrès d’un peuple intelligent favorisé par les richesses naturelles du sol et les avantages politiques de sa position. Aucun de ces sujets si étendus et si variés ne pouvait être négligé par un obser\ a- teur qui , tout en se sentant incapable de les embrasser , était cependant convaincu de l’importance de le faire au prohtdes sciences et du pays même. Cefut ainsi que nous entreju imes, peut-être sans trop de prévision, un travail d in> estigation VII r IIVTRODUCTIOÎS GENERALE. et d’élude trop considérable pour les forces d’un seul homme. Le travail, fruit de nos premières recherches, parut à la Havane au commencement de l’année 1831, sous le titre de Historia economico-politica j estadisticade la islade Cuba y Histoire économico-politique et statistique de l’île de Cuba, divisée en quatre chapitres principaux : population, agricul- ture, commerce et revenus publics, suivis d un chapitre supplémentaire sur la force armée. Nous avions bien cher- ché alors à comprendre dans le cadre de cette première partie l’histoire physique et l’histoire naturelle , parce qu’elles faisaient l’objet de nos études, mais nos observations n’étaient pas alors assez nombreuses pour former un traité de quelque intérêt. Nous promîmes néanmoins de le faire plus tard , et le moment d’accomplir ce projet est heu- reusement arrivé. En effet, l’ouvrage que nous publions aujourd hui n est que le résultat de nos études et de nos investigations sur la nature et sur la société de l’île de Cuba , envisagées sous tous les points de vue qu’il nous a été possible de les examiner. Elle comprendra par conséquent, en outre des données et des réflexions que présentait notre premier ou- vrage , sa continuation jusqu en 1 840 , la description du territoire, celle du climat et de ses productions naturelles, tant organiques qu’inorganiques. Notre travail est divisé en deux grandes sections , l’histoire physique et politique et l’histoire naturelle; nous nous sommes réservé exclusi- vement la rédaction de la première , et nous avons confié celle des diverses parties de la seconde à des professeurs distingués , qui, au moyen de l’examen des objets que nous avons apportés et des notes que nous leur avons remises , les ont traitées suivant les exigences de la science^ ac- tuelle , subdivisée en spécialités qu il n est pas donné à un seul individu de posséder. 11 nous a semblé convenable de commencer la partie que nous nous étions réservée , par une description géogra- phique indiquant les formes du territoire et la position de INTRODUCTION GÉNÉRALE. ses points principaux , et de la faire précéder de c[uelques considérations générales sur les travaux de nos plus célè- bres explorateurs. Nous étions alors bien éloigné de croire que cette simple tache de rédaction devait nous conduire insensiblement à un aussi long travail de rechercbes, à un examen aussi difficile de documents anciens , destinés à appuyer les assertions que l’étude nous amènerait à décou- vrir. Telle fut l’origine de 1 introduction géographique , qui, tout abrégée quelle est, nous a demande beaucoup de temps et de pénibles investigations dans les archives et les bibliothèques. Toutes les fois que nous ayons été assez heureux pour éclaircir divers passages de l’histoire des premières époques de l’île de Cuba , au moyen de cartes anciennes jusqu’alors oubliées ou inconnues , nous n’avons pas laissé échapper l’occasion de le faire , en même temps que nous enrichissions notre ouvrage des copies fi- dèles de ces documents curieux et des réflexions qu ils nous ont suggérées. Le plus remarquahle de tous ces documents est sans contredit la carte manuscrite de Juan de la Cosa , pilote de Christophe Colomb , dans son second voyage an nou - veau monde, et d’Alonso de Hojeda, dans la célèbie ex- pédition de 1499, carte dressée par lui -même avec le plus grand soin en 1500 , et dont nous reproduisons pour la première fois complètement , en une seule feuille, toute la partie relative à l’Amérique. Ce document, qui doit être considéré, depuis le jour de sa découverte et de sa publication , comme la pierre fondamentale de l’his- toire des découvertes maritimes des Espagnols à la fin du xv*^ siècle, nous a fourni l’occasion d’étendre nos réflexions sur une matière que nous avions crue cependant suffisamment approfondie avant de la connaitre. Notre atlas contient aussi les fac-similé de beaucoup de cartes anciennes , la plupart inédites, qui nous ont fourni des données précieuses pour éclaircir divers points curieux de l’histoire géographique de file. Bien que nous eussions pu nous étendre beaucoup X JMRODUCTION GÉNÉRALE. et sans trop d’efforts , sur la description géographique et topograpliique de l’île , nous avons préféré être laconique et ne pas reproduire ce que les autres histo- riens ont écrit , d’autant que leurs ouvrages peuvent être facilement consultés dans les dépôts publics. Cette raison ne nous parut pas néanmoins assez forte pour nous dispen- ser d’offrir l’indication des gisements des différentes sub- stances minérales que nous fûmes à même de reconnaître ou de nous procurer durant notre résidence dans l ile , données qui pouvaient être utiles aux nouvelles entreprises d’exploi- tation qui se forment journellement et qui augmentent 1 im- portance d’une industrie peu cultivée en ce pays avant notre arrivée. Comme nos investigations dans cette bran- che de la science furent très isolées et que notre collec- tion d’échantillons était peu nombreuse , nous avons préféré en insérer la description dans celle du ter- ritoire que d’en former une section spéciale de 1 histoire naturelle , section qui eût présenté trop peu d impor- tance pour être réunie à celles de la botanique et de la zoologie. L’étude que nous avons faite d’anciens documents et de cartes de la fin du xv' siècle et du commencement du xvi% pour la rédaction de notre introduction, nous a révélé un grand nombre de documents inédits, concer- nant les premiers actes du gouvernement des Espagnols au nouveau monde. Bien qu’ils n’atteignissent pas notre but, au point de vue sous lequel nous avons cru devoir traiter l’bistoire de Cuba , ils étaient du plus haut interet oour son histoire civile et pouvaient servir pour des tra- vaux ultérieurs. Cette dernière considération nous a décidé à insérer dans un appendice ceux qui nous ont paru les plus remarquables et les plus utiles , et nous n’avons pas tardé à voir se réaliser, de la maniéré la plus heureuse , une partie de l’idée que nous avions eue (1). (i) Uti jeune et laborieux habitant de la Uayanc, D. José Maria de la Torre.a INTRODUCTION GÉNÉRALE. XI Le climat de l’île de Cuba, peu étudié relativement à sa position aux limites septentrionales de la zone torride , était l’un des objets principaux des recbercbes que nous nous étions proposé de faire dans cette région. Notre longue résidence à Cuba était très-propice à un genre d’observa- tions qui inspire d’autant plus de confiance que la période qu’il embrasse est plus étendue , et la situation même de l’édifice que nous habitions, isolé, dégagé de toutes parts des influences locales, favorisa notre projet. De plus, nos instruments, construits sous nos yeux avec toutes les pré- cautions qu’exige la science , avaient été comparés , avant notre départ , à d’excellents types européens , ce qui nous permettait d’apprécier les différences qu’il y avait entre eux et de corriger ainsi , par le calcul , les indications qu’ils donnaient. Envisagé de ce point de vue météorologique, le champ que l’île de Cuba présentait à notre ardente curio- sité était donc entièrement neuf ; car, si l’on y avait quelque- fois exécuté des opérations de ce genre, ce n’avait été qu’à des périodes éloignées , durant de courts espaces de temps, avec des instruments divers non comparés, et jamais avec une collection aussi complète que celle dont nous pouvions disposer. Notre travail présente en cela une série d’observations qui nous semble digne d’intérêt et capable de donner une idée exacte du climat et de toutes les cir- constances atmosphériques du lieu que nous habitions. Ne voulant pas présenter ces observations d’une manière isolée, mais comparative, nous y avons joint les résultats d’observations faites en des parages distincts de la zone équatoriale, qui serviront à établir les lois climatologi- ques des régions qu’elle embrasse. Après avoir donné cette idée générale du territoire de 1 île de Cuba et de Fatmosphère qui l’environne , f ordre naturel de l’ouvrage voulait que l’on traitât des productions ; mais oonsti’uit et publie, l’annec passée (i84i), une carte de l’ilc de Cuba, avec la di vision lerritoriale établie par scs anciens habitants; sur cette rarteila, en outie, indiqué les routes suivies par Cbrislopbe Colomb ; beaucoup des documents dont nous parlons ici lui ont servi pour exécuter cet intéressant travail jntroduction générale. celle élude constiluant à elle seule une science 1 res - vaste (lui est cultivée isolément dans ses diverses parues, il nous a paru également convenable de suivre cette marche dans le présent ouvrage. Néanmoins noire projet était dollrir, après le tableau particulier du climat de l’ile, un autre tableau rapide et général de l’aspect de sa végétation et de la distribution de ses produits naturels, et nous le pro- mîmes ainsi dans les prospectus joints à chacune des livrai- sons qui furent publiées; mais cet aperçu, qui aurait complété l’histoire physique du pays, supposait la déter- mination précise des espèces, soit végétales, soit anima es, pour qu’il fût possible de les classer dans la description des groupes ou associations qu’ils forment. Ce travail dé- pendait donc de la marche de la rédaction 1 his- toire naturelle descriptive, qu’d n’a pas ete possi e e terminer à temps pour quelle pût fournir les résultats qu’exigeait le complément de l’histoire physique. Nous trou- vant ainsi dans l’alternative, ou de la laisser inlerrompue pendant un temps indéfini (1), ou de la réunir a la partie politique dans la première grande section de l’ouvrage, nous avons préféré ce dernier parti , parce qu il nous permettrait de donner quelque chose de complet, et que cela ne nous em- pêcherait pas de présenter plus tard le tableau intéressant de la végétation et des produits naturels quand nous au rions en notre pouvoir les éléments que nous avaient pro- mis nos collaborateurs. Après avoir considéré l’île de Cuba au point de vue de sa constitution physique et de son histoire naturelle, c’est-a- dire, sous le rapport de sa configuration, des lois qui pre sident aux mouvements de son atmosphère et aux produc- tions naturelles qui couvrent son sol, nous procédons a l’examen des conditions sociales de son existence politique et économique en commençant par déterminer la valeur La rcJaction de l’hist»ire Mlurelle , exécutée par un grand nombre de CO laborateurs et exigeant des dépenses considérables pour les planches qm d - ,“„t l’accompagner, nous a fait éprouver et nous fait éprouver encor, des te- tards qu’il ne nous est pas possible d’eviter. INTRODUCTION GÉNÉRALE. numérique et les castes de sa population , ainsi que les lois auxquelles elle est soumise. Cette étude est intéressante dans tous les pays, et surtout depuis que la statistique a signalé les phénomènes qu’il convient d’observer, mais elle l’était principalement pour l’ile de Cuba, soit à cause de la nature diverse des races humaines qui habitent son territoire, soit par suite des conditions différentes dans lesquelles la légis- lation les a placées. En effet, on trouve la en contact force deux castes plus distinctes sous le rapport de la couleur que sous celui de l’intelligence, que la nature n’avait pas faites ennemies, et que tient cependant éloignées une inégalité de droits monstrueuse qui entretient chez elles une haine mutuelle vraiment déplorable. 11 suffira de dire, pour jus- tifier ces expressions, que l’une est libre et l’autre esclave. Cette dernière condition sociale, non moins contraire aux lois de la nature qu’à celles de l’humanité , exerce effectivement, sur la population qui y est soumise , une contrainte dont les résultats se montrent dans le développement des lois de la génération et de l’intelligence d’une manière digne de fixer l’attention du philosophe et du législateur. Ils démontrent et confirment cette vérité, que l’on n’attaque pas les principes providentiels sur lesquels repose l’existence morale des socié- tés, sans que la perturbation occasionnée par un semblable oubli des lois de la nature ne réagisse d’une manière désas- treuse sur l’existence même des êtres et sur la tranquillité des États. , L’étude de la population peut être envisagée sous des rapports bien différents, et donner naissance à diverses sciences plus ou moins curieuses, plus ou moins utiles selon les contrées. L’examen de la nature des races, du degre respectif de leur intelligence et de leur aptitude , de la force physkiue, de l’énergie morale qui les caractérise respecti- vement, constitue autant de questions intéressantes pour les progrès de la science de l’homme en général ; mais les peuples et les gouvernements resteront encore bien long- temps sans tirer parti de ces graves investigations et ino logiques. Il n’en est pas toutefois de même des rcsultats XIV INTRODUCTION GENERALE. que l’observation peut déduire de l’étude des hommes réunis en sociétés, sous le point de vue de leurs conditions diverses, de leur genre de vie, de leurs habitations, de leurs travaux, de leur éducation , de leurs vices et de leurs mœurs , consi- dérés comme influant sur les lois de la génération et de la mort , ces deux pôles de l’existence vitale sur laquelle re- posent la force et la puissance des nations. Les applications que l’on peut faire de ce genre d’étude, soit à la législation et à la politique en général, soit à l’économie sociale et à l’hygiène publique en particulier, sont aussi nombreuses que transcendantes; et l’on peut assurer que la majeure par- tie des avantages positifs qu’ont les peuples modernes sur les peuples anciens proviennent de ces sources abondantes d’investigation pratique. Notre séjour à Cuba nous mit en présence de questions sociales aussi nouvelles qu’intéressantes et qu’il nous était impossible d’exclure de la sphère de nos recherches. C’était d’ailleurs un devoir pour nous d’approfondir la na- ture des perturbations que subissent les lois naturelles par l’effet des lois sociales , en ce qui concerne la population , précisément en des lieux où la nature, pleine de vigueur et de puissance, obscurcit, par la splendeur de ses produc- tions variées, les efforts débiles de l’industrie humaine. Mais cet examen supposait la réunion préalable d’un grand nombre de données exactes qu’il ne dépendait pas de nous d’obtenir et contre l’investigation desquelles luttait et lutte encore la crainte de trouver de plus notables preuves à l’appui du principe social que nous avons déjà posé. Quoi qu’il en soit , il est bien certain que les recensements de population qui ont été faits a Cuba a differentes époques pèchent tous par le même défaut, commun d’ailleurs à tous ceux rédigés dans les autres îles où existe l'esclavage. Nous avons suppléé en partie a cette absence de documents exacts, nécessaires pour appuyer nos observations, et en faire sortir triomphants les principes auxquels nous sommes dévoué, au moyen de l’étude attentive et minutieuse des lois de la population au milieu de laquelle nous vivions et d’une in- XV IXTRODUCTlO^f GÉNÉRALE. vestigalion com[)arative des phénomènes que présentent les autres Antilles. Ceux qui liront avec soin notre chapitre Population pourront se faire une idée de la nature de nos études et de l’étendue du travail qu’elles supposent. Afin de faciliter la compréhension des arguments arides et des tableaux fatigants qui forment la hase de ce chapitre, nous avons transformé en courbes exactement calculées et tracées leurs résultats principaux; le lecteur pourra ainsi, sans fatiguer son attention , se rendre compte, d’un seul coup d’œil, du mouvement de la population com- plexe qui habite le sol cubanéen, ainsi que des lois que nous nous sommes proposé de découvrir. L’occupation principale du peuple de Cuba est l’agri- culture, l’industrie rurale et le commerce, puisque, jusqu’à présent, l’industrie manufacturière est nulle et que les arts ne s’exercent pas d’une manière assez générale et assez productive pour former les éléments d’une grande richesse. L’extension de l’agriculture et de l’indus- trie rurale cubanéennes déterminée par les surfaces qu’elles occupent, leur importance calculée d’après les produits qu’elles donnent, et l’état de leurs progrès résultant des méthodes qu elles emploient, sont autant d’autres sujets aussi nouveaux, aussi intéressants que les précédents , et dignes d’une observation profonde à cause de leur notable influence sur l’histoire présente et future de cette riche possession. En effet, la culture de ces fertiles régions des climats tropi- caux a été peu étudiée jusqu’ici; car, si l’on en excepte quelques voyageurs modernes pourvus de vastes connais- sances scientifiques, les autres étaient meilleurs observa- teurs de mœurs et de coutumes que savants et agriculteurs. Et cependant l’attention de tous devait être vivement ex- citée par un système de culture si différent de celui adopté en Europe; l’un dans lequel tous les efforts qu’exige la pro- duction paraissent uniquement dus à la vigueur spon- tanée de la nature , l’autre où ils sont un effet du travail et de la patience de l’homme. Le premier, pratiqué d’ail- leurs sur des terrains vierges, d’une fertilité prodigieuse, XYj INTRODUCTION GÉNÉRALE. SOUS un ciel si doux , que le laboureur n’y est jamais in- quiété par les rigueurs des hivers, présente, comme lois eonstantes, les earactères de la facilité dans les moyens, de l’abondance dans les produits, deux choses qui sont seulement exceptionnelles dans les régions froides et dans une grande partie des climats tempérés. L’influenee réci- proque de cette fertilité et de cette faeile production sur l’état arriéré des méthodes agronomiques , et de celles-ci sur la décadence de la première , méritait d’être appréciée et déterminée, parce que ces pays sont destinés à un avenir qui n’est pas indépendant de l’état de leurs pratiques ac- tuelles. En cherchant à jeter quelque jour sur ees questions, nous avons entrepris l’étude de l’agrieulture cubanéenne, moins dans le but d’en écrire l’histoire que pour reehereher quel est son caractère distinetif, le mérite des éléments naturels et politiques qui la constituent, les richesses quelle absorbe , la valeur de ses produits et de ses revenus. Pour résoudre ees questions, nous avons dû discuter un grand nombre de données seeondaires qui n’avaient pas encore été employées ; nous donnons le tableau de chaque culture , nous en calculons les avantages respectifs , nous indiquons les viees communs à tout le système , nous signalons les réformes qui nous paraissent opportunes, et nous terminons en faisant un ealcul du capital , des produits et des revenus de l’agrieulture et de l’industrie rurale cubanéennes. Si les conséquences que nous déduisons des résultats obtenus ne sont pas d’une exaetitude rigoureuse, les leeteurs im- partiaux reconnaîtront qu’il n’était pas possible de les obtenir du petit nombre de documents positifs dont nous avons pu disposer pour exécuter notre travail. Un objet plus important , relatif à la culture des cam- pagnes cubanéennes, fixa ensuite notre attention; il s’a- gissait de déterminer l’influence que devait exercer sur ses résultats la condition forcée des ouvriers qu’on y emploie. Cette étude pouvait être, au xviii" sièele, une recherche de simple euriosité , alors que l’on regar- dait comme inattaquable le prineipe de l’esclavage des XVII iN ruonucTiüX générale. nègres, et que tous les vices du système pouvaient être compensés par une augmentation des bras destines a la culture. Mais depuis que les efforts d’un État puis- sant , secondés par une opinion presque unanime , ten- dent à mettre un terme à la traite, toutes les questions relatives au travail exécuté par des ouvriers esclaves ont acquis une importance vitale. En traitant donc de la cul- ture de File de Cuba, il nous était aussi difficile de pas- ser ^sous silence les vices qui sont inhérents à la condition des" cultivateurs , qu’il eut été inexcusable, en écrivant sur la population cubanéenne, de ne pas recherchei- l’in- fluence que cette même condition exerce sur les lois de la génération et de la mortalité. La nature de nos études et les circonstances particulières du pays que nous décri- vons nous ont amené à discuter des questions de la plus haute importance et de l’examen desquelles nous eussions voulu ne pas nous charger ; mais nos vues, en rédigeant cet ouvrage, embrassent bien plus l’avenir que le présent, et cette considération nous a aussi engagé à enrichir notre chapitre Agriculture d’un grand nombre de données et de réflexions sur ce qui se passe dans les autres Antilles; nous espérons que les habitants de Cuba y trouveront, au mi- lieu de nombreuses remarques très utiles, une preuve irré- fragable de notre impartialité. 11 nous a paru, en effet, indispensable de réunir les documents les plus nouveaux sur l’état des colonies étrangères, documents qui font entrevoir un avenir peu prospère, par suite du change- ment, d’ailleurs inévitable, qui s’y opère dans la condition des cultivateurs. L’intérêt de ce problème, reconnu par ceux mêmes qui craignent de l’examiner, nous a décidé à lui donner une large place dans cette introduction. Les riches productions de File de Cuha forment la base de son commerce extérieur , qu’une politique mesquine chercha en vain, à une autre époque, d’arrêter dans son développement par d’ahsurdes restrictions. Mais Fabon- dance de ses productions rompit les digues du monopole ; elles se répandirent sur tous les marchés du monde, et iNTUoru;cTio> ge>er,u.|'.. i>'TaonuCTio\ générale. donnèrent lieu à un échange d'articles favorable à la con- sommation intérieure, fécond en résultats pour les revenus publics, et avantageux à la civilisation et à la culture intel- lectuelle des habitants de l’île. ISous avons trouvé, dans les archives de la Havane, poui composer notre chapitre Commerce , des documents assez utiles, mais qui eussent pu donner lieu à de graves erreurs, si nous les avions admis sans les soumettre à la plus sévère critique. Après avoir tracé l’histoire générale du commerce de l’île et celle des époques mémorables qu’il a traversées, nous nous attachons particulièrement à celui de la Havane et des autres ports commerçants; puis nous terminons en présentant l’état actuel des relations commerciales qu’en- tretient l’île de Cuba avec la péninsule hispanique elles puis- sances étrangères, le genre et la valeur des objets respec- tivement importés et exportés, en un mot tous les renseï gnernents qui peuvent donner une idée exacte du commerce cuhanéen. Cette partie, comme toutes les autres, est accompagnée des tableaux comparés des autres Antilles , afin que l on puisse mieux apprécier les faits qui se rapportent à l’île de Cuba , et l’importance respective de sa production et de ses relations commerciales. Sous ee point de vue , le chapitre dont nous parlons offre un ensemble de données nouvelles , qui, nous l’espérons, servira à éclaircir plus tard certaines questions intéressantes pour le pays. Lorsque nous écrivîmes le chapitre Re<^enus^ i Renias) de notre Historia econômico-politica , le désir d y rassembler le plus grand nombre possible de renseignements d une ap- plication journalière dans les administrations nous décida à expliquer, sous forme d’introduction, l’origine et les va- riations des divers impôts et rentes publics. Nous avons jugé superflu de réimprimer ce résumé, qu’on pourra con- sulter dans l’ouvrage mentionné, si on le juge à propos, et nous nous sommes borné, dans celui-ci, à présenter l’his- toire des diverses époques de l’administration de 1 île de Cuba, la valeur des contributions sous chacune d elles , les llVTliODUCTlOÎN GÉNÉRALE. capitaux qu’elle reçut du Mexique sous le nom de situa/los, pour couvrir ses dépenses par.iculières et pourvoir à celles des autres provinces annexées à son gouvernement, la série d’ordonnances soit générales, soit locales, qui amé- liorèrent successivement l’état du domaine public et des douanes, les produits des revenus et la valeur des contri- butions et des impôts actuels. . „ . • Après avoir parlé des recettes et des dépenses de 1 admi- nistration cubanéenne, il nous a paru convenable de donner une idée de la force armée de terre et de mer employée dans l’ile, des circonstances qui exigèrent son augmenta- tion à diverses époques, sa répartition sur les divers points du territoire; nous avons cru devoir aussi expliquer le système adopté pour la défense intérieure et extérieure du pays, dans les moments où il s’est vu menaeé. Enfin nous répéterons ici ce que nous avons déjà dit en 1831 ■ pour écrire l’histoire économico-politique, nous nous sommes servi de matériaux que nous avons trouvés épars dans les archives du tribunal supérieur des comptes, de la trésorerie, de la douane maritime, de la junte d’encouragement, de beaucoup de mémoires imprimes sur divers sujets importants, et des nombreux documents qu’ont publiés le gouvernement de Madrid et 1 intendance de la Havane à diverses époques, sur la population, le com- merce et les revenus. Après avoir refondu, pour exécuter le travail entièrement neuf que nous donnons aujourd’hui, tout ce qu’il y avait d’essentiel dans le travail anterieur, nous avons mis en œuvre les données et documents exis- tants à la bibliothèque royale de Pans, à celle des depots de la marine et de la guerre, dans celle si intéressante et exclusivement américaine de M. H. Ternaux-Compans, dans les ouvrages et documents officiels publiés par les gouverne- ments des États-Unis, de l’Angleterre, de la France et de la Belsique.surlecommerce, ianavigationetlesqucstions colo- niales. Nous avons eu soin de citer avec la plus scrupuleuse exactitude les ordonnances royales, les délibérations, les ouvrages et les mémoires qui nous ont servi pour notre iM’RODUCriON GÉNÉRALE. travail, H noiisavons poussé cesoin jusqu’à indiquer les noms de tous les Espagnols recommandables qui ont écrit sur l’ile de Cuba et dont les ouvrages sont parvenus à notre connais- sance, alors même que nous avons préféf évaux^onnées qu ils pouvaient nous offrir, les données semblables extraites xies documents originaux que nous avions entre les mains. Cette manière de procéder de notre part repose sur ce principe, que nous considérons la priorité, dans les indications utiles faites au public, comme un service signalé qui n’est pas exempt de dégoûts et de contre-temps, et qui est d’autant plus digne d’être mentionné. Tous les tableaux que renferme cet ouvrage, et qui sont le résultat d’un système constamment suivi de rapproche- ments et de comparaisons, ont été dressés par nous-même, et extraits des archives, avec un soin scrupuleux, a l’excep- tion de ceux dont nous avons cité les auteurs ; nous n’avons, pour aucun détail de ce genre, mis à contribution la solli- citude attentive et pleine de bienveillance des employés, dont les lumières et les avis nous ont été, du reste , fort utiles. Les données qu’exigeait notre travail devant etre dis- posées d’après un plan uniforme , c’eût été s exposer a d’inévitables équivoques que de les confier à des personnes qui n’en connaissaient pas l’ensemble. D’ailleurs, l’adminis- tration n’explique pas la méthode qu’elle suit dans la rédac- tion de ses tableaux et de ses documents; elle ne dit pas pourquoi, les destinant à divers besoins du service, ces données de statistique et d’économie politique ne sont pas offertes par elle , débarrassées de tout ce qui n est utile qu’à la comptabilité. Cette difficulté, que nous nous effor- cerions en vain d’expliquer à ceux qui ne la connaissent pas pratiquement, a été un des plus grands obstacles que nous ayons rencontrés dans notre rédaction. Il a onc fallu étudier le mécanisme des bureaux à toutes les épo- ques de l’bistoire du commerce et des revenus, découvrir la vérité des faits cachée dans l’obscurité la plus profonde, et surcharger la narration d’avis et de notes indispen- sables, mais fatigants. Telles sont les causes qui ont rendu XXI INTRODUCTION GÉnÉUALE. notre rédaction extrêmement aride, tonte de calcul, dé- pouillée des accessoires du style, et qui nous ont enfin obligé de suivre, avec le plus grand soin, l’unique fil capable de diriger le leeteur dans le labyrinthe de ees diverses époques, en sacrifiant à la clarté et à l’exaetitude tout ce qui pouvait les altéreCc Pour ee qui concerne les hommes émérites placés suc- cessivement à la tête de l’administration publique de l’ile de Cuba, nous nous sommes borné à citer leurs ordonnances et à réunir ce qu’offrent d’essentiel et de caractéristique certaines époques marquées par des eirconstanees parti- culières ou par des réformes utiles , laissant à la postérité le soin de juger de la valeur respective de ehacime d’elles et du mérite des administrateurs à qui elles sont dues. D’après notre plan, l’histoire de la population, de l agii- culture, du eommerce et des revenus devait présenter le tableau de la prospérité de l’île. C’est à la nature même du sujet et non à la partialité de notre narration qu’il faut attribuer le caractère distinctif de certaines époques mar- quées par l’à-propos des mesures et leur application se- condée par le génie des réformes. N’ayant voulu emprunter d’autres couleurs que celle de la simple vérité historiqnt , peut-être nous accusera-t-on d’injüstice pour ne pas avoir accordé, aux travaux importants exécutés dans ces dernières années, le tribut d éloges qu ils méritent. Malgré tout le soin que nous avons donné à la rédactioii de cet ouvrage, malgré le grand nombre de matériaux qui nous ont servi pour l’exécuter , nous reconnaissons qu il est défectueux en quelques-unes de ses parties. Les causes qui ont contribué à augmenter cette imperfection ont été bien plus fréquentes depuis notre retour en Europe que durant notre résidence à Cuba , parce que le projet que nous avions formé de prolonger notre séjour à P.uis, jus qu’a ce que nous eussions terminé la rédaction de nos grands travaux, ne put se réaliser à la suite d obstacks in dépendants de notre volonté. Appelé dans la rcmusulc pour y remplir des devoirs politiques, distiail de iiotn introduction générale. travail par des missions d’un autre genre, nome attention fut constamment divisée entre le soin qu exigeaient la pub i- cation que nous suivions à Paris, l’accomplissement de nos fonctions à Madrid, des voyages en pays étrangers, et la rédaction d’autres ouvrages qui parurent à la meme époque. Il était donc impossible que notre rédaction ne se ressentît pas de toutes ces préoccupations au milieu d une telle complication d’affaires diverses. Depuis que nous avons quitté l’île de Cuba, où nous consacrâmes douze années à l’étude du pays et à la réunion des matériaux nécessaires pour la composition de cette œuvre, notre exis- tence a été incessamment remplie par des travaux, des recherches et des voyages multipliés qui ne nous ont laisse aucun repos. Nous eussions désiré pouvoir consacrer ex- clusivement une portion de notre temps a l’achevement e nos recherches sur Pile de Cuba; mais , aujourd’hui, qiiel est l’Espagnol qui peut compter sur l’avenir et esperer de réaliser ses projets, lorsqu’il ne voit encore rien de conso- lidé et de stable dans son propre pays? En avouant d a- vance les imperfections qne pourra présenter notre ouvrage, notre franchise doit être un garant de la satisfaction et de la gratitude avec lesquelles nous recevrons toujours les ob- servations qui tendront à le corriger et à le rendre meilleur. INTKODÜCTION GENERALE. xxni ■i. • M'ERÇU GÉNÉRAI, SUR L’HISTOIRE DE L’ILE DE CUBA. Tel esl l’ensemble de sujets et de moyens qu’embrasse le travail que nous donnons aujourd’hui et dont 1 etude assidue aura pour résultat, nous le croyons du moins, de bien faire connaître les faces diverses sous lesquelles nous avons envisagé l’ile de Cuba. Mais, au milieu de tant de détails, l’esprit, fatigué de cette variété de données, de faits et de considérations, exige du repos, et l’attention s aire e pour découvrir, dans un ensemble historique si complexe, quelques époques principales, nettement caractérisées par la erandeur ou par la nature des progrès obtenus, pai la tendance des événements, et par les prévisions que l’on peut en tirer pour l’avenir, si loutefois il est permis de l’interroger. On saisit avec plus de facilité les poin s saillants par cet aperçu général que par l’étude des e- tails; ainsi le géologue juge bien mieux de la hauteur a - solue et relative des montagnes, quand il peut les examiner d’un point culminant. Alors les événements locaux et tian- sitoires disparaissent avec les faits d une '^J®tn secon daire , tandis que les grandes époques de 1 histoire des peuples se montrent dans toute leur importance. En appliquant à l’histoire de l’île de Cuba ce système d’investigation générale, nous croyons pouvoir y saisir quatre grandes périodes, dont les limites embiasseii son existence passée, présente et future. I.a première , ante- rieure à la découverte du nouveau monde par Colomb, nous est à peu prés inconnue; car les lails o isents par les voyageurs d’alors, en nous permettant de tracer une XXIV INTRODUCTION GENERALE. esquisse de l’état du pays à l’époque de sa conquête, ne nous fournissent pas de lumières suffisantes pour en écrire l’ his- toire. Il résulte de leurs relations que les habitants de ces contrées, d’un caractère doux et simple, s’adonnaient à l’agri- culture et qu’ils s’étaient constitués politiquement en peu- ])lades plus ou moins nombreuses ; leur territoire était divisé en provinces dont l’histoire a conservé les noms et dont on |)eut tracer les limites au moyen des remarques des voya- geurs (1). Le maïs, le manioc {jucca'^:, les bananes^ les pa- tates, une grande variété de fruits sauvages et de légumes; les produits de lâchasse et de la pêche satisfaisaient ample- ment aux besoins de ces indigènes qui ne connaissaient ni les exigences de l’habillement, ni le luxe de la parure. Rete- nus dans les limites de leur île, par la crainte que leur cau- saient les Caraïbes du continent et de quelques îles voisines, il vivaient sans relations avec les autres peuples. Mais cet isolement ne cache cependant pas une origine inconnue, car l’observation de leurs mœurs et l’étude de leur langue dé- montrent qu’ils appartenaient à une des grandes races du continent américain , laquelle avait peuplé les îles An- tilles à une époque peu antérieure à celle de leur décou- verte. La seconde période de l’histoire de Cuba embrasse plus de deux siècles et demi. Aux faits intéressants qui , durant cette époque , signalèrent la conquête des Espagnols, il faut joindre ceux qui se rapportent à la fondation des villes , à l’organisation du gouvernement , de 1 adminis- tration, des tribunaux et des autres institutions. Toute- fois , bien que les conquérants eussent jeté ces bases fondamentales de toute colonie , la population , l’agri- culture et le commerce ne progressèrent pas en raison de la longue période parcourue et des circonstances heu- reuses dans lesquelles l’île se trouvait placée. L édu- cation du bétail, l’exploitation des mines de cuivre et la i) Voyez la carte de M. de la Tovre, dont il a été question ci-dessus dans une note. INTRODUCTION GENERALE. XXV culture de quelques denrées nécessaires a la subsistance de la nouvelle population furent les seuls travaux auxquels se livrèrent les premiers colons , c[ui ne s’établirent d ail- leurs sur ce sol que temporairement. Les produits peu im- jwrtants de leur industrie naissante ne pouvaient offrir de grandes ressources au commerce extérieur , contrarié du reste dans son principe par le système vicieux du mono- pole; aussi Cuba n’était-elle alors qu un point militaire avancé où s’organisaient les expéditions destinées a de nouvelles conquêtes. L’heureux succès de celles-ci, l’ac- quisition continue d’immenses richesses métalliques dans les belles régions successivement annexées à la couronne de Castille , en excitant la cupidité des premiers émi- grants , leur firent abandonner un territoire qui , pour ré- compenser les peines des explorateurs , exigeait de plus grands sacrifices. Le commerce suivit donc les routes ou- vertes, parla conquête, vers le Nouveau-Mexique, la Côte- Ferme et le Pérou; néanmoins les navires qui relâchaient sur les côtes de Cuba, et surtout à la Havane pour y pren- dre des vivres, ne cessaient d entretenir 1 esprit mercantile parmi les colons de cette île. La canne à sucre, introduite des Canaries à Saint-Do- mingue et de là à Cuba , se cultivait aux environs de la Havane, et le tabac des districts privilégiés obtenait déjà en Espagne le renom que lui ont valu ses excellentes qua- lités. Ces deux productions eussent pris un rapide accrois- sement, si le monopole n’eût aussi étendu sa mauvaise in- fluence sur les cultures , en intervenant d une manière absolue sur celle du tabac et en imposant des conditions tyranniques à celle de la canne. Dans cet état de choses plutôt fait pour paralyser que pour activer le progrès, la sollicitude toute particulière accordée à d’autres régions fit oublier l’île de Cuba; aussi la sécurité de ses habitants fut-elle très-fréquemment com- ]n-omise d’une manière sérieuse par les incursions des fli- bustiers, qui répandaient la terreur et la désolation sur les côtes, et jusque dans les districts de l’intérieur. L histoire \.\VI de cette époque dies qui réduisi INTRODUCTION GENERALE. 3 époque fait souvent mention de pillages et d inceii- i réduisirent en cendres des villes entières, et plon- gèrent dans la misère les premiers colons. Et, comme si tant d’obstacles et de désastres n’étaient pas suffisants pour retarder les temps heureux que méritait ce beau pays , les guerres maritimes vinrent interrompre la régulante des communications et ravir aux spéculateurs , mal préparés a des pertes considérables et souvent répétées , leurs légi- times espérances. Cependant l’ile de Cuba finit par attirer l’attention et même par exciter l’envie des nations européennes, rivales de la puissance espagnole. Il ne pouvait en être autrement depuis que l’on avait reconnu tout ce que cette de possé- dait d’éléments capables d’y développer une immense ri- chesse, et que l’on s’était rendu compte de l’importance de sa position si favorable à l’entrée du golfe du Mexique, alors le centre du commerce européen dans le nouveau monde. Les prétentions de la Grande-Bretagne, entre autres, se montrèrent d’une manière décisive et inattendue, lorsqu’en 1762 elle vint attaquer l’île et prendre possession du port et de la ville de la Havane. Cette attaque eut pour résultat de fixer les regards du gouvernement espagnol sur ce riche fleuron de la couronne de Castille, dont jusqu alors il avait à peine daigné s’occuper. Toutes les mesures que l’on prit pour sa défense et sa conservation damnt de cette époque. En effet, l’accroissement de sa production, la nécessité de la favoriser comme base de la richesse et du progrès, dictèrent, aune administration devenue meil- leure, les différentes mesures nécessaires pour y arriver, l’établissement des bureaux de douanes , la liberté du commerce avec tous les ports péninsulaires, la protection spéciale des cultures, la libre admission des negres pour les exercer sur une plus large échelle, et toute- a serie do réformes uui signala les dernières époques de cette XXVll INTRODUCTION GENERALE. partie du xvm% que se prépara la grande réaction qui dévoila plus tard au monde toute l’étendue des forces pro- ductives du sol fertile de Cuba , favorisé par le climat le plus beau. Les efforts des intérêts privés, le développe- ment des lumières , le contre-coup de quelques graves événements extérieurs qui tournèrent a l’avantage du pays, et un certain instinct de progrès inné chez les populations , furent pour la colonie des éléments d’excitation, qui, en re- veillant l’énergie de ses habitants, leur promettaient un avenir meilleur. Dans la partie correspondante de cet ou- vrage, nous avons fixé l’attention sur ces secousses inté- rieures qui marquaient l’âge dans lequel entrait le peuple cubanéen, sa confiance dans ses propres forces et son désir de les exercer afin de montrer toutes ses ressources. Nous arrivons enfin à la troisième période de 1 his- toire de Cuba, non dun seul bond, mais par une suite d’améliorations conquises successivement au moyen d une persévérance opiniâtre qui augmente la gloire du vainqu^r parce quelle témoigne de la noblesse de son caractère, es circonstances particulières eurent d’ailleurs la plus grande influence sur ce nouvel état de choses, en hâtant d une manière rapide les progrès de l’agriculture cubanéenne; telle fut la révolution de Saint-Domingue qui détruisit toutes les riches cultures de cette belle colonie.^ I^une d’elles, entre autres, celle du café, rencontrait a Cu a toutes les conditions favorables à son développement , en même temps que les cultivateurs émigrés y trouvaient la protection et l’hospitalité dues à leur malheur. Lescam pagnes cubanéennes s’enrichirent ainsi dune nouve e plante aussi avantageuse que facile à cultiver; 1 oigani sation des plantations fut améliorée au moyen des con- seils et de l’expérience des nouveaux colons; la produc tion et l’exportation furent favorisées par des mesures bien entendues. Les planteurs, tranquilles désormais dans la poursuite de leurs travaux, s’enrichirent facilement pai d’abondantes récoltes et des ventes avantageuses, qui s ac- crurent â un tel point, que non-seulement les navires espa- Xxvni i;STRODUCTlON GÉNÉRALE. frnols ne sufïirent bientôt plus à l’écoulement des pro- duits, mais que les marchés de la Péninsule ne pou- vaient les consommer entièrement. Ce fut alors que, par le triple concours de la raison , de la justice et de la nécessité , on obtint, en faveur delà production cubanéenne, cette liberté de commerce avec toutes les puissances étrangères si importante pour elle, et contre laquelle cessait enfin de lutter le système du monopole et des privilèges. De cette époque date le grand développement de la production , qui attira le commerce étranger dans les ports de l’île, en même temps que ses demandes répétées tendaient à l’en- courager, développaient de toutes parts une vie active et prospère, véritable adolescence de la colonie, et qui la fit sortir de l’état précaire dans lequel elle s’était trouvée jus- que-là, en témoignant ainsi de la révolution économique qui s’y était opérée. Avant cette heureuse époque, les re- venus de Cuba étaient fort loin de couvrir ses dépenses, mais depuis ils y satisfont amplement, et elles ont permis d’améliorer son organisation intérieure , d’édifier le crédit sur les revenus mêmes de file, d entreprendre et d’achever des travaux surprenants que l’on n’a pas même essayés dans la métropole, et enfin de secourir efficacement la mère patrie dans ses disgrâces. A partir du jour où la liberté du commerce fut proclamée à Cuba, la population, la culture, les produits agricoles, l’é- conomie rurale, les exportations, la consommation , les re- venus y ont suivi une progression ascendante très-rapide. Les résultats de nos recherches et de nos calculs dé- montrent qu’aiijourd’hui file de Cuba possède un capital agricole de 3,190,000,000 de fr., qui donne annuellement 525 millions de fr. de produits variés; il s’en exporte pour une valeur de 1 00 millions de fr. en échange de pro- ductions et de marchandises étrangères dont la valeur s’élève à 125 millions. Cet échange mutuel donne au trésor plus de 35 millions de fr., qui constituent la partie princi- pale d’une somme de 56 millions de recette générale, avec lesquels une administration bien entendue fait face, nou- XXIX INTRODUCTION GÉNÉRALE. seulement à toutes les dépenses du pays, mais peut encore mettre de côté 20 millions, destinés à couvrir certaines exigences intérieures qui lui ont été imposées et les fréquentes demandes que lui fait la métropole. Nous nous sommes oc- cupé, dans différents chapitres de cet ouvrage, d’analyser les causes de cette richesse et d’indiciuer les sources de ces revenus, non-seulement d’une manière absolue, mais en- core en les comparant à ceux que possèdent et que donnent les autres Antilles; les chiffres dont nous .nous, sommes servi, d’ailleurs plutôt réduits qu’exagérés, font ressortir d’une manière toute particulière les avantages et la supé- riorité de Cuba sur les colonies voisines. L’étude que nous avons faite de toutes ces îles nous a mis en état de les embrasser d’un point de vue général, et de pouvoir les ramener à des conditions et à des circon- stances semblables. Nous sommes arrivé de cette manière à reconnaître que le développement de la production des denrées coloniales et de leur consommation par l’Europe a accéléré la révolution économique dont nous avons parlé au sujet de Cuba; quelles ont motivé les réformes administratives et les concessions commerciales faites aux Antilles sur une plus ou moins grande échelle, selon que cela était à l’avantage des métropoles respectives, ou qu’elles cédaient à l’empire de la nécessité. Malheu- reusement, dans l’histoire du progrès même des nations , l’examen attentif des moyens qui l’ont amené conduit toujours à y reconnaître quelques vices sérieux, que les préoccupations ou les erreurs des époques , l’aveugle- ment des intérêts privés et le défaut de prévision des gouvernements, ont fait naître et se développer avec les germes mêmes de la prospérité. Les résultats de ces vices sociaux sont, chez la plupart des peuples de l’Europe, l’in- stabilité des institutions, la disproportion entre les dé|œnses et les revenus, l’entretien de moyens coûteux destinés a donner force à la loi, le mal-être des classes industrielles, la contradiction entre les mesures tendant à dé^elopper le pio(;rés matériel et les résultatsdu progrès moral, etc. ; dans INTRODUCTION GÉNÉRALE. les colonies, ce sont la cherté des moyens de production , la dépréciation dans laquelle est tombée la propriété territo- riale, le peu de développement du commerce intérieur, la raéüance qu’inspire la classe des cultivateurs, la position dans laquelle se trouve le propriétaire, conlinuellement bercé entre la crainte et l’espérance , et enfin l’incerti- tude de l’avenir, qui est devenue générale, dans ces der- nières années. Sans prétendre déterminer ici les causes plus ou moins actives de perturbation qui peuvent exister chez les na- tions européennes, comme résultat de vices anciens dans leur organisation politique , nous ne pouvons nous empê- cher d’indiquer ceux qui se sont introduits dans l’organi- sation économique des Antilles, et en partie de l’île de Cuba. Ces abus se sont fait sentir d’une manière très-grave et ont imposé aux divers gouvernements qui possèdent ces colonies l’obligation d’asseoir leur organisation sur des bases moins précaires. De là est résultée cette réforme dont les péripéties constituent la quatrième et incontestable- ment la plus intéressante époque de l’histoire de ces îles ; chez les unes elle se prépare , chez d’autres elle se manifeste seulement , chez le plus grand nombre elle est en voie sérieuse d’accomplissement et de progrès, bien qu elle ne soit , chez aucune , ni terminée, ni suffi- samment assurée pour inspirer de la confiance sur son utilité et ses avantages. Relativement à l’île de Cuba, cette quatrième époque de son histoire appartient bien plus à l’avenir qu au présent, mais les causes qui l’ont précédée dans les autres colonies exercent déjà dans celle-ci uneinfluencesi puissante, que, une fois la nécessité reconnue d’adopter des moyens semblables et le pays forcé par l’empire des circonstances de les sanc- tionner, il peut déjà être considéré comme essayant ses pre- miers pas dans la période dont il est question. Une des principales fautes qui ont été commises dans l’organisation économique de l’île de Cuba est celle de faire dépendre presque toute sa richesse du commerce ex- INTRODUCTION GENERALE. (érieur, eu limitant le cercle des cultures à un petit nombre de denrées, non exclusives, mais, au contraire, dune production facile et abondante dans d’autres contrées. Il en est résulté que la prospérité du pays s’est trouvée res- ireinte dans ses ressources territoriales, qui elles-memes avaient à souffrir des variations indéterminées et impre- vues. Dès lors les oscillations de la fortune publique ont été si fréquentes, qu’elles dépendaient seulement du prix de deux denrées sur les marchés européens. Et, bien que l'expérience dût avoir enseigné aux colons a être plus ré- servés et plus prévoyants dans l’augmentation du nombre des sucreries et des cafèteries , ils les ont cependant mul- tipliées, comme si Cuba devait seule fournir au monde le café et le sucre qu’il consomme. D’autre part, ce pays , si éminemment doté par la nature sous le rapport de la fertilité du sol, demandait à des con- trées moins favorisées et achetait à des prix élevés un nom- bre considérable d’objets aussi nécessaires à la consom- mation qu’à l’industrie et que les champs de Cuba eussent pu produire presque spontanément; le commerce n’avait établi ses factoreries que dans les ports, fuyant l’intérieur, qui n’offrait pas d’éléments assez lucratifs aux spéculations: l’agriculture, exercée sur des terres étendues et d’un en- tretien trop coûteux , consacrées à un petit nombre de pro ductions spéciales et séparées quelquefois des marchés par des déserts, absorbait d’immenses capitaux, qui, mieux employés, auraient pu fertiliser toutes les parties de 1 de; enfin le système adopté pour la culture, exigeant plus de force que d’intelligence de la part des cultivateurs , avait fait préférer les bras esclaves aux bras libres et introduire dans le pays une population étrangère soumise à une con- dition dégradante pour l’humanité. Dans le chapitre Agriculture^ nous avons traite de in- fluence pernicieuse qu’exerce l’esclavage en s opposant au progrès rationnel des pratiques agronomiques et en rendant impossible l’introduction des principes sages et éproims de la science. Cette influence a été l’nne des causes es p ns XXXll INTRODUCTION GENERALE. puissantes qui ont limité et cireonscrit la sphère de l’in- dustrie rurale de l’île de Cuba à un petit nombre dc plantes, dont la culture en grand pouvait être exercée par la force aussi stupide que mal dirigée d’esclaves abrutis. La science des champs, transformée de ia sorte en une pratique matérielle, les ouvriers furent considérés comme des machines, dont les produits étaient en raison directe de leur force motrice ; et par conséquent l’ambition des entre- preneurs de ce genre d’industrie dut se borner à accroître, ^ ,autJipt que possible, cette puissance brute, puisqu’ils possé- daient àl excès 1 autre élénient auquel elle s’applique, le ter- rain. Ce sont là les principes qu’ont suivis et que suivent en- core les fabricants de l’Europe, quand ils appellent autour d eux les populations malheureuses que la faim enchaîne dans les ateliers, à cette différence près, que, pour le nègre récemment sorti d’une vie presque sauvage, l’influence de l’esclavage, qui se réduit au sommeil de l’intelligence et au retard de 1 éducation, est infiniment moins funeste que la vie de l’atelier commun ne l’est au jeune ouvrier euro- péen, qui y dégrade sa constitution physique, son activité intelligente et sa pureté morale. Notre but ici n’est ni de critiquer ni d’anathématiser les calculs de l’intérêt privé, dont les vices ont leur source dans la meme organisation industrielle, tolérée et encouragée par les gouvernements, mais d’énumérer les faits relatifs à l’agriculture des An- tilles, pour en tirer dés à présent telle ou telle consé- quence. La population esclave est devenue nécessaire dans ces îles, par suite de la grande étendue des plantations et du système agricole que l’on y suit. Avec l’aide d’aussi robustes bras, la production a dû s’augmenter, les fortunes parti- culières se sont accrues, et la fortune publique a pris ce développement que lui assure un commerce actif. Les gou- vernements européens voyant croître la production , qui devait augmenter les échanges contre les marchandises du continent et leur fournir les éléments d’une marine respec- table, n envisageant cette grande question d’économie po- XXXIII INTUODUCTION GENERALE. litique que sous le point de vue du progrès et de la richesse matérielle continuèrent à élever l’édifice de cette prospérité, sans examiner les bases sur lesquelles elle reposait et la trace qu’elle laissait sur le sol. Les pertes fiéqucntes de bras africains, occasionnées par le travail violent de la fa- brication du sucre et par l’excès de la mortalité sur les naissances ( 1 ), excès qui paraît inhérent à l’esclavage, étaient facilement réparées au moyen de l’introduction de nombreux chargements de noirs, dont les abondants pro- duits en sucre et en café couvraient bientôt le prix de leur achat. C’est ainsi que s’est accrue la population d’origine africaine dans les Antilles, en créant un état social mons- trueux, en contradiction directe avec les progrès de la civi- lisation , et avec la tendance même des colonies vers un ordre politique qui leur permet le libre exercice des droits dont jouissaient leurs métropoles. Les résultats immenses de l’application d’une force hu- maine vigoureuse à la culture de ces champs étaient évidents pour tous ; mais ce qu’on ne pouvait voir ni observer aussi facilement, c’étaient les germes corrupteurs que le système de l’esclavage semait dans les institutions , et dont l’in- fluence pernicieuse , en attaquant la société entière , frap- pait l’éducation, la morale publique et privée, l’économie générale et particulière des propriétés, l’administration in- térieure et les relations commerciales. Cependant on eût dû reconnaître à priori, et sans qu’au- cune expérience funeste vînt à le démontrer, que, tôt ou tard, on recueillerait des fruits amers d’un système écono- mique qui, en accordant une préférence exclusive aux produits matériels d’une partie nombreuse de la popula- tion, négligeait par cela même complètement ses intérêts moraux. H est donc facile de prédire à l’Amérique comme à 1 Eii- (0 Dans lo chapitre populnlion, nous traitons de oc phénomène interes.sani , ainsi cpic du degré infèiiciir de fe'eondilé des mariages esclaves sur les mai iages dos hommes libres. ISTUODUCTION CEMLIVALE . \XXiV INTRODUCTiON GÉNÉRALE. J üpc une catastrophe épouvantable, si les intérêts moraux (lu peuple y restent longtemps livrés à la lutte violente de l’ambition et de l'égoïsme, et si l’on y néglige aussi l’amé- lioration sociale des classes inférieures , pour ne s’occuper f|ue de la richesse et de la puissance des États. Toutefois le progrès du vice dominant de l’organisation coloniale ne suivait pas des voies assez occultes pour ne pas être aperçu de l’élite des esprits observateurs et des gouvernements les plus éclairés; aussi les vit-on s’occuper (le concert à remé- dier au mal en pourvoyant à l’instruction de la population esclave et en la préparant au changement que réclamaient la raison, l’équité et les convenances publiques. Mais, comme toute mesure partielle était inelFicace tant qu’on ne taris- sait pas la source qui alimentait continuellement cette po- pulation, on pensa arriver à ce but en mettant fin à la traite sur les côtes d’Afrique. Cette grande mesure, à laquelle se préparaient depuis des années les colonies occidentales de la Grande-Bretagne , devait devancer la réforme sociale dont nous parlons, et qui constitue , comme nous l’avons dit , la quatrième époque de l’histoire des Antilles. Après avoir traversé les périodes d’une longue et inutile enfance, d’une courte et trop active jeunesse, durant laquelle elles n’ont atteint leur développement physique qu’aux dépens de leur progrès moral, ces contrées paraissent entrer dans la virilité des peuples modernes avec une vigueur qui ne s’affaiblit pas, car elles sont toujours favorisées du même ciel et bien ré- solues à se corriger des défauts de leurs premières années. Pour étudier les divers caractères et les circonstances de cette quatrième époque, relativement à l’île de Cuba, qui commence à y entrer, nous nous voyons forcé d’examiner la situation des autres îles déjà soumises aux conditions de cette nouvelle existence sociale. Nous ne nous livrons à cette étude qu’avec une certaine crainte, en réfléchissant à l’im- portance du sujet et à la difBculté de le traiter sans blesser quelques intérêts, et sans contrarier quelques opinions; mais, d’un autre côté, il nous semble que ce serait presque XXXV ÏNTRODUCTION GENERALE. im crime à nous de tenir plus longtemps nos observations secrètes et d’étoulFer, par de vains scrupules , l’expression franche et sincère d’une vieille et profonde conviction fruit de l’expérience et de l’étude. Cette conviction s’est affermie encore au récit des événe- ments remarquables de l’histoire de l’émancipation des An- tilles britanniques. Voué depuis longues années à l’étude des intérêts de Cuba, que nous ne pouvons séparer de ceux de l’humanité et de notre patrie , ayant réuni toutes les données qu’il nous a été possible pour la faire connaître sous ses divers aspects, après avoir cherché à hâter ses progrès par tous les moyens qui étaient en notre pouvoir, nous croyons avoir acquis quelques droits à lui soumettre nos observations sur son avenir. En accom- plissant cette tâche, nous nous interdisons toute allusion à ses fautes passées, parce qu’elle ne peut en être responsable, et nous nous bornons à la mettre en garde contre les chan- ces d’une réforme qu’elle se verra forcée d’introduire dans l’économie intérieure de scs cultures et dans l’organisa- tion du peuple qui vit sur son soi. Nous regardons l’émancipation comme un fait inévitable, dont nous ne discuterons ni les avantages ni les incon- vénients ; car nos raisonnements ne pourraient ni le retar- der ni l’empêcher. Toutefois, ayant cru reconnaître de grands vices dans la manière dont il s’est opéré en d’autres colo- nies , nous regardons comme un devoir sacré de chercher à en garantir ceux pour qui nous écrivons, en les invitant à diriger la. solution théorique du problème de la liberté des nègres vers un but tout autre que celui vers lequel il s’achemine dans la pratique, parce que nous le jugeons plus conforme aux bases morales des sociétés humaines. L’entreprise que nous allons poursuivre est aussi difficile que délicate ; nous pouvons blesser certains intérêts, nous avons à exercer parfois une censure sévère. Sur le pre- mier point, l’urgence du remède nous servira d’excuse, et, quant au second, l’idée du grand pouvoir et du cabinet influent que nous censurons fera passer sur l’énergie de XXXVI INTRODUCTION GÉNÉRALE. nos paroles et sur notre opposition à l’établissement de quelques principes que nous avons toujours condamnés. La doctrine sociale que nous suivons est une et indivisible , soit que nous l’appliquions en Europe à l’orgnisation in- dustrielle, dans le but d’améliorer la situation de l’homme libre, soit que nous nous en servions dans l’organisation des Antilles, pour relever la condition de l’homme esclave. Placé dans la nécessité de condamner la seconde, nous ne le ferons pas avec moins d’énergie que nous n’en mettons à frapper la première, et, fort de notre conviction, nous ne demanderons que de voir méditer avec la meme impar- tialité notre examen d’une des questions les plus graves et les plus transcendantes de l’époque. INTRODUCTION GÉNÉRALE. XXXVll CONSIDÉRATIONS SUR L’état présent des Antilles. L’émancipation des esclaves dans les Antilles doit avoir pour but deux grands résultats , l’un économique, l’autre moral : fonder l’agriculture de ces contrées sur des prin- cipes scientifiques ; réorganiser la propriété rurale sur la base solide de la valeur du territoire et non sur l’appui trop précaire des bras qui la cultivent ; étendre la spbère des travaux agricoles en appliquant à de nouvelles entre- prises le capital aussi paralysé que hasardé qu’on y expose; réduire les frais de la production en l’allégeant de l’intérêt énorme de ce capitale! en substituant les salaires a 1 acbat; agrandir le rayon commercial au moyen de l’accroissement qu’éprouverait la consommation si l’on réintégrait une race entière dans ses jouissances sociales , et augmenter l’acti- vité du trafic intérieur , par la nouvelle existence donnée à la population régénérée ; tel devrait être l’objet de la tendance économique. Quant au résultat moral, l’émanci- pation devrait tendre à rehausser tous les sentiments mo- raux dans la, race avilie ; à lui procurer les bienfaits de l’éducation ; à la faire participer aux avantages de la civi- lisation , en resserrant au milieu d’elle les liens de la fa- mille ; à fonder son existence sur la base du travail , im- posé non comme une peine , mais comme une condition inhérente à la nature sociale de l’homme; à pourvoir à son avenir , afin qu’elle ne recueille pas la misere et 1 infor- tune comme prix de son activité; à constituer enfin cette nouvelle population sur des principes tels, qu’au sortir de l’esclavage, qui pourvoyait à. sa subsistance, elle ne perde pas l’espérance de la conserver en acquérant la liberté. A notre avis, ces deux résultats divers devraient s obt<'- uir à la fois, et non par des moyens indépendants, par des XXXVIII IXTRODUCTIOX GÉNÉRALE. voies séparées et par des agents distincts. Si nous considé- rons l’existence et le but des sociétés sous un aspect élevé , nous ne pouvons distraire leurs intérêts matériels de leurs conditions morales ; et ce n’est qu’en les unissant étroite- ment et en faisant dépendre les premiers des secondes, que nous comprenons la vie des peuples exempte des désas- tres et des ealamités qu’engendrent les vices de leur con- stitution. Malheureusement dans la grande entreprise de l’éman- cipation des esclaves , la plus importante , sans contredit , de l’ére sociale à laquelle nous appartenons , on n’a pas apporté une attention égale à ces deux conditions de l’existence des peuples, et l’on a commis, ainsi que nous le démontrerons bientôt, la faute grave de ne pas charger un pouvoir unique de l’exécution de la mesure. Les consé- quences de ce manque d’unité et de la diversité de ten- dance dans les voies à suivre pour fonder la liberté des nègres furent telles qu’un esprit exempt de préoccupa- tions eût pu le prévoir. Avant de les indiquer, nous exami- nerons dans quelles circonstances se trouvait la race qu on désirait régénérer, et nous envisagerons les conséquences de son introduction dans les Antilles. Cette étude nous mettra à même de mieux apprécier les moyens qu’on a employés et les résultats qu’ils doivent offrir dans l’avenir. La race africaine, originaire de climats ardents, et dotée d’une fécondité prodigieuse, participe du caractère de tous les peuples appartenant aux contrées méridionales , quand la civilisation n’a pas mis en mouvement les ressorts de leur activité. Jetée sur un sol d’une extreme fertilité et entourée de productions naturelles abondantes , elle dédai- gne le travail qui n’est pas nécessaire pour assurer une existence exempte de besoins factices, et qui est facile à satisfaire avec les goûts de l’oisiveté. Considéré comme il doit l’être, le travail est une condition indispensable de bien-être pour les membres des nations éclairées ; d où il suit qu’il est d’autant plus nécessaire, d’autant plus urgent, (|ue la société est plus civilisée. Les peuples arriérés ou a XXXIX INTRODUCTION GÉNÉRALE. demi sauvages, qui ne sentent pas 1 aiguillon poignant des besoins sociaux , se livrent d’ordinaire au repos qui con- vient à la vie animale qu’ils mènent ; et il leur serait aussi difficile de comprendre la cause de l’agitation intellectuelle et physique des hommes civilisés , qu il était impossible à certaines hordes paresseuses de l’Amérique de concevoir le motif qui poussait les Européens à se promener , en me- surant de leurs pas, à plusieurs reprises, le même espace de terrain. Si l’on observe les hommes dans les diverses sociétés qu’ils forment ou dans les conditions différentes auxquelles ils sont soumis, on%*emarquera en eux des degrés distincts d’activité. Ceux qui commencent à s’éloigner de la vie simple de la nature exercent plus ou moins leurs forces pour satisfaire seulement les besoins que la société a créés en eux, et dont elle les a rendus esclaves; mais le corps a seul part à cette tâche, qui n’est favorable qu’au dévelop- pement de la force physique , quand elle ne dépassé pas certaines limites. Ceux qui ont uni leur existence par des relations sociales d’un ordre plus complexe ont a redou- hler leurs travaux et â y consacrer une partie du temps né- cessaire au repos. Ceux qui, dans une position plus élevée, ont fait dépendre leur vie d’un ensemble de besoins au- quel l’intelligence prend part doivent imposer à leurs fa- cultés mentales un. tribut de travail, qui généralement n est pas avantageux à la santé de l’individu. Enfin ceux qui ont compliqué leur manière d’être de telle sorte , qu ils n’obtiennent que des jouissances morales, le complément de conditions sociales nécessaires à la vie , tourmentent les forces de leur esprit et sacrifient, pour la plupart, leur re- pos physique et mental. Ainsi f espèce humaine offre tous les degrés d’activité, depuis l’apathie du sauvage jus' GENERALE, XL doux, mais, en même temps, le lourd fardeau d’une con- dition accablante de travail en opposition avec leur paresse naturelle, et, en outre, peu attrayante par la rémunération qu’elle leur offrait. Manquant de l’unique stimulant qui pouvait vaincre son indolence native, le nègre a continué à être lent et à n’obéir qu’à la seule loi de la force , quand il s’agissait de remplir les nouveaux devoirs qu’on lui imposait malgré lui, Faut-il, après cela , s’étonner que sa conduite ait offert constamment le même caractère d’apathie et qu’il cherche sans cesse à alléger le poids de sa tâche, soit en la remplissant mal , soit en mettant tout en couvre pour s’y soustraire? De là est résultée une grandfe imperfection dans les travaux qu’on a exigés de lui et qui n’ont plus été que les simples produits de la force humaine employée en masse, avec aussi peu d’intelligence et de zèle de la part de celui qui était chargé de l’exécution , qu’avec une excessive exi- gence de la part de ceux qui les dirigeaient. De là aussi la nécessité dans laquelle se sont vus les propriétaires d’a- dopter le système de culture le plus simple, le plus matériel possible, parce qu’on ne pouvait demander aux ouvriers rien qui se rattachât au raisonnement , contraire à la con- dition de l’esclave et funeste dans l’application qu’il pour- rait en faire pour améliorer son sort. Ainsi se forma une espèce de code pratique de principes absurdes , consacrant la stupidité des cultivateurs comme garantie de la sécurité des plantations , la force matérielle comme unique élément des produits, la routine comme seule loi agricole, et l’abondance des récoltés comme ré- sultat exclusif de l’administration économique des pro- priétés. L’éducation des ouvriers qu’on y employait, 1 in- troduction de machines et d’instruments destines a allégei leurs travaux , l’adoption de procédés suppléant par 1 ap- plication de l’intelligence à l’emploi brutal de la force phy- sique , la substitution des principes rationnels de la science à l’empirisme d’une pratique aveugle, et les sages précau- tions qui, en assurant la constante production du sol sans l’appauvrir ni le laisser reposer, maintiennent la valeur in- , , XLI INTRODUCTION GENERALE. trinsèque des terrains, tout cela fut ajourné. Dans la per- suasion où l’on était que tant de bien ne pouvait se realiseï , on n’y vit que de stériles et vaines théories , qu on propaseait les maximes contraires, en elevant 1 e i ice c l’agriculture tropicale sur les bases absurdes de la force, de la routine et de l’imprévoyance. i i . Tandis que le progrès s'accomplissait ailleurs, les esc aves, obéissant à la loi de la nécessité, restaient plonges ans une ignorance qu’aucune institution ne venait corriger. Ils conservaient une apathie qu aucun aiguillon ne stim lait, et se démoralisaient dans l’habitude de vices qu aucun exemple, aucune éducation ne prévenaient. Cependant, il faut le dire à la louange d’une race malheureuse, constam- ment avilie, si l’infériorité intellectuelle du nègre des An- tilles est le résultat de la condition dans laquelle il gémit, sa corruption morale est loin d’être aussi complète qu on e vrait l’attendre de ce monstrueux état. En examinant avec les yeux d’une impartiale philosophie le caractère et les actes des Africains transportés dans ces îles, on y recon- naîtra sans peine leur indolence, leur léthargie intellec- tuelle, l’empire des passions animales auxquelles ils obéis sent, la contagion funeste des vices de la société ans laquelle ils vivent , mais non pas la dépravation du cœur. Pour quelques exemples déplorables , produits e it,no- rance et d’une exaspération momentanée , qui ont ensan glanté les annales coloniales du crime , on peut «ter mi c Ltionsbienveillantesdanslesquellesbrillcntlabontedame une affection désintéressée, l’amour filial, l abnégation e la générosité. Sans doute le mépris, la jalousie, lesmjustices ont poussé quelques-unes de ces malheureuses victimes a commettre des actions brutales et sanguinaiiesj fois le désespoir et la vengeance ont mis la torche incen laii dans les mains qui venaient de rompie leuis c laines ^ on pourrait difficilement citer des crimes prémé ites, œ d’un calcul froid et d’une ambition ténébreuse. objectera peut-être que la condition de 1 esclave c ta > ^ sorte de garantie contre le développement t c introduction générale. affreux que nous voyons se reproduire plus particulière- ment chez les peuples avancés en civilisation. Ce qu’il y a de certain, c’est qu’on les cherche en vain chez le nèqre, et qu’au milieu de son ignorance il est dans une position meilleure pour acquérir toutes les vertus que beau- coup de classes de notre société dont la corruption éga e les lumières. . . Les conditions morales que présente le peuple africain des Antilles, pour la défense duquel nous élevons la voix, auraient dû être étudiées et appréciées à leur juste valeur, avant qu’on ne songeât à le lancer dans une mer inconnue, semée d’écueils, et où il court grand risque de faire nau- frage par suite de son ignorance et de l’énergie de ses pas- sions. On aurait ainsi reconnu que, si la première le ren docile et propre à suivre une impulsion vertueuse bien calculée, les seconds pourraient favoriser chez lui le déve- loppement de vices qu il ne connaît pas encoi e et a quels il n’a pas été excité. Nous verrons bientôt que rien de semblable n’a été essayé, et que le gouverneinent de a puissante nation qui a tenté l’entreprise la plus honorable de noire sièele a négligé de la mener à bonne fin par les moyens que lui conseillaient la raison et l’humanite. Une faute dont le résultat sera immense a été commise par nos pères lorsqu’ils ont fondé l’esclavage dans les co- lonies. Ils ont eu le tort grave de faire dépendre immédia- tement la culture de leurs champs d’une condition sociale nui, ne trouvant d’appui que dans l’égoisme, a eleve tout l’édifice de la production agricole sur une base précaire, qui tôt ou tard devait l’exposer à des oscillations et a des secousses. Tant que la fertilité des terres, 1 écoulement avantageux des denrées et la facile acquisition des esclaves ont contribué à accroître l’intérêt du capital hasarde, les établissements tropicaux ont pu se maintenir sur leurs fragiles fondements; mais, dès que les terres ont commence à s’appauvrir, la culture à s’étendre dans d’autres contrées, la betterave à susciter une grande et dangereuse concur- rence, dès que la traite surtout a commencé à être repri- XLIH INTRODUCTION GENERALE. mée, la différence entre le prix de revient et celui des ventes est allée en diminuant, tandis qu’on voyait aug- menter la crainte de manquer de bras africains, ^ les pro- iets de la Grande-Bretagne venaient à se réaliser. Beaucoup de colons songèrent dès lors à activer dans leurs habitations la propagation des nègres au moyen du mariage et par un meilleur système d’économie domestique et d hygiene. Cette mesure, qui ne faisait que substituer ses effets à ceux de la traite, ne changeait pas l’organisation du travail qui est justement le vice capital du système des colonies. Enfin le gouvernement de la Grande-Bretagne, réussis- sant à faire entrer dans ces vues les principales puissances européennes, les décida à renoncer à la traite des esclaves sur la côte d’Afrique. 11 décréta ensuite l’émancipation des noirs de ses colonies, faisant précéder cette grande mesure d’une autre mesure, passagère et préparatoire, aussi ma. calculée que défectueusement établie. Le système d ap- prentissage dont nous voulons parler ne put se soutenir. Ce furent les propriétaires eux-mêmes qui hâtèrent 1 éman- cipation absolue, consommée aujourd’hui dans toutes les possessions anglaises. Les regards de l’Europe étaient fixés sur cette grande entreprise; elle en attendait avec anxiété les résultats immé- diats, que beaucoup annonçaient devoir être désastreux. Les autres colonies étaient dans l’expectative de la grande réforme qu’on essayait et à laquelle elles étaient conviées. Les possessions françaises, préparées de longue main a ce changement, hâtèrent leurs mesures sagement décrétées; quant aux colonies espagnoles, pleines de confiance dans la prospérité de leurs cultures et dans les ressoudes abondantes quelles avaient pour les continuer, elles virent dans la liberté donnée aux esclaves des îles an- glaises moins un exemple à imiter que le prélude ^ une ruine dont elles devaient chercher à se garantir, ois^ qu’on songeait que dans nos possessions aucune mcsuic n’avait encore été prise en vue de rémancipation gi nu a e des esclaves, la crainte d’une brusque transition eiail aussi XLiv INTRODUCTION GÉNÉRALE. fondée que les moyens à mettre en usage pour l’adoucir de- vaient être prudents et raisonnables. A cet égard les désirs des habitants, secondés par l’énergiqué volonté que mani- festait le pouvoir de résister à tout changement subit, mé- ritèrent, de la part des hommes sensés et impartiaux, un assentiment unanime, dicté par la raison et la justice de notre cause. Mais en même temps on ne pouvait se dissi- muler que l’avenir de nos possessions ne fut menacé par les conséquences inévitables d’un traité qui les compre- nait , et que, s’il était] bon de résister à une transition brusque à laquelle on n’était pas préparé , il ne l’était pas de maintenir opiniâtrément l’ancien système, sans prévoir le moment où le nouveau deviendrait réalisable. Ce mo- ment, en effet, ne pouvait tarder à arriver, soit par suite du manque de bras qu’on tirait d’Afrique, soit par la diminu- tion progressive des nègres introduits, soit par l’effet iné- vitable du progrès de l’opinion publique qui eondamuie l’esclavage. Maintenant jetons les yeux sur les résultats que la détermination du gouvernement britaunique a eus dans ses colonies. Ceux qu’on en attendait étaient de deux espèces ; les uns concernaient l’ordre public , les autres 1 ordre écono- mique. Les esprits qui s’étaient fait de fausses idées du caractère des noirs et de l’influence de 1 esclavage siii leur naturel et sur l’énergie de leurs sentiments moraux ne pouvaient réfléchir saus trembler a la réintégration de prés de 700,000 individus dans l’exercice de la liberté. En se rappelant la terrible catastrophe de Saint-Domingue, il leur était impossible de séparer la nouvelle mesure d’un bouleversement général qui allait ébranler la société jusque dans ses bases, et dans lequel la vie et la fortune des anciens propriétaires ne pouvaient manquer d être en péril. L’expérience a prouvé que ces craintes étaient sans fondement , et que le gouvernement anglais , en décrétant la liberté des nègres, les propriétaires et les autorités lo- cales en hâtant l’époque où elle devait leur être accordée, connaissaient parfaitement le caractère du peuple atiquel * * Y I V INTROBüCTlOX GENERALE. ils destinaient ce bienfait et la valeur des mesures prépa- ratoires qu’ils avaient su prendre en temps utile. L histoire de l’humanité n’a fort heureusement à enregistrer aucun fait désastreux, produit par la réintégration dans leurs droits civils et politiques des esclaves des possessions britanniques; et il faut espérer que la sagesse et le bon sens des autres puissances réussiront a imiter un aussi louable exemple. , , , Il est difficile d’assigner un caractère general aux phé- nomènes qu’ont offerts dans ces colonies les premières con- séquences de l’émancipation, parce quils ont ete lort complètement différenciés par les circonstances et les con- ditions dans lesquelles se trouve chacune des des. En les étudiant à part, on citera des exemples de toute espece pré- sentant des caractères si divers , qu’il n est pas permis d en assigner un général à l’ensemble. Dans l’émancipation absolue n’a fait que changer les conditions de l’apprentissage; dans d’autres, les nègres ont manifeste le désir de rester sur leurs anciennes habitaüons , mais des conditions excessivement avantageuses pour eux ; dans d’autres îles, ils se sont refusés au labeur qui leur rappelait l’esclavage et ont cherché, dans des travaux indépendants, a s’associer pour gagner leur vie; dans le reste, enfin, ils ont refusé de continuer leurs anciennes taches , qui Icui ^ blaient en contradiction avec l’exercice de la liherte qu on leur accordait. Ce dernier sentiment d’independance et d’aversion pour tout labeur pénible paraîtètre le carac eie e plus décisif de la révolution des nègres récemment affran- chis. L’esprit versatile , le manque de prévoyance et de e- termination de ce peuple, ne pouvaient manquer e rap peler les mouvements, l’allure d’un animal domestique, dé- taché tout à coup et qui ne sait comment manifester sa joie, comment employer ses forces, comment jouii de sa i ei e Rien de plus digne certainement de fixer les^ regar s c l’observateur que les phénomènes qu a du o r population nègre dans les Antilles anglaises a ee e pi mière période de son émaneipation , lorsque l action ec aiie XLVI INTRODUCTION GENERALE. et tutélaire du gouvernement devrait diriger indirectement ces forces, ces passions, ces sentiments au profit des indi- vidus et de la société. Nous montrerons bientôt avec quelle imprévoyance on a agi et quels vices on a inoculés dès sa naissance à la population émancipée. Si la tendance au vagabondage se manifestait dans quel- f[ues groupes de nègres , qui fuyaient leurs habitations , dans d’autres on observait des effets surprenants de calcul et de prévoyance , fruits de bonnes habitudes prises de longue main. On sentait que ces esclaves comprenaient le mérite du travail libre et les avantages de la petite culture qu’on leur permettait de faire à leur profit le dimanche dans les jardins des plantations (1). A Antigoa , ils em- ployèrent une partie de leurs épargnes à avoir des terres et à se construire des cases (2); à la Trinité, dans un court espace de temps , un grand nombre de familles nègres ac- quirent des portions de quatre à six acres (3) ; à la Guyane, ils s’associèrent pour acheter de vieilles habitations qu’ils se sont partagées pour les cultiver. C’est ainsi que les an- ciennes cafèteries de Middlesex et de Beauséjour devin- rent la propriété d’une trentaine de nègres qui en payè- rent la valeur au comptant , avec le fruit des économies epi’ils avaient faites durant leur apprentissage ; l’habita- tion de Northbroock , ancienne plantation de coton aban- donnée, fut achetée en 1839 par soixante-trois nègres, pour la somme de 2,200 livres sterling ou 60,000 fr., et ils demandèrent au gouvernement anglais de la prendre sous sa protection et de les autoriser à la nommer Ferme Vie- toria; la plantation Beter Vermagling, abandonnée aussi et sur laquelle il n’y avait plus que quelques pieds de café et de manioc , fut vendue 25,000 piastres (125,000 francs); celle appelée Orange Nassau , qui conservait encore un (O Tous ces faits sont empruntes aux de'clarations recueillies dans les colonies anglaises , par ordre du parlement , et les citations se rapportent à l’inte'ressante publication qu’en a faite le ministère de la marine et des colonies en France. (2) Troisième publication , p. 2n. ( 3 ) Idem , page 217. XLVll INTRODUCTION GÉNÉRALE. plan de coton et de manioc, fut payée par d’autres nègres 52,500 piastres; celle dcBel-Air, à Berbice, fut acquise de la même manière, au prix de 20,000 piastres (1), et des let- tres reçues à Londres en 1 841 annonçaient qu une autre as- sociation de nègres venait d’offrir 40,000 piastres de l habi- tation Plaisance dans le Démérary . Si, dans la Barbade et d’autres possessions, les nègres affranchis ne font pas des acquisitions de terres, c est parce qu’il n’y en a pas à vendre, ou que les maîtres ne veulent pas les céder (2); mais partout on a vu se manifester acti- vement l’esprit d’acquisition et l’amour de la propriété , circonstances qui méritent d’être signalées. Lord Metcalfe a informé le parlement, le 1 4 décembre 1 840, que le nom- bre des propriétaires de petites parcelles de terrain moindres de 20 acres, qui en 1838 était, à la Jamaïque, de 2,014, s’était accru jusqu’à 7,848 en 1840; différence en plus, 5,834. Ces faits sont trop concluants pour que nous ne nous ar- rêtions pas un moment à rechercher les causes auxquelles ils sont dus, causes que nous croyons pouvoir réduire à deux : la soif d’indépendance personnelle et la ruine de la grande culture. La première, aussi naturelle qu inhérente à 1 exer- cice de la liberté de l’homme, est favorisée aux Antilles par les heureuses conditions que présentent le climat et le sol; l’un doux et enfantant peu de besoins, l’autre fertile et pro- duisant en abondance de quoi les satisfaire. Quand on ré- fléchit au petit nombre d’objets qui sont necessaires dans ces contrées pour l’habitation et l’habillement de l’homme, et qu’on examine le peu d’étendue de terrain qui pourvoit à sa nourriture, l’esprit ne peut comprendre la révolution qu’auraient à subir les nègres pour arriver à accroître leurs besoins, jusqu’à rendre un travail constant , indispensable pour les satisfaire. Aujourd’hui , dans les colonies ou ils ont à leur disposition des terrains que la philanthropie (1) Idem , pages 221, 222 , 22-5 , 226. (2) Idem , page 21 4 . introduction générale. des maîtres leur a abandonnés ou c[u ils ont acquis au prix de leurs économies , il leur suffit de travailler un ou deux jours par semaine, pour obtenir tout ce dont ils ont besoin , tout ce qu’ils peuvent désirer. Les enquêtes pu- bliées par le gouvernement d’Angleterre et de France rapportent qu’à la Jamaïque il y a encore de vastes pro- priétés domaniales que personne n’exploite , et dans les- quelles les nègres qui ne veulent pas travailler aux habita- tions trouvent de quoi vivre et un profit supérieur à tout salaire , dans quelques poignées d’herbes et de bois qu’ils apportent au marché (1 ); les petits jardins qu ils cultivent leur rapportent beaucoup plus que leurs journées chez les propriétaires (2) : l’objet de l’ambition des nègres est de le devenir à leur tour, et, avec un peu de persistance et d’activité, ils en viennent aisément à bout. Moyennant le pro- duit de quelques mois de travail (3) , ils achètent une acre de terre , dont le prix ne dépasse pas 75 à 150 francs. En outre , la qualité de propriétaire ne les empêche pas de s’employer comme journaliers , durant deux ou plusieurs jours de la semaine, où ils n’ont rien à faire. Alors même la tâche qu’on leur impose est si légère, que généralement ils l’ont achevée à une ou deux heures de l’après-midi (4); elle leur produit, à la Trinité et dans d’autres îles, cinq francs par jour (5), sans compter la distribution qui leur est faite d’une demi-livre de morue et d’un cinquième de bou- teille de rhum. Les journaliers de la Guyane qui ne possè- dent pas de terrain gagnent de quoi vivre en travaillant seulement deux ou trois jours par semaine dans les grandes plantations (6). Partout où le terrain est abondant et où les bras sont rares , le nègre gagne tout ce qui lui est néces- saire pour vivre avec une facilité inconnue dans d’autres (0 Ouvrage cite , quatrième publication , p. 72. (‘é Id., id., ( 3 ) Id., troisième publication , p. laS. ('0 Id., quatrième publication, p. 126. ( 3 ) Id., id., P- 276- (fi) Id., il!., P' 37'*. XLIX INTRODUCTION GENERALE. contrées ; mais il préfère toujours travailler pour son compte que de se prêter aux conditions imposées par ses anciens maitres, et il se refuse à accepter aucun contrat de longue durée. La répugnance des nègres libres à s’engager aucunement pour l’avenir prend sa source, abstraction faite du prin- cipe d’indolence et d’imprévoyance qui l’entretient, dans l’horreur qu’ils éprouvent pour toute condition qui peut leur rappeler leur ancien esclavage. Un contrat ne laisse pas d'être une sujétion, et, quoiqu’elle soit volontaire, d’un moment à l’autre les circonstances qui le rendent avanta- geux peuvent changer et l’accomplissement en devenir alors pénible. « 11 ne faut pas espérer que les nègres s’en- gagent jamais par des contrats annuels, dit avec raison M. Dejean, dans son rapport au gouvernement français sur les îles de Bourbon et de Maurice , parce qu’ils trou- vent un avantage évident à conserver leur liberté. Au con- traire, ceux qui au commencement se sont engagés pour un an s’en sont repentis depuis; aussi, dans la suite, ont- ils conservé leur liberté avec le privilège de travailler quand ils le jugent convenable, dans l’expectative d’un énorme salaire au moment de la récolte , avantage qu’ils n’avaient pas prévu, mais que leur fit connaître et envier l’exemple de leurs camarades, restés libres de tout con- trat (1). » Il existe une autre cause de l’éloignement des nègres pour la grande culture de la canne , et elle procède du même esprit de répulsion pour les souvenirs de l’esclavage. A cette époque, les travaux des habitations étaient avilis non-seulement parce que, attendu leur extrême rigueur, on les considérait comme le partage exclusif des esclaves, mais encore parce qu’ils avaient été imposés fréquemment comme une peine; aussi étaient-ils entachés, aux yeux de la race qui les supportait, d’une espèce d’opprobre et de dé- gradation qui en éloignait les nègres libres aspirant à la (i) Ouvrage cité, quatrième publication , p ■'126. INTRODUCTION CENEU\LE. INTRODUCTION GENERALE. dignité et à la noblesse de leur nouvelle condition. Sur ce point, l’avis de tous les voyageurs est unanime : rien de plus patent dans ces contrées que le sceau d ignominie dont on a frappé la base fondamentale des sociétés , le travail. (( La servitude, » dit un écrivain qui, au début de sa noble carrière, se distingue par l’élévation de ses idées et la dignité de ses sentiments (1), « la servitude a imposé le (( sceau de l’infamie à la terre; celui qui la cultive est vil; (( ce travail est la tache de l’esclave, et de l’esclave de « la dernière condition. Les propriétaires ont contribué « eux-mèmes à dégrader l’agriculture, parce que leur (( commune menace contre un serviteur paresseux ou dés- « obéissant était de l’envoyer travailler aux champs. >> Il y a plus de quarante ans que M. le baron de Humboldt a consigné ce fait désolant, observé par lui dans l’île de Cuba : On menace le nègre emplojé au service domes- tique du travail de la cafèterie, et celui employé a la café- terie de la rude tâche de la sucrerie (2). Quand l’illustre voyap-eur publiait cette observation , il prévoyait déjà les conséquences déplorables de l’absurde système qui produit aujourd’hui des fruits amers dans toutes les Antilles ré- cemment émancipées. Les nègres comprennent qu’on les emploie aux constructions civiles , à la coupe des bois , aux soins qu’exigentle café et le cacao; mais travailler àlaterre, manier la houe, instrument habituel et particulier de 1 es- clave (3)! Un long temps et de bien impérieuses cir- constances doivent se succéder avant de les y faire con- sentir. Les fils ne vont déjà plus aux champs parce que leurs pères les détournent du labeur de la terre (4); ils passent leur enfance sur les hancs des écoles , commentant cette idée que les occupations rurales , souvenir incessant de l’esclavage, ne doivent pas leur être moins humi- liantes (5). La même répugnance se fait remarquer chez (,) M. Victor Schoelcher, Des colonies françaises , Paris, i 842 , p. 277. (2) Essai sur l’île de Cuba. ( 3 ) Enquête ; quatrième publication , p. 243 . ( 4 ) Idem, id., p.i27et 487. (5) Idem, id., P- INTRODUCTION GENERALE. L1 îes négresses; on l’avait précédemment observée dans les habitants de l’île de Puerto-Rico appelés Ibéros, race issue du mélange des Indiens et des Européens, qui s’occupe ac- cidentellement de la récolte de la canne, mais qui refuse de manier la houe même à 5 francs par tête chaque jour (1). Il convient néanmoins de faire remarquer que, si les nègres sont en général peu amis du travail, ils ont surtout une aversion innée pour ces occupations qui, devenues pendant des siècles le partage exclusif des esclaves, sont marquées , à leurs yeux, du sceau fatal de l’ignominie. De ce qui précède on peut conclure , sans qu’il soit besoin d’invoquer les leçons de l’expérience , que les deux causes puissantes que nous venons d’alléguer, à savoir, d’une part la facilité que le nègre trouve à satisfaire sa soif d’in- dépendance personnelle en s’occupant de la petite culture, et, de l’autre, l’aversion qu’il professe pour la grande cul- ture et surtout pour celle de la canne , doivent avoir influé sur l’accroissement de la première et sur la diminution des produits de la seconde. Notre intention n’est pas de nous occuper ici de la stagnation naturelle, inévitable, des tra- vaux des grandes plantations à l’époque de transition de l’ancien système de labeur foreé au labeur libre qui lui a succédé, mais de la décadence successive qui a été signalée comme un elTet constant dû à une cause permanente dont nous croyons avoir indiqué la nature et le caractère. Dans le chapitre correspondant de cet ouvrage (2) se déroule le progrès de cette diminution : on y trouve que les 3,642,71 2 quintaux anglais de sucre qu’on récoltait durant l’esclavage se sont réduits à 2,21 0,226 durant l’ére de la liberté , et les 26,490,620 quintaux de café recueillis dans la première à 12,797,201 dans la seconde; là encore nous faisons re- marquer que la culture de cette plante, réunissant des con- ditions favorables au travail libre, paraissait se relever de (1) Schœlcher, uhi supra, p. 278. (2) Chap. yigricuhure. TII INTRODUCTION GENERALE. sa décadence , tandis que celle de la canne à sucre conti- nuait à offrir des résultats déplorables (1). Tous les renseignements recueillis s’accordent à signaler et à confirmer ces conséquences de l’émancipation. Le contre-amiral Arnous écrivait de la Trinité, à la fin de 1840 : « L’expérience montre jusqu’à présent une di- minution continue dans les grandes cultures de canne et de café; et si ces denrées viennent à perdre la faveur dont elles jouissent maintenant sur les marchés de l’Angleterre, comme il n’est pas possible de payer des journées plus chères aux ouvriers, la décadence deviendra plus sensible. Les nègres préférant la petite culture , l’état des colonies anglaises sera pareil à celui de Saint-Domingue , et l’on remarque déjà que la Jamaïque suit cette pente rapide d’une manière alarmante (2). M. le capitaine Leyrle fournissait, la même année, les renseignements qui suivent à l’amiral de la station navale : « Le bénéfice que retirent les nègres de la culture de leurs (( jardins est si considérable , que les salaires qui leur sont « offerts par les propriétaires n’ont aucun attrait pour (( eux : la Grenade, par exemple, pourvoit à la population (( croissante de la Trinité au moyen de fruits , de racines , (f de légumes, et il se fait des exportations considérables (f de ces denrées provenant des petits terrains que la bonté a des maîtres a laissés entre les mains des nègres (3). » Nous exposerons bientôt les conséquences de cet état de choses, afin qu’on puisse suivre la démonstration simple et rapide des effets immédiats de la liberté accordée aux esclaves. Celui de ces effets que nous allons mentionner, de même que les précédents, ne présente, il est vrai, rien d’extraor- dinaire, rien d’imprévu ; mais il détermine autant d’autres résultats nécessaires , inévitables , de la même émancipa- (i) Chap. Agriculture. (a) Enquête, quatrième pubiitation , p. 216. (.i) Idem, id., p. i 56 . LUI INTRODUCTION GÉNÉRALE. lion, abandonnée au cours libre et naturel que devaient lui imprimer les passions humaines dès que la prudence et la prévision n’étaient pas mises en œuvre pour les modérer . Le nègre , récemment sorti d’esclavage , s est abandonné à son heureuse indépendance comme à un exercice pratique de la liberté qui lui était acquise; il a dédaigné, il a fui la grande culture qui lui rappelait ses souffrances et son an- cien état d'ignominie; il a préféré la petite culture parce quelle lui était plus commode, plus profitable, et en même temps il a augmenté ses besoins parce que c’était aussi une des conséquences de sa nouvelle position. Pour satisfaire cette soif de jouissances jusqu’alors comprimée, il a eu re- cours à ses épargnes, et en peu de temps, dans la Jamaïque seule, la somme considérable de 37 millions et demi de fr., à laquelle elles s’élevaient, a été convertie sur les lieux en objets de luxe. Les commerçants ont profité de la circon- stance pour spéculer et faire des bénéfices énormes (1). Les objets que les nègres préfèrent ne sont certainement pas ceux qui peuvent leur être d’une utilité réelle et immédiate, mais ceux qui satisfont leurs anciens^ penchants comme leurs nouvelles passions de vanité et d’ambition ; ces pas- sions s’accroissent, du reste, chaque jour d’une maniéré étonnante. La consommation de rhum a augmenté jusqu’à uii tel point dans les colonies anglaises, que non seulement l ex- portation qui s’en faisait pour l’Angleterre s’est considéra- blement réduite, . mais que même celle des mélasses est descendue d’environ 600,000 quintaux, somme à laquelle elle s’élevait en 1838, à un peu plus de la moitié en 1840 , tandis que les importations de bratidj dans ces îles^ ont augmenté de 1 52,486 gallons, somme à laquelle elles s’éle- vaient en 1 837, à plus de 21 2,000 dans chacune des années suivantes ; et celles de genièvre de 40,000 , montant de 1838, à 81,000 en 1839 et à 63,000 en 1840 (2). L’ile (i) lilcin, Iroisicmc iniblicaliuii , p. 210. (■'.) Etats décennaux du commerce de la Gi unde-hi élague, Lon tes , 1 t , P 'KJ , 70, Si a 82. introduction générale. Maurice, qui en 1837 recevait 32,419 veltes d’eau-de-vie et de genièvre, a vu cette importation atteindre le chiffre de 82,914 en une année. En outre, la fabrication du rhum est SI considérable, qu’elle rapporte au gouvernement, pour ses droits, de 300 à 400,000 francs. Une semblable pro- gression s est fait sentir dans l’accroissement de la consom- mation des autres liqueurs et particuliérement des vins de luxe comme le champagne et les vins du midi de l’Es- pagne. L introduction de ces derniers s’est élevée de 60,000 gallons, somme de 1837, à 115,855 en 1840 (1). Nous expliquerons bientôt la cause de cette particularité. En examinant, avec le même esprit d’investigation, les ta- bleaux particuliers de l’importation dans les îles anglaises récemment émancipées , on découvre , parmi les articles dont la consommation a le plus rapidement augmenté, la confirmation du fait précédemment établi. Les objets ser- vant à la parure des femmes, les tissus de fantaisie, les in- nombrables futilités que le luxe et la mode ont rendues nécessaires continuent a offrir une progression croissante , tandis que le meme résultat ne se manifeste pas dans la consommation de ceux qui étaient de première nécessité durant 1 existence passée du nègre. La conséquence maté- 1 ielle de cet accroissement de consommation a été une aug- mentation correspondante dans les exportations des pro- duits de la Grande-Bretagne ou de ceux qu’elle reçoit du monde entier dans ses immenses entrepôts. Jusqu ici nous avons considéré les principaux effets im- médiats de l’émancipation des esclaves comme conséquence naturelle et nécessaire du changement opéré , sans appro- fondir les moyens plus ou moins directs qu’on a employés, soit pour activer et accélérer le progrès des uns , soit pour contrarier ou empêcher le développement des aulres. Cette impulsion diverse, donnée tantôtparlegouvernement, tantôt par les propriétaires des colonies, a eu pour principe un calcul d utilité matérielle, dont toute considération morale (i) Ltais dccennaux du commerce de la Crande-BrcLagne , p. loG. INTRODUCTION ÜÉNÏLUALE. et humanitaire était exclue. Nous allons voir , sous cet as- pect, le problème de la liberté des noirs se compliquei et offrir , dans ses phénomènes , une série de circonstances contradictoires, relativement au double objet que nous avons signalé en commençant, et qui aurait dû être le but final de l’émancipation. Entrons dans cet examen délicat, afin d’apprécier à leur juste valeur les mesures mises en usage et les résultats obtenus. Le penchant des nègres pour la petite culture était pré- judiciable aux intérêts des anciens colons , dont les planta- tions se voyaient privées de la quantité de force qu elle absorbait. En outre , l’irrégularité du travail des journa- liers, l’inexactitude qu’ils mettaient à remplir leurs contrats, la même incertitude dans laquelle on était d’obtenir leur aide au moment où elle était urgente et indispensable, compro- mettaient le sort des propriétaires et la destinée de leurs grandes cultures : leur intérêt particulier les portait donc à remédier à cet inconvénient de l’émancipation, auquel il paraît qu’ils n’avaient pas songé. Il est vrai que la sub- stitution de la petite culture à la grande, et la transfoi- mation des nègres journaliers en petits propriétaires, étaient pour cette race régénérée la base d’un avenir heu- reux, sur laquelle il n’était pas difficile de prévoir un ordre meilleur de fortune et de prospérité ; mais , dans l’esprit des colons, cet ordre ne pouvait être acheté au prix du sa- crifice entier de l’ancien système. Ils cherchèrent donc à s’opposer au progrès du nouveau et à le soumettre à des conditions si difficiles à remplir, que le nègre se vit obligé à enchaîner son existence libre aux mêmes plantations sui lesquelles il avait gémi durant son esclavage. En même temps , la métropole avait intérêt à accroître de plus en plus la consommation du peuple qu’elle avait émancipé, accroissement quelle pourrait obtenir en appliquant les nègres à la culture de leurs jardins, en les exerçant aux professions mécaniques et en leur permettant de ^iMe dans les villes dont ils préféraient le séjour a 1 isolement el à la solitude des grandes plantations. Les colons, de leur iatroduction generale. cote, ne pouvant contrarier les désirs de la Grande-Bre- tagne , et retirant aussi quelque avantage de l’augmenta- tion des besoins des nouveaux affranchis, considérés comme un stimulant pour le travail qu’ils en exigeaient s occupaient de concilier ces deux intérêts, à savoir : celui qui leur revenait de la culture des denrées et celui que re- cueillait la métropole de l’exportation des produits de ses manufactures. Bien résolu à n’avancer aucune proposi- tion hasardée ou gratuite, qui ne soit pas appuyée sur des ails , nous citerons les principaux qui confirment notre assertion. Des que 1 émancipation commença à donner des résultats merents de ceux qu’ils en attendaient, les colons recher- chèrent avec anxiété les moyens de paralyser les cultures particulières des noirs, et, dans ce but, iis s’attachèrent à accroître sur leurs terres la production des vivres, dans 1 intention d’en inonder les marchés, espérant, par cette surabondance, diminuer les prix et faire que les nègres ne trouvassent aucun intérêt pour en produire (1). Il était facile de prévoir, dès lors, que cette détermination serait le prélude de mesures plus décisives. En effet, aujourd’hui on defend aux nègres , dans quelques îles, la culture des plantes qui forment leur principal aliment (2), et, dans d autres , on ne leur concède plus de terres pour les pe- tites cultures (3), lesquelles étaient chez eux d’une grande îessource contre le besoin de travailler dans les plantations. A la Guyane, on a nommé certaines autorités locales pour s opposer à ce que les nègres ne s’établissent, sans une per- mission spéciale, dans les cantons de cet immense terri- toire,* et, comme toutes les terres y appartiennent, ou à la couronne, ou aux anciens colons, les malheureux ne trou- vent aucun espace où se fixer. On a, de plus , publié des réglements fort sévères pour leur défendre de passer d’une colonie dans une autre, de faire des traités pour se trans- rO î'.niiuèlc, '|u;ilriL'mc juiblication , page i43. (a) Idem, ici,, page 1 55. (•î) Idcüii , 1(1 , ]>ageo3i. LVII INTRODUCTION GÉNÉRALE. porter dans celle qui leur offre plus d'avantage; on a lancé contre le vagabondage des ordonnances de police , dictées par le même esprit , et s’appuyant indirectement , mais efficacement , à ce que les affranchis puissent passer d’une plantation dans une autre , ou des champs à la ville sans une autorisation qu’il leur est bien difficile d obtenir : ainsi il ne leur est resté d’autre parti à prendre que de se soumettre à la condition de journalier, s’ils veulent se procurer avec le fruit de leur labeur les vivres arrivant des États-Unis, lesquels ont dû éprouver une hausse na- turelle. De semblables mesures, adoptées par l’administra- tion coloniale et approuvées par le gouvernement , tirent leur origine des mêmes vices d’intérêt matériel qui ont sanctionné celles de l’esclavage ; et elles rendent la liberté illusoire là où elles sont mises en vigueur. Comme le dit fort bien M. Vidal de Lingendes, délégué de la Guyane française à la Guyane anglaise ; « Les nouveaux affranchis (1 anglais sont des hommes auxquels on a coupé les jambes « et qui, pour ne pas mourir de faim, doivent travailler « avec leurs bras. » Ils reçoivent dans cette île le faible salaire de 8 V2 piastres (42 fr.) par mois, dont ils sont peu satisfaits; mais le besoin les force à l’accepter. A Antigoa, où la rareté du terrain et les variations de l’atmosphère ont rendu impossible l’introduction de la petite culture qui, dans d’autres îles, offre au nègre de si grands avantages, le pauvre affranchi, ne retirant pas de sa force physique de quoi subsister, a recours à la journée de son ancien maître et doit , pour gagner sa vie , travailler cinq jours pleins et la moitié du samedi , quelquefois même le samedi entier. Là , contrairement à ce qui arrive à la Jamaïque et à la Trinité, la culture de la canne a attiré les bras qu’avait disséminés celle des plantes alimentaires; c'est ainsi que l’on continue à y vivre sous l’ancien ordre de choses, favo- rable à la production exportable (1), mais défavoralilc au (i) rnquèlc, quai ritme piibiicalioii , page ip*. LVlll INTRODLCTION GENERALE. nègre, qui, de la facilité défaire face à tous ses besoins étant esclave , est tombé dans l’obligation forcée de tra- vailler pour vivre, car il ne trouve aucune compensation à ses pertes et se voit menacé d’un avenir funeste quand le colon sera forcé de diminuer ses salaires (1). Nous aurons bientôt à signaler d’autres conséquences plus déplorables de cet état de choses. Ce tableau de l’existence de la population libre, dans les îles qui ont réussi à assimiler le nouvel ordre de choses à l’ancien , est de tout point différent de celui que présentent les colonies où l’émancipation a eu ses effets naturels. « Ainsi le nègre d’Antigoa offre un triste contraste avec celui des îles voisines. Il est malheureux , mal vêtu, mal logé, car il gagne à peine de quoi vivre; tandis que, dans les autres possessions, l’affranchi trouve, outre le travail bien rétribué qu’il consacre au propriétaire, des terres qui lui rapportent d’abondantes récoltes et lui assurent la continuation du luxe et des commodités qui l’entourent , depuis qu’il est libre (2). » Telle est la première contra- diction qu’on remarque dans l’examen impartial que nous faisons. L’émancipation a aujourd’hui pour tendance économico-sociale d’étendre la petite production et de restreindre la grande. Le nègre libre, obéissant à tous les aiguillons par lesquels on l’excite à accroître immodéré- ment ses jouissances, satisfait mieux cette condition de pro- grès matériel en se dévouant à la culture de son jardin, de son potager , qu’en louant ses forces pour le service des grandes plantations. En suivant cette voie, il nuit aux inté- rêts de la métropole et de la colonie, qui paraissent être en contradiction avec son bien-être et avec son amélioration. D’un autre côté, on l’excite au travail, moins comme con- dition sociale de son existence que comme moyen de sa- tisfaire aux besoins factices qu’on lui impose; on cherche d’ingénieuses occasions de les augmenter, et quand il cède (1) Enquête, quatrième publication , page 201 . (2) Enquête, quatrième publication, page i'io. INTRODUCTION üÉNÊRALI;. LIX à cette suggestion , à cette excitation, on s’efforce de le dé- tourner de la route qu’il choisit pour exercer ses forces de la manière la plus en rapport avec ses mœurs et la plus commodément productive. Il paraît que la même voix qui lui prescrit d’être laborieux et producteur le soumet à la condition à'êire misérable et vicieux : singulier système de sociabilité ! Si l’on conçoit le bien-être du nègre d’une autre ma- nière que sous le régime de la petite culture, c’est sous un système précaire qui maintient, pour quelque temps, les salaires élevés, mais qui ne saurait être durable. Le mal- heur menace l’ouvrier quand cette condition éphémère chan- gera, quand la journée du travailleur, aussi fatale qu’en Europe dans ses résultats et dans leurs conséquences, sera insuffisante pour ses besoins, et le labeur exigé hors de pro- portion avec les nécessités qu’il doit satisfaire. Dans cet état de choses , le nègre sera à plaindre avec sa prétendue civilisa- tion, son amélioration matérielle, ses habitudes et ses vices. Qu’attendre d’un pays, comme l’île si vantée d’Antigoa, où, sur un sol fertile, il devra mourir de faim le jour où le pro- priétaire ne pourra plus fabriquer de sucre l Quel nom mérite une émancipation qui a laissé cet homme plus courbé sous le joug de son ancien maître, parla loi impé- rieuse de la nécessité , que lorsqu’il en recevait la nourri- ture et le vêtement pour prix d’un travail forcé, il est vrai, mais dont l’issue lui était indifférente ? La petite culture se voit substituer à l’ancienne , parce que le nègre la préfère comme plus analogue à ses habi- tudes , plus conforme à la vie de famille , plus commode aussi et plus productive. Cette propension, cette préfé- rence est naturelle chez l’affranchi, et c’est pour cela qu’on a vu se manifester à Saint-Domingue ce qui arrive au- jourd’hui à la Trinité , à la Jamaïque et dans les autres îles anglaises. Mais, quand les circonstances particulières de quelques-unes ne lui permettent pas de faire ce choix et d’obéir à ce penchant naturel; quand la constitution territoriale est telle, qu’il n’y a pas de champs à aciiucrir LX INÏllODUCnOX GEiNERALE. et qu’il est nécessaire , pour vivre , de travailler dans les grandes plantations, alors se manifestent, dans le travail , les conditions de constance nécessaire et de rétribution mesquine, source des malheurs qui frappent l’ouvrier d’Europe et dont la rigueur se déploie déjà dans quelques Antilles. Les propriétaires trouvent leur avantage à cette loi de travail forcé, sous l’empire de laquelle le nègre libre doit se courber sur ce sol fatal. Le gouvernement de la mé- tropole atteint aussi le but qu’il s’était proposé; mais le ré- sultat de l’émancipation est-il, par hasard, le bien-être du noir ? Si r bn considère les restrictions que les autorités locales ont imposées à la liberté des nouveaux affranchis, non dans le but louable du bien-être général , but que nous nous garderions bien de condamner , mais pour satisfaire à une condition tout à l’avantage des propriétaires, ou, pour mieux dire , pour favoriser l’existence des anciennes plantations , la grande culture et la production exporta- ble, en vain on y cherche le hut chrétien et philanthropi- que qui a inspiré l’idée de l’émancipation. Si l’on ne con- naissait pas l’origine et l’histoire de ce grand acte d’hu- manité et de civilisation, si l’on ne pesait que les mesures adoptées depuis qu’il a été sanctionné , on pourrait croire que son mobile a été un but économique et commercial , fondé sur ce principe c|ue la production coloniale obtenue par des nègres libres devait être plus abondante et moins coûteuse. Ici nous retrouvons les idées et les tendances de la politique matérielle et intéressée du gouvernement , en contradiction flagrante avec le principe religieux de l’é- mancipation, tout favorable au bien-être des nègres; mais si la petite culture, la possession d’un jardin, une vie sim- ple et exempte des stimulants du luxe et des plaisirs, doivent conduire positivement à la régénération de cette race , au |)rogrès lent et sûr de ses cultures, à l’établissement enfin d’un système de vie plus en rapport avec les habitudes de ces hommes et avec le climat et les conditions d’existence de CCS pays, à (pioi bon leur en iiuposer d’autres, étrangers, INTRODUCTION GIîNERALE. LXl violents, qui, sans produire aucun des avantages promis, ne tendent à d’autre but qu’à la conservation de l’ancien système de production exportable? Pourquoi faire cons- tamment dominer dans les plans de civilisation cette idée de production et de consommation croissante , et non celle d’un progrès rationnel applicable à la civilisation des nou- veaux affranchis et en rapport avec leur bonheur ? Mais passons à l’examen des conséquences morales de l’émancipation sous le point de vue des moyens par les- quels elle a été accordée aux nègres et selon les disposi- tions qui ont détourné son cours naturel pour le diriger exclusivement vers un but d’utilité matérielle. Ici le pro- blème se complique tant par l’effet de ces memes mesures, que par la nature de l’enseignement offert sans prépara- tion à une race tout récemment sortie de l’ignorance et de la misère. Cependant, il faut le dire, en présence de cette in- struction , le nègre, comme tous les hommes , poussé par l’instinct de la curiosité , a eu soif d’apprendre, et on l’a vu saisir toutes les occasions d’atteindre ce but, occasions moins rares dans les Antilles anglaises que dans les au- tres colonies; mais, en même temps, on n’a pu mécon- naître qu’un sentiment de vanité le poussait aussi vers l’instruction, ce second patrimoine de l’homme blanc après l’exemption du travail rural. Tout ce qui tend à assi- miler la race nègre à la blanche, soil en conditions de so- ciabilité, soit sous le rapport des mœurs et même des vices, est un objet incessant d’ambition pour la première. C’est ainsi que nous voyons en Europe les classes ouvrières imi- ter jusqu’aux défauts de celles qui leur sont supérieures. Le nègre , séparé du blanc par la couleur et par un préjugé contre la portée de son esprit, devait naturelle- ment aspirer aux moyens de détruire cette seconde cause de différence; les écoles les lui fournissaient. En cela son ambition fut plus noble que les efforts des blancs pour lui fermer les sources de l’enseignement. De toutes les tyran- nies, il n’en est pas à nos yeux de plus infâme, de plus barbare que celle qui tend à enchaîner rintelligeucc de LXII INTRODUCTION GÉNÉRALE. l’homme, rayon de Dieu, qu’aucun pouvoir sur la terre n’a le droit d’éclipser. Fort de ces principes, nous ne trou- vons pas d’expressions pour qualifier les actes de certains États de la confédération américaine, qui proscrivent à la fois et châtient avec une sévérité cruelle le penchant du nègre à apprendre et la sublime et chrétienne vocation de l’enseignement (1). Mais entre le proscrire et le prodiguer sans tact et sans discrétion, il existe un milieu rationnel et convenable, que généralement on a dépassé. Les vices de l’instruction pu- blique chez diverses nations de l’Europe, vices que nous avons blâmés dans un autre ouvrage (2), se sont reproduits dans les Antilles anglaises, soit qu’on l’ait bornée au sim- ple enseignement sans s’occuper de l’éducation, soit qu’on ne l’ait pas mise en rapport avec les besoins et la destinée de la classe à laquelle on la dispensait. Déjà, avant la pro- mulgation de l’acte mémorable qui a accordé la liberté aux esclaves de ces colonies, le gouvernement anglais d’une part , les législations locales et les efforts incessants des sectes religieuses de l’autre , avaient fondé de nombreuses écoles pour les gens de couleur (3). A partir de l’émanci- pation, leur nombre a toujours été en augmentant. Depuis le 1®*’ octobre 1836 , époque où il y avait déjà à la Jamaï- que 180 écoles sous la surveillance du clergé, jusqu’au 30 septembre 1 839 , on a dépensé dans la colonie, pour les émoluments des ministres de l’Église épiscopale et des écoles qu’ils dirigent, la somme de 76,963 livres sterling, soit 1 ,924,075 francs. En 1840, l’assemblée coloniale a ac- cordé 25,000 francs aux écoles du diocèse : toute la co- co La législature de la Louisiane, par decision du iG janvier i83o, condamne à l’emprisonnement , depuis un mois jusqu’à un an, tout individu qui enseigne ou fait enseigner à lire et à écrire à un esclave. Une loi de l’Etat de Virginie, du i®” janvier 1819 , défend les ëcoles de nègres sous peine de vingt coups de fouet sur les e'paules nues. ( 2 ) Leçons d’économie sociale données à l’Athénée de Madrid. Madrid, i84o. (3) On peut consulter pour cette époque les tables de la population et du commerce de la Grande-Bretagne en i836. Supplément à la VII® partie, Londres , iSSg. INTRODUCTION GENERALE. LXIIl Ionie en est couverte; chaque église a la sienne. La plupart sont gratuites , et quelques-unes se recommandent par l’extension donnée à leurs études et par la perfection de leurs méthodes. Une mention particulière est due à celle qui porte le nom de Wolmers free School, située à Kingston, et qui est fréquentée par plus de cinq cents élèves. A Antigoa, dont la population locale ne dépasse pas 36,500 habitants, plusieurs sociétés philanthropiques ont exercé depuis trente ans une puissante influence sur l’instruction primaire. Le nombre des écoles, qui n’était en 1 834 que de 29 , est monté à 40 en 1836, et depuis il s’est accru encore. Le même résultat s’est fait sentir à la Guyane; les écoles de jour et de nuit se sont multipliées ; le clergé et les magistrats municipaux protègent l’enseignement, et, dans beaucoup de plantations, « le modeste , mais élégant toit de l’école , s’élève à côté des édifices consacrés à l’in- dustrie (1). » Les enfants portent leurs livres suspendus au cou; ils sont tout glorieux d’étaler cet emblème de la science qui les distingue des vieux nègres. La société Mico envoie des agents et subventionne des écoles ; des livres spéciaux pour les gens de couleur sont publiés par d’ar- ^dents ministres de l’Évangile, et leur sont distribués gra- tuitement. 11 résulte de tous ces eflbrts que, dans cette colonie où aucun nègre ne savait lire, plus d’un cinquième de la population fréquentait déjà les écoles en 1838. On observe de semblables résultats dans toutes les autres pos- sessions anglaises ; le goût de l’instruction se répand avec les moyens employés pour la rendre générale, et le résultat sera d’autant plus complet, qu’il excite la vanité et l’amour- propre de la nouvelle génération émancipée. Nous avons présenté le beau côté de l’enseignement pu- blic dans les colonies anglaises; mais le devoir que nous nous sommes imposé nous prescrit de le considérer aussi du côté de ses vices moraux. Ami dévoué de l’instruction et des progrès de l’intelligence humaine, si notre enthou- (r) Enquête, Ivoisicmc publication , p. 312 . LxiV INTRODUCTION GENERALE. siasme s’exalte quand il s’agit de rendre hommage aux efforts qu’on fait pour la propager , nous sommes égale- ment sévère quand notre conscience nous dit de dénoncer les inconvénients dont elle souffre , car leur influence est d’autant plus grande que, corrompant jusqu’aux germes de renseignement, ils lui font produire des fruits amers qui empoisonnent la société. Dans les recherches aux- quelles nous allons nous livrer, nous ne nous laisserons pas guider par nos seules observations sur les effets de la simple instruction scolaire prodiguée aux masses; nous en étudierons également la source, et nous verrons si nos craintes se trouvent confirmées par l’impartiale manifesta- tion des faits. Sur ce point nous reconnaîtrons encore que l’expérience a pleinement justifié les principes de la saine théorie. De même que l’émancipation du nègre devrait avoir pour but d’améliorer sa situation et de réorganiser la so- ciété à laquelle il appartient , de même l’enseignement de- vrait offrir pour résultat des moyens plus faciles de le faire avancer dans la nouvelle carrière qui lui est ouverte, et de rehausser les sentiments moraux de son âme. Mal- heureusement ce double but n’est pas atteint : car, d’un côté, l’instruction ne lui fournit aucun moyen de gagner sa vie en suivant l’unique voie du travail agricole qui est ou- verte à Fbabitant de ces contrées ; de l’autre, la direction de ce même enseignement manque de cette unité de ten- dance, de cette onction chrétienne dans les voies, de cette confiance sublime dans les résultats, véritables et pré- cieuses garanties pour le but moral qu’on doit se proposer. Quand on examine le genre de connaissances qu’on ac- quiert dans les écoles coloniales et la classe d’individus investis du professorat, il est aussi facile de reconnaître l’insuffisance des premières , que le fatal empire qu’exerce l’esprit de secte chez un grand nombre des seconds. A la Jamaïque, les enfants des nègres libres vont à l’école, mais ils n’y acquièrent pas l’amour du travail, parce que leurs parents les en détournent, et que d’ailleurs il faut IM KODUCTION GENEll A Î.E . J.W peu de chose à l’homme de ces contrées pour vivre (1). A Antigoa , qui, pour n’avoir pas essayé du système d’ap- prentissage , présente une génération plus avancée que celle des autres colonies, les jeunes gens, après quelques années d’un travail assidu, ont déjà atteint les dernières limites de l’instruction primaire. 11 est nécessaire d’éclair- cir les rangs pour faire place à de nouvelles exigences : ainsi, chaque jour, d’anciens élèves sont congédiés , soit pour en admettre d’autres , soit parce que leur âge et leur taille rendraient leur présence ridicule à l’école. Ces jeunes gens savent, ii est vrai, lire et écrire; ils connaissent les régies de l’arithmétique; ils ont appris les commande- ments de Dieu et savent chanter les louanges du Seigneur; mais ils ignorent l’usage du moindre instrument aratoire; ils ont passé leur adolescence sur les bancs de l’école, et leurs pères leur ont inspiré une invincible répugnance pour la culture des champs. Que deviendra cette jeunesse pla- cée, par l’effet de soins mal entendus et de préventions injustes , dans un isolement qui ne convient ni à son point de départ , ni à sa destinée future (2) ? « Au nombre des questions adressées tous les ans par les au- torités de l’île de Barbade aux magistrats des paroisses, il en est une à laquelle ils répondent négativement; c’est celle qui a pour objet de vérifier si les nègres inspirent à leurs enfants l’amour du travail. Les docu- ments les plus dignes de foi confirment que partout les pères détournent leurs fils des travaux des champs. L’édu- cation prétentieuse qu’on leur dispense trop librement tourne la tête des nègres et leur donne des idées d’ambi- tion qu’il serait prudent de contenir dans de certaines limites. La moralisation d’un peuple appelé à vivre du tra- vail de la terre doit s’accomplir au milieu des champs. Les écoles sont bonnes sans doute, mais , sur un théâtre aussi réduit que les colonies , il faut empêcher qu'elles (1) Enquête; quatrième publication, p. 78. ( 2 ) Idem; id., p, 207. ISTKODUCTION GKÎiKRALB. t lîSTBODUCTlON GENERALE. ■lient pour résultat le déplacement des classes de la so- ciété car ce serait alors désorganiser au heu de la consti- Lr (11. » Nous unissons sincèrement notre voix a ces re-- flexions sensées; nous ne condamnons les écoles , nous blâmons seulement le defaut d analogie, de relation, de dépendance qu’il y a entre le travail agricole et l’enseignement qu’on y reçoit; les idees e vani e d’orgueil quelles développent et le auquel elles conduisent. L’instruction quon d°nne aux An^lles ne prépare pas, ne pousse pas au travail agiicole, au^ltraJ, ol peL dire quelle eu « dispose les élèves à d’autres professions qui ninteressen nullement la société au milieu de laquelle ils vivre et que ni le gouvernement ni les associa tions britan niqués n’entendent favoriser. Nous l’avons déjà dit dans un autre ouvrage , l’instruction populaire doit etre mise rapport avec le nombre et la classe des besoins du pays , les^colonies offrent aux travaux agricoles un horizon im- mense et l’enseignement scolaire les négligé, les meco naît 11 y a plus , les prédications de quelques sectes re i- aieuses loutiennent et encouragent chez les negres libre, éénioignement pour les travaux des champs, et excitent la vanité et l’ambition dans un cercle dangereux pour - dre public. Ces sectes s’évertuent à prouver aux negres ! nue l’état et la société n’ont pas fait assez pour eux ; qu on leur doit une large compensation du temps ® passé dans l’esclavage, que rien ne peut altérer la somm de liberté dont ils jouissent; que sous ce rapport ils son Îes égaux de tous ; que leurs droits comme citoyens ne son pas fu dessous de ceux de la reine elle-même; qu ils sont es véritables producteurs ; que leur travail est insuffisam- Int rétribué, puisqu’il laisse encore au planteur la meilleure partie des produits; que ceux-ci doivent etre con- tenus dans d’étroiles limites, et que tout le reste leur aj partient (2). » Nous ne chercherons pas a réfuter ces ma ,,) Enquêtai quatrième publication, p. 36 k (■ 2 ) klem ; ' I.XVII 1 N TRO DUC 1 1 OIV GÉN É H A L C . mes qui, bien que déduites de la théorie de la liberté po- litique , ne laissent pas d’être absurdes par l’application qu on en veut faire a un état social qui les repousse comme dangereuses. INous nous bornerons à citer les faits et à en déduire les conséquences. Il en est une qui a été observée dés le principe; c’est que le refus de travail, de la part des nègres ouvriers, se manifeste régulièrement le lundi, alors qu’ils sont encore sous l’influence des prédications de la veille, et toujours après que les missionnaires ont visité les plantations. Considérons maintenant la position dans laquelle a été placée la race nouvellement libre , éloignée du travail par une répugnance naturelle et par les prétendus conseils de Dieu que lui donnent ses ministres , poussée à la dépense par la soif de ressembler à la classe blanche et par mille moyens de séduction qu’emploient les marchands en par- ticulier et le gouvernement anglais lui-même en général. D un coté, influence active de la paresse, du souvenir de l’esclavage, du sentiment de la vanité, excitation du luxe et attrait des jouissances d’un ordre inconnu; de l’autre, passions ardentes, inexpérience héréditaire, imprévoyance habituelle , éducation mal dirigée. Poussée par des causes aussi puissantes , dépourvue de ressources pour y résister, la population nouvellement émancipée suit une pente dan- gereuse qui peut la conduire au précipice de la plus com- plète immoralité. Quelques symptômes alarmants se mani- festent déjà, funestes précurseurs d’un mal qu’on eût dû prévoir, D abord, il est hors de doute que les moyens essayés pour détourner le nègre de ses anciennes habi- tudes, pour modifier ses mœurs primitives et détruire le souvenir de son origine africaine, produisent déjà leurs effets. Les nouveaux affanchis dédaignent de parler les langues de leurs nations respectives et de danser le bruyant bambulà qui leur faisait oublier jadis les peines de l’es- clavage (1). Dans cet oubli des mœurs nationales, nous UC (i) Knqm'U'; tpiat rièmc publication, page i-fj; Schrelclicr, p. 27S. JXYIH INTKODUCTION généuale. liouvons pas nous autres le progrès social, mais le i>rogrés de la vanité, et, si ces deux phénomènes se montrent réu- nis, ce sera parce que la direction donnée au premier n a pas été assez prudente pour empêcher le développement de la seconde. Une de ses conséquences se laisse voir aussi dans l’ostentation du luxe sous ses divers aspects. Aux ali- ments simples, les nègres en ont substitué de plus délicats; pour boisson ils préfèrent les vins spiritueux du Midi et de Champagne, qu’on ne voyait autrefois qu à la table du blanc; pour robes, les femmes n’emploient plus que les fu- tiles tissus de la mode capricieuse. Comme nous l’avons déjà démontré, la consommation des liqueurs alcooliques a aug- menté extraordinairement , et avec elle l’intempérance. Les besoins factices d’un luxe imprudent ont produit poul- ies satisfaire un fatal accroissement dans le vol et la pros- titution. L’île Maurice offre déjà de terribles conséquences du premier, et de notables progrès dans la seconde (1). Comme le dit fort bien un observateur de cette colonie : « Dans toute société ignorante et pauvre où il y a dispro- portion entre les sexes , la position de la femme est inévi- table. Les droits de propriétaire avaient jusqu’ici maintenu une répartition qui corrigeait jusqu’à un certain point les inconvénients de cette différence, mais, dès le 1" avril, les liens qui retenaient les femmes dans les propriétés étaient rompus , toutes celles qui ne se croyaient pas faites pour la campagne et pour les unions rustiques durent se rappro- eher de la ville et des lieux où elles pouvaient s’attendre à plus de recherches et de profits. Là, environnées d’une po- pulation mâle nombreuse, elles trafiquent à leur manière de la liberté dont on leur a fait don (2). .. A Antigoa, qui jouit depuis plus longtemps que les autres colonies de l’exercice de la liberté, la prostitution se déploie sur une échelle plus déplorable encore : les rues de Saint-John, la capitale . pullulent de jeunes filles qui trafiquent de leur (1) Enquête; quatrième pulilication , p. -iqG. (2) Idem ; id , î>’ INTKODÜCTION GENERALE. LXIX infamie. Les habitants, interrogés sur l’origine de ces essaims de jeunes prostituées, qui, le soir, remplissent les rues, couvrent les quais, assiègent les voyageurs jusque sur la porte des hôtels, vous donnent cette réponse haute- ment significative : Elles sortent des écoles (1). Nous ne nous arrêterons pas à démontrer encore l’apparition d’un crime social, fruit d’une fausse civilisation qui se déve- loppe dans cette race nouvellement régénérée, Vinjanticide. S’il apparaît encore douteux à Antigoa, il ne se montre que trop réel à la Barbade, où la prostitution couvre aussi les rues et les places (2). Enfin la statistique criminelle enrichit annuellement ses tristes annales; elle rend stériles les efforts de la législation qui bâtit des geôles avec une promptitude égale à celle qu’emploie la religion à élever des temples, et la philanthropie à construire des écoles. Si l’on parcourt les archives de la justice, on y découvre non seulement une plus grande intensité dans le nombre des crimes commis par les gens de couleur, mais encore un changement complet dans le caractère de la criminalité , qui, de brutal et d’irréfléchi qu’il était dans le nègre esclave, est devenu cruel et froidement calculé dans le nègre libre. Rien de cela ne nous étonne, parce qu’il y a des années que nous l’avions prédit. Notre opinion d’aujourd’hui n’est qu’une confirmation de celle que nous émettions il y a sept ans, quand le spectacle des prisons des États-Unis nous faisait réfléchir sur les causes qui y conduisaient un grand nombre de gens de couleur , mal disposés à la liberlé dont ils avaient joui. Nous ne croyons pas inutile de trans- crire ici ce que nous disions alors, d’abord parce que ces idées entrent parfaitement dans le cadre des réflexions qui nous occupent , ensuite parce qu’elles font la base des doc- trines que nous professons, quant à l’émancipation des esclaves : (1) Eiu|néte ; qualricmc publication, p. 208. (2) Mcin i id., p. LXX INTRODUCTION GENERALE. (( Le nombre des gens de couleur renfermés dans les prisons de ce pays nous fait réfléchir aux malheurs de cette race précipitée, engloutie dans un océan de vices et de crimes , faute d’une bonne éducation ; nous avons lu beaucoup d’écrits dont les auteurs s’imaginent que pour l’esclave la liberté est le souverain bien. Nous pensons nous , au contraire , que la liberté est le plus funeste présent qu’on puisse faire au malheureux Africain qui n’a reçu au- cune éducation j elle est cent fois pire que la fortune pour le jeune homme inexpérimenté et débauché, qui vit au milieu de la dissipation des grandes villes; elle est plus fatale que tous les attraits de la séduction pour la jeune fille qui suit le sentier fleuri des plaisirs du monde. L’esclave, par sa position, est une machine abrutie, privée de jouissances et bornée dans ses goûts physiques à une ration insuffi- sante, à un sommeil interrompu, à la possession incomplète d’une femme. Certainement cette existence est misérable et son amélioration mérite de fixer l’attention du phi- lanthrope : mais l’atteindra-t-on en lançant l’esclave, le fils de l’infortune et de la misère, dans le tourbillon du monde qu’il ne connaît pas, et en le livrant au contact de toutes les séductions qui l’entraîneront infailliblement dans l’abîme ? Tant qu’on ne peut asseoir la liberté des nègres sur le fondement d’une éducation morale , religieuse et intellectuelle , il vaut mieux n’y pas songer. Mais, nous de- manderont les philanthropes, est-il juste de les laisser plongés dans le malheur ? — Est-il plus humain de les rendre criminels? répondrons -nous à notre tour (1). » Il n’entre pas toutefois dans nos principes de condamner l’émancipation des esclaves , œuvre chrétienne et philan- thropique, sociale et régénératrice, qui reflète l’opinion du siècle et qu’accélèrent les conséquences mêmes de l’escla- vap-e; notre anathème n’a pour but de frapper que la ten- dance vicieuse qu’on imprime à la civilisation de la race africaine, parce que, fondée uniquement sur l’égoïsme des (i) cinq mois aux ÉUls-ünis de rAmeriquc du iNorcl ; l'ai is, i836, p. lào. INTRODUCTION GENERALE. intérêts matériels, elle augmente les vices et n’encourage pas les vertus, parce quelle pousse les nègres aux jouis- sances de la race européenne , comme à un exemple qu iis doivent suivre et à un but auquel ils doivent arriver. Nous ne nous lasserons pas de le dire, le nègre émancipé a été conduit à un genre d’existence, et lancé subitement dans un tourbillon contraire à sa félicité morale; le calcul de l’émancipation a été , si ce n’est dans les principes , du moins dans la pratique, économique et commercial à l’excès. Dans notre croyance, confirmée chaque jour par l’étude et l’observation, il nous paraît absurde de faire dépendre le progrès et le bonheur d’un pays de l’augmentation de besoins du luxe ; et pourtant c’est cette idée absurde qui domine dans les colonies anglaises ; c’est sur ce faux prin- cipe qu’elles reposent depuis le jour de l’émancipation de leurs esclaves. L’expression sincère de la foi et de l’espé- rance en la doctrine de la consommation que professent ceux qui dirigent cette vaste entreprise s’est manifestée dans les débats du parlement sur la grave question du sucre , en mai 1 841 . Les uns tracent un tableau en- chanteur et séduisant du bien-être acquis par le nègre; ils l’apprécient d’après sa consommation de marchandises anglaises; les autres forcent leurs raisonnements pour mettre en harmonie le travail libre avec la production du sucre ; ceux-ci proposent des mesures tyranniques contre l’importation étrangère pour favoriser Fimportation natio- nale; ceux-là dédaignent ce moyen, et prophétisent 1 avenir de la production des Indes. Mais tous se font, dans leui.s vœux, les échos de la doctrine des interets materiels que Fi politique anglaise professe depuis tant d années , et qu elle applique avec une égale persistance à ses projets coloniaux et à ses rapports avec l’univers entier. Dans le but de s as- surer des consommateurs , elle ne craint pas d exposer les Antilles aux vicissitudes qu’elle a eues à traverser pour at - teindre la période critique où elle se trouve aujourd hui. Loin de professer une pareille doctrine, nous ne crai- gnons pas d’émettre une opinion aussi progressive que so- LX\1I INIliODl'CïlOX GEXERALE. ciale en faveur (Je la grande mesure essayée par l’Angle- terre : notre avis est que Fémancipation des esclaves animait dû être considérée d’un point de vue encore plus élevé que celui de la réintégration dans ses droits d’une race injustement avilie. Dés que le travail libre allait être mis à Fessai chez un peuple récemment sorti d’esclavage et tout à fait étranger à l’organisation du travail en Europe, l’occasion était favorable pour l’établir sur les bases de la justice et de la fraternité , afin qu’il n’offrît pas les incon- vénients qu’il a chez nous et qu’il ne menaçât pas d’un avenir fatal les nouvelles entreprises qu’on allait tenter. Nous disons que l’occasion était favorable : 1° parce qu’il s’agissait d'appliquer au travail une classe d’individus qui, n’ayant aucune habitude du salaire journalier, devait adop- ter aisément un mode de participation dans les profits conforme aux principes de la justice ; 2° parce que les cir- constances que présentait la production agricole aux An- tilles rendaient plus que probable l’heureuse issue de l’adoption de ce principe, puisqu’il est excessivement rare que des contre-temps imprévus y détruisent tous les fruits d’une sage culture; 3"* parce que la nouvelle existence dans laquelle allaient entrer les nègres devait exiger si- multanément le concours de nombreuses institutions d édu- cation , de patronage et de prévoyance exclusivement basées sur le travail libre. De cette manière, on eût réussi à vaincre la paresse naturelle du nègre, en la trans- formant en activité sans la faire dégénérer en sup- plice ; en ne le forçant pas à continuer le genre de cul- ture qu’il abhorre, mais en le laissant choisir librement celui qu’il croit le plus commode et le plus lucratif ; en n’imposant pas à sa tâche la barbare condition du rabais , mais en l’encourageant par une récompense convenable; en ne soumettant pas enfin l’ouvrier à la loi tyrannique d’un rude travail pour le faire vivre mal , mais en le lui présentant avec le bénéfice et l’attrait qui récompensent â proportion de la fatigue qu’il donne. Il ne faut pas s’étonner de ce que cette tendance morale LXXIll INTRODUCTION GÉnÉKALK. du travail u’a pas été comprise entre les mesures adoptées pour l’émancipation, par un gouvernement qui, étant ce- lui qui souffre le plus du vice de l’orgamsation indus- trielle moderne , ne sait pas se résoudre à renoncer au culte exclusif des intérêts matériels , qui l’ont lancé dans 1 océan orageux de la )>roduction illimitée et de la concurrence universelle. Rien de plus simple que de voir la nation qui a envahi les marchés du monde, pour les forcer a con- sommer les produits de ses fabriques, regarder comme certain le succès de ses plans, quand il voit la population noire contracter de nouveaux besoins. Augmentation de ces liesoins ; augmentation de travail pour les satisfaire ; transformation de cet élément de socia- bilité et de bonheur en une torture permanente ; igno- rance, vices, immoralité, telle est la série de calamites que parcourent les peuples qui suivent les principes de cette fatale école, et dans laquelle la race noire des Antilles a déjà fait ses premiers pas. En dénonçant ces graves inconvénients de la grande mesure de l’émancipation, nous ne méconnaissons pas ce qu’elle a eu de noble , de chrétien , de plulantroplnque , d’éminemment social dans son principe et dans une grande partie des efforts partiels tentés pour l’atteindre. Nous savons, en effet, que, depuis 1807 , époque de l’abolition de la traite dans les Antilles anglaises , on a songe a intro- duire dans le régime de l’esclavage diverses restrictions qu’on n’a toutefois commencé à réaliser que dix-sept ans plus tard. Bientôt on a essayé de l’apprentissage dont nous condamnons la pratique, mais dont le principe avait pour but de donner à l’esclave l’éducation préliminaire de la liberté. L’enseignement scolaire, les pratiques religieuses, la destruction des préjugés absurdes , contraires au résultat qu’on cherchait , modifièrent le caractère des nègres en le préparant au nouvel ordre de choses. De plus, ainsi que nous l’expliquons au chapitre de V agriculture , de grandes améliorations ont été adoptées dans la 0111(1110 et la fahri- cation; ce concours de moyens nouveaux a produit, sans LXXIV INTitüDUCTJÜN GENERALE. N contredit, de bons résidtats ; le premier, la certitude que le changement s’opérerait sans secousses; le second, des avantages positifs dans le bien-être des nègres ; le troisième , la fusion d’une société que divisaient auparavant les con- ditions et les intérêts ; le quatrième , une alliance étroite et sincère entre une race jadis suspecte sinon ennemie , et la nation à laquelle elle doit sa liberté. On vit tout cela s’ac- complir , parce que c’était la conséquence naturelle de l’émancipation obtenue par les moyens qui l’avaient pré- cédée. Les résultats que nous avons énumérés dans le caractère qu’offre aujourd’hui la nouvelle population libre des Antilles anglaises devaient préparer le lecteur à ces conclusions favorables à la doctrine de l’émancipation et honorables pour l’humanité; elles étaient de sûrs indices d’une amélioration complète , si le projet n’avait péché du côté de l’unité de vues et de tendances , comme nous l’avons prouvé dans différentes parties de cette introduction. Nous ne sommes ni les seuls , ni les premiers à le dire : les Anglais eux-mêmes, habitants et appréciateurs pratiques des colonies, déplorent que le gouvernement de la Grande- Bretagne, avant de décréter la liberté des esclaves, n’ait pas fait choix du système de travail qu’il convenait d’ap- pliquer aux nouvelles colonies, et des moyens qui pou- vaient lui imprimer une force et un développement utiles, en partant du principe que le travail libre a d’autres lois que le besoin , qu’il se modifie suivant certaines formes sociales et pratiques , et que sa récompense doit être en rapport avec les influences du climat, des loca- lités , du système de gouvernement et de la nature des impôts (1). Au sortir de l’esclavage, la population noire devait se trouver sous l’empire d’un système régulier, basé sur les principes fondamentaux de l’émancipation et dans lequel tous les intérêts , toutes les relations eus- sent été clairement déterminés. Aucune conséquence ne (i) Enquête sur l’e'tat présent et à venir de l’île de la Trinité , présentée à la Sociélé d’agriculture de cette colonie en février i84i : Annales maritimes et co- loniales ;\mn i842. IMKODUCTION GÉNÉRALE. devait être abandonnée au hasard de l’avenir et au cours de ces passions difficiles à brider quand on les excite , aucun résultat ne devait être imprévu, ni moins encore sacrifié aux vues secondaires d’un ordre inférieur à la grande et digne entreprise qu’on méditait. Alors 1 éman- cipation pratique n’aurait pas offert d’aussi funestes con- séquences ; l’intérêt des colons ne se serait pas mis en lutte avec le bien-être des nouveaux affranchis , et le pro- grès moral aurait apparu au bout de la carrière queût sume la prospérité coloniale. Il nous paraît démontré aujourd’hui que le travail libre , décrété sans prévision et dirigé par une mauvaise voie , a produit des résultats contraires au bien désiré , parce que , de même que l’esclavage ne pouvait se soutenir que par des moyens en opposition avec l’humanité , de même , quand la liberté tend à un autre but que l’amélioration morale et religieuse, ou qu’on ne considère celle-ci que comme un résultat secondaire , il y a nécessité de recourir à des règles contraires à la justice et à la raison. Pour parvenir, non a la réforme sociale, mais au profit des colons et aux avan- tages de la métropole , il n’était pas nécessaire de prêchei l’émancipation, mais d’imposer des lois plus sévères à l’esclavage ; car il nous paraît impossible de concilier l’amélioration morale du noir avec l’accroissement de la production coloniale et de la consommation d’objets de la métropole. . ^ , En examinant avec attention l’ordre de choses qui a été suivi dans les Antilles anglaises, et qui est le fruit des mesures prises pour l’émancipation des esclaves , on ne peut croire qu’il soit le résultat d’un plan prémédité par un des gouvernements les plus prévoyants et les plus éclairés de TEurope; car, si nous nions à ses doctrines la tendance morale de celles que nous professons , nous ne 1 accuserons pas , néanmoins , d’être en contradiction avec les principes qu’il s’est décidé à mettre en œuvre ; et, pour mieux dire, si nous ne l’excusons pas de préférer le système écono- mique au système social , nous ne voulons ]>as non plus lui LXXVI INTRODUCTION GENERALE. faire honneur de la part qu’a eue à cette seconde tendance le régime essayé dans ses possessions. En raisonnant ainsi , nous n’avons pu comprendre que , dans la situation actuelle, une seule force directrice, plus ou moins inefficace ou in- complète , ait agi pour arriver au but désiré , et il nous a semblé en découvrir deux qui, si elles ont agi simultané- ment, l’ont fait dans des directions opposées. D’un côté, la Société des amis et d’autres associations chrétiennes , plus ou moins orthodoxes , plus ou moins ardentes dans la propaga- tion des principes de l’Évangile, ont excité et prêché l’éman- cipation des noirs comme terme religieux de la carrière qu’elles parcourent avec ferveur et persévérance. Considéré de leur point de vue, l’esclavage était contraire aux lois de la raison et de la morale , réprouvé de Dieu , proscrit par ses ministres et , comme tel , il entrait dans le devoir du chrétien sur la terre de l’abolir. Ces sociétés ne considérèrent donc que le résultat religieux de l’émancipation ; les moyens qu’elles mirent en usage dans leurs prédications et dans leur enseignement eurent uniquement ce but ; tels étaient au moins les désirs qui les animaient. Cette tendance imprimée par ces corporations leur acquit successivement des partisans nombreux et dévoués dans l’opinion publique en Europe. Sous leur bannière , les amis de la liberté politique s’unirent bientôt à ceux des maximes évangéliques ; ainsi soutenue , la doctrine de l’émancipation des esclaves ne craignit pas de pénétrer dans le sanctuaire des lois , et de lutter de front avec les intérêts contraires groupés dans le parlement britannique. D’abord elle fut repoussée, mais chaque année elle augmentait ses triomphes , et une victoire complète finit par couronner tant d’efforts , de zèle et de persévérance. Le gouvernement anglais dut se résoudre à céder à l’énergie combinée , de la raison et de l’enthou- siasme , soit qu’il fût convaincu de la justice du principe , soit qu’il se vît hors d’état de lui résister davantage. Telle fut l’origine de la grande mesure qui honore la na- tion anglaise , et dont le souvenir suffit pour démentir la vague accusation à laquelle cette nation est en butte . Lxxvir INTRODUCTION GÉnÉRA UK d’avoir, en décrétanl la liberté pour ses colonies , travaillé en vue d’un principe égoïste et sur un plan vaste d ambi- tion , à la ruine de celles des puissances étrangères. Des écrivains distingués ont démontré l’absurdité de cette as- sertion , suffisamment contredite par la philanthropie dés- intéressée et incontestable des vrais promoteurs de la mesure. L’étude impartiale que nous avons faite de l’ori- gine de l’émancipation des esclaves dans les colonies occi- dentales de la Grande-Bretagne ne nous permet pas de supposer que le cabinet de Saint-James, en la décrétant, ait agi dans le but arrêté de les détruire pour concentrer ses forces et son pouvoir dans l’Inde, et s’assurer , par la possession de ce vaste empire, le monopole exclusif des denrées coloniales , comme l’affirment et le répètent les colons français (1). Nous pouvons encore moins com- prendre que ce même gouvernement se plaise à diminuer les revenus du sucre comme conséquence du travail libre, quand il a fait de si grands sacrifices et pris jusqu’à ce jour de si puissantes mesures pour rétablir cette production. Mais ce qui nous paraît hors de doute , c’est que la Grande- Bretagne, qui n’a pu prévoir un résultat contraire a ses vues, dans la question de l’émancipation, devra recourir à l’Inde et ne verra pas avec peine, dans les autres Antilles, le nau- frage de la production sucrière , quand elle aura expiré dans les siennes. Ce qu’il y a aussi de certain, c’est que le gouvernement a cédé à une impulsion dont la source n’était pas dans ses principes , et qu’ainsi , dés les premiers pas faits pour réaliser ce projet , il a reconnu que ses vues et ses espérances étaient autres que les tendances des associations religieuses qui l’avaient excité. Sur ce point nous ne balançons pas à ranger plusieurs puissances euro- péennes dans la même catégorie que l’Angleterre, et à pen- ser que , dans l’unité sociale appelée peuple , laissant la direction des intérêts moraux aux soins de l’Eglise , dont (i) Discours d’oiivertvire du conseil colonial de la Martinique le 5 jamiei iSV etbeaucoui) d’aulres docuincnls. LXXVIII INTUODUCTION GENEUALU:. l’influence est plus individuelle sui’ les consciences que collective sur les associations humaines, elles ne s’occupent que des intérêts politiques et négligent les intérêts moraux et même un grand nombre d’intérêts matériels qui entrent dans la vie des nations. Ce qui, généralement, a attiré jus- qu’à ce jour l’attention des représentants du pouvoir , ce sont les conditions constitutives du pouvoir lui-même , c’est à dire la production , la consommation et la force d’une part , et , de l’autre , la considération extérieure née de ces trois éléments de la prospérité matérielle des Etats ; mais , en ne nous occupant pas de ce vice organique de la constitution des gouvernements et en nous bornant à la question qui nous absorbe , nous devons reconnaître que le cabinet anglais , lors même qu’il se serait senti animé des mêmes principes philanthropiques que les sociétés qui pous- saient à l’émancipation , avait à diriger ses mesures vers d’autres résultats politiques et économiques qu’il ne pou- vait remettre, et qu’il était, au contraire, de son devoir d’achever. Ces résultats, proclamés d’avance par les nombreux enthousiastes de l’émancipation , consistaient dans l’accroissément des cultures coloniales, et, par con- séquent, des productions du sol au moyen de stimulants généreux, tels que l’intelligence, l’intérêt individuel libre, la récompense et l’ambition, qui, jusque-là, avaient langui dans les chaînes de l’esclavage. Suivant eux , un peuple ro- buste, nouvellement débarrassé de ces chaînes , et soutenu dans le noble exercice de la liberté , devait se lancer dans le travail agricole avec toute la véhémence d’une ardeur comprimée en rapport avec l’espoir de la récompense , de la fortune , d’un avenir enfin qu’il n’avait pas encore soup- çonné. Les arts européens et toutes les conquêtes de la science devaient venir se grouper comme autant d’auxi- liaires autour d’un peuple régénéré, rajeuni par de nou- veaux droits, de nouvelles jouissances, une nouvelle ambi- tion , pour rendre plus faciles et plus abondants ses triomphes sur un sol fertile et sous un ciel favorable. En raison de ces progrès de production intérieure , de vie et LXXlX IISTRODUCTION GÉNÉRALE. d’activité sociale , on devait voir s’accroître aussi la con- sommation des objets nécessaires à cette nouvelle existence , c’est à dire que , pour résultat final , on pouvait compter sur l’amélioration de la race noire , sur l’accroissement de la production coloniale et sur celui des exportations de la métropole. Il est clair que le gouvernement anglais, pour assurer un si beau succès, but économique et commercial de l’émancipation , devait exciter dans les classes éman- cipées le goût des objets qui leur avaient été jusque-là étrangers, le penchant au confortable, les habitudes du luxe et toutes les amélorations qui pouvaient enfanter chez elles la nécessité du travail, comme moyen de satisfaire à ses besoins , dont il espérait que les enchantements et les prestiges finiraient par les circonvenir et les séduire. Ce qui avait été prévu arriva ; les conséquences répondirent à l’énergie et à l’efficacité des moyens. Le peuple nègre ac- crut rapidement ses jouissances , acquit instantanément de nouveaux besoins et se laissa dominer par le démon de la vanité. En cela il se montra aussi docile à la voix qui lui criait : En aoantl que prompt à céder à l’imprudente passion qui inoculait dans son intelligence des idées d’égalité et d’ambition auxquelles il n’était pas préparé. Mais il n’était pas possible que l’amour du travail , l’attachement à lafa- mille, la modération dans les désirs, l’économie, laprévoyance pour l’avenir naquissent de la même source; et ce fut ainsi, du moins selon nous, que les nègres nouvellement affranchis furent poussés par deux forces différentes, procédant l’une du gouvernement , l’autre des sociétés chrétiennes vers les intérêts matériels d’un côté , vers les intérêts moraux de l’autre. Se sentant ainsi attirés, tantôt par la première de ces deux forces, active et matérielle , facile à comprendre , plus facile et plus agréable à suivre, tantôt par la seconde, métaphysique et morale , incompatible avec les principes de l’autre, incompréhensible dans ses jouissances, compré- hensible seulement dans ses privations , ils combinéi ent un monstrueux système mixte de la pratique de celle-là et d’une partie de la théorie de celle-ci , système dont l état I.XXX liNlT.ODUCïlOX GENEUALK. actuel des choses aux Antilles paraît être l’expression. Nous n’explicpierons pas autrement l’explosion subite du luxe et des vices d’une fausse civilisation chez un peuple nouvellement émancipé , sans que l’atmosphère matérielle et sensuelle dans laquelle il a été laneé y garde le moindre écho pour les maximes de morale et de religion que ses apôtres lui ont dit sans cesse être inséparables de la liberté bien entendue. Peut-être même cette prédication orthodoxe a-t-elle dû finir par paraître absurde à ces hommes attirés par mille appâts vers les goûts mondains qu’on leur a re- présentés comme les seules sources de la production et de la consommation. Peut-être aussi ont- ils fini par trouver étrange et contradictoire, comme elle l’était en effet, la conduite qu’on tenait avec eux. Il ne nous est pas donné de pénétrer dans le chaos d’idées que de semblables maximes et de pareilles mesures ont dû faire naître dans l’esprit des pauvres nègres ressuscités du sein de l’esclavage au cri de la liberté ; il nous suffit de eonsigner ici les faits , consé- quences logiques des causes mises en action par l’un et l’autre agent. Mais éloignons-nous un moment des Antilles, où la lutte de deux eauses si opposées , qu’on pourrait les appeler les génies du bien et du mal pour les nègres émancipés, produi- sait les résultats infaillibles de la diversité de leurs ten- dances , et venons en Europe observer le eontre-coup de l’émancipation sur les marchés de la Grande-Bretagne. Pour cette étude, un grand nombre de renseignements ont été déjà recueillis, qui rendront plus facile la question économique que nous voulons examiner. La baisse qu’ont éprouvée les récoltes de sucre dans les Antilles anglaises, récoltes qui constituent l’une des principales sources de l’approvisionnement de la métropole, à cause des énormes droits qui grèvent le sucre étranger (1), et l’accroissement (i) 63 si^hellings par quintal anglais (112 livres), plus 5 pour % de suritnpôt (en-viron 20 re'aux de vellon). Le colonial 24 schellings et 5 pour “/o i^em (envi- ron 120 réaux de vellon). INTRODUCTION GKNERXLE. LS\Xt du coût de sa production par suite de rëtaljlissement du travail libre , ont fait hausser le prix et ont réduit la con- sommation. Les classes ouvrières, qui se servaient aupara- vant des produits de la canne et en particulier des mé- lasses pour diminuer la fadeur des pommes de terre, se sont vues privées de cette ressource. Le gouvernement à son tour a dû renoncer à une partie proportionnelle des rentrées qu’elle produisait, partie évaluée à 17,500,000 fr. par an. Ainsi l’émancipation des esclaves, loin de procurer un avantage positif à la métropole , a privé une grande portion de son peuple de la consommation du sucre , l’a enchéri pour un autre et a causé au trésor un déficit con- sidérable. Ce triple résultat s’oiïrit justement à l’époque où les classes ouvrières cédaient à l’irritation qu’excitait en elles la cherté des vivres comparée à l’exiguïté de leurs journées; ne pouvant étouffer l’expression de leur longue souffrance, elles la manifestèrent avec énergie , et suspen- dirent leurs travaux, en exigeant un plus fort salaire. Dans ces circonstances , le cabinet anglais proposa ( en mai 1841), à la chambre des communes, la réduction des droits qui empêchaient l’entrée du sucre étranger, afin de pouvoir ainsi combler le vide qu’avait laissé dans la con- sommation le sucre colonial. La mesure était aussi natu- relle que juste, puisqu’elle avait été calculée de manière à laisser un grand avantage à la denrée des Antilles an- glaises et à la mettre à même de soutenir la concurrence avec celle des autres colonies. De plus , elle tendait à ac- croître les relations établies avec les contrées qui produi- sent du sucre, telles que File de Cuba et le Brésil, et, par suite , l’exportation dans ces pays des articles de fabriques anglaises. Elle était donc toute en faveur des classes ou- vi'ières. Ces intérêts se prononçaient avec tant d’énergie, qu’ils rendaient la mesure nécessaire; d’un autre côté, la métropole ayant fait, pour protéger la production coloniale, tous les sacrifices imaginables, comment se résigner à celui qu’on demandait et qui ne pouvait manquer d’avoir des conséquences si fatales au commerce d exportation , aux IiXTRODCCTlON GENERALE. LXXXIl INTRODUCTION GENERALE. rentrées du trésor et à l’existence même de la population industrielle.'* Ce tal)leau fut embelli dans les débats par la peinture séduisante d’un avenir c|ue quelques membres du parlement s’efforcaient de présenter encore plein d’espérance au moyen du travail libre. A la fin de la lutte que celui-ci sou- tenait contre la main-d’œuvre des esclaves , il paraissait impossible que le premier ne triomphât pas de son adver- saire. Concentrant de nouveau tous leurs efforts pour pro- pager la liberté des noirs et pour arriver à l’amélioration qu’ils désiraient au moyen d’une concurrence bien calculée, les colons anglais , qui avaient ouvert la carrière , se flat- taient de recueillir les premiers fruits de la plus noble en- treprise essayée en honneur de l’humanité. Mais, lors meme qu’il en aurait été ainsi , le gouvernement anglais ne pou- vait ni ne devait soutenir , en sa qualité de protecteur des colons , un monopole ruineux pour la métropole , ni s’ef- forcer de prêter plus longtemps à leurs intérêts une atten- tion exclusive, en favorisant sans fin la culture de la canne, lorsque, dans la Grande-Bretagne, le peuple souffrait hor- riblement de la privation des objets les plus nécessaires à la vie (1). Cependant les colonies , leurs émissaires et leurs parti- sans, ainsi que la société coloniale de Londres, la corpo- ration des Indes occidentales, la direction de la compagnie de l’Inde , sentant trembler sous leurs pas la fausse base sur laquelle reposaient leurs intérêts , élevèrent la voix et protestèrent contre une semblable mesure ; ils la condam- naient non seulement comme insuffisante pour favoriser les résultats et accélérer le succès de l’émancipation , mais encore parce qu’ils la trouvaient contraire au progrès de cette réforme, et destructive de la culture de la canne dans les contrées où elle s’effectuait au moyen de bras libres. Le maintien du système restrictif, au contraire, permettait aux colons de se relever de la perturbation qui avait eu lieu (,) l)iscom-s de lord Russell lors de la présentation du projet. INTRODÜCTIOX GENERALE. LXXXIM dans ies rëcoUes et d’a])p}i(|uer à la culture et à la fahrica- tion des méthodes plus économiques et plus perfectionnées, méthodes dont la pratique était inadmissible avec les es- claves. Il était possible dès lors, dans leur opinion, de lutter avec avantage contre la production imparfaite de ces der- niers, qui devenait de plus en plus chère par la suppression successive de la traite, et d’offrir encore des produits abon- dants et peu coûteux à une concurrence victorieuse des j)roduits étrangers de la même nature. Sur ces entrefaites , la culture dans l’Inde promettait déjà de combler ample- ment le vide laissé par celle des Antilles , et le gouverne- ment, favorisant les deux productions, comme également nationales, voyait d’un côté se réaliser ses projets d’amélio- ration en faveur des populations qui gémissaient dans la mi- sère faute de travail, au milieu de districts immenses et fer- tiles, et s’efforcait, d’autre part, de couvrir, avec les produits de la canne, l’énorme déficit de trois millions de livres s terling qu’offrent ies exportations de l’Inde, comparées à celles de la Grande-Bretagne. De plus , en accordant l’entrée aux produits obtenus par un régime que réprouve la métropole, on tombait dans la contradiction la plus monstrueuse , on encourageait ce qu’on voulait détruire, puisqu’on ne peut, dans la situation présente, offrir un plus actif stimulant à la production forcée, maîtresse des avantages qui lui sont acquis par la violence et l’ancienneté, que de lui permettre d’alterner avec l’autre à peine rétablie de la commotion qu’elle a éprouvée , et faible encore dans l’exercice de ses jeunes forces. Cette dernière considération servit de fondement au vœu des abolitionnistes contre le projet du ministère. Ils trou- vaient injuste et absurde qu’une nation qui condamnait et proscrivait l’esclavage admît pour sa consommation Ses produits des esclaves. L’Europe, attentive au résultat de la mesure adoptée par la Grande-Bretagne, eût vu selon e»ix avec surprise une preuve aussi palpable d’inconséquence et de faiblesse; elle eût blâmé la nation qui avait conçu el encouragé la liberté des nègres, mendiant un peu de I.XXXIV IXÎRODUCTIOX GENERALE. sucre de ceux qui sont courbés encore sous le joug de la servitude. Mais cette attaque était plus spécieuse que fon- dée , parce que l’Angleterre , en décrétant la liberté de ses esclaves et en propageant cette même liberté dans d’autres pays , n’a pas renoncé à continuer avec eux un commerce avantageux en fermant autant d’issues à ses abondantes ma- nufactures. Le sucre n’était pas non plus l’unique produc- tion des esclaves que consommât le peuple anglais ; le café , le coton et le tabac figuraient dans la même catégorie , et personne jusqu’alors ne s’était avisé de les proscrire pour un pareil motif. Nonobstant tout cela, l’opinion énergique de l a société abolitionniste d’Angleterre, plus ou moins modifiée dans chacune de ses différentes sections locales', unit sa voix à celle des autres ennemis de la mesure proposée par le gouvernement , laquelle , au bout de neuf jours d’une longue et ardente discussion, fut enfin rejetée. Ainsi la Grande-Bretagne continue à supporter les terribles consé- quences économiques de l’émancipation, sans que les amis du progrès moral de la raee nègre aient vu combler leurs désirs. Les deux résultats paraissent donc s’éloigner des espérances des hommes impartiaux et prévoyants : et sans doute le gouvernement anglais éprouve les mêmes craintes, s’il nous est permis d’en juger par les mesures qu’il prend pour ne pas perdre tous les fruits de l’émaneipation. Pendant que les doctrines économiques et les principes commerciaux étaient discutés dans le parlement; pendant que de beaux talents s’efforcaient de faire prévaloir l’une et l’autre résolution proposées pour résoudre le difficile pro- blème des sucres, les colonies éprouvaient les résultats réels et inévitables que nous avons signalés , et , abjurant toute illusion sur l’avenir qui leur est réservé, si elles con- tinuent à marcher dans la même voie, elles paraissent décidées à en suivre une autre, à laquelle se montre éga- lement favorable l’opinion du cabinet. Nous avons déjà indiqué quelques-unes des mesures adoptées pour pousser les nègres à la culture de la canne, et les empêcher de re- cueillir le complément de la liberté qu’ils ont obtenue : on LXXXV INTHODUCTION GÉnÉUALE. cherclie à attaclier indirectement leur existence à une espèce de travail qui les éloigne de la condition de propriétaires et les condamne à celle de journaliers. Ces moyens s ap- puient sur une base injuste qui ne peut être durable, et, loin d’être favorables à l’avenir des colonies , ils doivent beaucoup contrarier les progrès d’une population aussi nécessaire , dans ces pays , à la société en general , qu aux intérêts des colons en particulier. En effet, s’il est permis d’espérer quelque baisse dans le coût de la production , ce ne sera que par suite de la concurrence des bras qui, restituant à la culture de la canne le grand nombre de ceux qu’elle a perdus, mettra un terme aux exigences soi-disant exagérées des nègres libres et satisfera mmux les désirs des colons. Pour favoriser dans ces îles l’émigration d’ouvriers d’autres pays, il y a eu concours entre le gouver- nement armé de ses ordonnances et de ses autorisations, et les îles elles-mêmes , aidées de leurs vastes ressources et de leurs mesures de toute espèce. Dès que se fit sentir, d une part , la rareté des bras , résultat de l’émancipation , et que , de l’autre , on connut les avantages que pouvait trouver dans ces lieux le travailleur libre et indépendant, on vit émigrer des autres colonies moins favorisées un assez grand nombre d’ouvriers libres. Les îles Bahama, Tortola, Antigoa , la Dominique , la Martinique et la Barbade , four- nirent ainsi beaucoup de bras à la Guyane anglaise ; et la Trinité en reçut de la Grenade, de St. -Vincent et de St.- Christophe. Bientôt, des compagnies s’organisèrent pour défrayer et soutenir les émigrations de divers points plus éloignés, parce que les autorités des îles citées commen- çaient à prendre des mesures pour empêcher la sortie des ouvriers dont elles avaient aussi besoin. Quelques législa- tures votèrent des sommes déterminées pour soutenir et en- courager des entreprises et pourvoir aux frais de nom eaux colons ; d’autres destinèrent au même objet les excéi anls de leurs revenus sur leurs dépenses. On fixa les clauses de l’émigration de telle sorte , que la colonie paya les Irais de transport des émigrés, et fixa le prix de la lâche (|u on LXXXVl IN J KOiiUi:i iü.\ GÉNÉRAÎ.E. devait en exigei-. Bientôt d’autres pays concoururent à verser dans ces colonies leurs excédants de population; on vit arriver dans les Antilles des travailleurs et des familles , soit de la race de couleur libre des États-Unis, soit de l’Inde, soit de 1 Europe. La Jamaïque en reçut des premiers, parce que la nouvelle organisation qui la régit accorde des droits et des garanties dont le nègre libre est privé dans les États de 1 Union , moins par la loi que par une répugnance pratique qui y parait invincible chez les blancs, apôtres égoïstes de la liberté. Bans la Guyane, les travaux sont confiés aux indiens appelés Coulis , qui sont expédiés de Calcutta, et qui paraissent s être parfaitement accoutumés à tous les détails de la culture; mais, en général, dans les Antilles anglaises , la préférence est acquise , sur tous les émigrés , aux nègres qui viennent des autres îles, des États-Unis, ou des prises faites par les croisières de l’État, ou des côtes mômes d Afrique. Dans le principe, le gouvernement se montra opposé à l'émigration provenant de cette dernière source , parce qu’il craignait qu’elle ne dégénérât en un trafic tyrannique (1 ); mais la tendance à l’émigration ma- nifestée par les habitants de la colonie de Sierra Leone , et les demandes incessantes de bras africains que faisaient les propriétaires et les autorités locales des Antilles, déci- dèrent enfin le pouvoir à autoriser l’émigration de ce point, en vertu d’une ordonnance du 20 mars \ 841 , à laquelle furent jointes toutes les instructions nécessaires, soit pour empêcher la fraude , la duperie ou la tyrannie , soit pour assurer le bon traitement et la protection dus aux émigrés avant et après leur départ. Il y aurait beaucoup de réflexions à faire sur ces docu- ments , dans lesquels se manifestent, d’une part, le zèle louable du ministre qui les a dictés, de l’autre , la difficulté qu’il y a aies faire observer strictement. Cette difficulté, il ne se la dissimulait pas, si l’on en juge par tontes les précautions qu’il a prises ; mais un pareil examen n’entre pas dans notre (i; Oicîunnance (lu 3u septembra i83g : article additionnel. LXXXVIl INTRODUCTION GÉNÉRALE. plan. Nous nous sommes proposé d’iiuli([uer seulement les mesures adoptées pour suppléer au manque de bras dans les possessions anglaises, sans approfondir les inconvénients ou les difficultés qu’elles pourront offrir dans la pratique. Nous nous sentons, en général, peu de goût pour ce sys- tème de colonisation en grand qui , par 1 étendue de éc le e sur laquelle il s’effectue, rend impossible l’exécution des lois humanitaires dans le but philanthropique qu’on s était proposé, et qui, au contraire, se prête aux abus et a la ty- rannie, soit dans les mesures, soit dans les résultats qui trap- pent les individus forcés par le besoin à l’adopter. Mais la stagnation d’une partie de la grande culture dans ces des a forcé de recourir à un remède violent, et l’émigration africaine s’est naturellement offerte comme le plus efficace. Quant aux blancs, leur travail a rendu dans ces des de grands services : le système de culture auquel ils étaient habitués et la connaissance qu’ils avaient des instruments aratoires les ont mis à même de seconder puissamment la réforme que les colonies attendent sous ce rapport, tn outre, leur réunion aux nègres, travaillant sur un meme terrain, offrait l’inappréciable avantage de réhabiliter, avouons-le, le travail des champs, aux yeux de ceux-ci, tout en améliorant et en perfectionnant leur nistrucUon dans l’art agricole. C’est ainsi qu’on les utilise a ..t. -Chris tophe, dans la Guyane, et sur d’autres points; mais e climat ne leur permet pas de se livrer au rude travai t e la houe, et c’est pour cela qu’on les emploie principale- ment à la charrue, à la direction des labours et a a sut V0lll3.XlC0 Parmi toutes ces espèces d’émigrés amenés aux Antilles pour y améliorer leur sort et y faire quelques épargnes , on remarque une répugnance aussi vive à se soumettre aux conditions d’un long contrat, qu’une soif contuuie e t la vie indépendante. Les moyens d’y arriver n’étant pas difficiles, dans les circonstances actuelles, le resuhat ce l’émigration pour la solution du problème col onia e. t semblable à celui que nous avons signalé relativcmenl a a LXXXVIII INTaODUCïlON GÉNÉRALE . liberté des nègres , c’est à dire le progrès successif dans les petites cultures et dans les professions et offices mécaniques qui sont en rapport avec les tendances sociales de la nouvelle population. Sous ce point de vue, il nous semble que les anciens colons tireront un meilleur parti pour conserver leurs grandes propriétés sucrières , de l’introduction de la cliarrue et des méthodes perfectionnées de culture, c’est à dire , de 1 économie des bras , que de l’accroissement des ressources inconstantes et coûteuses de l’émigration. Au moins sommes-nous d’avis qu’il doit en être ainsi , tant que la concurrence des travailleurs ne sera pas telle qu’elle change, en faveur des propriétaires, les conditions qui maintenant sont toutes à l’avantage des premiers, et qui finiront aussi par compromettre l’avenir de bonheur que l’ouvrier espérait trouver aux colonies. Depuis l’abolition de l’esclavage , il s’est formé à Cayenne et a la Trinité des sociétés d’agriculture et d’émigration , an sein desquelles on discute les graves questions relatives à I avenir des Antilles. Une des plus importantes est celle que nous avons indiquée plus haut. Elle a pour but , non seulement de favoriser l’émigration de la côte d’Afrique , mais encore d’organiser dans ces contrées l’achat des nègres, que le droit de la guerre a faits esclaves, pour leui- donner immédiatement la liberté et les transporter dans les possessions anglaises. Il nous est impossible de men- tionner ce projet sans manifester la crainte que nous éprou- vons de le voir dégénérer promptement en une tyrannie semblable à l’esclavage , et dont elle ne différera que de nom. De plus, l’appât de la vente servira d’aliment à la guerre civile qui déchire déjà ces peuples arriérés et s’op- pose au progrès de leur civilisation. Nous ne concevons donc pas comment on pourra concilier le désir qu’on a d’accé- lérer l’exécution d’un semblable projet. Ses promoteurs se fondent sur ce que la concurrence de ce nouveau trafic avec celui des marchands d’esclaves fera hausser le prix des nègres, ce qui, dans le principe, sera tout aussi préju- diciable aux colonies libres qu’aux autres. Mais, dans la IMRODUCTlüN GÉNÉRALE. LXXXIX eouGancc où ils sont que les progrès des méthodes de cul- ture et l’ordre des travaux dans les premières produiront de grandes économies, taudis que les secondes resteront stationnaires, ils pensent que le produit des nègres acquis iiour continuer à vivre esclaves deviendra inoindre et beaucoup iilus cher que celui des nègres qu’on achètera pour les rendre à la liberté. Cette espérance a sa source dans l’opinion que les nègres , au sein de cette heureuse condition, jouissent, après un an de séjour aux Antilles, de toute la plénitude de leurs forces physiques et rnorales , laquelle rend leurs tâches plus économiques et plus pro- ductives , tandis que ceux réduits en esclavage se dégra- dent de plus en plus et éprouvent de notables pertes par suite de la mortalité. Les propriétaires de la Trinité espè- rent ainsi produire le double de sucre que ceux de Cuba et du Brésil, avec un nombre égal de nègres introdmls qui vivront plus longtemps et cpii leur auront coûte moins cher, à condition qu’on établisse d’avance les clauses du contrat que devront souscrire les nègres ,'1). Ce projet a ele favorablement accueilli par le cabinet anglais , et a sert i hase à la proposition remarquable faite à la chambre des communes, le 22 mars dernier, par lord Stanley, mi- nistre des colonies, laquelle nous parait destinée a donner naissance à une organisation nouvelle du travail colouia , aussi éloigné du travail libre qu’on avait offert aux negres, que semblable au travail forcé que la Grande-Bretagne s’était proposé de détruire dans toutes ses colonies, lotir la mener à terme , le ministre a ordonné deux enquetes . l’une sur la situation des possessions anglaises de la cote occidentale d’Afrique , spécialement sous le point de vue de leurs relations actuelles avec les tribus qui les en'i ronnent ; l’autre , sur les colonies anglaises des In es occidentales et particulièrement sur la nature des lappoi ts existant entre les propriétaires et les travailleurs , t pi ix des salaires , les divers systèmes de culture et les conditions (i) On lient voir celte cmniôte (fie nous avons tleja cUce,(tms \esAnt inarUiines et coloniales, juin i 842 . xc INTRODUCTION GENERALE. actuelles du régime agricole. Le gouvernement paraît se laisser entraîner à cette réforme, qui nous semble devoir être contraire à l’émancipation, si l’on considère les consé- quences désastreuses que continue à offrir le système suivi jusqu’à ce jour, et dont on trouve une peinture aussi fidèle que lamentable dans le journal Guiana Times ^ article repro- duit par la Gazette coloniale du 27 avril dernier. Diminution dans les importations et exportations de cette colonie, dé- ficit dans les revenus publics , baisse dans la perception des impôts, dépréciation des propriétés, tout annonce une ban- queroute générale qu’amènera le refus de payer l’impôt, si le gouvernement ne se hâte de porter remède à tous ces malheurs. Pour arriver à un but philanthropique et humanitaire , nous voyons la Grande-Bretagne adopter différentes mesures qui ne sont nullement en rapport avec les principes par elle proclamés , mais qui nous paraissent la conséquence inévitable de la direction qu’on a suivie dès le début. Elles auront peut-être pour résultat le rétablissement de la pro- duction coloniale , l’accroissement des exportations, l’assu- rance , pour l’Angleterre, de sa domination sur l’archipel américain , mais non certainement l’amélioration morale annoncée comme le terme et le but principal de l’émanci- pation. Toutefois un membre distingué du cabinet britan- nique, M. Robert Peel, n’a pas balancé à se rallier, dans la chambre des communes (séance du \ 8 mai 1 841 ), à l’opinion émise par diverses corporations , opinion qui était la consé- quence probable de faits mieux observés. Que la population noire des Indes occidentales réussisse, disait-on, à s’affran- chir du travail à la journée et parvienne à s’établir dans les terrains vagues pour y vivre du produit des petites cul- tures , et l’esclavage et la traite en recevront le stimulant le plus fort qu’on puisse leur donner. Nous en tirerons, nous, une autre conséquence : c’est que , dans ce cas , la produc- tion du sucre disparaîtra des Antilles , ce qui la conduira au terme qui semble devoir résulter de l’émancipation des esclaves, parce qu’il y a une contradiction manifeste entre INTRODUCTIOIV GÉNÉRALE. XCI (îetie maxime économique : produire beaucoup de sucre a bon marché , et la maxime sociale qui veut offrir, au travail qu’elle exige, une récompense proportionnée. Si donc un jour arrive oii le sucre des Antilles ne puisse entrer en concur- rence sur les marchés de l’Europe qu’à un prix qui ruine le propriétaire et réduise le journalier a la misère, il faudia chercher, ou dans d’autres méthodes de culture et de fa- !3rication , ou clans d'autres substances , ou dans d’autres pays , les moyens d’obtenir abondamment et économiepe' ment cette denrée qui est presque devenue de première nécessité. Telle est notre manière de voir dans cette ques- tion fort délicate , et nous l’exprimons avec tout le doute de la prudence. Différentes causes amèneront ce résultat c|ue nous craignons pour les Antilles , mais toutes ne sont pas également prochaines et ces îles ne sont pas également menacées de la disparition de la culture spéciale qui a donné naissance à leur richesse. Nous indiquerons bientôt quelles sont celles cpii peuvent trouver, clans les circonstances heureuses et exceptionnelles qui les constituent , des bases solides pour une nouvelle organisation du travail , organi- sation qui n’exclut pas la culture de la canne en la con- fiant à des bras qui la relèvent de la dégradation que lui a imposée l’esclavage. COLONIES FRANÇAISES. Nous allons nous occuper maintenant de rechercher ce c]iii arrive aux colonies françaises c|ui produisent aussi du sucie et particulièrement à celles de l’archipel américain. Dans ces colonies, comme dans les possessions anglaises, la pro- duction se trouve siihordonnée aux vicissitudes du marche de la métropole , avec cette différence toutefois que celui de la Grande-Bretagne peut en offrir de très avantageuses au sucre de ses îles, parce qu’il n’en a pas liesoin d autre, tandis que la France en impose au sien de fort rudes, parce qu’elle est forcée de l’admettre en concurrence aN(( xci[ IM’ItüDUCTiaiN génékale. celui de plusieurs autres provenances. En effet , le sucre des possessions françaises n’atteignant pas , de près d’un tiers, les besoins du commerce intérieur , ce déficit est comblé, d’une part, par le sucre indigène de betterave , de l’autre par le sucre étranger. Pour maintenir l’équilibre nécessaire entre ces trois sources de l’approvisionnement , le pouvoir a dû recourir à un système de continuelles va- riations dans les impôts , soit en grevant la denrée qui avait offert le plus d’augmentation dans une année , soit en abaissant la quotité du droit imposé à celle qui avait eu à souffrir sur le marché. Ce système est difficile à appliquer avec justice; il est toujours nuisible à la produc- tion, qui, au lieu de trouver une base sur laquelle elle repose , flotte dans une balance d’incessantes oscillations. De là sont nées les plaintes, non moins fréquentes , des colons propriétaires et des fabricants de sucre de bette- rave. Les avantages et les progrès de ceux-ci étaient con- traires aux intérêts de ceux-là; et tous les efforts deve- naient inutiles pour mettre en harmonie deux genres de production qui ne pouvaient prospérer qu’aux dépens l’un de l’autre. Obéissant à des causes locales favorables , la production coloniale s’accrut pendant quelques années , elle promettait un bel avenir aux propriétaires ; mais, en même temps , l’application des procédés scientifiques à la fabrication du sucre de betterave perfectionnait ses résul- tats pour les offrir avec avantage sur le marché. En bonne théorie d’économie sociale cette augmentation dans les deux pays devait être favorable à tous les consommateurs ; mais, comme les maximes fiscales sont d’ordinaire con- traires à l’intérêt de ceux-ci , le gouvernement intervenait pour frapper la production qui avait dépassé la ridicule limite tracée par le monopole. Ainsi la vigilance de l’auto- rité, de protectrice qu’elle était, devenait régulatrice d’in- térêts rivaux et opposés, qu’il était impossible de concilier. Si l’on recherche la cause de cette position difficile et peu honorable que se sont faite les gouvernements qui maintiennent l’ancien régime colonial , on la trouve dans XCIII INTRODUCTION GÉNÉRALE. îa loi tyrannique qu’ils ont imposée à leurs possessions de ne se pourvoir que de produits de la métropole , produits dont la condition exige dans le contrat une réciprocité: c’est que la métropole s’engage à consommer toute la pro- duction coloniale. Si cette production est excessive , le producteur s’appauvrit au fur et à mesure de 1 abondance des récoltes; si les produits de la métropole enchérissent , le colon est frappé d’un double préjudice dans son contrat. En un seul cas il y aura avantage pour lui : c’est si , d’un côté , ses produits agricoles peuvent se vendre à la hausse, et que, de l’autre, les produits industriels puissent lui être livrés à des prix fort raisonnables. Mais ce cas est im- possible, parce qu’il ne saurait résulter que de circonstances contradictoires. En conséquence, dans cette convention, la métropole , pour vendre cher ses objets manufac- turés , surcharge les frais de production des denrées colo- niales et se voit forcée de les payer à un prix élevé; de sorte que, dans l’une et l’autre extrémité, elle impose des sacri- fices douloureux au colon et au consommateur européen. En même temps, l’accroissement qu’a pris en France la fabrication du sucre de betterave et la concurrence des sucres étrangers ont influé inévitablement sur la baisse des prix. Le sucre colonial ne pouvait lutter contre cette baisse, à cause de la cherté des moyens de production et de l’élévation des droits qu’il payait au fisc. Dans cet état de choses , les prix de vente baissèrent subitement, tan- dis que la métropole, satisfaite de s’approvisionner à d’au- tres sources , ne fournissait plus d’écoulement aux produits de ses colonies. Ceci se passait en \ 839. Les autorités locales de la Guadeloupe et de la Martinique, connaissant la situa- tion affligeante des propriétaires, se concertèrent, au mois de mai , pour faire écouler à l’étranger l’excédant de pro- duction entassé dans leurs magasins , parce que la métro- pole ne s’en accommodait pas même à un prix inférieur au prix de revient. Rien ne paraissait plus naturel et plus juste ({ue cette mesure qui avait pour but, comme cela arriva elfectivement, de sauver ces possessions d’une ruine inévi- XCiV iNXnODüCTION GENERALE. table : mais la métropole désapprouva la mesure prise par les gouverneurs; elle l’annula au mois de juin et recourut, pour faciliter la vente du sucre colonial , à une réduction de droits d’entrée. Pour rendre cette mesure plus efficace, elle greva la production indigène ; elle l’empêcha ainsi de concourir avantageusement avec l’autre. Elle diminua aussi le droit imposé au sucre étranger , pour que le public ne se vît pas privé de celui qui était nécessaire à sa consom- mation, par suite du système direct de restriction imposé aux deux produits nationaux. Il suit de là, comme nous l’avons dit en commençant , que la production ne peut être libéralement protégée par le gouvernement français sans qu’il en résulte de graves préjudices pour une des parties concurrentes ; cet état de choses a fait reconnaître enfin que, si le système colonial doit se maintenir , il est impossible que les deux productions sucrières subsistent : dans la guerre incessante qu elles se font , il y a nécessairement dommage pour l’une et pour l’autre. Tandis que le marché de sucre en France présente de si étranges phénomènes , les colonies de cette nation s’ache- minent vers le but indiqué par l’opinion du siècle et prévu par le gouvernement dans l’acceptation des traités. La suppression de la traite et la liberté des esclaves ont été déjà décrétées dans ce pays; d’un moment à l’autre les chambres s’occuperont d’un projet de loi relatif à l’époque et au moyen d’opérer l’émancipation. L’expérience faite par l’Angleterre et les résultats désavantageux qu’elle a pré- sentés pour la production des denrées coloniales doivent servir d’exemple à la France dans les mesures qu’elle pren- dra; mais quoi qu’il en soit, il nous paraît fort difficile de mettre d’accord les deux principes, les deux ten- dances diverses que nous avons signalées comme conditions indispensables du succès complet de l’émancipation ; nous voulons parler de l’accroissement de la production et de l’amélioration morale de la race noire. Il ne nous est pas permis de pénétrer dans les secrets de l’avenir; mais, au moins, nous pouvons examinèr l’état xcv INTRODUCTION GÉNÉRALE. présent des colonies françaises et les éléments qu’elles offrent à la grande mesure projetée. Sous le point de vue agricole , ces possessions présentent les mêmes vices que nous avons déjà dénoncés, vices qui sont la conséquence du régime d’esclavage et tjue nous approfondirons dans le chapitre de l’agriculture. Ces vices produisent dès à présent de graves résultats dans le matériel de la culture. Généralement par- lant , la canne ne réussit bien sur le sol de la Guadeloupe qu’à l’aide d’abondants engrais (1), qui coûtent beaucoup à faire et qu’il est difficile d’obtenir sous le système actuel d’organisation rurale. En outre, les champs donnent seule- ment deux ou trois coupes de la même plante , et, par con- séquent , cette culture exige des mutations et des semailles frécjuentes qui la rendent plus dispendieuse que dans nos fertiles possessions. Qu’on y ajoute la rareté et la cherté des animaux de travail , l’état arriéré où l’on se trouve relativement à l’introduction des machines qui les rem- placent, les vices de la fabrication du sucre (2) , le coût des transports , l’intérêt élevé de 1 argent , le poids excessif des impôts , la position endettée des propriétés et la terrible incertitude des maîtres quand il s’agit de tenter des réformes radicales, et l’on aura une idée à peu près exacte des causes qui paralysent tout progrès matériel dans les Antilles fran- çaises. Il faut dire aussi qu’elles ont un bien funeste auxi- liaire dans le système fiscal.^ sentinelle attentiye qui veille à frever , à son entrée dans la métropole , toute améliora- tion obtenue dans le sucre des colonies, afin de la forcer à rester stationnaire pour ne point nuire au sucre indigène. Ayant à faire face à tant d’inconvénients et à combattre tant d’obstacles, non-seulement la production de la riche canne à sucre a été vaincue par celle de l’humble bette- rave qui a pu profiter des procédés de la science, mais encore le prix de revient de la première est devenu plus (i) Notes sur les cultures et la production de la Guadeloupe et de Li Marti- nique , imprimées par ordre du ministère de la marine et des colonies en France, Paris, i84i, page i4. Idem , citées dans le cltapili’e de l’Agriculture. ICCVI INTRÜDÜCIION GENERALE. élevé que son prix de vente sur le marché colonial , et beau- coup plus encore avec les frais de transport en Europe. De plus , la suppression de la traite et l’annonce de l’émanci- pation tiennent en alarmes les esprits ; et les efforts qu’on aurait dû employer à la réforme, redoutant un triste ré- sultat, s’épuisent en discussions stériles et en vaines me- naces. Sur ces entrefaites , bien que quelques mesures aient été décrétées pour préparer les nègres à la nouvelle posi- tion qui les attend, on n’en a point recueilli jusqu’à présent le fruit qu’on était en droit d’espérer avec une volonté plus constante et une coopération plus franche des colonies avec la métropole. D’après les renseignements recueillis par ordre du ministre de la marine , on remarque , il est vrai , dans les plantations de la Guadeloupe , quelques améliorations faites au système agronomique , et dans celles de la Martinique quelques progrès dans la marche de la fabrication (1). Mais il n’en est pas de même relativement à l’éducation reli- gieuse des esclaves , à l’instruction et aux soins que reçoivent les enfants , à la police morale des habitants et à la vigi- lance à exercer contre les désordres nocturnes. ce L’ordre, la soumission aux lois , le respect aux magistrats , admirable- ment observés dans les colonies anglaises, avant même l’émancipation , ne se retrouvent pas au même point dans les possessions françaises. Là l’esprit révolutionnaire a laissé des traces de son passage ; il s’est glissé dans toutes les classes de la population ; il s’est établi dans les corps ^ dans les fa- milles; il paraît dans les formes du gouvernement. Tous les excès d’une certaine époque sont encore présents dans les souvenirs et trouvent encore des apologistes. Les doc- trines de l’égalité ont toujours quelques apôtres dans les populations françaises, même aux colonies. L’exemple des émeutes et des conquêtes de droits à main armée a excité quelquefois une déplorable et aveugle émulation parmi des hommes qui n’ont même plus de conquêtes à faire ; leurs (ly Nous les ex])liquous plus loin au chapilie de rAgrieulture. IM'RÜDUCTIOiy GKNERAI E. XCVIl menées ont inoculé à quelques esclaves un virus de sédition qui n’aurait pas manqué de se propager, si un bien-être géné- ral n’en eût été l’antidote (1 ). » L’organisation des tribunaux, calquée sur celle de la métropole, peut réprimer ces funestes tendances, mais nous aimerions mieux que ce fût, comme dans les îles anglaises , le résultat des moeurs et des habi- tudes que l’effet de la contrainte légale. Si les colonies françaises recèlent de si dangereux élé- ments pour l’émancipation de leurs esclaves par suite des vices du système agricole dominant et du retard de l’édu- cation , ceux du régime moral apparaissent non moins grands dans la statistique de la justice (2) , tant civile que criminelle. L’examen approfondi des faits qui y sont rassem- blés nous a confirmé les maux que nous avions déplorés. S’ils sont partout la conséquence d’une mauvaise organisa- tion sociale , ils semblent encore s’accroître dans les colonies de tout le vice radical des intérêts individuels et de la fâcheuse tendance imprimée à la civilisation des noirs. En effet, le nombre des délits civils déférés aux juges de paix et aux tribunaux de première instance apparaît beaucoup plus considérable dans ces îles que dans la métropole ,* et non- seulement la quantité de crimes est plus grande dans la classe libre que parmi les esclaves, comparativement à la population de chacune de ces deux classes , mais encore la première offre une tendance plus prononcée aux attentats contre les personnes. Ces éléments , nous le répétons, sont de mauvais précédents pour l’émancipation des nègres , qui devient chaque jour plus nécessaire , plus urgente , plus obligatoire malgré les résultats incomplets qu’elle offre dans les Antilles anglaises. C’est, en vérité, une situation bien difficile et bien compliquée que celle dans laquelle la France se trouve jetée; elle la doit aux vices inhérents au système colonial qu’elle a suivi, aux progrès de l’industrie rivale qu’elle a créée, et à la diffusion de ses idées libérales et (i) Enquête : quatrième publication, p. 4;^3. (• 2 ) Premier travail publié par le n.inistre de la marine et des colonies et qm a trait aux. années i834, i835 et i836, Paris, i842. IXTRODl'CTION GÉNÉRALE. XCVllI INTRODÜCTIOV GÉiNÉRAIÆ. pliilanüiropiques. Ces idées, en la plaçant à la tête de la civilisation moderne et de la réforme sociale que tous les peuples attendent , la destinent sans doute à l’avenir le plus glorieux auquel puisse aspirer une puissance éclairée et généreuse. Le monde attend avec défiance l’issue de la poli- tique de l’Angleterre , qui s’est faite la protectrice des in- térêts matériels ; franchissant les limites de cet horizon dou- teux , il aime mieux s’abandonner à l’intervention de la France pour arriver à la régénération des intérêts moraux. Alors l’humanité se félicitera de la coopération puissante des deux premières nations de l’Europe, dans le but sacré de rendre ces deux intérêts compatibles : l’une y parvien- dra en perfectionnant la uulture et la fabrication pour que la production soit à bas prix , abondante et à la portée de tous les consommateurs ; l’autre , en l’organisant sur les bases de la justice, afin que la misère cesse d’être le patri- moine des classes laborieuses. POSSESSIONS ESPAGNOLES. Le tableau que nous avons tracé de l’état des colonies anglaises et françaises , qui, avec les colonies espagnoles , comprennent presque toutes les possessions européennes dans l’archipel américain , doit nous servir à apprécier les dernières et en particulier la principale , file de Cuba , objet exclusif de cet ouvrage. Dotée d’éléments de produc- tion et favorisée par des circonstances locales que ne réu- nissent pas les autres îles, Cuba a pour elle le crédit dont elle jouit par la supériorité des denrées qu’elle exporte et les qualités particulières de quelques-uns de ses produits. Son commerce , établi sur les bases d’un système libéral , étend chaque jour ses relations et unit ses intérêts à ceux de l’Europe et de l’Amérique ; éclairée et prévoyante dans la connaissance d’elle-même , Cuba se présente aux yeux du monde avec tous les avantages de sa prospérité, et, si le cercle qui l’entoure lui conseille la prudence, l’intelligence XClX INTRODUCTION GÉ^ÉRALE. des ressources et des forces qu elle possède, doit fortifier sa confiance. Nous résumerons en quelques lignes les causes qui constituent la première, avant de discuter l’étendue des droits qu’elle puise dans les secondes ; il nous suffira de grouper les résultats que nous avons déduits, dans diffé- rentes parties de cet ouvrage, de 1 impartiale discussion des faits; nous les réduirons à trois : 1° Le système agricole et économique de l’île de Cuba pèche par les mêmes défauts que celui de toutes les An- tilles et des autres colonies où le régime de l’esclavage, en- core en vigueur , n’a pu être modifié ni par la richesse du sol , ni par la douceur du climat , ni par l’humanité des maîtres pour leurs esclaves. Cet état de choses provient de ce que la condition de ceux-ci , renversant les lois orga- niques et rationnelles du travail , favorise les abus , enra- cine les erreurs et maintient la routine avec une ténacité égale à celle qui s’oppose aux améliorations et rend la ré- forme impossible en usurpant sa place. 2° La production du sucre de canne, qui a constitué sa principale source de fortune , souffre des effets de la con- currence active que lui font d’autres pays. La baisse qui s’est fait sentir dans les récoltes des colonies anglaises n’a eu aucune influence sur des prix qui ruinent les proprié- taires cubanéens. Trois espèces de productions luttent contre celle de l’île de Cuba, directement ou indirecte- ment : l’asiatique, l’européenne et l’américaine. La pre- mière est en grande voie de progrès par les avantages qu’elle trouve, soit dans la bonne organisation coloniale de Java , soit dans le bas prix des terres et des journées, soil dans le vide des exportations pour la métropole que doit combler l’Inde anglaise. La seconde , fondée sur de saines théories agricoles et sur la perfection de ses méthodes , ré- siste à tous les obstacles que le régime fiscal lui oppose : lie pouvant se développer en France , elle passe au Nord et s’étend avec avantage parmi les nations qui la favori- sent. La troisième procède de deux sources differentes, du continent américain et de l’Archipel ; mais aujourd luii c li>TKODUCTlON GENERALE. elle a moins de droit à notre attention, relativement à son origine , qu’au sujet de la condition diverse des ouvriers qui la produisent , libres ou esclaves. Dans la concurrence nouvelle ouverte à ces deux espèces de production , la se- conde paraît décroître pour différentes causes que nous avons expliquées , tandis que la première se maintient en- core sur une base que l’on attaque et dont la suppression est décidée. Mais, si les deux sucres d’origine américaine se présentent aujourd’bui dans une lice qui est désavanta- geuse à tous deux pour des motifs différents; si la produc- tion des bras libres africains dans les Antilles est tombée pour avoir osé lutter dans la pratique contre les principes de la théorie , ce singulier phénomène doit être attribué à une conséquence de l’esclavage et non à aucun vice inhé- rent au travail libre. Avec le temps, celui-ci trouvera, dans les régions méridionales du continent américain , des ter- rains et des conditions favorables. Là il pourra se déve- lopper pour entrer plus tard en concurrence avec la pro- duction tyrannisée de l’Inde et avec la production euro- péenne de la betterave. Sous aueun rapport, nous ne saurions donc regarder comme heureux 1 avenir de la pro- duction du sucre dans l’île de Cuba. d'’ Le système particulier adopté par la Grande-Bretagne dans ses possessions occidentales , la sanction des gouver- nements, les progrès de l’opinion publique rendent, chaque jour, moins probable le maintien de l’esclavage dans les pays où il est en vigueur et où il résiste encore plus par nécessité que par la conviction d’aucun avantage. L île de Cuba est peut-être de tous ces pays celui qui, dès les temps les plus anciens, a entrevu l’avantage qu il y aurait à renoncer à ce dangereux élément de production. C’est pour cela que ses citoyens les plus distingués ont marché de concert à ce but, en recommandant l’augmentation des bras blancs pour se passer des bras africains. L achat de ceux-ci est déjà défendu, l’accomplissement des traités devient sé- rieux, le nombre des esclaves doit donc diminuer. Or sans eux la production agricole décroît , a moins qu une autre INTRODUCTION GÉNÉRALIÎ. classe d’ouvriers ne remplace les esclaves qui Outre les deux causes puissantes qui cooperen \ leur diminution , la suppression de la traite e 1 exced u des décès sur les naissances, il en existe d autres plus puissantes encore dans l’ile de Cuba que dans es auties Llonies : c’est la libéralité des maîtres, entretenue p d’anciennes coutumes inhérentes au ^ nui les pousse à l’émancipation de ’ c’est la fLilité qu’ont ceux-ci , favorises par la legj^ila tion à se libérer au Lyen de rachats partiels; c est enC» terie que le gouvernement maintient comme impôt indirect, et qui dans ses effets, recèle un moyen frequent d emanci- paüon. Le concours de ces causes, en diminuant successive- Entlenombredes esclaves, sera suffisantpourdetruire tou e espérance de conserver le système de culture dont ils sont la base. Il paraît donc hors de question que, a la ^ le diversifier par les maux qu’il offre, se joint le besoin concurrence et de l’émancipation , imposé par les circon- smnees. Quelques personnes, craignant un .chan,gemen auquel eL ne se Citent pas préparées , tournent leurs Zrds vers une grande puissance qui offre l’amalgame mLtrueux de la démocratie et de l’e-l-age. Comjff. t sur ce que les intérêts qui y sont compromis ne pei iront pas à leur gouvernement d’adhérer a ^ liance européenne en faveur de la liherte des noirs e e espèrent pouvoir s’appuyer sur le système de résistance qu^il veut opposer aux mesures adoptées contre 1 esclavage. Mais cette espérance est aussi illusoire que d > soit parce que l’île de Cuba se trouve dans des c.rcon stances fort différentes pour résister, soit paice qu intérêt même lui conseille de céder , soit enfin paice qu les États du sud de la confédération américaine , qtu s op- posent aujourd’hui à la liberté de leurs esclaves, on sa - donné, quand il s’est agi delà suppression de la lade, toutes les conséquences inévitables qui y con uiseï causes actives que nous avons expliquées vient s eu a ^ aux États-Unis, une autre qui non seulement metlia eu INTRODUCTION GÉNÉRALE. terme à l’esclavage , mais qui fera disparaître aussi de leur sol la caste de couleur ; c’est le sentiment de dédain avec lequel elle est traitée par la race blanche^ sentiment qui, confondu avec le mépris que lui inspire l’esclavage , éclate empreint de tous les caractères du préjugé , quand il se fonde sur la couleur. Les nègres le savent, et les blancs ne le nient pas. La séparation qui les divise existe perma- nente , du berceau à la tombe , et la religion même , si puissante chez ce peuple, est forcée de désigner des temples à part pour que chaque race puisse adorer à son aise le Dieu de la tolérance et de l’égalité. La conséquence de ce préjugé a été , d’une part , l’enthousiasme avec le- quel les nègres libres se sont empressés d’émigrer d’un pays qui les méprisait autant que les colonies anglaises organisaient et ennoblissaient le travail de leurs frères, et, de 1 autre , l’indifférence avec laquelle les blancs voyaient s’effectuer cette émigration (1). Il nous semble donc que, si ce pays peut résister encore à la mesure de la liberté gé- nérale de ses esclaves, il s’y prépare au moins et ne pense pas à conserver la population émancipée. Sur ces entrefaites , la substitution du travail libre au travail forcé, accomplie dans toutes les colonies anglaises, a cessé d’être une simple tendance de l’opinion pour être généralement considérée comme un but qu’il faut at- teindre. La France, que le nombre d’esclaves de ses pos- sessions aux Antilles et leur importance commerciale paraissaient reléguer au troisième rang dans la grande mesure de l’émancipation, est venue se placer au second à la suite de la Grande-Bretagne , afin d’arriver à un égal résultat , en améliorant les mesures à prendre ; parce que partout l’abolition de la traite africaine paraît aussi inévi- table qu’on trouve précaire l’existence du système vicieux par lequel le gouvernement anglais s’occupe de la rem- (i) Deux Américains, MM. Peane , seconde série. ex lAÏKODUCTiON GÉNÉRALE. de la continuation de l’esclavage, et, de l’autre , la crainte sans fondement d’une ruine complète qu’amènerait le règne de la liberté. Mais l’impossibilité de maintenir ce premier sys- tème étant démontrée, il nous paraît d’autant plus urgent d’entrer dans la voie de l’émancipation, que les deux îles qui restent à 1 Espagne de ses anciennes possessions américaines offrent les conditions les plus heureuses et les plus réellement exceptionnelles pour l’introduction de la réforme. Nous les avons déjà en grande partie énumérées, et nous ne nous y arrêterons pas davantage parce que nous ne saurions faire entrer dans le plan de ce livre la démonstration des moyens que 1 Espagne doit adopter pour exécuter sans périls la ré- volution sociale qui s étend peu à peu dans toutes les Antilles. Nous terminerons donc en répétant que nous n’avons voulu que signaler l’état où elles se trouvent, les circonstances plus ou moins favorables qu elles offrent en général et en particulier , et le fruit recueilli des mesures adoptées par la Grande-Bretagne , afin d’éclairer , à l’aide de cet ensemble de considérations, le problème que doit ré- soudre notre gouvernement. Nous espérons qu’elles seront au moins qualifiées de patriotiques et d’opportunes par les hommes placés a la tête des affaires publiques et par les lecteurs impartiaux. Paris, le 25 octobre 1842. Ramon de la Sacra. géographif.. En traçant le tableau historique de la géographie de Pile de Cuba, Pimaginatiou se reporte involontairement vers la découverte du Nouveau-Monde, époque mémorable où, sous les auspices des rois catholiques, ou eut conuaissance de nouveaux cUmats de nouvelles productions et d’une raced’hommes inconnue jusqu alors. Il n’est pas un point sur les mers et les terres que nous allons décrire, qui ne rappelle quelque souvenir de nos premiers naviga- leurs. A la tête de ces illustres aventuriers se présente l’immortel Colomb , génie entreprenant, qui, plus secondé peut-etre par son audace que par la fortune, dota le royaume d’Espagne d’immenses possessions , et porta ses limites à un point que n’atteignirent , et n’atteindront même jamais, les États les plus puissants La decou- verte des petites îles Lucayes et, peu de jours apres, celle de 1 1 e de Cuba, commencèrent cette brillante sériede succès qui résume l his- toire de la conquête de l’Amérique, histoire considérée par les uns comme un des plus beaux titres de gloire dont l’Espagne puisse se vanter, et par d’autres comme une tache indélébile dans les an- nales de l’espèce humaine. Sans examiner ici les raisons sur lesquel- les se fondent des opinions aussi contradictoires, nous ferons ob- server en passant, à ceux qui portent un jugement trop sévère sur cette époque, qu’ils ne tiennent pas assez compte de 1 esprit du temps, car si, jugeant les faits qui s’accomplirent au commence- ment du xvi^ siècle , d’après les principes philosophiques de notre ère , ils trouvent étrange la conduite de certains chefs , ii’cst-on pas en droit de leur demander si , de nos jours , le mérite et la phi- lantropie sont des qualités plus communes? La conquête du . ou- veau-Monde porte le cachet du siècle dans lequel elle fut entre- prise, mais elle est empreinte de beaux traits du caractère cspagno , et l’on retrouve dans les actes qui la motivèrent cet espi il ( c juo fonde sagesse et de haute portée , caractère distinctif du gouverne- GÉoGH.vrmu. 2 GEOGRAPHIE. ment d’alors (1). Il est fâcheux de le dire : après que l’Espagne mal- heureuse a été déchue de sa puissance , des écrivains peu généreux n’ont pas craint de ternir les fastes glorieux de notre siècle d’or. Les découvertes de Christophe Colomb et des autres navigateurs espagnols embrassent un cadre si étendu qu’après un intervalle de trois siècles elles offrent encore un champ des plus vastes à l’étude et à la méditation. A partir^ en effet, de cette époque, com- mence une nouvelle histoire naturelle , une nouvelle histoire poli- tique , morale et philosophique de la société et de toute l’espèce humaine. Les ouvrages de nos historiens , les uns imprimés , d’autres manuscrits, et à peine connus pour la plupart, sont une mine féconde où doivent puiser tous ceux qui se proposent de traiter avec conscience quelques sujets relatifs à l’Amérique (2). (1) Ferdinand et Isabelle signalèrent leur règne par des actes qui contri- buèrent puissamment aux succès des grandes entreprises maritimes : le com- merce prit sous leur administration un immense développement j ils rappelèrent Fobservance de plusieurs lois de leurs prédécesseurs en faveur de la navigation et en promulguèrent de nouvelles. Le royal décret d’Alphonse XI (i348), relatif au sauvetage des bâtimens naufragés sur les côtes du royaume de Castille , fut remis en vigueur par leur ordonnance de i48o (loi 78). Us protégèrent de tout leur pouvoir ceux de leurs sujets qui passaient en Afrique pour y trafiquer (dé- cret de Cordoue, 28 septembre ï 482). Ils rétablirent les franchises et les pri\i- léges du royaume de Léon, en faveur des marins des ports de Galice (Tarazona, 22 mars i48o) ; en vertu de ces privilèges, chaque matelot pouvait prélever à son profit cent livres sur toutes les marchandises de la cargaison, et tout marin condamné à mort devait jouir, dans l’exécution de la sentence, de la distinction accordée aux gentilshommes, excepté dans les cas de délits avilissants. Dans un siècle où les prérogatives étaient à l’ordre du jour, c’était en quelque sorte donner à la marine des titres de noblesse. Ferdinand et Isabelle accordèrent, en outre, de fortes primes aux armateurs qui fei’aient construire des bâtimens de plus de 600 tonneaux (Alfaro, 10 no- vembre 1496), et défendirent qu’on levât aucun droit sur les vaisseaux qui aborderaient à un port d’Espagne , à moins qu’ils ne débarquassent des mar- chandises (Médina el Campo, 20 avril i4g4 ). Ils donnèrent force de loià la prag- matique de Jean II, relative aux exportations de numéraire par la frontière de France ( 20 décembre 1491), et plus tard ils renouvelèrent l’ordonnance de Henri III, portant préférence de fret et chargements à bord des navires espa- gnols sur les bâtimens étrangers (Grenade , 3o septembre 1600). Ainsi les me- sures que le Roi et la Reine catholiques prirent, dès leur avènement au trône , furent toujours combinées avec justice et sagesse , et sont un témoignage de la haute protection et des immenses secours qu’ils accordèrent à tous les négo- ciants du royaume. A cette époque, les Espagnols faisaient un commerce très éten- du avec la France, la Flandre, l’Angleterre, et plusieurs autres États où ils avaient leurs consuls ou leurs facteurs. (Voy. Navarrete, Collec.de los viag. y desc., introd., p. xliv, et Ustariz. Teor,y practdel corn. cap. 43.) JVote du Traducteur. (2) C’est ici l’occasion de dire un mot de l’immense collection de manuscrits GÉOGRAPHIE. C’est là que nous recueillerons les matériaux dont nous avons be- soin pour notre histoire de l’île de Cuba. Puissent nos recherches servir de base à un édifice plus vaste : nous aurons assez fait pour la science, si , appelant l’attention sur une contrée aussi riche et aussi variée, d’autres écrivains viennent achever ces premières es- quisses en suivant la route que nous aurons tracée. Nous n’avions annoncé d’abord, dans notre prospectus, qu’une introduction historique et géographique très succincte ; mais des documents précieux , sur lesquels nous ne comptions pas , et que nous avons trouvés dans les bibliothèques de Paris et dans les dépôts et autres archives scientifiques de cette capitale, nous ont obligé à étendre notre premier plan , car la comparaison que nous avons faite de ces nouveaux éléments d’étude avec le texte des anciens historiens est venue compliquer notre sujet et nous fournir des matériaux pour une histoire beaucoup plus complète. Par la nature môme de notre ouvrage, il nous fallait exposer, en commençant, quelques données générales sur la géographie de Cuba, afin de pouvoir parler de cette île sous le rapport de sa fertilité et des différentes productions naturelles que nous y avons recueillies. En suivant cette marche, nous voulions signaler plusieurs travaux dont nous avions connaissance , afin d’accorder l’histoire avec les "^documents. Ce plan nous a mis sur la voie de nouvelles données, espagnols dont M. Henri Ternaux vient récemment d’enrichir sa bibliothèque déjà si importante en documents de toute espèce sur l’Amérique. Nous ne crai- gnons pas d’avancer qu’elle est tellement complète en ce genre, qu’il n’en existe point à Paris qui puisse rivaliser avec elle. En signalant l’extrême obligeance que met M. Ternaux dans la communication de ces précieuses archives , nous pen- sons rendre service aux amis des sciences historiques qui pourraient encore ignorer les intentions libérales d’un savant non moins recommandable par la franchise de son caractère que par l’étendue de ses connaissances A cette note de M. Ramon de la Sagra , nous ajouterons que M. Ternaux, en sc décidant à publier la traduction française des textes originaux de plusieurs ou- vrages presque inconnus ou la plupart introuvables aujoui'd’bui, a comble une immense lacune dans l’iiistoire du nouveau monde. Le premier vny a^e de 717- colas Ledermann aux îles de la mer Océane , narration des plus curieuses et tout à fait ignorée , Vhistoire de la province de Santa-Cruz , par Péro de TSlas^al- hanès de Gandavo, ouvrage d’un grand mérite à cause de l’esprit de critique avec lequel il a été écrit, le livre de François Xérès sur la conquête du Pérou et de la province de Cuzco, celui de Don Fernando de Alva Lxtlilxochitl, descen- dant des rois de Tescuco,sur les cruautés commises par les conquérants du Mexique, et plusieurs autres du plus haut intérêt, composent déjà la pre- mière série des publications de M. Ternaux et lui assurent a juste titre la recon- naissance du monde savant. Note du Traducteur. 4 géographie. et dès nos premiers pas dans la recherche des éléments historiques dont nous venons de parler, nous nous sommes aperçu que notre cadre s’agrandissait, que nous marchions progressivement vers de plus importants résultats , et que nous allions nous engager dans une étude générale de la géographie du Nouveau-Monde , lorsque notre première intention avait été de rassembler seulement quel- ques matériaux pour servir à l’histoire d’une île. Toutefois Cuba réunissant la double circonstance d’avoir été une des premières îles découvertes , et sans contredit la plus inté- ressante de celles qui furent d’abord visitées, l’histoire de cette colonie se trouve liée à celle d’une époque illustre et glorieuse. Ainsi nous nous trouverons conduit naturellement, dans la consi- dération que nous allons présenter sur cette île, à parler aussi des découvertes des navigateurs qui s’élancèrent à travers l’Atlantique sur les traces de Colomb. Il nous a donc paru convenable, pour atteindre le but que nous nous proposons, d’étudier à la fois les relations des navigateurs et des historiens , en les comparant avec les cartes et plans des pilotes et des cosmographes j car ces divers éléments sont loin de s’accor- der entre eux , soit faute d’établissements spéciaux à l’époque de leur date, soit à cause de la défiance qui dut régner entre les sa- vants de ces temps-là. Il semblerait , en effet, que les géographes n’eurent aucune connaissance des écrits des voyageurs , et que les historiens ignorèrent entièrement les cartes dressées par les pilotes ^ de manière que, si l’on voulait reconstruire l’édifice de la géogra- phie historique avec l’un ou l’autre de ces éléments isolés, on aurait deux sciences qui, partant d’une même époque (à quelques années près) , différeraient dans leurs résultats : l’une, fondée sur de va- gues indications, ne s’arrêterait pas dans sa marche, tandis que l’autre , établie sur des données contradictoires , n’avancerait qu’avec lenteur. Les descriptions ou l’histoire écrite représentent la première, les renseignements graphiques ou les cartes et plans nous donnent la portée de la seconde. Nous nous sommes assuré, par l’examen des cartes, que ces do- cuments n’indiquent pas les progrès de la science au temps de leur publication , mais à une époque plus ancienne; il suffit, en effet , de les parcourir avec attention pour se convaincre qu’elles furent construites , pour la plupart, sans données précises , et que leurs auteurs consultèrent rarement les autres travaux qui s’y rapportent. A cet égard , les cartes manuscrites nous ont offert des renseigne- , 5 GEOGRAPHIE. menls beaucoup plus complets que les carto imprimées mémo au- paravant , de manière que, pour toutes les données qu. se lient a la Lrtie historique de la science, on doit s’attacher à «^chercher le matériaux précieux ensevelis sous la poussière des archives > ” ‘ les historiens et les cosmographes n’ont pas su proBter Des que ces documents serontbien connus, et qu’on aura crits importants qui sont restés ignorés dans les bibliothèques d pagne, on pourra alors établir la narration exacte des faits, garan et prouvée par la confrontation des deux éléments que nous avons signalés et qui nous ont servi de base dans nos propres recherches. La relation la plus importante que nous possédions sur la decou verte du Nouveau-Monde est, sans contredit , le journal de voyage de Christophe Colomb, revu et rédigé par Fr. Bartholome de Las Casas , et publié par D. Martin Fernandez Navarrete dans sa Col- lectim des voyages et découvertes des Espagnols depuis le xV siè- cle (F). Ce document, écrit avec ce style simple et naïf qui caracté- risé la vérité, se recommande également par le grand nombre de renseignements qu’a contient, par l’exactitude avec laqueUe les faits et tous les évènements de la mémorable expédiüon se trouvent (.) CotWoa ite ^ notes desde fines M sigh’^'t ■ Madri , • - partie fl MM. C. de Verneuil et de la Roquette ont donne une traduction a i ""cfw est le fruit de trente années dWstigations Lhorieuse^, ,et renferme les documents les plus authentiques et les plus s 1 1 de la marine espagnole, etsur les premières de blissements qu’on y fonda. Le plan ® ^ ^ brillent à la fois un Nararrete déjà si arantageusement connu par des ec b solide jugement et un admirable esprit de de l’É- confialaLection.etlivraèsesstudieusesrecb^^^^^^^^^ tat. C’est dans les livres et manuscrits des bib collections du duc ville , de Madrid , etc., dans celles des couven , l’infantado de Yeragua, l’un des descendants de Christophe o , matériaux et d’auL grands d’Espagne, que ce sarant a qu’il a ensuite commentés avec tant d eiudi • c-itôt de son impor- iales parties de l’ourrage de M. de «ava-^ ^ ^ page vient alors alimenter la pensée et fournir f ^„ces Ltin. Colomb et les navigateurs ou les conquérants qui - parlent dans ce livre comme ils écrivirent ; les caracte^^^^^^^ ^ turiers s’y trouvent traces pour ainsi dire ^ J^^^^crits auto- l’auteur a reproduit leurs lettres ou leurs relations d a p ^emempo- graphes, et a augmenté ces précieux renseignement d rains qui connurent ces grands hommes ou du 1 raduclear. GÉOGRAPHIE. rapportés, ot s,urtout par la précision qu’on remarque dans l’indi- cation des îles découvertes. Ainsi , à partir de la première dont on eut connaissance , celle de Guanahani , une des Lucayes , il est facile de suivre l’audacieux navigateur, et de tracer, au moyen des déroutes et rumbs de vent dont il tint compte si scrupuleu- sement jour par jour, la position de toutes les terres qu’il a men- tionnées. Dans les documents que nous avons consultés et que nous analyserons progressivement, on retrouve les quatre îles qui furent d’abord découvertes et que Colomb a indiquées dans son journal de navigation , d’après leur position relative, sous la dénomination de Guanahani la première, ou San Salvador j la seconde ou S de la Conception , n’est pas nommée; Yamay, ou la Fer- nandina est la troisième, et Someto , oulsabela , la quatrième. Dans la lettre que Christophe Colomb écrivit de Lisbonne à Don Raphaël Sanchez, trésorier du roi et de la reine catholiques, et dont la traduction latine a été faite par Léandre de Cuzco, le 25 avril 1493 , et imprimée à Rome la même année par Eucharis Argen- teus , on trouve un dessin des îles découvertes par l’amiral , re- produit ensuite en appendice , ainsi que la lettre citée , dans l’his- toire du célèbre Génois , écrite en italien par Rosi , et traduite en français, en 1824, parM. Vrano(l). M. Rosi pense que ce dessin a été fait probablement par Colomb lui-même , et se fonde sur l’exactitude des positions relatives des îles, particulièrement de celle de Saint-Domingue , par rapport à Cuba. Nous ne partageons pas cette opinion, car nous n’oserions attribuer à l’amiral une carte aussi incorrecte, lorsque tout récem- ment on en a trouvé une si parfaite et qui paraît avoir été tracée de sa propre main (2). Un plan où la position relative de toutes les (1) Il résulte dos recherches de notre savant compatriote D. F. Navarrete que la lettre déposée à la bibliothèque de Milan n’est pas si rare que l’avait pensé M, Bosi, car il en existe une copie à la hibliothèque de Madrid, la même que celle citée par D. Juan Bautista Munoz dans son histoire du Nouveau-Monde {Hbtoria del 'Niie\^o Mimdo) , et par D. Cristobal Caldera, dans ses recherches historiques sur les principales découvertes des Espagnols dans l’Océan {^Investi- fi;aciones historicas sobre los principales descubrimientos de los Espanoles en èl mar Oceano). Voy. Navarrete, op. cit., t. i, p. i-j5,qui a donné aussi une tra- duction correcte de la lettre en question. ( 2 ) Ce dessin , qui représente le triomphe de Colomb , a été publié par M. A. Jal , dans le tome ii de la France maritime ; il a ét4 trouvé dans un cahier de do- cuments et de lettres autographes de l’Amiral , renfermé dans un coffre servant de hase au buste du célèbre navigateur qui orne la salle de conseil du palais ducal, à Gênes. Voici le sujet de celte esquisse. Le héros est ]>lacéau centre sur GEÜGUAI»11IE. îles est si faussement indiquée ne peut être l’ouvrage de Colomb ; aussi savant cosmographe (1) qu’habile marin, l’amiral savait bien, puisqu’il l’écrivit sur son journal de voyage , que la Conception était située à l’occident de San Salvador, que Fernandma restait plus à l’ouest, qyiUsahela gisait au sud , et VEspanola au sud-est. Com- ment donc supposer , à la vue des nombreuses erreurs dont ce dessin est rempli, qu’il ait pu placer San Salvador au nord-ouest d’Isabelle et au nord-est de la Conception, puis l’Espagnole au sud-ouest et la Fernandine au sud-est. M. Bosi a pris faussement la Fernandine pour l’île de Cuba, qu’on appelait alors Juana^ l’autre dénomina tion ne lui ayant été donnée qu’en 1514 (2). L’île qu’on a voulu figurer sur le plan en question est celle qui a été découverte la troisième. Il est donc plus probable que le croquis annexé à la traduction la- tine de la lettre de Colomb au trésorier Sanchez a été dessiné pour un char triomphal qui roule sur une mer courrouce'e , d’où sortent à demi deux monstres repre'sentant probablement l’Envie et l’Ignorance que Colomb eut à combattre : Mostri superati, comme l’indique l’annotation. La Providence est place'eà côté de l’amiral -, la Constance et la Tolérance sont devant le char et le traînent à leur suite ; toutefois, si l’on s’en tient aux indications écrites en marge, il paraît que, par la Tolérance, on ne doit pas entendre cette vertu indulgente que recommande la loi du Christ, mais la vertu de la patience et de la résigna- tion , faisant allusion aux peines et aux fatigues qu’il lui a fallu supporter (ïo- lerare) pour arriver à son but. La religion chrétienne se tient derrière le char , et semble le pousser en avant, tandis que dans les airs planent , au dessus de Colomb, l’Espérance qui le précède, la Victoire qui le couronne, et la Renommée qui proclame ses succès en embouchant deux trompettes à banderoles , et sur lesquelles on lit ces mots : Genoa , Fama Colombi. M. Jal croit que ce croquis fut envoyé à Gênes , par Christophe Colomb lui-même , dans l’espoir que ses compatriotes le feraient traduire sur la toile , et pense que quelque jour on trou- vera peut-être , dans les archives de l'Office de Saint-George , la lettre qui ac- compagnait le dessin. Voy. France maritime, t. II, p. 263 et suiv. (1) Fernando Colomb, qui écrivit la vie de l’amiral (Ilisioria del almiranle Columho, cap. lo), et Bartolomé de Las Casas {Hist. gen. de Las Indias, cap. 29), affirment que l’illustre Génois enseigna l’art de la navigation à son frère Barthé- lemy. L’amiral parle lui-même de ses études scientifiques dans plusieurs passages de ses lettres et de ses mémoires. Le curé de los Palacios, André Bernaldez , qui logea Colomb dans sa maison et commenta ses manuscrits, observe que ses connaissances bibliographiques , son habileté dans le dessin et le tracé des cartes et spheres lui servirent de ressources durant les premières années de sa résidence en Espagne. Ces différentes notices sur les capacités et le savoir de l’Amiral sont encore confirmées par Las Casas, qui assure que, pendant son séjour en Anda- lousie , Colomb travaillait, pour vivre, à faire des cartes marines , qu’il vendait aux pilotes, et que ce fut son occupation jusqu’à ce que le duc de Medinaccli le prit sous sa protection. (Bernaldez , cap . 1 18, et Las Casas, liv. i,cap. 3 o.) Note du Traducteur. (2) D’après la même ordonnance royale qui prescrivait de donner le nom de ^Santiago a la .lamaïque, (Herrera, dec . 1 , lib. x , cap. xv 1 . ) 8 GEOGRAPHIE. servir d’illustration , par le traducteur Leandre de Cuzco , ou par toute autre personne qui , n’ayant pas lu le journal de l’amiral , a tâché de représenter les îles nouvellement découvertes^ suivant l’in- terprétation qu’il a faite du texte de la lettre. Nous ajouterons que la figure qu’on a placée à bord du navire nous paraît être plutôt celle d’un matelot tenant en main une manœuvre que celle de l’amiral avec l’épée au côté, dans la position d’un homme qui médite, suivant l’avis du commentateur italien. Nous n’avons reproduit ce dessin, dans la planche 2 de notre atlas, que comme terme de comparaison pour nous servir de point de départ dans l’étude des cartes anciennes relatives aux premières découvertes , bien qu’il soit sans intérêt pour l’histoire de la géo- graphie. Mais nous avons à parler d’une carte manuscrite bien plus pré- cieuse (1), la plus ancienne de toutes celles que nous aurons à ci- ter, et dans laquelle les découvertes de Colomb et celles des pre- miers navigateurs espagnols se trouvent indiquées avec une exac- titude remarquable, surtout si l’on se reporte à l’époque de ces en- treprises, c’est à dire en 1500 . Le pilote espagnol Juan de la Cosa, compagnon de Colomb dans son second voyage , et d’Alonzo de Hojeda dans la célébré expédition de 1499 , est l’auteur de cette carte. A la vue de ce document, sur lequel nous allons nous arrêter quelques instants, on est surpris des nombreuses et intéressantes données qu’il renferme et qui résument tous les voyages exécutés dans le cours de l’année citée. Et pourtant ni l’expédition d’Ho- jeda, qui partit en 1499 , ni celle de Christobal Guerra et d’Alonzo Nino, qui mirent sous voile à la même époque , de même que celle de Vicente Yanez, entreprise vers la fin de la même année et de Diego Lepe , qui eut lieu un mois après , n’effectuèrent leur retour qu’au milieu ou à la fin de l’année 1500 . Il faut donc que les dé- couvertes de ces différents navigateurs aient été immédiatement consignées sur le plan manuscrit par Jean de la Cosa (2). (i) Cette carte , dessinee et coloriée sur un parchemin de plus de quinze pieds carrés en surface, représente l’Amérique et l’ancien continent. On a figure, sur les terres, des hommes et des animaux , dont le dessin , sans être très exact , pa- raît pourtant avoir été fait avec une attention minutieuse. Les armes de Castille semblent avoir été effacées en plusieurs endroits. (a) La carte de Jean de la Cosa fut dessinée en 1600 au port Sainte-Marie, se- lon l’indication de la légende marginale. L’auteur, en ajoutant a ses propres ren- seignements ceux des autres navigateurs qui parcoururent la cote orientale du JNoiiveau-Monde , à l’époque des premiers voyages de Colomb et de Hojeda , aura GÉOGRAPHIE. Ce fut dans le mois de février de l’année 1827 que l’existence de cette carte originale nous fut relevée par une note que M. le voulu réunir sans doute, dans le cours de son travail, les decouvertes les plus récentes. Toutefois , bien que l’on puisse soupçonner à la rigueur que ceUe carte, commencée en i5oo, ait été continuée les années suivantes, il est de fait que les points visités par le célèbre pilote, en i 5 o 4 ,ne se trouvent pas indiques sur le plan, et cette observation tend à prouver que Jean de la Cosa n’a voulu figurer que les découvertes de l’amiral en léga , i 4 g 3 et 1498 , avec ceUes des autres ex- plorateurs cités par M. Ramon de la Sagra. Nous donnerons ici un résumé succinct de ces différents voyages. Parti de Palos, le 3 août 1 492, Christophe Colomb découvre, le ii octobre, l’île de San Sali^ador , l’une des Lucayes ou ües Turques, et en reconnaît plusieurs autres du même groupe. Il aborde ensuite à Cuba, parcourt la côte septentrio- nale de cette île , explore V Espagnole, par la bande du nord , et retourne en Es- pagne après sept mois d’absence. Le 20 septembre 1498, il part de nouveau , procède à la reconnaissance des Antilles, visite successivement /a , la Guadeloupe , Marie-Galante , Saint-Martin , Sainte-Croix , la Jamaïque et Puerto- Rico , côtoie Saint-Domin- gue une seconde fois et presque toute la partie méridionale de Cuba. Ce voyage dura neuf mois. En 1498, l’amiral fait voile de San Lucar le 3 o mai et, se dirigeant plus au sud, reconnaît le golfe de Paria et le continent d’Amérique ; il sort ensuite par les Bouches du Dragon, découvre la Marguerite , et relâche à Saint-Domingue, où le gouverneur Bobadilla le fait arrêter pour le renvoyer en Espagne. Alonzo de Hojeda , qui s’associa Jean de la Cosa en i4g9, mit sous voile de Sainte-Marie avec quatre caravelles : l’expédition toucha d’abord aux Canaries , d’où elle se dirigea sur la côte ferme d’Amérique, qu’elle parcourut sur une éten- due d’environ 200 lieues jusqu’au Paria. Les embouchures du fleuve ÆsequzVo et de rOrénoque , l’île de la Trinité, où Colomb avait abordé quelques mois au- paravant, le golfe des Perles, la Marguerite , le cap Codera et toute la côte du /^enezweZfl jusqu’au cap de la furent successivement reconnus. L’expé- dition fît route ensuite pour l’île Espagnole (Saint-Domingue), afin d’effectuer son retour. Alonzo Nino et Christobal Guerra partirent de Saltes avec un seul navire, peu de jours après l’expédition d’ Alonzo Hojeda et de Jean.de la Cosa, et prirent terre dans le Paria; ils reconnurent la côte septentrionale de cette province , relâchè- rent à la Marguerite et dans le voisinage de Cumana (au port de Chiriviclii, pro- che Puerto - Cabello) , pour s’y procurer des perles et d’autres marchandises de prix , visitèrent ensuite le golfe Triste , et revinrent de là en Espagne. Vicente Yafiez Pinzon , dont les découvertes se trouvent aussi indiquées sur la carte de Jean de la Cosa , est le frère de Martin Alonzo qui commandait la Pinia, une des caravelles de la première expédition de Colomb ; il fît lui-meme ce voyage en qualité de pilote. Ces deux navigateurs, si envieux d’amasser de l’or, étaient hardis jusqu’à la témérité , d’un caractère turbulent et difficile à manier. L’amiral eut plusieurs fois à se plaindre de leurs intrigues et de leur insubordi- nation : Martin Alonzo l’abandonna le 21 novembre i4g2 , près des cayes de Moa, afin d’explorer les nouvelles terres pour son profit, et ne le rallia que le 6 janvier suivant à Saint-Domingue, dans le port de Monte-Chrisu. « H m en fit 1) bien d’autres, » dit-il dans sa relation ; « Otras muchas me tiene liecho. » \i- ceute Yaûez, ce riche armateur de Palos, qui avait contribue, avec son frèii. 10 r.ÉOGRAPHIE. baron de Humboldt a insérée dans l’introduction de son Examen cri- tique de ïhistoire de la géographie du nouveau continent:, Paris, 1827. L’affabilité et la bienveillance qui caractérisent M. le baron de Walc- kenaer, possesseur de ce précieux document, nous firent espérer de pouvoir le consulter, et en effet ce savant géographe nous permit d’en prendre un fac-similé , ce que nous exécutâmes en cal- quant toute la partie qui concerne l’Amérique. Notre travail était déjà avancé, lorsque M. de Walckenaer nous apprit que M. de Humboldt venait de publier divers fragments de la même carte dans l’atlas géographique et physique de son voyage. Aussitôt que les nouvel- les livraisons de ce grand ouvrage furent en circulation , nous nous empressâmes d’aller en prendre connaissance à la bibliothèque royale 5 mais nous crûmes devoir persévérer dans la reproduction de toute la partie du Nouveau-Monde de la carte de Jean de la Cosa , non seulement parce que les données que ce document devait nous fournir étaient nécessaires à l’intelligence de notre texte, mais encore parce que, dans l’examen auquel nous allions nous livrer, nous n’aurions pu atteindre le but que nous nous proposions avec les fragments publiés, par le célèbre voyageur, dans un ouvrage que les bibliothèques d’Espagne ne posséderont pas de si tôt, à cause de son prix. Au surplus , la carte de Jean de la Cosa est un monu- ment national que l’Espagne a perdu pour toujours (1), et il nous Mai’tin Alonzo et ses autres parents , à Fe'quipement des caravelles de la preinièi c expédition , arma à ses frais quatre bâtiments , avec lesquels i! partit en i igg , et eut la gloire, le 26 janvier i5oo, de découvrir le Brésil par le 8« degré de latitude sud, trois mois environ avant le Portugais Cabrai, qui n’aborda sur cette côte que le 24 avril de la même année. Vicente Variez , réuni à Juan Diaz de Solis, fit ensuite deux autres voyages de découvertes , l’un en i5o6 et l’autre deux ans après. Ce fut à peu près à la même époque (!Ô07) que Jean de la Cosa , qui avait déjà reconnu en i5o4 le golfe d’C^- raba, c’est à dire cette partie de terre ferme voisine de l’île à^Oruha , retourna dans les mêmes parages avec la mission d’empêcher les aventuriers étrangei’s de s’y établir. Ce célèbre cosmographe , Maestro de hacer cartas , et que Herrera appelle le véritable découvreur du Paria, fut tué eir i5io, en combattant contre les Indiens. Enfin Diego de Lepe se mit en route en i4g9 , un mois après le départ d’ Alonzo Yanez , doubla pour la première fois le cap de Saint- Augustin , et retourna en Espagne après avoir reconnu le fleuve Maranon ou des Amazones. Lepe leva le plan de ses découvertes , et sans doute, comme l’observe judicieusement M. Ba- mon de la Sagra, les travaux hydrographiques de ce hardi navigateur auront fourni de nouveaux éléments à Jean de la Cosa pour la construction de sa carte. Note du Traducteur. (i) C’est ici le cas de faire remarquer la fatalité qui pèse sur la malheureuse Espagne depuis le commencement de ce siècle ; elle s’est vu enlever successive- GKOGUAPIIIE. 11 a paru opportun de le faire paraître en entier, du moins pour tout ce qui est relatif à l’Amérique , dans un ouvrage publié sous les auspices du gouvernement du pays et qui traite de l’histoire d’une de ses plus importantes possessions. Tels sont les motifs qui nous ont décidé à faire graver ce plan avec l’exactitude la plus scrupu- leuse, soit dans le tracé des contours, soit dans la reproduction fidèle de l’orthographe des noms et du style calligraphique. Nous n’en félicitons pas moins M. de Humboldt de nous avoir devancé dans cette entreprise , ainsi que nous le fîmes dans une autre cir- constance, pour avoir publié avant nous les premiers renseigne- ments dont le monde savant lui est aussi redevable sur la statistique de l’île de Cuba (1). Lorsqu’en lisant les relations des premiers navigateurs espagnols on étudie la carte de Jean de la Cosa , on y retrouve toutes leurs découvertes. Nous n’envisagerons ici que les principales ; un exa- men plus approfondi dépasserait les limites de cet ouvrage. A partir d’un méridien qui passe à l’est des Açores ( Lina méri- dional, comme l’indique la carte), et que nous croyons la célèbre ligne de démarcation accordée par la bulle d’Alexandre VI pour sé- parer les possessions du roi de Portugal des découvertes faites sous ment ses plus beaux titres de gloire. Que de livres , de tableaux, de manuscrits précieux ont passé en d’autres mains pendant l’occupation des armées étrangères! Et aujourd’hui encore, tandis que la nation est divisée en deux camps, qu’une guerre sans résultats probables consume ce qui lui reste de force et d’espoir, qu’un impénétrable avenir cache à tous les yeux les conséquences d’une politique in- certaine, l’Espagne se dépouille pièce à pièce, et fait argent de tout; ses chefs- d’œuvre de peinture s’en vont et nous arrivent en masse pour doubler les ri- chesses de notre musée national; des commissions sont données pour fouiller dans ses bibliothèques et acheter à prix d’or ses plus importantes archives. En présence de ces faits , et à une époque où le patriotisme n’est souvent qu’une dé- ception, M. Ramon de la Sagra s’est acquis des droits incontestables à la gi’atitude de ses concitoyens , pour l’œuvre qu’il a restitué à la mère-patrie. Un habile bu- rin est venu le seconder dans la reproduction fidèle du document original , et l’Espagne sera dédommagée au centuple. Honneur à M. le baron de Walckenaer pour avoir favorisé les intentions du savant Espagnol ! Le président de la Société de Géographie, de cette noble institution dont le public ne prononce le nom qu’a- vec reconnaissance et l'espect , n’a pas manqué à sa mission : il a compris tout ce qu’il y avait de véritable patriotisme dans le vœu de M. Ramon de la Sagra, et gn1ce à sa bienveillance l’Espagne possédera pour toujours cette carte précieuse sur laquelle Jean de la Cosa traça les découvertes des plus illustres navigateurs de son temps. Note du Traducteur. (i) Voyez ce que dit, à ce sujet, M. Ramon de la Sagi’a dans son Ilistoria econo- niica polUica y csladistica de la isladc Cuba, Habana, i83i. 12 GÉOGRAPHIE. les auspices et au profit de la couronne de Castille (1), on a repré- senté à l’orient les îles à'^Antoni, autrement dites du Cap-Vert, où aborda Vicente Yanez, pour faire des vivres {hacer carnaje) , suivant la déclaration de Pedro Ramirez dans le procès de l’ami- ral (2). Ce fut de là qu’il se dirigea ensuite sur la côte orientale du Nouveau -Monde. Les deux caravelles, qu’on voit le long du littoral , sont probablement celles de l’expédition de Diego Lepe (3) , et plus bas on lit l’inscription suivante : Cet Océan a été découvert pour la couronne de Castille l’an 1499 , par Vicente (i) Cette bulle fut concédée la première année du pontificat d’Alexandre VF , le 3 mai 1498. Nous ne citerons ici que le passage du texte original qui plaçait sous l’autorité des rois catholiques tous les pays découverts et à découvrir , si- tués à l’occident et au midi de la fameuse ligne de démarcation , ac harbarœ nationes deprimantur , selon l’expression du pape Alexandre , serties ser- vorum dei. Omnes insulas , et terras jîrmas inventas et inveniendas , détectas , et detegcndas versus occidentem et meridiem , fabricando et constituendo unam lineam a polo arctico , scilicet septentrione , ad polum antarcticum , scilicet meridiem , sive terrœ prmœ et insulœ inventœ et inveniendce sint versus In- diam , aut versus aliam quamcumque partem; quœ linea distet a qualibet in- sularum quce vulgariter nuncupantur de los Azores et cabo Verde centum leucis versus occidentem et meridiem Ce singulier document fait partie des archives des Indes de Séville : Don Juan de Solorzano en a donné une traduction en espagnol dans sa Politica indiana , iib. I, cap. 10. Note du Traducteur. (2) Dans le procès de l’amiral, soutenu par D. Diego Colomb , fils aîné de Christophe, le procureur fiscal du Roi {fiscal del Rey ) fit constater, par preu- ves judiciaires , les découvertes de Christophe Colomb dans le Nouveau-Monde , et dressa procès-verbal de toutes; les déclarations des navigateurs contempo- rains. Don Diego , en sa qualité d’amiral des Indes , procéda aussi aux mêmes formalités par preuves judiciaires , et les 4i questions qui furent adressées , de part et d’autre, aux différents témoins donnèrent lieu au dossier de pièces justi- ficatives que M. NaA^arrels a publié et commenté avec la sagacité et le profond savoir qui le distinguent. Les procès-verbaux furent dressés en i5i3 et i555 , et déposés aux Archives des Indes, à Séville. (Voy. dans la Collec.de viag. y descub. de Nav., t. III, le premier supplément de la collection diplomat., n. lxix, p. 638, et les observ. sur les déclarations des témoins , p. 691.) Ce fut sur la 7e question de l’interrogatoire du fiscal, relative à la priorité des découvertes de Vicente Tariez Pinzon vers le cap Saint-Augustin, que Pedro Ra- mirez, naturel de la ville de Lepe, déclara avoir fait partie de 1 expédition de Vicente Yanez, en 1499, lorsque celui-ci se dirigea directement sur les îles de Antonio , qui , suivant le commentateur , ne seraient pas celles du Cap-Vert, mais celles de San Nicolas , Santa Lucia , San Vicente et San Anton . , autre groupe à 4o lieues au nord des premières. Voy. Navarrete , t. III , p. 65i , not. i . Note du Traducteur . (3) L’expédition de Vicente Tariez se composait de quatre caravelles. GÉOGRAPHIE. 13 Yanez (1). Ce qui prouve évidemment que ce navigateur doubla le cap Saint- Augustin , bien qu’il y ait erreur de date , car Jean de la Cosa rapporte le fait en 1499 (2), c’est à dire à l’époque du départ de Vicente Yanez ( au mois de décembre ) , tandis que la découverte n’eut lieu qu’au mois de janvier de l’année sui- vante (3). Le nom de P. Fermoso, inscrit le plus au sud , nous a semblé correspondre à celui de Rostro Hermoso , que Diego Lepe donna à ce même parage, et où il aborda quelques jours après, malgré l’assertion de Pedro Ramirez et Diego Hernandez Colme- nero, qui ont prétendu que cette dénomination avait été appliquée à cet endroit par Vicente Yanez (4). La côte court ensuite entre ouest et nord , poniente y norte^ selon la narration , et Yanez la suivit en longeant la ligne équinoxiale ( costeando hacia la equino- cial) (5) ; parmi les divers points qui y sont marqués, on distingue (1) Estecano se descubrio en ano de mil y mvxcjx por Castilla syendo descubri- dor Vicentiafis. (2) Les notices des géographes étrangers sur les découvertes de cette époque sont encore tellement inexactes , que Malte-Brun attribue à Vespuce la première connaissance du cap Saint-Martin et de la baie de Todos Santos. \oy. son His- toire de la géographie , p. 6i8, nouvelle édition, i832. Cet auteur, s’appuyant sur des relations qui ne méritent aucune confiance , suppose aussi que Vespuce vi- sita un an avant Colomb la côte de Guayana et de la terre ferme. R. de S. A l’observation de M. Ramon de la Sagra , que nous traduisons dans cette note , nous ajouterons qu’après les erreurs qu’il a signalées, il est heureux pour la science de voir des hommes, tels que lesHumboldt, les Navarrete et les Sanlaren, s’occuper, avec autant d’érudition que de conscience, à éclairer une des questions les plus importantes de la géographie. Les savantes recherches auxquelles MM. de Humboldt et de Navarrete se sont livrés, le premier dans son Examen critique de la géograph. du Nouv. -Continent, et\e second dans sa Collecc. deviag. y des- cub., ont été suivies par celles que M. le vicomte de Santaren a si judicieusement exposées dans plusieurs de ses mémoires. Voyez sa lettre à M. de Navarrete, Bulletin de la société degéog., oct. i836, et les bulletins des mois de sept. i836, février et sept. 1887, sur les titres d’Americ Vespuce à imposer son nom au Nouveau-Continent, sur la prétendue priorité de ses découvertes, les cartes qui lui sont attribuées ou sur lesquelles on se fonde et sur tout ce qui se rat- tache à la grande question, que le savant Portugais a résolue d’une manière si lucide. M. de Santaren , en réunissant ses différents mémoires dans un seul ou- vrage, va compléter cette belle série de recherches. Note du Traducteur. (3) C’est par erreur qu’on a inscrit 1699 dans le texte. (4) Voyez à ce sujet, dans Navarrete , t. III , p. 55o et 55i , les déclarations con- tradictoires de Pedro Ramirez et de Diego Hernandez Colmenero dans le procès de l’amiral, 7e question de l’interrogatoire du fiscal. Diego Hernandez Colmenero était un des neveux d’Alonzo Yanez Pinzon , qui commandait une des caravelles de l’expédition dirigée par ce navigateur. Note du Traducteur. (5) Voy. Nav., t. III , p. 19. GEOGRAPHIE. n Tendroit où Ton trouva une croix ( X" do se fallo una Cruz), et le Rio Negro où relâchèrent les caravelles (1). Le cap situé plus haut , et qu’on a marqué par un drapeau de possession , paraît être celui qu’aperçut Diego Lepe lorsqu’il fit route à l’occident pour reconnaître le fleuve des Amazones, au dire d’Alonzo Rodriguez de la Cia va (2). L’embouchure du fleuve est placée sous la ligne équi- noxiale , le bras septentrional plus large que l’autre , avec Tfle de Marayo qui divise sou cours. On retrouve le long de cette côte, en suivant à peu près la même direction , plusieurs noms cités dans la relation des voyages de Hojeda et de Lepe , tels que Costa Anegada, la Mar Duke ou Mer douce, formée par les courants de rOrénoque, làBoca de Drago^ etc. 5 l’on reconnaîtra tous les points de relâche de Colomb d’après les indications suivantes ; Margalida^ Costa de las Perlas , Cabo de las Perlas ou de las Conchas, d’après l’amiral, puis Aldea de Torme , ou Aldea Vencida, P. Flechado^ I. de Gigantes et le golfe de Venezuela déjà inscrit sous ce nom , au lieu de celui de Venecia suivant l’histoire. Dans le fond de cette baie si bien figurée , on reconnaît la Lagune de Maracaybo, ou lac de S. Bartolomé , sur lequel les anciens historiens n’eurent aucun renseignement ( 3 ). Enfin, vers l’ouest , on découvre le cap de la Vêla {cabo de la Vêla) , dernier terme de l’expédition de Hojeda ; ce fut de ce point qu’il fit voile pour la côte méridionale de l’île Espagnole, et relâcha le 5 septembre au port de Br asti, Yachtmo (1) Voy., dans le procès de l’amiral (Nav., t. III , p. 55 i) , la déclaration de Gar- cia-Hernandez, qui fit partie de l’expédition de Vicente Yafiez. (2) Alonzo Rodriguez de la Glava fut embarqué en qualité de trésorier sur un des navires de l’expédition de Diego de Lepe en 1499. Sa déclaration est relative à la huitième cjuestion de l’interrogatoire du fiscal dans le procès de l’amiral Co- lomb j voy. Nav., t. III, p. 653 . JVote du Traducteui'. ( 3 ) Les premières notions sur la position du lac et du port de San Bartolomé datent de la seconde expédition d’Alonzo de Hojeda : elles se trouvent dans les instructions qu’il transmit à son neveu Pedro de Hojeda , pour aller à la recher- che de la petite caravelle Santa-Ana qu’on croyait s’être égarée dans les parages de la Marguerite. Il lui dit expressément ; « Retournez a la terre ferme , puis re- montez la côte jusqu’à l’endroit ou nous prîmes les femmes indiennes et que l’on nomme lac de San Bartolomé . » Dans celles remises à Yergara , qui commandait une des caravelles, illui adjoint de se rendre à la Jamaïque pour y faire des vivres et s’exprime en ces termes ; ft Re- tenez, sans vous écarter de la route, au port qu’on appelle de San Bartolomé ; vous y retrouverez nos vaisseaux on bien des signes qui vous indiqueront que nous sommes plus avant vers le cap de la sla. » Enfin , en se séparant de Juan Lopez, un autre de ses capitaines , qu’il envoie au devant de Yergara pour presser son re- tour, il lui assigne le même point de ralliement. Yoy. Nav., tom. III , p. 8 , note et appendice n"® 18, 19 et 20. JVote du Traducteur. GEOGRAPHIE. 15 dans la langue des Indiens , pour y charger de bois de teinture {palo Brasil) ÿ,ûo\\ la relation deD. Fernando Colomb, dans son histoire de l’amiral (chap. lxxxiv). Mais, dans cet examen de la carte de Jean de la Cosa , n’oublions pas que nous devons nous borner à commenter ce qui se rapporte plus spécialement à l’île de Cuba. La première terre que Colomb découvrit, le 11 octobre 1492, fut Guanahani , qu’il appela San Salvador : elle est située sur la carte au nord de Cuba , et à l’orient d’une île un peu plus grande qu’il visita le 15 du môme mois, et à laquelle il donne le nom de Santa Maria de la Conception^ le lendemain, il aperçut Yamay à huit lieues à l’occident de Sainte-Marie, et la nomma Fernandina. Na- viguant ensuite tout ce jour-là à la recherche de Samoat, il la reconnut le 19j mais la dénomination YJsahela, que reçut cette île , se trouve remplacée sur la carte par celle de Someto. L’indica- tion que les naturels lui donnèrent le 24 , qu’en faisant route à PO. -S. -O. , il trouverait i’île de Cuba , fut exacte. En effet , il fit cinq lieues dans cette direction, puis, faisant porter à l’ouest, il franchit un espace de 40 milles , et découvrit la terre à trois heures après midi : il n’aperçut d’abord que sept ou huit îles 5 mais bientôt toute la côte du nord se développa. Le 27 (1) , laissant les îles de sable (las islas de Arenas , selon sa relation) , il navigua jusqu’à une heure après midi dans la direction du S. -S. -O., à 8 milles à l’heure 5 « et ils avaient fait 40 milles et jusqu’à la nuit environ 28 en suivant la même route j, et avant la nuit ils virent terre (2).)> Ainsi la distance parcourue ce jour-là fut de 17 lieues ou 68 milles au S.-S. -O. En suivant la même route, ils entrèrent, le lendemain, dans une belle rivière de l’île de Cuba , que l’amiral appela Rio y Puerto de S. Salvador. Sur toute l’étendue de la côte septentrionale, parcourue par Co- lomb, jusqu’à la pointe le plus à l’est, d’où il découvrit le cap Saint-Nicolas, on a inscrit les divers points qui furent reconnus, savoir : C. de Cuba, P. de Manati^ P. de S. Maria et C. Rico, que nous retrouverons sous le nom de P. Rico , sur d’autres cartes gra- vées longtemps après, puis Pto. Sto, C. de la Vega, C. Lindo oV (1) Le texte dit 17 : c’est sans doute une erreur de typographie. (2) «Y habrian andado cuarenta millas, y liasta la noche aiidarian veiiite y ocho niillas al inesmo cainino, y antes de noche vieron tierra. « Relalinnàti. prem. voy. àe Colomb , Nav. , t. I , p. 4 o. 10 géographie. Punta de Cuba. Le mercredi 5 décembre, l’amiral dit, dans son journal de navigation , qu’ayant passé la nuit sur le cabo Lindo «il aperçut, au lever du soleil, un autre cap à l’est, à la distance de deux lieues' et demie ; après l’avoir doublé, ü vit que la côte tour- nait au sud en s’inclinant au sud-ouest, et il découvrit, dans cette direction, un promontoire élevé et d’un aspect imposant j ce cap était éloigné de sept lieues de l’antérieur. » Ce passage est commenté par une note deBartolomé de Las Casas, qui a reproduit le texte de ColomB ; d’après cet historien , le promontoire dont il est ici question serait celui de Maici; toutefois M. Navarette ne partap pas cette opinion , et pense qu’il s’agit du cap S. Nicolas de l’île Espagnole (1). Il nous semble que l’erreur n’est pas du côté de Las Casas, car le cap aperçu par l’amiral était dans la même direction que l’autre, ou à sept lieues de distance du C. Lindo, qui, suivant M.Navarrete, devrait être plus probablement laPunla delos Azules. Mais Colomb lui-même, dans sa lettre au trésorier Sanchez, dit « que, de l’extrémité de Juana du côté de l’orient, il vit une autre île éloignée de 54 miUes (2), » et non pas 38 comme le marque la distance de sept lieues entre les deux caps indiqués. En outre, nous lisons sur le journal de l’amiral , quelques lignes plus bas : « En suivant cette route vers le sud , il aperçut la terre , et c’était une île grande et peuplée que les Indiens appellent Bohio , et dont ils lui avaient déjà donné l’indication. » A ce passage de la relation, on doit reconnaître la Bspanola. Nous ne suivrons pas l’amiral sur la carte de Jean de la Cosa, pour indiquer ses reconnaissances les plus importantes : il nous suf- fira d’appeler l’attention sur deux points de la bande méridionale, dont il est fait mention dans la relation du second voyage, lors- que Colomb parcourait deux fois cette côte au mois de mai et de juin de l’année 1494. Malheureusement, les noms inscrits sur le plan , dans cet endroit, sont tellement effacés, que la plupart peu- vent à peine se lire. Les deux points qui nous occupent sont le cap de la Croix (cabo de la Cruz), découvert le 14 mai, au retour de la Jamaïque (3), et le cap Serafin, où l’amiral et ses compagnons eurent tant à souffrir (4). (1) Nararrele, op. cit. , t. 1 , p. 78. (2) Id., id. , t. I,p. 181. (3) Historia del A mirante , cap. lv. ( 4 ) Historia de los Reyes catblicos , por Andres Bernaldez , mss., cap. cxxvni, voy. l’appendice. GÉOGRAPHIE. 17 M. Navarrete est d’avis que la première île visitée par Colomb, et qu’il appela San-Salvador, n’est pas la g^rande San-Salvador de nos cartes modernes, située par le méridien de la baie de Nipe, dans l’île de Cuba , mais l’île de la g-rande Saline (la isla de la gran Sa- lina), du groupe des îles turques (1), qu’on retrouvera presque sous le méridien de la pointe Isabelica de Saint-Domingue j ce qui donnerait, entre ces deux points, une différence en longitude de 4“ 9’ , selon les excellentes cartes de M. de Mayne et les observa- tions de M. de Humboldt. Mais l’opinion de M. Navarrete se trouve combattue par de judicieuses objections dans l’appendice à la vie de Christophe Colomb, de Washington Irwing (2) -, et, tout récem- ment, M. de Humholdt (3) , s’appuyant de l’incontestable document de Jean de la Cosa , a relevé l’erreur du savant espagnol et démontré jusqu’à l’évidence la concordance des renseignements géographiques avec le texte des relations, relativement à la posi- tion de Guanahani dans le petit archipel des Lucayes. Les éclaircissements que l’on peut tirer de la carte de Jean de la Cosa ne se bornent pas seulement à cette partie intéressante de l’histoire des découvertes j ce document précieux peut encore il- lustrer des questions importantes sur les voyages de nos premiers navigateurs et servir à déterminer d’une manière précise les diffé- rentes reconnaissances hydrographiques qu’ils exécutèrent dans le XV® siècle. Ainsi , bornant nos recherches à un seul point (l’île de Cuba ) qu’on avait cru faire partie du continent (4) , jusqu’à ce que Sébastian de O’ Campo en eût fait le tour en 1508, la carte du célèbre pilote nous démontre qu’en 1500 , ou peu après, on présumait déjà que c’était une île, puisqu’elle se trouve représentée sur le plan sous cette configuration. L’enquête faite par l’amiral à bord de la caravelle la Nina, le 12 juin 1494, contribua sans doute à accréditer l’opinion contraire j car, d’après les procès- (1) Tom. I, p. 20, note. (2) Edit, de Londres, t. IV, p. 288, Bull, de la Soc. de Ge'ogr., mars, 1887, p. 161 . (3^ Exavien critique de la géographie du JYouueau- Continent , ëdit. in-fol., p. 2S8. (4) M. Navarrete s’exprime ainsi dans une note : « Colomb, n’ayant pu explo- rer toutes les cotes de Cuba dans son second voyage, pensa avoir de'couvert le continent. « La véritable configuration de cette terre ne fut connue qu’en i5i8, lorsque, sur l’ordre du roi, le commandeur Nicolas Ovando chargea Sébastian de O’ Campo d’en faire le tour rtom. I, p. 248). Voy. aussi Herrcra , dec. i , lib. 7 , cap. I . r.COGKAPlUE. GEOGRAPHIE. 18 verbaux, il résulte, des déclarations de Colomb et de ses compagnons de voyage, que T île de Cuba était alors considérée comme terre ferme (1). Mais , à partir de cette époque, les découvertes se suc- cédèrent avec une telle rapidité , qu’il est difficile d’admettre que pendant quatorze ans, c’est à dire jusqu’en 1508, cette erreur ait pu prévaloir. En effet, déjà en 1499 l’expédition d’Alonzo deHojeda, dont faisaient partie Jean de la Cosa et Americ Vespuce, naviguait au nord de l’île Espagnole, et , parcourant une étendue de deux cents lieues de mer entre les Lucayes (2), s’avançait peut-être beau- coup plus à l’ouest que ne l’avait fait Christophe Colomb dans son second voyage. D’après cette exploration, on peut se rendre compte de l’isolement de la terre de Cuba vers l’occident, surtout si, à cette première induction des navigateurs (et en admettant qu’ils se rap- jirochèrent de ces parages), on ajoute celle qu’ils durent tirer de la direction des courants portant à l’est dans le grand canal de Bahama, et au nord dans la mer Caraïbe, qu’ils traversèrent du cap de la Yela à l’île Espagnole (3). Il est vrai que la forme qu’affecte cette partie de littoral de Cuba sur la carte de Jean de la Cosa, et tout le tracé de la côte méridionale et septentrionale de cette île jusqu’au méridien de l’île des Pins (la isla de Pinos) , prouvent que cette terre n’avait pas été encore entièrement explorée. Toute- fois, malgré l’inexactitude de sa planimétrie, il paraît évident que le pilote espagnol n’aurait pas représenté Cuba comme une île , sans avoir eu, à cette époque, certaines données sur sa configuration. Les indications de la carte de Jean de la Cosa et les limites des découvertes qui s’y trouvent tracées nous portent à croire que l’au- teur se servit pour sa construction des éléments suivants : 1°. D’une carte marine, dressée par Christophe Colomb, et que l’amiral envoya de l’île Espagnole aux rois catholiques, en l’accom- pagnant d’une lettre où il en est fait mention (4). Cette carte repré- (1) Navarrete, t. II, p. i43. ( 2 ) Vespuce. Lettre a Médicis , voy. Canovay, p. 65 et 66. Navarrete, t. III , p. lO. (3) Il est probable que ces courants , déjà connus de Colomb, lui firent croire que la Terre Ferme s’étendait beaucoup vers l’occident, et que la côte méridio- nale de Cuba formait une partie du continent d’Asie. Dans cette supposition, l’a- miral attribue le mouvement des eaux au voisinage de quelque détroit situé dans ces parages; mais l’examen de la carte de Jean de la Cosa prouve évidem- ment qu’en i5oo on était revenu sur cette opinion. (4) L’opinion de M. Ramon de la Sagra me pai aît d’autant plus probable que la carte de Jean de la Cosa reproduit exactement les indications de l’amiral sur les découvertes du troisième voyage. Dans le passage de la relation où il est GEOGRAPHIE. 19 sentait sans doute la partie de la Côte-Ferme découverte par l’illustre Génois, et sans doute que Jean de la Cosa en aura eu connaissance, puisque Alonzo de Hojeda se guida sur une copie du même plan durant sa navigation (Navarrete , t. III, p. 5 ) , comme on peut s’en convaincre d’après sa propre déclaration dans le procès de l’amiral, où il est dit ; « Qu\l vit le dessin original que celui-ci (Colomb) envoya au roi et à la reine en Castille (1). » Dans les preuves judiciaires recueillies par l’amiral, la réponse deBernardo de Ibarra, naturel de los Palos ^ vient confirmer encore l’existence du plan envoyé aux rois catholiques : Ibarra assure « qu’il entendit dire que cette carte avait servi à en dresser d’autres, et que c’était d’après leurs indications que Pedro Alonzo Merino, Hojeda et leurs émules avaient ensuite visité les mêmes parages (2). » 2°. Nous pensons que Jean de la Cosa aura aussi consulté la carte que Diego Lepe dressa de ses découvertes et de celles de Vicente Yanez, depuis la rivière du üfaranow jusqu’au cap Saint- Augustin, question du plan que Colomb envoya en Espagne, ü est dit que, se trouvant en- gage sous un golfe spacieux, d’où sortait une grande rivière, la force des cou- etonnante ; c est comme un combat acharné entre deux courants contraires qui se produit^ arec fracas; et je conjecture que le golfe a dd se prolonger autrefois jusqu’à l île de la Trinidad, selon V os Altesses pourront s’en convaincre pur le dessin que je leur envoie. « L’amiral dèbouqua par la passe du nord (boca grande) le i 3 août 1498. Voy. Navarrete, t. I, p, 298. Le golfe reconnu par Colomb , dans ce troisième voyage , est celui du Paria d’où sort la rivière de ce nom, dont Jean de la Cosa a trace le cours sur sa carte! La configuration de cette partie de la côte d’Amérique semble calquée sur la nar- ration de l’amiral ; la position de l’île de la Trinité, des deux débouquements ou les bouches du Dragon , les deux bras de la rivière, la mer douce {el mar de agua dulce), tout s’y trouve bien marqué. A la fin de la relation de ce troisième voyage , il est encore question de la carte dressee par 1 amiral Colomb, qui s’exprime en ces termes : « Durant ces enire- Jaites , J enverrai 'a Vos A Itesses la description et le dessin du pars , pour qu’elles nie trrmüTnMit>r»r i * (2) Bernardo de Ibarra ajoute, dans sa déclaration, qu’il avait entendu lamiral se plaindre de Jean de la Cosa , en disant : « Qu’après l’avoir amené avec lui dans ces contrées, et lui avoir enseigné l’art du pilotage, parce qu’il avait reconnu en 111 eaucoup de sagacité, celui-ci prétendit ensuite en savoir plus que lui v Voy, Navarrete. t. III. n. .' 18 ^, .7.. ^ 1 rants le portait vers l’embouchure de ce golfe , qui offrait deux sorties dis- tinctes. « L’eau douce, écrivait-il, rejoule l’eau salée avec une impétuosité qu’elles soient servies selon leur bon désir. Deo p. 2 t) 4 . me transmettem leurs ordres que j’exécuterai avec l’aide de la Sainte Tri/ Trinité, afin (i) Cette déclaration, nui est la rl« j.. n. /gracias. » Voy. Navarrete, t. I, Wote du Traducteur. ^ .J. . _ ISote du Traducteur. 20 géographie. d’après la déclaration du pilote André de Morales. Cette carte fut présentée à l’évêque Fonseca (Nav., t. III , p. 23 et 552 ) (1). 3«. Enfin , durant l’expédition d’Alonzo deHojeda, Jean de la Cosa dut acquérir lui-même une connaissance assez précise de la terre ferme d’Amérique depuis les côtes de Durinaw, celles de Pa- ria , de Coro et de Venezuela jusqu’au cap de la Vêla, y compris les côtes méridionales et septentrionales de l’île Espagnole, et, vers le nord , la mer des Lucayes j car on sait qu’à partir de Paria l’ex- pédition d’Hojeda explora ces parages en les côtoyant de port en port ( costeando de puerto en puerto). Bien qu’une description complète de la carte du pilote espagnol n’entre pas dans le plan que nous nous sommes proposé de suivre , nous devons, en terminant, dire un mot sur quelques autres rensei- gnements qu’elle fournit , et dont il est bien difficile d’indiquer l’origine, en s’en rapportant à la date de 1500 , c’est à dire à l’é- poque de la construction de la carte. Nous voulons parler des terres qui sont tracées au nord et de toute la partie de côtes qui s étend au midi. 11 y a, sans doute, beaucoup d’inexactitude dans les positions indiquées j mais quoi qu’il en soit , on doit s’étonner de trouver sur ce plan une étendue de côtes qui commence à l’ouest, où elle paraît faire suite à la partie orientale du continent , court d’abord au nord-est , puis continue à l’est jusque par le méridien du cap situé de l’autre côté de l’équateur et reconnu par Vicente Yanez. Les découvertes les plus anciennes , dont il soit fait mention dans ces parages, sont 1° celles de Sébastien Gabot ou Gabetto , qui fut en- voyé par Henri VU d’Angleterre, en 1497. Ce navigateur reconnut en face de Terre-Neuve un cap qu’il appela Prima Vesta (2) , et au- quel on donna ensuite le nom de terre des Morifes ( ù'erra de los i (0 Dans l’enquête faite lors du procès de l’amiral, il est question d’une autre carte relative au voyage de Rodrigo de Bastidas ; mais il nous semble que la Cosa ne put consulter ce document avant d’achever son travail, puisque cette expédi- tion, qui était partie en octobre i5oo, ne retourna qu’en septembre 1602 (Nav., t. III, p. 546). (2) , Hisl. des décow.jaiies dans le Nord, t. II, p. 17. — Navarrete , t III, p. 4o. — WebbetBertlielot, Uist. nat. des îles Canaries, t. II, D® part., Dans les instructions données à Alonzo de Hojeda, le 8 luin de 1 an i5oi, nous trouvons l’indication des voyages des Anglais sur les côtes d’Amérique; mais il paraît qu’il n’était question que de la partie septentrionale quon appelait alors Terre-Ferme {Tierra-Firina). Manusc. de V archive de Sénile, extrait par M. Munoz. GEOGRAPHIE. Bacalaos) à cause de la grande abondance de ces poissons (1)^ 2° celles de Gaspar Corte Real , marin portugais , qui, en 1500, explora le fleuve de Saint-Laurent et côtoya le continent jusqu’au détroit d’Anian, c’est à dire une partie de l’enceinte connue au- jourd’hui sous la dénomination de baie d'Hudson et qu’il appela terre du Labrador. Ces explorations sont probablement celles que Jean de la Losa a voulu figurer sur sa carte sous le titre de mer découverte par les Anglais (mar descubierta per Ingleses), et qu’il a signalées par des bannières de possession. Une tête d’Éole se trouve placée dans ces parages : elle est ornée d’un bonnet aux couleurs britanniques, et souffle dans la direction de la côte comme pour favoriser les recher- ches des premiers navigateurs. Mais jusqu’en 1506 que Jean Denis partit de Honfleur pour Terre-Neuve , avec son pilote Camart de Rouen, et pubba le premier plan qu’il avait dressé des côtes’ du con- tinent, et même jusqu’en 1508, que Thomas Aubert mit sous le voile de Dieppe, dans le même but, on n’eut guère sur ces con- trées que de vagues notions. M. Navarette fait observer à ce sujet que Forster lui-même , dans les divers renseignements qu’il a con- signés dans son ouvrage, s’en est rapporté à ce qu’avait écrit Ramusio dans sa Collection de voyages (Nav. , t. ITI, p. J'I)- Tout ce que nous venons de dire ajoute un nouveau degré d’importance à la carte de JeandelaCosa : en effet, le grand nombre de données que nous offre ce précieux document, et que nous croyons provenir des com- munications faites à l’auteur par les pilotes contemporains , le rend supérieur à son époque j car il paraît contenir non seulement toutes les notions graphiques des navigateurs de ce temps-là , mais encore beaucoup d’autres que le public ignorait alors (2). (1) Malgré la fécondité de ces mers, il est un fait curieux et qui mérite d’être cité t le voyageur Hore, qui aborda dans ces parages en y mourir dejaim avec tous ses compagnons , faute de moyens de subsistance, et ignorant qu’il naviguait dans les eaux les plus poissonneuses du mon c. Voy. Forster , Op. cit . , t. II , p. 5a , et Webb et Bertbelot, Op. cif. , t. II , p. i36. (2) Toutefois quelques auteurs assurent que les Basques visitèrent les cotes de l’Amérique du Nord plus d’un siècle avant les découvertes de Coloml> (voy. Ree’s, Cyclopedia art. fischeries, vol. i4). D’après les anciennes c ro niques, en 1873, les intrépides pêcheurs de Saint-Jean-dc-Luz pourciasst rent les baleines jusque dans le golfe de Saint-Laurent. H parait aussi, api(;> des recherches récentes, qu’en 149b, les Malouins, les Dieppois et les Bi^.ayen visitèrent l’île de Terre-Neuve et certains points de la côte du .ana< a (voy, IVotions historiques sur la ville de Saint-Malo ^ par l abbe Maml ,1.9. 22 GEOGRAPHIE. Jean de la Cosa était connu de son temps non seulement comme excellent pilote, mais encore comme maître en fait de cartes (maestro de hacer cartas). Parmi les divers plans qu’il fut chargé de dessiner, il serait curieux de savoir à qui il destinait celui que M. de Walc- kenaer possède maintenant. Nous devons, à cet égard, nous restrein- dre à de simples probabilités 5 car, pour arriver à la connaissance exacte de la vérité, il faudrait se livrer à des recherches qui nous éloigneraient trop de notre sujet. Qu’il nous suffise de dire que cette carte de Jean de la Cosa est peut-être la même que celle présentée à la reine de Ségovie en 1503, lorsque le célèbre pilote espagnol re- tourna de Lisbonne , après avoir accompli sa mission ( 1 ). Enfin , si l’on s’en tient aux relations que Forstex’ a pris soin de nous trans- mettre (voy. son Hist, des découvert, faites dans le Nord, t. II, p. 62), les Normands , les Bretons , les Portugais et surtout les Espagnols de la Biscaye auraient envoyé leurs bâtiments pêcheurs sur les côtes de Terre-Neuve, dans le commencement du xvie siècle. On peut donc conclure, de ces différentes nations, qu’à l’époque où Jean de la Cosa traça la configuration de la plus grande partie du continent américain et des terres adjacentes , il avait eu connaissance des explorations que nous venons de citer , et que ce fut d’a- près ces données qu’il put compléter ses renseignements géographiques, et indiquer sur sa carte toutes les découvertes faites de son temps. Note du Traducteur . (i) Lorsque la cour d’Espagne reçut la nouvelle que quatre navires por- tugais venaient d’explorer le pays découvert par Bastidas (^) et s’en retour- (^) Bodrigo de Bastidas, natif de Séville, partit de Cadix en octobre i5oi, pour aller à la découverte avec deux caravelles pilotées par Jean de la Cosa. L’ex- pédition reconnut d’abord le golfe du Venezuela et les terres situées au sud et à l’ouest de Coquibacoa; elle parcourut, à partir du cap de la Vêla, plus de i5o lieues de côtes dans la direction du sud-ouest, et descendit enti'e les 12e et i3® degrés de latitude vers Sainte-Marthe et l’embouchure de la rivière Made- leine ; visita les ports de Zamba et de Carthagène, les îles de Barie et de San- Bernardo; puis continua sa route au midi et à l’occident, explorant tout le lit- toral jusqu’au golfe d’Urabà ou du Darien , et doubla les caps de Carihana et du Tiburon, pour achever sa reconnaissance sur une étendue de 58 lieues jusqu’au cap San- Bios ; de là, se dirigeant directement à l’ouest, elle termina son explo- ration au port del Hombre de Dios, par 10 degrés de latitude. Durant cette longue navigation , Bastidas fît avec les Indiens un commerce d’échange très lucratif, en se procurant des perles et beaucoup d’or. Les peu- plades de la côte , dit la relation , ne portaient aucun vêtepient; les hommes te- naient leurs parties génitales renfermées dans un étui d’or en forme d’entonnoir. « Traian cuhertias sas vergüenzas con canutos de oro en forma 6 fgura de em- budos. » Bastidas traita constamment ces Indiens avec bonté : la douceur de son caractère et la vigi'ance de Jean de la Cosa contribuèi’ent aux heureux succès de cette première partie du voyage. Barthélemy de Las Casas, con tempox'ain de Bas- tidas, a fait l’éloge de ce navigateur clans plusieui s passages de ses écrits. «7c GÉOGRAPHIE. Avant la découverte du précieux document que nous venons d’examiner , la carte la plus ancienne dont il soit fait mention naient avec des esclaves indiens et différentes productions, elle chargea Jean de la Cosa d’aller à Lisbonne pour prendre des informations sur celte expédition. Le pilote espagnol fut arrêté à son arrivée ; mais il paraît qu’il obtint bientôt sa liberté, puisqu’au mois de septembre il se présenta à la cour, qui se trouvait alors à Ségovie, où il confirma à la reine la nouvelle du retour des bâtiments portugais , et lui fit part en même temps d’un autre voyage exécuté dans la même année (i 5 o 3 ). Ce fut à cette occasion qu’il présenta à S. M. deux cartes hydro- graphiques des Indes-Occidentales (voy. Navarrete, t. III, p. i6i). Ajoutons à cette note de M. Raraon de la Sagra quelques autres renseignements biographiques sur ce célèbre navigateur. Jean de la Cosa , d’abord disciple et compagnon de Colomb dans son expédi- tion de Cuba et de la Jamaïque , fut choisi par Alonzo de Hojeda pour piloter ses vaisseaux dans le voyage qu’il entreprit en i^gg. Hojeda faisait grand cas de ses connaissances nautiques, qui, selon lui, égalaient celles de l’amiral. Ce célé- bré pilote retourna plusieurs fois en Amérique , notamment en i 5 oi avec Bas- tidas , lors de l’exploration de la cote du Venezuela et du golfe du Darien (voy. la note, p. 9) , et contribua , par son activité et son zèle , aux nombreuses decou- vertes qui se succédèrent si rapidement dans les premières années du xvie siecle. Envoyé à Lisbonne , en i 5 o 3 , par la cour de Castille , il accomplit une mission délicate avec beaucoup de sagacité (voy. la note p. 22). Il partit, l’annee suivante, pour le golfe d’Urabà ou du Darien , avec quatre caravelles, et les résultats de ce voyage furent des plus profitables au fisc, car il remit au trésorier Ma- tienzo 491,708 maravédis pour les droits de quint, et reçut la dotation viagère de 5 o,ooo maravédis pour ses bons et loyaux services (voy. Nav., t. III, p. 16 tj- Ayant été chargé, en 1007 , delà surveülance de la côte méridionale d Espagne, depuis Cadix jusqu’au cap Saint-Vincent, il croisa plusieurs mois dans ces parages avec les deux navires dont on lui avait confié le commandement. Vers la fin de a même année, il partit de nouveau pour les Indes-Occidentales, sur 1 or re e a cour, et , de retour l’année suivante , il versa auTrésor 291 ,708 maravedis, dont il fus son ami, dit-il, et eus souvent occasion de converser avec lui. H était plein de pitié pour les Indiens et maudissait ceux qui les maltraitaient (liv. 2, cliap. 2 j. « L’expédition de Bastidas fut moins heureuse à son retour; des tempetes as- saillirent , et les navires firent de fortes avaries : obligée de relâcher successive- ment à la Jamaïque et sur de la côte de l’île Espagnole, elle esperait, en dernier lieu, trouver un abri au Port-au-Prince (alors port de Juragua] , mais la bourrasque y fit échouer tous les vaisseaux. On put, toutefois, sau- ver du naufrage les objets les plus précieux , qui furent transportés à mingo. De nouvelles disgrâces attendaient Bastidas dans la résidence u gouver neur Bobadilla ; ce chef soupçonneux , qui s’était déjà montré si injuAe enveis Colomb , lui intenta un procès pour avoir empiété sur ses droits en faisant com merce avec les Indiens de Juragua. Renvoyé en Espagne sous le poids de cette ac cusation , le conseil de Castille s’empressa de l’acquitter à son arrivée a ix , en i5o2. Le voyage de Bastidas avait duré 28 mois ; le roi, pour prir de ses ser- vices , lui accorda une pension viagère sur les futurs revenus delà province d U rabà , et Jean de la Cosa, qui l’avait tant secondé dans son entreprise , leçut une égale récompense avec le titre à'alguazil major de la meme piovince. (i oy. . ai , t. III, p. 25 et suiv.) ]Yote du rraducteur. 24 GEÜGRAPHIE. est celle de Jean Ruysch, citée par M. de Humboldt dans l’intro- duction de son Examen critique. Elle a été extraite par le savant Ruysch d’une édition de Ptolémée , imprimée à Rome en 1 508 par Évangéliste Tossinus , et publiée par Marco de Benevento et Jean reçut 2,5 oo pour sa part. Le roi lui confirma , en i5o8 , le titre d’alguazii major d’Urabà , et lui accorda licence pour acheter deux esclaves à Saint-Domingue ; plus tard , il fut ordonne' à l’amiral des Indes de lui donner un cacique avec ses Indiens, pour faciliter les e'tablissements qu’il allait fonder au Darien (Nav., t, III, p. 162). Malgré ces faveurs spe'ciales , les diffe'rentes expéditions que Jean de la Cosa entreprit pour son compte, et les avances même qu’il fut souvent obligé de faire pour celles dont on le chargea, dissipèrent sa fortune. En iSog, le pauvre alguazil major et son ancien patron Hojeda, gouverneur titulaire de la Nouvelle- Andalousie , vivaient tous les deux à Saint-Domingue dans un état voisin de la misere, et privés des moyens d’armement pour aller conquérir le territoire qui leur était promis. Enfin quelques amis vinrent à leur secours et équipèrent quatre bâtiments avec 3oo hommes et 12 chevaux; mais des démêlés s’élevèrent d abord avec Diego de Nicuesa, gouverneur de la Castille de Oro, province voi- sine du gouvernement de Hoieda, et qui embrassait tout le pays , depuis le cap de Gracias de jusqu’à la moitié du golfe d’Urabà. La Nouvelle-Andalousie devait comprendre l’autre moitié du golfe jusqu’au cap de la V^ela-, mais cette démarcation ne paraissant pas assez précise , on prit le prétendu fleuve du Da- rien, qu’on croyait déboucher au milieu du golfe, pour frontière des deux États. Apres ces débats , l’expédition appareilla le 10 novembre 1609, et arriva au port de Carthagène au bout de cinq jours de navigation. Les Indiens de ce district s’étant voulu opposer aux entreprises des Espagnols , Hojeda leur fit une guerre implacable. Jean de la Cosa, qui préférait fonder l’établissement projeté dans le fond du golfe du Darien, qu’habitait une race d’indiens, dont il avait su apprécier l’humeur pacifique, lui conseilla d’abord de se montrer plus prudent, l’engageant d’abandonner une côte habitée par une nation barbare, d’au- tant plus redoutable que ses armes empoisonnées portaient une mort certaine. Hojeda, méprisant ces sages avis, et irrité de la pei’te d’un des siens , poursuivit la guerre avec fureur et mit le pays à feu et à sang. Trop confiant dans ses pre- miers succès, il divisa ses forces pour les porter sur plusieurs points; mais les In- diens , ayant attaqué ces corps isolés , vengèrent la mort de leurs frères. Jean de la Cosa réunit autour de lui quelques soldats et se fortifia derrière des palissades. Herrera vint l’y joindre avec plusieurs autres ; un combat terrible s’engagea, et la plupart des Espagnols avaient déjà succombé lorsque Herrera, se fiant à son agilité, abandonna le poste, et traversa, en courant, le camp des Indiens pour regagner ses navires. Le brave la Cosa, qui se défendait avec courage, avait vu tomber autour de lui presque tousses compagnons, quand il tomba lui-même, percé de plusieurs flèches empoisonnées. Las Casas prétend que, sur cent Espagnols, deux seulement parvinrent à se sauver (lib. 2 , cap. 67). Hojeda faillit mourir de faim dans les bois; les gens des navires le trouvè- rent presque expirant , l’épée à la main et son bouclier traversé de 3oo flèches. Le gouverneur Nicuesa vint, avec un renfortde 4oo hommes, tirer l’expédition de ce mauvais pas. Le corps de l’infortuné pilote fut retrouvé accroché à un arbre , criblé de flèches et hoi riblement enflé par le venin. Note du Traducteur. GÉOGRAPHIE. 25 Cotta de Verone. Ce plan porte pour titre ; Nova et universalior orbis cogniti, à Johanne Ruysch, Germano elaborata : bien qu’on ne puisse le comparer à celui de Jean de la Gosa pour l’exactitude des positions , ni pour le nombre de renseignements, il donne cepen- dant des indications importantes sur les voyages des navigateurs portugais le long de la côte orientale de l’Amérique du sud, jus- qu’au 50® degré de latitude australe. Cette partie du nouveau continent est désignée sous le nom de Terra sanctœ Crucis, et on lit plus bas l’inscription suivante : Nautæ lusitani partent hanc terrœ hujus observarunt et usque ad elevationem poli antarctici 50 graduant pervenerunt , nondunt tamen ad ejus fnent austrinwm. Le continent est représenté sur cette carte comme une grande île dont le tracé n’est pas terminé vers le sud et l’ouest 5 l’Atlan- tique communique avec la mer de l’Inde où se trouvent Java major et Java minor^ ainsi que toutes les indications de Marco Polo. Sous le nom de Terra-Nova, on a figuré, au nord , un cap faisant partie d’un vaste pays portant pour désignation sur la côte orientale : In. Bacalauras et C. de Portogesij enfin, dans l’étendue de mer qui correspond au golfe du Mexique, on voit les grandes et les petites Antilles dessinées d’une manière très imparfaite. Les divers ren- seignements qu’on peut tirer de ce travail présentent des contra- dictions notables ^ car, d’une part , il paraît que l’auteur n’eut au- cune notion des découvertes des Portugais, au commencement du XVI® siècle, et, de l’autre, on s’aperçoit qu’il ignorait les voyages antérieurs exécutés par les navigateurs espagnols dans les Antilles et sur la côte de Terre-Ferme. L’inscription suivante, qui se trouve placée à l’extrémité occidentale de la côte du nord, prouve évidem- ment que Ruysch n’eut pas connaissance de la navigation de Co- lomb au delà du méridien de la Marguerite, qu’il a indiquée sous le nom de Tamaragua : Hue usque nautæ hispani venerunt et hanc terram propter ejus magnitudinem mundum novum appellarunt. Qma vero eam totaliter non videruntj nec usque in tempore hoc longius quam ad hune terminum perlustrarunt , ideo hic imperfecta rehqm- tuVj prœsertim cum nesciatur quo vergitur. En nous renfermant dans notre spécialité , nous voyons que le tracé de l’île de Cuba n’est pas terminé ; l’île est coupée à sa partie occidentale qu’on suppose tout à fait inconnue, et une légende signale ainsi le terme des explorations : Hue usque naves Ferdinandi regis Htspamœ pervenerunt. On a indiqué , sur la côte orientale , plusieurs petites îles dont quelques-unes, détachées du groupe principal , (igurenl GEOGRAPHIE. 26 probablement les Lucayes et les îles turques car elles s’étendent jusqu’au nord de l’Espagnole. Sur la côte méridionale delà grande terre, que nous croyons l’île de Cuba, les autres dettes qu’on a re- présentées sont sans doute celles des jardins, reconnues par Colomb lors de son second voyage. Ce groupe est situé au sud, entre le tro- pique du Cancer et le parallèle qui passe par le 45® degré de latitude nord , et entre les 265^ et 290® degrés de longitude orientale du méridien de l’ile de Fer. Un peu plus vers l’orient , on remarque l’Espagnole indiquée sous ce nom ( la Espanola), et au sud-est de cette île, Montferrato, les onze mille Vierges (las once mil Virgenes), la Martinique et la Dominique (JSIartinica et Dommicd) , avec plu- sieurs autres petites îles anonymes. Sous le rapport du tracé, aussi bien que sous celui des positions et des dénominations, cette carte ne présente guère que de vagues renseignements pour ce qui concerne la géographie des îles -, mais elle est bonne à con- sulter pour la côte orientale du continent visitée par les Portugais. Avant d’avoir vu une copie de ce plan dans l’atlas de M. de Hum- boldt, nous en avions fait graver en fac-similé la partie qui com- prend l’Amérique, afin qu’on pût comparer les deux plus anciens documents qui existent, à notre connaissance , sur la géographie du Nouveau-Monde. Nous aurions désiré consulter, dans le même but, une brochure dont il est question dans la vie de Colomh du chevalier Bosi (tra- duction française de M. Vrano, p. 356), et que M. de Humboldt a citée dans son ouvrage (1). Cet écrit , intitulé : Libhretto di tuta la navigazione dei re di Spagnaj delle isole è terre nuovamente trovati, par Albert Yercelesse deLisona, a été imprimé à Venise en 1504. Il paraît que ce petit livre est le résultat des renseignements fournis par Angelo Trivigiano , secrétaire de Dominique Pisani , alors ambassadeur de la république de Venise près la cour d’Espa- gne. Trivigiano était l’ami de Colomb, et avait fait dresser au port de Palos une carte des découvertes de l’amiral. La brochure, dont nous venons d’indiquer le titre, est fort rare ; peut-être jetterait-elle quelques nouvelles lumières sur les connaissances géographiques de cette époque j toutefois nous ne pensons pas qu’à cet égard elle surpasse en importance la carte de Jean de la Cosa. La carte la plus ancienne que nous connaissions, après celle de Ruysch, se trouve dans l’ouvrage de Pierre Martyr d’Anglerie (2) : (i) Examen critique, etc., p. 3gi de l’édit, in-fol. (a) P. Martyris Angli. Mediolanensis npera. Legalo babj lonica Oceani GEOGRAPHIE. 27 elle est gravée sur bois en une feuille (petit in-folio espagnol) et contient une partie de la côte septentrionale , depuis le cap Codera jusqu’à Veragua , puis en remontant au nord jusqu’au dessus de la baie des Lézards (hahia de los Lagartos) , avec un fragment de la côte méridionale indiquée sous le nom de ùla de Betmeni , parte, pays célèbre dans l’histoire du temps. C’était là que se trouvait, dit- on , la fameuse fontaine qui rajeunissait les vieillards (1), et ce fut pour aller à la recherche de cette terre de Jouvence que Jean Ponce de Léon fit voile de Puerto-Rico , au mois de mars de l’an 1501 (2). La découverte de la Floride n’ayant eu beu que le 2 avril de la Decas epigrammata , et à la fin de l’ouvrage : Impressum Hispali cum summa di- Ugentia per Jacobum Corinnberger Alemannum. Anno millesimo quingente- sirao XI , mense vero Aprilis {Bibliothèque de M, H. Ternaux. — Paris). (1) Pierre Martyr, Dec. n , liv. lo , p. 202. — Le gracieux et malin Girolamo Benzoni louait devant le pape la vertu de ses eaux (Huinboldt , Examen criti- que de lagéogr., p. 297). (2) A l’arrivce des Europe'ens, de vagues traditions circulaient parmi les Indiens des grandes Antilles, sur un pays sittie' au nord où ils plaçaient la fontaine dont les eaux faisaient rajeunir. Ils prétendaient que, longtemps avant les de'couvertes de Colomb et des autres navigateurs qui suivirent ses traces, les indigènes de Cuba avaient e'te' à la recherche de Bimini, et d’une rivière mii’aculeuse sur les bords de laquelle ils s’e'taient e'tablis. Selon eux , cette rivière arrosait la Floride, qu’ils croyaient une grande île opposée à celle de Bimini (Herrera , Dec. i, lib. ix)- Leurs récits fixèrent l’attention des Espagnols dès leur établissement à Saint-Do- mingue , à Cuba et dans les îles voisines. Ponce de Léon , gouverneur de Puerto- Rico, ambitionna la gloire de visiter le premier cette région merveilleuse : ce fut dans cette intention qu’il laissa son commandement, le 3 mars 1612 , et se dirigea au N. ^ N. avec trois caravelles. Cette entreprise lui valut la découverte d’une terre couverte de verdure et de fleurs, dont il eut connaissance le diman- che de Pâque fleurie , et à laquelle il imposa le nom de Florida , à cause de cette double circonstance. Ce navigateur y débarqua le 2 avril, et prit possession du pays au nom du roi de Castille ; mais les peuplades guerrières de la terre de Cau- tio (fl) l’ayant forcé de s’éloigner , Ponce de Léon poursuivit son exploration le long de la côte jusque par 3 o° 8’ de latitude nord, reconnut la rivière de la Cruz et doubla, le 8 mai, le cap Canaveral. Reprenant ensuite la route de Puerto-Bico, pour aller à la recherche de Bimini, qu’il croyait la terre de Jouvence , il décou- vrit, durant cette navigation, l’île de Baliama et plusieurs autres jusqu’alors igno- rées. Le mauvais temps l’ayant obligé de relâcher aux Lucayes pour réparer ses avaries, il détacha une des caravelles sous les ordres de Juan Perez de Ortubia et du pilote Anton de Almines, afin de s’enquérir de cette terre désirée qu’il n’a- vait encore rencontrée nulle part. Son retour à Puerto-Rico eut lieu le 21 sep- tembre, et, peu de jours après , Perez de Ortubia effectua le sien , et rapporta des fl) Les Indiens de la côte appelaient Cautib tout le pays qui s’étend depuis le cap Canaveral jusqu’à la pointe méridionale de la Floride. 2 s GÊOGRAI’HIE. même année , c’est à dire après la publication de l’ouvrage de Pierre Martyr , on doit en conclure que la position de Beimeni , qui avoisine cette côte , est tout à fait arbitraire. Mais ce qui nous a le plus surpris dans le tracé de cette carte , c’est la forme attri- buée à l’ile de Cuba et à Saint-Domingue, surtout le gisement de la première relativement au cap Catoche. Cette position est d’autant plus notable, qu’on connaissait peu alors la côte du Yucatan , puis- que le cap Catoche ne fut découvert qu’en février 1517, par Fran- cisco Hernandez de Cordova (1). On remarque près de là un grand nouvelles de Bimini, qu’il avait explorée sans y trouver la fameuse fontaine , mais qu’il indiquait comme une grande île couverte de bois et arrosée par de nom- breux ruisseaux. Oviedo , dans son Histoire générale des Indes (part, i, lib. 19 , cap. i5) , la place à 4o lieues à l’ouest de l’île de Bahama. Ainsi tout le succès que Ponce de Léon s’était promis de ce voyage tourna au profit de la géogra- phie : le titre d’ADEtANTANDo de bimini et de ba floride, qu’on lui conféra, fut purement honorifique ; mais la route que suivit ce navigateur , pour revenir à Puerto-Rico , démontra l’avantage du retour en Europe par le canal de Bahama, et la science lui fut redevable , en outre , de la première exploration des petites îles, des nombreux écueUs et de tous les bas-fonds qui rendent ce bras de mer si dangereux pour les navires qui le traversent. Telle est , en analyse , la relation que fait le savant Navarrete du voyage de Ponce de Léon (voy. Colecc. de los viag. y descub., t. III, p. 5o-53). Plusieurs auteurs ont parlé de la fameuse fontaine dont les eaux bienfaisantes effaçaient les rides de l’âge et rendaient la beauté à ceux qui l’avaient per- due^. Cette séduisante fiction fut de bon aloi pour les poètes ; aussi La Fontaine a-t-il dit : Grand dommage est que ceci soit sornettes , Filles connais qui ne sont pas jeunettes , A qui cette eau de Jouvence viendrait Bien à propos Dans le roman de Huon de Bourdeau, il en est fait mention en ces termes : « Elle était située dans un lieu désert-, et venaU du Nil et du Paradis terrestre. Ses vertus étaient telles que, si un homme malade en b ua ait ou en laaait ses mains, il était aussitôt sain et guéri ; et s> il était vieux et décrépit il re^enaU a l’âge de 3o ans, et une femme était aussi fraîche qu une pucelle.^> _ Il est question aussi, dans cet ouvrage, d’un arbre de Jouvence dont les pommes avaient les mêmes vertus. Les poètes orientaux ont célébré bien auparavant une fontaine de Jouvence ou de l’immortalité (voy. Herbelot, Bibliot. orient.). Ces fontaines imaginaires se ressemblent toutes : leurs eaux perpé- tuaient la jeunesse en faisant rajeunir ; c’était bien assez pour seduire. La pierre philosophale promettait moins, et pourtant les alchimistes s’obstinèrent a la chercher. Traducteur. (i) L’histoire des premières découvertes des Espagnols dans le Nouveau- Monde , coordonnée par M. Navarrete, d’après les relations autographes des na- vigateurs , ou commentée sur les ouvrages et manuscrits nationaux , présenté une GÉOGRAPHIE. 29 golfe SOUS le nom de Bahia de los Lagartos ; c’est probablement le parage où l’expédition de Cordova vint faire de l’eau en retournant série défaits du plus grand intérêt. On pourra juger, par l’extrait suivant, de l’im- portance qu’offrirait une traduction complète de cette precieuse collection. Le fragment que nous reproduisons ici résume toute l’expedition de Cordova : « Le pays du Darien ne pouvant fournir des ressources assez abondantes a tous les colons que Davila y avait amenés, au commencement de la conquête, une partie fut renvoyée à l’ile de Cuba que gouvernait alors Diego Velasquez. Ce chef, désireux de s’emparer de nouvelles terres, résolut d’employer les soldats, dont il pouvait disposer, dans une expédition qu’il confia au commandement de Francisco Hernandez de Cordova. Elle se composait de deux navires et d’un bri- gantin , équipés de cent dix hommes, et dirigés par le pilote Auton Alaminos. Hernandez mit sous voile de la Havane (alors Puevto de Carencts'jj le 8 fé- vrier i5i 7, et navigua à l’ouest, après avoir doublé le cap San- Anton. Les contre-temps qu’il éprouva dans cette campagne furent désastreux : il eut d’abord à souffrir, durant 48 heures, une terrible bourrasque, et après 21 jours d’une rude navigation, il découvrit une terre inconnue qu’il appela le cap de las Mugeres (située à l’extrémité orientale du Yucatan), et une ville à peu de dis- tance de la côte qu’il nomma le grand Caire (eZ grait Cairo). Les navires d’Her- nandez, les gens qui les montaient, leur costume et leurs armes surprirent les Indiens , mais ne les épouvantèrent pas ; ils s’approchèrent avec défiance , paru- rent se prêter d’abord amicalement aux échanges qu’on leur proposait, et finirent par inviter les Espagnols à venir dans leurs maisons, en leur disant : Conex Catoche : delà le nom imposé au cap le plus septentrional de cette grande presqu’île (C. Catoche). Le navigateur débarqua avec son monde et fut guidé chez le cacique, où l’attendait une troupe qui fondit sur lui aux cris de ceux qui l’avaient conduit dans l’embuscade. La mêlée fut sanglante : les Castillans eurent i5 hommes de blessés et parvinrent pourtant , malgré leur petit nombre, à mettre en fuite leurs ennemis, qui se retirèrent en laissant 17 morts sur le champ de bataille. Ce combat eut lieu dans un endroit où les Indiens avaient élevé plusieurs temples [oratorios). On dit que, pendant l’action , le chapelain de Cordova pénétra dans les sanctuaires et dépouilla les idoles de leurs riches orne- ments. Hernandez de Cordova se rembarqua , satisfait d’avoir rencontré dans ce pays des édifices de pierre et une civilisation plus avancée qu’au Darien. L’expé- dition descendit la côte occidentale et éprouva des calmes qui la retinrent i5 jours avant d’arriver dans une grande baie voisine d’une ville que les natu- rels appelaient Quinpech, et à laquelle Hernandez donna le nom de Lazaro , pour avoir pris terre le dimanche de saint Lazare. Ce fut sur les ruines de 1 ancienne Quinpech que s’éleva plus tard la Campeche des Espagnols. Cordova ne reçut guère un meilleur accueil sur cette côte et reprit la mer par un coup de vent de nord qui mit ses vaisseaux en grand danger. Il tenta ensuite un second débar- quement pour faire aiguade dans un endroit appelé Poulouchan, mais en fut chassé de nouveau par le cacique du pays. Ce chef valeureux et intrépide , dit la relation , n’était pas de ceux qui offraient des présents et proposaient des échanges : il ne vendait son eau qu’à prix de sang ; « iVt les ofreio présentes, ni les pennilio rescates , ni aiin hacer aguada sino à trueque de sangre . » Hernandez opéra sa retraite, constamment assailli par les Indiens qui accoui’aient de toutes parts, et dont le nombre augmenta encore le lendemain. Bravant l’artillerie et les armes de fer, les perles qu’ils éprouvèrent ne ralentirent pas leur ardeur guei- rière^ ils poursuivirent les Espagnols à outrance et les forceront de regagner 30 GÉOGRAPHIE. à Cuba, et qui est appelé Estera de las Lagartos, dans la relation. Nous verrons bientôt que cette exactitude géographique ne se re- trouve pas dans les cartes dressées un demi-siècle plus tard. Après l’édition de Ptolémée, imprimée à Rome en 1508, et qui contient la mappemonde de Ruysch , nous trouvons, dans les édi- tions subséquentes, plusieurs cartes du nouveau continent, que les auteurs ou les éditeurs ont annexées à la riche collection du géo- graphe grec. Celle de 1513 nous donne, sous le titre de Tabuala TERRE NOVE , uue Carte de la partie méridionale et septentrionale du continent américain, depuis le parallèle du 35® degré sud jus- qu’à celui qui passe par le 35® degré de latitude nord , mais sans démarcation de méridiens. La partie méridionale du continent est seulement désignée sous le nom de Terra incognita , et l’on a reproduit sur la côte la plupart des indications de Ruysch. La partie orientale est beaucoup plus étendue et embrasse tout le pays com- pris depuis le parallèle des îles du Cap-Vert. Nous ne nous arrêterons pas à l’examen de ce qui a rapport au continent , et commenterons seulement la partie du tracé relative aux îles. Ainsi nous ferons observer d’abord que celle de Cuba ou Isabella, selon la carte, est figurée d’une manière si imparfaite qu’il leurs navires en emportant plus de cinquante blessés et leur commandant percé de douze flèches. Le malheureux Hernandez eut, en outre, 4y hommes de tués dans cette action et deux prisonniers. L’expédition reprit la route de Cuba , et n’ayant pu faire aiguade à VEslero de los Lagartos , à cause du mauvais état des futailles, les soldats castillans souffrirent beaucoup de la soif durant le trajet. Pour remédier au manque d’eau , ils tentèrent un nouveau débarquement sur la côte de la Floride, et furent contraints de se retirer encore sans succès devant des peuplades féroces , que l’artillerie seule parvint à disperser. Un des navires faillit naufrager sur les récifs des Martyrs , à l’embouchure du canal de Bahama, et, après tant de vicissitudes et de malencontres, Hernandez de Cordova rentra au port de Carénas avec les débris de l’expédition et expira dix jours après des suites de ses blessures, w Colecc. de los viag. y descub., t. III, p. 63-55. Les mauvais succès de cette campagne, loin d’affaiblir 1 ardeur des Espagnols, les excitèrent à de nouvelles conquêtes. Il fallait la soif de 1 or et une volonté de fer, l’amour de la gloire, le mépris du danger , une activité infatigable et une constance à toute épreuve ; il fallait, en outre, l’humeur aventureuse de ce temps- là , une confiance aveugle dans la destinée et le zèle religieux poussé jusqu’au fa- natisme, pour supporter tant de traverses, vaincre la résistance des peuples, braver la fureur des éléments et toutes les intempéries du climat. Mais l’ambi- tieux Velasquez connaissait l’esprit qui animait alors ses compatriotes , il savait qu’ils répondraient à son appel, et, le 20 avril i5i8 , une autre expédition , com- mandée par Jean de Grijalva, sortit du port de Matanzas pour aller envahir le Yucatan et prendre possession du pays au nom du roi de Castille. Noie d(i Traducteur. GÉOGRAPHIE . 3 1 faut supposer que l’auteur n’avait aucune notion de la configura- tion de la partie orientale de cette île jusqu’au cap Saint-Antoine (1), et, par conséquent, que l’expédition de Sébastian de Ovando et les explorations postérieures au second voyage de Colomb lui étaient tout à fait inconnues. Le nom à^Isabella donné à notre île prouve l’ignorance des géographes étrangers sur les découvertes de nos navigateurs , puisqu’ils appliquaient à l’île de Cuba, qu’on appelait alors Juana, et qu’on savait être la plus grande de toutes , le nom que Colomb avait donné à la petite île de Soameto, bien qu’elle soit aussi représentée sur le plan. Du reste , le tracé de cette carte est non seulement défectueux dans la configuration des terres, mais encore pour ce qui concerne leur position relative : le tropique du Cancer coupe l’Espagnole par le sud, et l’île de Cuba se trouve ainsi située au nord, entre le 30® et le 40® degré de latitude. Cette carte du Nouveau-Monde se retrouve sur une plus petite échelle avec des additions de Villanova , dans deux autres éditions de Ptolémée, l’une de 1522 (2) et l’autre de 1535 (3). Une inscrip- tion encadrée recouvre, sur ces deux plans, une partie de l’Espagnole (Spagnola), et mentionne la découverte de cette îlej mais, en gé- néral, les positions et la configuration des côtes ne sont guère plus exactes que dans la carte de 1513, dont celles-ci nous semblent une réduction , bien qu’à l’époque de leur publication plusieurs travaux recommandables eussent déjà servi à rectifier les anciens tracés. Nous citerons spécialement la Suma de geograjia , par le bachelier Martin Fernandez deEnciso, alguazil mayor de Castilla del Oro, qu’on imprima à Séville en 1519 (p. in-fol. Espag). (4). (1) Voy. la fig. 3 , pl. ii de notre atlas. (2) Nous avons consulté cet atlas à la bibliothèque de l’Arsenal et dans celle du dépôt de la guerre. ( 3 ) Bibliothèque particulière de M. Jomard et du baron de Walckenaer. ( 4 ) Dans une notice que M. Navarrete vient de publier tout récemment, sur les progrès que fit en Espagne l’art de la navigation , depuis le xive siècle jusque vers la fin du xvme , ce savant commentateur a donné des renseignements pleins d’intérêt sur les travaux des cosmographes espagnols. Nous reproduirons ici ce qui se rapporte à Enciso : « Le bachelier Martin Fernandez de Enciso, dit-il, naquit à Séville et fut le premier qui coordonna les éléments de la science, dans un traité méthodique de l’art de la navigation. Cet ouvrage, qu’il intitula Sumade geografîa, et qu’il fit imprimer à Séville en 1619 , était destiné à l’instruction de l’empereur : tout ce qu’on connaissait alors sur la théorie et la pratique du pilotage s’y trouve réuni. L’auteur commence par une description succincte de la partie connue du Nou- veau-Monde , et signale la position des points principaux, d’après les de'roules et les latitudes. Il donne ensuite un ti'aité de la sphère suivant le système de Ftolé- 32 géographie. Ce cosmographe Bxa, dans cet ouvrage, les latitudes des des décou- vertes et celles de plusieurs points de la Côte-Ferme ; le cap Higuey de File Espagnole s’y trouve indiqué par 20’ , le cap de Cruz par 23« etc. , et ces positions , bien que défectueuses, le sont moins portant que celles signalées dans les cartes que nous avons citées plus haut. ... Dans l’édition du Pomponius Mêla de Vidianus , imprimée en 1522 on peut voir une mappemonde à'^Apianus (1520) , oùl on mée avec des tables de déclinaison , la méthode pour prendre la hauteur po- laire’et son emploi, la construction de la boussole avec les 82 rumbs de vents ; il fait connaître le chemin parcouru , par degrés , suivant 1 angle forme par le rumb de vent et le méridien ; il traite de la longitude , c’est a dire de la naviga- tion d’est à ouest , mais d’après des méthodes encore imparfaites, et ne manque pas de faire observer, en parlant de l’estime , qu’elle ne peut guere se^irquaux marins qui connaissent bien la marche de leurs vaisseaux. Il a soin d appeler at- tention sur la dérive , et traite , en outre, de la connaissance des etodes circum- polaires , pour prendre la hauteur et savoir l’heure de la mut , de 1 usage de 1 as- trolabe et du quart du cercle pour déterminer chaque jour la déclinaison du so- leil et le point d’arrivée, de l’emploi des tables de latitude etc^ Divisant e globe par la ligne équinoxiale et le méridien qui passe par 1 de de Fer, d pense Un devrait prendre pour base . dans la construction des cartes, les quarts de cercles compris dans cette division , et cite, à l’appui, celle qu d dressa d apres ce procédé, et qu’il présenta à l’empereur. Toutefois, Enciso n ignorait pas les Lexactdudes qui résultent de ces projections , et la difficulté de représenter sur un plan une figure sphérique; mais il ne pouvait encore trouver le moyen de correction. Lorsqu’on réfléchit sur l’imperfection de ces premières méthodes et sur les erreurs qui devaient en être la suite inévitable, on admire bien davantage encore la hardiesse de ces navigateurs qui, dans les trente premières années du xvi^ siècle, osèrent traverser l’Océan pour aUer reconnaître les des et les côtes du Nouveau-Monde, depuis le cap de Horn jusqu au delà de Terre-Neuve. La partie géographique est résumée ^ avec beaucoup d’exactitude, et contient la première description des terres découvertes de son temps, dans les mers occidentales, c est a dire le sultat des explorations des Espagnols jusqu’à l’année 1619. „ L’auteur du traité de navigation consulta non seulement, pour 1 1 lustration de son ouvrage, les écrits de ses devanciers, mais aussi, comme d le ditlui-meme, V expérience des temps qui est la mère de toutes choses. Enciso passait pour un des hommes les plus érudits de son siècle et prenait rang parmi les grands lettres ; en ,5o8 il s’était établi à File Espagnole; il aida Hojeda dans ses decouvertes et intervint comme juge et capitaine, dans les premiers etablisse„yents fondes au Darien. Fersécuté et maltraité par ses compagnons , d se vH oblige de retour- ner en Espagne à différentes reprises pour justifier sa conduite On cile de lui un mémoire approbatif sur les commanderies des Indes publie maigre 1 op- position des moines dominicains, qui soutenaient que les conqueran s espa- gnols ne pouvaient ni ne devaient jouir de ces concessions. Tels sontles ren- îeignements que nous avons pu réunir sur les travaux de notre premier ecrivam ' dro-^raphe. « Nav., JYoticm historien sobre los progresos que luzo en Espana ^ ^ J n 4 Pt “ï Wote du Traducteur, elarte denaregar, p. 4 et b. GÉOGRAPHIE. trouve pour la première fois la partie méridionale du nouveau Con- tinent sous le nom d’Amérique {America provincia) (1). On a fait passer, sur cette carte, le tropique du cancer par le centre de Cuba. La configuration de cette île est aussi inexacte que sur lesPtole- mée de 1513 1522 et 1535 , et la dénomination d’IsABELLA s y trouve encore’reproduite. Mais, sur une autre projection du globe d’une édition de Ptolémée que nous avons consultée a la bibliothè- que royale de Paris (2) , nous lisons Cuba vel Isahella , et cette erreur, ainsi confirmée , est une preuve évidente des fausses no- tions de cette époque. . j u On remarque sur la carte d’Apianus , au nord-ouest de Cuba , une o-rande terre isolée, limitée au septentrion et au midi par deux bannières de possession et occupant un espace considérable. Nous ne pensons pas qu’on ait voulu signaler ici précisément la position de la fabuleuse Beimini^ ni les points reconnus par Diego de Soto, sur la côte de la Floride, nous croyons plutôt que l’intention du aéographe aura été de rappeler la vague indication du bachelier Enciso , lorsqu’il écrivit dans son ouvrage ; « On a aperçu au mrd ouest de Cuba une grande terre gu on croit être Terre-Ferme.^^ Dans un épitomé de Vadianus de 1534 (3), on trouve une map- pemonde sous le titre de Typus monographicus universalis , bien plus singulière encore que l’antérieure , car on n y voit aucune île, mais seulement une grande terre située entre le 280^ et le 290^ de- gré de longitude , et qui s’étend depuis le 10^ degré jusqu’au 50« de latitude septentrionale , avec un golfe profond vers le centre, et l’inscription de Terra de Cuba à l’extrémité nord. Il est d’autant plus difficile de se rendre raison de la défectuosité de cette carte, que les documents qu’on avait déjà publiés, à l’époque de sa cons- (0 Martin Ilacolimo , qui, d’après les recherches de M. de Humboldt, était le cosmographe Martin Waltzeinüller, de Fribourg {Exam. criU, p. 4oo), dans sa Cosmographiœ introductio de .607, fut le premier à signaler le nouveau conti- nent sous le nom dê America. Cette dénomination se retrouve aussi dans un li- vre anonyme {Globus mundi ) , faussement attribué à Loritus Glareanus et im- primé en 1507. La question sur l’origine du nom d’Amérique a été traitée d une manière spéciale par M. Navarrete (voy. t. III, p- i83 de sa Colecc. de x'iag.), par M. de Humboldt, dans son Examen crit.; par M. Bosi (A'oy. p. 178 de a tra- duction de sa Vie de Colomb), et plus récemment avec une érudition remar- quable, par M. le vicomte de Santaren (voy. ses différents mémoires dans les bulletins de la Société de géog., tomes vi et vu). (i) Dépôt des cartes et plans , portefeuille 464 , P. et T. n° 3. (3) Epitonie trium terrce partim, etc cum addito in f rente Idni, etc..., pci loachinum Vadianum , mcdicuni. m.d.xxxiv. (iÉor.nAPiiiK. 34 GEOGRAPHIE. tructiou, sont exempts de toutes les erreurs de position et de tracé qu’on remarque dans celle-ci. Nous citerons entre autres ïlsorio, de Benedeto Bordone , dont la première édition fut imprimée à Venise en 1528 (1), par Nicolo d’Aristotelis , connu sous le nom de Zopino. L’île de Cuba, qui fait partie de ce portulan, et que nous avons reproduite dans la PL 11, fig, 2 de notre Atlas, pourra donner une idée du peu de progrès qu’avait faits à cette époque l’art de la gravure topographique (2). (1) Nous avons consulté plusieurs autres éditions de cet ouvrage : celle de i 634 donne quelques renseignements de plus sur les îles du globe, l’Amérique exceptée. Bordone paraît avoir dressé ce portulan d’après un autre plus ancien et sans nom d’auteur ; il est terminé par une mappemonde de 1682. Il existe une autre édition de 1847, pareille aux autres, et c’est de celle-là que nous avons co- pié l’île de Cuba, n° 2 àes fac-similé de notre atlas. (2) Les projections géographiques de VIsolario de Bordone sont distribuées en petits plans coloriés, grossièrement gravés sur bois et encadrés dans le texte. Ces projections ne donnent ordinairement que le simple tracé du littoral; par- fois , seulement , on a indique' en perspective la position des villes et des ha- meaux; les montagnes et les forêts y sont représentées de la même manière, sans égard aux distances ni aux proportions. A une époque où les navigateurs et les aventuriers , excités par les succès de Christophe Colomb , s’élancèrent avec tant d’audace dans la carrière ouverte à leur ambition, les écrivains, à l’affût des découvertes , s’empressèrent de consigner dans leurs écrits tout ce qu’il y avait de merveilleux dans les relations du temps. Il s’agissait d’attirer l’at- tention publique sur des régions jusqu’alors inconnues, et qu’on cherchait peu à reproduire avec vérité. On s’attacha principalement à illustrer les textes par des images, qui servaient comme de points de repère dans les descriptions. Les cartes dressées par les pilotes et les cosmographes étaient les seules qui retra- çaient avec quelque exactitude les terres explorées par les navigateurs ; mais ces plans , la plupart manuscrits, restèrent entre les mains de ceux qui en firent usage, et ne furent publiés que longtemps après leur construction, lorsque l’art de la gravure eut fait plus de progrès. Même dans ces cartes marines, les pro- jections se réduisaient à la position relative des côtes et à leurs formes apparen- tes; le caprice du dessinateur faisait le reste. Une saillie du littoral, une échan- crure dans ses contours, suffisaient pour marquer d’une manière plus ou moins approximative le gisement d’un cap ou d’un port; chaque cosmographe modi- fiait à sa guise cette planimétrie naissante, et souvent, au lieu de rectifier l’œu- vre de ses devanciers , il accumulait de nouvelles erreurs. Quant au relief du terrain , on avait alors aucun système arrêté sur cette partie du dessin topogra- phique, et les indications étaient tout à fait arbitraires. Tels furent les éléments qui servirent à tracer les grossières ébauches qu’on retrouve dans les livres imprimés au XVI' siècle , et que nous avons déjà signalés dans notre géographie descriptive de l’archipel Canarien ^voy. Hist. nat. des îles Canaries , t. Il , part., p. 77). C’est aussi d’après ces mêmes principes qu’ont élé dessinées les cartes de Vlsolor rio de Bordone ; l’édition de 1047 , que nous avons eu occasion de consulter, con- tient, pour la partie de l’Amérique, un plan de Mexico sous le titre de Cran Citta di Temistitan, et sept petites cartes des Antilles parmi lesquelles figure l’île de Cuba. En examinant cette bizarre chorégraphié, on reconnaît aussitôt le ca- chet de l’époque ; le trait qui marque les contours est raide et anguleux comme GEOGRAPHIE. 35 En 1529 , cinq ans avant l’épitomé de Vadianus, Diego Ribero, cosmographe de Charles V, avait déjà construit une carte très in- téressante , où l’île de Cuba se trouve figurée d’une manière fort exacte pour ce temps-là. 11 paraît que cette carte est restée manus- crite ; le cap Saint- Antoine ( Caho de S. Antonio) , l’ile des Pins (isla de Pinos) , le cap de la Croix (caho de Cruz), le port du Cu- banacan (puerlo de Cubanacan), Baracoa et la pointe de May ci (punta de May ci) sont les seules positions qui s’y trouvaient indi- quées. Elle a été publiéeà Weimar en 1795 par F. P. L. Gussefeld(l), accompagnée d’une petite brochure explicative, par W.-C. Spren- gel (2) , et il est probable qu’elle aura servi à Paul Forlan de Ve^ rone pour celle qu’ilfit paraître sous le litre de JDescriptione di tuto in Peru, puis, en 1618 , à l’auteur de la carte portugaise, ma- nuscrite et dessinée sur parchemin (V. au dépôt des cartes et plans de la Bibliothèque royale, carton 17). Cette dernière nous semble un calque de celle de Diego Ribero pour tout le golfe du Mexique, la côte méridionale et les îles adjacentes. M. de Humboldt a été frappé du grand nombre et de l’impor- tance des matériaux qui durent servir à la construction de cette carte (3). a La configuration des Antilles, du Mexique et des côtes septentrionale et orientale de l’Amérique méridionale, » dit-il, « sans en excepter même le littoral de la mer du sud , entre le 1 2^ degré N. et le 10® degré S. , ressemble tellement à nos cartes modernes , qu’on est étonné des progrès qu’avait déjà faits la géographie de- puis la fin du XV® siècle. » Nous avons consulté la copie de la map- pemonde de Diego Ribero qui a rapport à l’Amérique, et dont MM. Munoz et Navarrete paraissent n’avoir pas eu connaissance : la lettre, comme toutes les déline'ations du style gothique d’alors; les bords du littoral et la mer sont toujours peints en violet d’orseille, couleur dont les enlu- mineurs faisaient usage dans ce temps-là ; le vert d’herbe domine sur les monta- gnes et les bois, et le vermillon est employé pour les villes et les châteaux. Les descriptions qui accompagnent ces images proviennent souvent de relations apocryphes; toutefois celle de la ville de Mexico paraît extraite des lettres de Cortez à l’empereur Charles -Quint , et dans celle de l’île de Cuba nous avons retrouve certains passages du journal de navigation de Colomb, ou des lettres (fu’il adressa à l’intendant Louis de Santangel et au trésorier Raphaël Sanchez. Note du Traducteur. (i) Charte von yJmerika, ans der allesten noch unedirten JV^ell’ charte der Diego Ribero, etc. tV eimar , im Nerlage der industrie comptoirs, i7<)5. (a) V sber J. Ribero's atteste JVeh’chm te von C. Sprengel fTeimar, 1 796. Ces deux documents font partie de la bibliothèque de M. le baron de Waleke- naer. (-0 F.xam. cril., p. V.9Î. 36 géographie. il est fâcheux que la réduction de l’échelle n’ait pas permis à Fauteur de donner plus de détails sur l’île de Cuba, qui , malgré les défectuosités qu’on remarque encore dans sa forme , spéciale- ment dans la partie occidentale , présente pourtant assez d’exacti- tude quant à la position de l’île et au tracé des côtes. M. de Hum- boldt lui-même s’appuie du gisement de Guanahani , au nord de Cuba, de Cayaca, de Canacan et des bajos de Bahueco , au nord de l’Espagnole, pour confirmer la preuve déduite du journal de navigation de Colomb et de la carte de Jean de la Cosa, sur le vé- ritable point d’arrivée de l’amiral, lors de son premier voyage (1). Mais citons en passant une des cartes les plus fautives , bien qu’elle fasse partie d’un ouvrage recommandable, la cosmographie de Sébastien Munster, qui parut pour la première fois en 1544 (2), et dont an a fait depuis , à différentes époques , plusieurs réimpres- sions et traductions. Les dernières éditians de 1 555 ayant reproduit les mêmes erreurs , nous avons pensé qu’il était inutile d’avoir recours à cette carte pour l’objet qui nous occupe. Elle porte pour titre ; Tabula novarum inmlarum quas diversis respectibus occi- dentales et indianas vocant^ et sur le continent méridional , on lit la légende suivante : Novus or bis, nova insula Atlantica quam vocant Brasilii et Américain. Avant la première édition de la cosmographie de Munster (en 1554 et 1555), c’est à dire à l’époque des nouvelles traductions la- tines et françaises de l’atlas que nous avons consulté, on trouve une projection semi-sphérique qui représente les deux Amériques et la Chine, d’après Michaëlis Tramezinî Formia, de Venise, et une mappemonde latine d’ Antonio Saliva ou Salmansa (Biblioth. royale, cartes et plans , T. n"^ 3 et 1). Bien que ces documents soient supérieurs à ceux que nous avons cités , ils pourraient pour- tant l’être davantage , si l’on a égard aux progrès qu’avait faits la géographie dans ce temps-là et au grand nombre de renseigne- ments qui existaient déjà , mais que les auteurs négligèrent sans doute de consulter. En effet , on connaissait alors assez exacte- ment la configuration des côtes méridionales et septentrionales de l’Amérique , on avait des données approximatives sur le gisement de la côte occidentale, sur le détroit de Magellan, découvert en (1) Exam. crit-, p. 296. (2) Bibliothèque particulière de M. Jomard, et, differentes autres éditions du dépôt de 1.1 guei're. géographie. 1520, et sur la partie du littoral que baigne la mer du sud. lous ces documents géographiques et hydrographiques se trouvent reu- nis dans un ouvrage des plus curieux et qui est resté ignore jusqu a ce jour , malgré sa haute importance , car la collection de cartes qu’il renferme peut passer pour la plus riche et la plus exacte de toutes celles qui ont été formées à cette époque. Cet atlas manus- crit, et colorié avec soin , est celui de Guillaume le Testu : il fait par- tie de la bibliothèque du dépôt de la guerre, où nous avons pu le consulter, grâce à l’extrême obligeance de M. le général Pelet, directeur de cet établissement et un des membres-émérites de la So- ciété de géographie. Cinquante-six cartes in-folio, toutes dessinées de la main de l’auteur et accompagnées d’un texte explicatif en regard, composent ce magnifique recueil, dont voici le titre : Cosmographie universelle , selon les navigateurs tant anciens que modernes. Par Guillaume le Testu, pillotte en la mer du Ponent, de la ville Françoyse de Grâce (i); il est dédié au très haut et puissant seigneur Gaspar de Coligny , gouverneur de l’île de France en 1 555 . Cet atlas a été cité pour la première fois par notre ami M. Ber- thelot, dans la partie géographique de l’Histoire naturelle des îles Canaries, qu’il publie conjointement avec M. Webb (2). Parmi (,) La dénomination de Francoise-de-Grdce , énovcée dans le titre de 1 atla, , s’explique de cette manière : en ,5.6, François 1er envoya l’amiral Bonmvet sur les côtes de Normandie puor explorer le Havre-de-Grâce , dans 1 intention y fonder l’établissement maritime qu’il avait en vue. Quelques années apres, de grandes constructions vinrent remplacer les cabanes que les pécheurs avaient flevées sur cette plage. La nouvelle ville reçut d’abord le nom de Pranc.^ ^jo- lis, puis celui de Francoise-Vilh ou Francnise-de-Grace ■ mais 1 ' tion populaire lui conserva celui de Ba,re-de-Grâce ou simplement de Ha., e , selon l’abréviation adoptée de nos jours. Note ‘ , • U) Parmi les cartes manuscrites que possèdent les divers depots de la capi taie celles de Guillaume le Testu forment sans contredit la collection la plus ri- che’ et la plus curieuse. En parcourant ce magnifique atlas , on s étonné qu un seul homme ait pu l’entreprendre et soit parvenu à l’achever sans autre secours que sa plume et son pinceau. Guillaume le Testu était plus qu un simple pilote : il suffit de jeter les yeux sur ses cartes pour juger aussitôt de 1 etendue de ses connaissances ; c’est surtout en les examinant en détail que le travail du cosmo- graphe acquiert plus de valeur. A côté de la science pratique et de cette la i e d’exécution qu’il a poussées si loin , brille un savoir d etude, fiuitdelon ueseti sévérantes recherches. Le Testu semble, en effet, n’avoir rien ignoré es uvaux de ses devanciers; la comparaison et l’analyse de tout ce qu’ils avaient ai on . pu seules le conduire à de pareils résultats. Son atlas est encore bon a cousu aujourd’hui ; il fournit d’importantes données et peut servir a eclaii ei i es ques^ lions d’un haut intérêt pour l’histoire de la chorégraphié ; mais i au i ai en ciliter l’étude au moyen de l’impression , en accompagnant le texte i anno a m déduites de l’examen approfondi des cartes. L’œuvre de Le Testu appa, len 38 GÉOGRAPHIE. les 56 cartes qu’il renferme , et dont le dessin est si admirable par le luxe artistique des détails, nous citerons les trois qui concernent l’Amérique et dont voici l’énoncé : Sous le n'’ 48 , la partie de la côte septentrionale depuis le 34*= de^ré de latitude nord, puis, en descendant vers le midi, la pointe de la Floride, les îles Lucayes, Cuba, l’Espagnole, lesLucayes, la .îamaïque, la Côte-Ferme et une partie de la côte orientale jusqu’au 5® degré de latitude sud. Sous le no 49 , le golfe du Mexique , l’île de Cuba, la Jamaïque et une partie de Saint-Domingue, de l’Amérique méridionale. Ce tracé s’étend depuis le 41® degré de latitude nord jusqu’au 3® degré sud. Sous le n„ 50, la majeure partie de la côte orientale de l’Amérique du nord , depuis le 51® degré de latitude septentrionale jusqu’au 13®, c’est à dire la pointe de la Floride , les Lucayes, Cuba, la Jamaïque l’Espagnole et une partie du golfe de Honduras, où se trouve indiquée la lagune de Cartago. On peut consulter , outre ces trois cartes, plusieurs projections du nouveau continent qui sont dessinées sur les premières feuilles de l’atlas. Dans la carte f« 50 , dont nous reproduisons le trait par fac- simile (1) , afin de faire mieux apprécier le travail de l’habile pi- lote, on a figuré l’île de Cuba sous les parallèles de 19° ^ et 23<> : siècle éminemment géographique : Colomb avait trouvé l’Amérique, Vasco de Gama s’était ouvert un chemin vers l’Asie , en doublant le cap de Bonne-Espé- rance ; ces découvertes fixaient l’attention du monde , et le pilote français dut s’entourer de tous les matériaux que lui fournirent les incessantes explorations des navigateurs de son temps; il consulta sans doute les relations de voyage et la plupart des cartes imprimées ou manuscrites, car l’atlas qu’il acheva en i566 résume toute la géographie de l’époque , et constate les progrès que cette science avait déjà faits en France au milieu du xvie siècle. Ce superbe recueil fut com - mencé sous le règne de François 1er, qui fonda le Havre-de-Grâce où notre pilote reçut le jour ; il fut exécuté sous l’influence protectrice de ce monarque restaura- teur des lettres et des arts , alors qu’il organisait la marine en favorisant la navi- gation au long cours, et que Jacques Cartier, envoyé sous ses auspices dans l’O - cean du nord, sur les traces du Florentin Verassoni , dotait la mère-patrie d’une nouvelle conquête par la découverte du Canada ; il fut dédié à l’amiral Coligni , qui faisait explorer les Florides par le brave Rigaud et l’infortuné Dominique Courges, tandis que les flottes marchandes d’Ango le Dieppois parcouraient les mers des deux Indes. Ce monument, que Guillaume le Testu éleva à la science, se rattache donc à une des époques les plus illustres de nos annales maritimes , et, sous ce rapport, sa publication serait une entreprise à la fois utile et glorieuse. NoLe du Tradiicteui\ (0 Yoy. pl. m de notre atlas. , 39 GEOGRAPHIE. l’échelle dont on s’est servi par ce tracé donne 5 pouces et 8 lignes pour les 11 degrés que l’ile occupe d’est à ouest. En géner^ , la forme de Cuba nous a semblé la même que celle de la carte d® Diego Ribero : le golfe de la côte méridionale, situé en face de 1 île des Pins (isla de Pinos) entre la pointe de Piedras et Punta Garda n’est guère exprimé que par l’inflexion de l’extrémité orientale de l’île vers le sud . En examinant cette parüe du tracé, nous retrouvons le cap Saint-Antoine (C. de Saint- Anthoine ) , cap de Corrientes (C. de Courantes) ; un port anonyme qui pourrait bien etre la baie deCochinos, un autre dont la profondeur est trèsexageree et qui, par sa position, nous semble correspondre à la grande baie de Ja- gua , la Trinité {laTrinida), le cap de laCruz(C, de ’ Samet Tangue, que nous présumons Santiago de Cuba, P. de Pal- mas , probablement Quantanamo, et Puerto escomhdo -, puis , sur la côte septentrionale, Barmou, Bonicaz del Padre , el Prmcpe , (Mouin, Punta de Icaeo, Matanca et Cifioma. Après ces noms inscrits le long de la côte, nous lisons dans la partie orientale ceux àeBamoet Cuhmacan del Rey. Mais il est une observation qui a plus particulièrement fixe notre attention sur les cartes de Le Testu relatives à l’Amérique : la mer Cariibe , qui entoure les petites Antilles , s’y trouve toujours e- signée sous le nom de mer de Lentilles , ce qui prouverait évidem- ment que le pilote français ne faisait pas dériver cette dénomination A’AntiKa, terre fabuleuse que des relations antérieures a la decou- verte de l’Amérique plaçaient danslamer du Japon, et que cer ains géographes avaient située dans l’Atlantique. ToscanelU croit que *Antiu 4 (désignée par les Portugais sous le nomd de desSept Cites, (ilha dos Sete Cidades) était séparée de celle du Japon f égale à dix fois l’étendue de ce groupe, ce qui ferait .500 nulle . Ce même nom se retrouve non seulement sur la carte géographique d’Andrea Bianco, de Venise, publiée par Formalconi, mai^ encore sur uue autre de 1436 de la collection de la bibbothéque royale de Parme , et dont U ne reste plus du titre que l’iuscription sui- vante ; Becarius , civis Januœ camposuit hune... anno Domtm mit- lesimo CCCCXXXVI... die,., julii. Les cartes de Benincasa et la mappemonde de Martin Beheem , de Nuremberg , dressées en 1492 , nous montrent aussi une i c Antilia (1). Enfin , en poussant nos recherches jusqu’au xvi' siec c, (i) Voy. la noie 10 de rapcendiceàrinstoiie de Colomb ,1'ai Bosi Or.i française) , p. 334. GEOGRAPHIE. 4 0 nous retrouvons encore, dans l’édition de Ptolémée de 1508, une terre isolée sous le nom à' Antilia insula , et que Ruyscli indique , sur sa mappemonde, à l’ouest des Açores par le parallèle de ce groupe, avec cette légende ; Ista insula (A. Antilia), aliquando à Lusitanis est inventa^ sed quando ignoratur. Inventi sunt in ilia gentes hispanice loquentes , quœ tempore regis Roderici Gothorum ultimi , à harbaris fugatœ hue appulisse creduntur. Habent hic I. Archiepisc. cum 6 aliis Episc. et quilihet illorum suam habet pro- priam civitatem^ quare à multis insula 7 Civitatum dicitur. Populus christianissime vivit , omnibus divitiis seculi hujus plenus. On peut juger, par cette explication , des singulières notions qu’on avait alors sur cette terre imaginaire (1). Le nom Antilia ou Antilia avait donc été donné d’abord à une île qu’on supposait dans l’océan Atlantique , et probablement qu’a- près les voyages deColomb, cette même dénomination fut appliquée à une des grandes îles découvertes par ce navigateur. Bartolomé de las Casas nous apprend que les Portugais donnaient ce nom de pré- férence à l’île Espagnole, et qu’Americ Vespuce , dans la relation de son second voyage , le rapporte aussi à la même île (2) : Nous abordâmes à l île d’ Antilia que Christophe Colomb découvrit il y a peu d’années (3). Nous concevons que l’on ait pu appliquer cette (1) On trouve, sur les anciennes cartes, plusieurs de ces vagues indications re- latives aux de'couvertes faites par les Portugais dans l’oce'an Atlantique et à des e'poques très recule'es. Jean de la Cosa lui-même a signalé , sur sa fameuse carte , deux grandes îles , situées à l’est du cap découvert par Vicente Yanez , et qu’il dé- signe par ces mots : isla deseuhierta por Portugal. (2) « Venimusque ad Antigliæ insulam quam paucis nuper ah annis Chrislo- phnrus Columbus discooperuit. « Yoy. Navarr., Colecc. de los viages y descub., tom. III, p. 261. En se rapportant au texte de la relation d’Americ Vespuce , on ne peut guère douter qu’il n’ait voulu désigner , par le nom Antiglia , l’île Espagnole ou Saint- Domingue que Colomb avait découvert en i4g2. M. Navarrete fait remarquer , à ce sujet, l’indifférence avec laquelle Vespuce nomme l’amiral , en mentionnant une découverte aussi importante (voy. sa note p. 261). C’est , en effet, la première fois que le navigateur florentin cite l’amiral dans sa relation , malgré les liaisons intimes qui avaient régné entre eux. Americ Vespuce vint s’établir à Séville après avoir quitté Lisbonne ; il abandonna le commerce pour se livrer à l’étude de la cosmographie et de la navigation , et fît la connaissance de Colomb chez un ar- mateur florentin. Ils se rencontrèrent ensuite en Amérique, où l’amiral profita de son retour en Espagne , pour le charger d’une lettre de recommandation qu’il adressait à son fils, afin que celui-ci le protégeât dans ses entreprises. Voy. Nav., t. I , p. 35i. Note du Traducteur. (3) L’érudit et laborieux vicomte de Santareca a prouvé que Vespuce ne pou- vait avoir eu connaissance de cette dénomination lors de son second voyage , GÉOGRAPHIE. 41 dénomination à toute la partie méridionale du Nouveau-Monde qu’on appela aussi arbitrairement Atlantida ^ terrœ sanctœ Crucis ou Brasüiœ , selon l’indication de certaines cartes 5 mais le nom dd Antilles , donné collectivement à toutes les îles de l’Archipel amé- ricain , nous semble une création beaucoup plus récente. Sans chercher maintenant à approfondir cette question, disons , en pas- sant, qu’il serait possible que la dénomination à’’ Antilles eût été adoptée d’abord pour désigner les petites îles de l’Archipel situées à l’orient des grandes, après les voyages que les navigateurs fran- çais entreprirent dans ces mers. Et si cette opinion n’est pas invrai- semblable, dès lors le nom d'Antilles, appliqué exclusivement aux petites îles , pourrait bien provenir de lentilles et rendre raison de son emploi dans la carte de Guillaume le Testu, qui aura voulu peut-être , par une altération significative du nom, faire allusion à celui d’Antille , bien qu’il soit difficile d’admettre qu’il ait été anciennement imposé à tout le groupe. Ajoutons enfin que la divi- sion des îles de cet archipel en grandes et petites Antilles appartient aux temps modernes. Il existe dans les bibliothèques et les archives de Paris un grand nombre de cartes de 1560 à 1565, presque toutes du célèbre Paolo Forlano de Verone. Nous avons déjà parlé de la carte de cet auteur, qui contient , sous le titre de Descriptione di tuto il Peru , les îles de l’archipel des Antilles et l’Amérique méridionale, c’est à dire toute la partie du Nouveau-Monde comprise entre le 33® degré de latitude nord jusqu’au 55® de latitude sud, depuis le 20® degré de longitude occidentale jusqu’au 37 e. L’île de Cuba, que nous avons reproduite, d’après cette carte, dans la PI. II, fig. 6 de notre atlas, ressemble par sa forme à celle de Diego Ribero : le cap de S. An- tonio s’y trouve indiqué sous le nom de C. de 5. Joan Baptista , suivant l’ancienne dénomination , comme on a pu le voir déjà sur la carte de Jean de la Cosa (1). On lit en outre, parmi les autres puisqu’elle ne fut applique'e à l’île Espagnole que de i6oi à » 6 o 3 (voy. Bulletin de la Société de géographie ^ fe'vrier , 1887 , p. g 5 ). ( I ) Ce même nom , qu’on voit inscrit sur la carte du pilote espagnol , à l’extre- mi te occidentale de l’île de Cuba, indique probablement le terme de l’expe'dition de Colomb. Dans l’histoire de l’amiral écrite par son fils, il est dit seulement (cap. Lvu) que, le i3 de juin, on fit de l’eau et du bois à l’île Erangchsta ci qu’on y retourna peu de jours après. Mais, en examinant les de'routes de 1 amiral, on ne conçoit guère comment ce navigateur aurait pu penser tout d abord que cette terre où il aborda fût une île, puisqu’il n’en fit pas le tour du cote' Bernai Diaz fît cette déclaration à Guatimala , le 26 février de 1 an 5 . son ouvrage fut mis à jour en i63o parle R. P. Fray Alonzo Remon, prédicateur de l’ordre de la Merced, qui le dédia au roi Philippe IV. On doit savoir gre a cet historien d’avoir conservé le texte original dans toute son intégrité. JYote du Traducteur GÉOGRAPHIE. 45 d’abord puerto de Carénas, et qui, selon les apparences, était celui de S. Marco, d’après l’indication de plusieurs cartes véni- tiennes. 4°. Les habitants de S. Cristobal se transportèrent dans le voisi- nage du port de la Havane vers l’an 1519, comme l’indiquent dififérentshistoriens,etplus évidemment encore Bernai Diaz del Cas- tillo dans ce passage : « Nous arrivâmes à un port que l’on nomme Jaruco dans la langue de Cuba , et qui est situé sur la bande du nord, à huit lieues d’une ville alors peuplée, qu’on appelait S. Cristobal, et qui avait été rebâti dans cet endroit depuis deux ans seulement. » (Cap. I, fol. I. ) Cette translation s’explique facile- ment par l’importance de la découverte que la nouvelle Espagne dut donner à cet établissement , comme centre des expéditions et le rendez-vous de tous les navires de la métropole. 50 . Après cette translation, 1e nom de commença à pré- valoir sur celui de 5. Cristobal, bien qu’on rencontre encore ces deux dénominations réunies dans les relations historiques ou sur les cartes que nous aurons à citer. Ce nom de S. Cristobal, signalant un point de la côte du sud, non seulement sur des cartes qui ne sont pas fort anciennes , mais en- core sur d’autres qui se rapportent à une époque très postérieure à l’existence de cette ville sur la bande méridionale de l’île de Cuba, et lorsque la population de la Havane avait déjà acquis une certaine importance sur la côte du nord , prouve que les cartes géographi- ques imprimées n’étaient pas au niveau des connaissances de l’épo- que , et qu’elles se bornaient uniquement aux notions de leurs au- teurs. De la comparaison des cartes manuscrites et des cartes gra- vées, on peut déduire aussi cette conséquence : que les auteurs de ces dernières ignoraient entièrement les autres , car, en général , on trouve bien plus d’exactitude et beaucoup plus de renseigne- ments sur les premières , construites la plupart vers le milieu du XVI® siècle, que dans les secondes, qui leur sont très postérieures -, et l’on conçoit qu’il devait en être ainsi à une époque où ces docu- ments manuscrits étaient conservés comme objets précieux et de haute importance dans les cabinets des princes ou dans des archives qu’on ne pouvait consulter. Il en fut de même sans doute des re- lations, car, excepté les écrivains espagnols, les étrangers pouvaient difficilement prendre connaissance des manuscrits relatifs à l’Amé- rique, et il en est bien peu parmi eux qui aient recherché les ouvra- ges imprimés en castillan pour étudier l’histoire des premiers éta- GEOGRAPHIE. blissements dans le Nouveau-Monde. Mais poursuivons notre exa- men des anciennes cartes de Me de Cuba. Dans la planimétrie de Paolo Fornalo, cette île occupe une sur- face comprise [entre les 20« et 23« degrés de latitude nord, et les 285® i et 297® de longitude orientale du méridien des Ca- naries, car sur cette carte l’énumération des degrés de longitude est orientale au lieu d’être occidentale, selon l’usage habituel de Forlano Ainsi, d’après cette indication, l’occident de notre île correspond à l’orient, et l’orienta l’occident, à partir du premier point de la graduation : ce qui explique ces noms au rebours de levante et de ponente (levant et couchant) qu’on retrouve aussi sur différentes cartes de cetle époque, et notamment sur celle dont nous allons parler , et que nous avons fait calquer sur l’originale dans la Planche IV de notre atlas. Cette carte, que nous avons trouvée dans un des portefeuilles du dépôt delà bibliothèque royale (carton 464, n° 119), nous a sem- blé par le système du tracé et le style de la gravure , appartenir à la collection que Ferando Berteli publia en 1564 ou 1565. Parmi les cartes de cette série, que nous avons examinée , d en est qui portent le nom de Fabius Licinius F. ,• tandis qu’on lit celui de Ferando Berteli, en marge sur d’autres plans, où l’mscription Nicoh nelli f 1564 ligure dans le titre. Quelle que soit la cause de cette indication contradictoire , il est de fait que la carte, que nous avons reproduite, est une des plus curieuses : en la comparant avec celle de Paolo Forlano , elle paraîtrait la même , bien que , d’apres le mode de projection adopté, l’île soit trois fois plus large dans le sens des méridiens, et qu’elle conserve néanmoins la même etendue d’est à ouest. Cette forme anomale rapproche toutes les rivieres , les caps et les ports , donne plus de profondeur aux cours d’eau, rend les saUlies plus apparentes et imprime en general un caractère ilXDS ^ n t Tk T-» étrange aux divers accidents de la côte. Le Golfe de Buena Espe- ranza, par exemple, que produit naturellement le gisement de la côte occidentale et de celle du sud, et que les cartes modernes situent entre le cap Cruz et la pointe d’iguana, présente, sur 1 an- cien plan dont il est ici question, l’aspect d’une immense baie. Quant aux positions, elles sont les mêmes que sur la carte de Fornalo • la ville de 5. Cristohal se trouve placée sur la bande mé- ridionale', et le port de 5. Marco est situé à l’occident de Matanzas sur la côte du nord. On a représenté, le long du littoral, plusieurs autres villes, dont quelques unes sans nom, mais qu’on peut re- GEOGRAPHIE. 47 connaître à leur position, comnae celle de Bayamo, par exemple^ on en voit aussi deux dans l’intérieur que nous ne saurions dési- gner ; l’une apparaît entre S. Cristobal et Matanzas, et l’autre sous le méridien de la Trinité ( la Trinitade ). L’île entière est couverte de hautes montagnes toutes uniformes, d’énormes arbres , de champs cultivés et de maisons de campagne; la côte est entourée d’une mer tourmentée d’où s’élancent plusieurs monstres marins que nous n’avons pas jugé à propos de copier. La publication de la carte que Paolo Forlano dressa de toute l’A- mérique méridionale, en s’aidant des principales données de Diego Ribero, fut suivie d’une autre que Bolognini Zaltery fît imprimer à Venise en 1566. Ce plan, qui porte pour titre « Il disegno deV discoperto délia nova Franza, etc,, » représente une partie de l’A- mérique espagnole, les îles adjacentes et la portion du continent la plus voisine de l’isthme de Panama , où l’on voit un fragment de l’Amérique du nord qu’entoure une vaste mer appelée mare setentrionale incognito. Bien que la réduction de l’échelle qui a servi de base à ce tracé donne peu d’étendue aux îles , on s’aper- çoit néanmoins, à la bizarrerie de leur configuration, que les posi- tions sont arbitraires. La partie orientale de Cuba et toute la bande occidentale de l’Espagnole se trouvent situées sous un des méridiens de la Floride ; de manière que le gisement de ces deux îles est tout à fait faux. Il est difficile de concevoir que, soixante et dix ans après la découverte de l’Amérique, on ait pu dresser une carte aussi dé- fectueuse. A l’époque qui fait l’objet de nos recherches, c’est à dire de 1560 à 1612, on publia en Italie et dans d’autres parties d’Europe, mais plus spécialement à Venise , un grand nombre de cartes soit générales ou particulières du Nouveau-Monde, qui signalaient cons- tammentla ville de S. Cristobal au sud de Cuba, et celle de S. Marco dans l’endroit où se trouve aujourd’hui la Havane. Nous ne nous arrêterons que quelques instants sur ces divers documents géogra- phiques , dont voici les principaux ; Geografia di Claudio Tolomèo Alexandrino j nuovamente tradoUa di greco in italiano da Girolamo Ruiscelli^ in Venecia m.d.lxi (Bibli. de l’arsenal, 153 h.). Teatrum orbis terrarum. Anterpiœ m.d.lxx; et une autre édi- tion de cet atlas d’Ortelius qui reproduit les mêmes positions. L’isolario de Porcacchi, intitulé ; L’isole piu famose del mondo^ descritte de Thomaso Porcacchi da Castiglione Arretino ,etc.j in Pa- géographie. dom, M.D.LXXII. Ce portulan contient un plan de l’ile de Cuba, dont le trace n’est guère plus exact que celui des cartes de For- lano publiées huit ans auparavant , car , si l’on excepte une mul- titude de petites ‘dettes, dont l’auteur a parsemé la côte, les con- tours de l’ile et les noms inscrits le long du littoral sont absolument identiques, comme on peut le voir par la fig. 1, Pj- y “Ofe atlas. Il existe aussi différentes éditions de cet Isolario de Por- cacchij nous en avons consulté plusieurs ; celle de 1572 déjà citee, une autre de 1576 plus riche en renseignements que l’anterieure, puis celles de 1620 et de 1622 (1). , . j iwi Dans la carte intitulée Amertcœ sive novi orhs de f atlas dU- relius, la ville de S. Cristobal se trouve aussi marquée sur la côte méridionale 5 Gerardi Mercatoris signale la même position sur ses atlas 5 mais dans une des éditions de cet auteur, illustrée par Hondius, le nom de la Havana est inscrit sur la côte du nord (2). On retrouve encore cette indication sur la bande septentrionale de l’île, mais à une certaine distance du littoral, dans la co - lection d’Ortebus sur une carte particulière de l’archipel amé- ricain. . 1 . I • Dans le cours de nos recherches sur l’histoire de la géographie de Pile de Cuba, notre attention s’est arrêtée sur trois atlas manus- crits enluminés et dorés avec le plus grand soin par Joan Mar- tinet de Messine. Le premier, déposé à la bibUothèque royale dans la salle des manuscrits, porte la date de 1567 ; M. Jomard vient tout récemment de faire l’acquisition du second (3) , et le troisième bien plus riche que les deux autres, et dont la construction re- monte à l’an 1582, fait partie de la bibliothèque de l’arsenal Le tracé de la côte présente sur ces cartes un système de projection tout particulier : les contours du littoral sont formes par de pe- l,^ Celle, de ,6,e .676, . 5 go et .6« font partie delà bibliothèque de l’arsenal; le dlpôt des cartes et plans de la bibliothèque royale possédé celle de . a , on Y trouve aussi celles de 1572 et de 1576. ^ 1 U -ce oxrîu pf son érudition nous ont ete d un grana se gable vues la de M. Jomard ; le dépôt des ear- protection la plus efficace. GÉOGRAPHIE. tits arcs de cercles ou bien représentés par des lignes droites, qui se ioignent en angles droits. La position relative des grandes des est assez bien observée 5 mais la côte méridionale de Cuba, sur la- quelle on a marqué la baie de Xagua, la Trinidad, Santiago et un golfe en face de l’île de Pinos (illas Pinos, selon la carte), se trouve encore accidentée par le cap de Cruz qui vient produire une très forte saillie. Le nom à^Avana est inscrit sur la côte du nord et tous les autres ports de cette bande sont sans denomi- La carte de 1582 présente une telle identité dans la configura- tion des terres et dans la position des lieux avec celles de l’atlas manuscrit de Guillaume Le Testu (1555), qu’elle paraîtrait awr été construite sur les mêmes renseignements, et cette induction diminue beaucoup l’intérêt que pourrait présenter la œllection de Jean Martinez, comme document historique. Le dépôt des cartes et plans de la Bibliothèque royale possède aussi deux cartes portu- gaises de 1618, manuscrites et dessinées en couleur sur parche- min 3 elles semblent avoir été copiées sur les précédentes, avec quel- ques nouvelles additions qu’il serait superflu d’indiquer ici. Vers la fin du xvi® siècle, les cartes de Théodore de Bry enva- hirent les bibliothèques, sans enrichir toutefois l’histoire delà geo- graphie du Nouveau-Monde de notions plus exactes et plus éten- dues que celles publiées quarante ans auparavant. Pour se con- vaincre de cette vérité, il suffit de jeter un coup d’œil sur la carte intitulée : Cosmographia nohilis et opulentœ Provinciœ, atque Brasi- lia;, etc.... Ex auctorum, qui eas provincias perlustrarunt, scriptis recens à Theodoro de Bry concinnata. m.dxcii. (Bibliot. roy. , car- ton 1745 (40) n° 40). Les Lucayes s’y trouvent situées sous le 35 * degré de latitude 3 c’est aussi sous ce même même méridien que viennent se ranger la pointe de la Floride et la partie centra c de Cuba. Quant à la forme de cette île, on pourra s en faire une idée par la figure que nous reproduisons dans notre kÛ^s (voyez pL n, fig. 4 ). On a indiqué, sur la côte du nord, une ville sous le nom d’Isabelle ; nous aurons occasion de relever cette erreur dans d’autres cartes plus récentes. Le dépôt de la Bibliothèque royale (carton 1745 (40)) posse c encore une autre carte particulière du môme Théodore de Bry, que nous avons aussi consultée et dont voici le titre : Occidentalis Ame- rica: pars, vel earum regionum quas Christophus Columbus primum detexit, etc. anno m.d.xc.iiii. L’île de Cuba (roi/, le fac-swu e ( e \ (‘.ÉociuniiE. 50 GÉOGRAPHIE. sa configuration dans la pl. V, fig. 2, de notre Atlas) offre, sur ce plan, les positions suivantes : Baya Honda ^ Marien fl., Cava~ nas J Havana, Portas Matancas, S. Xpi, probablement Santi Es- piritu, et plus au nord une ville sous le nom de Cavana, située sur la côte, puis Portas Principus, et les fausses indications de ilfos Xpiei d^Isahela qui appartiennent à Pile Espagnole, où, en effet, Pon fonda la ville d’Isabelle, à l’orient de Monte Christi, comme on peut s’en convaincre par l’histoire de l’Amiral et les autres rela- tions (1). En suivant la même direction, on trouve Portas Patris et Baracoa, Cuspis May ci, puis, sur la bande méridionale et dans l’intérieur de Pile, on lit les noms de Portabsconsus, S. lacobi, C. de Cruz^ au nord de ce dernier cap et sous le méridien de Portas Principas, se trouve la ville à^Albay-Hamo^ vient ensuite S. Trini- tatis, Guanagaarico et Xagaa vers le cap Saint-Antoine. Enfin l’auteur ignorant, sans doute, les parties de Pile déjà connues et signalées dès la découverte, place les écueils des Martyrs (scopali dicti Martyres) sur la côte septentrionale de Cuba (2). Nous retrouvons notre île sur une carte de l’Amérique méridio- nale (iVonmJer^œ, perLemiam Nütsiam, anno 1599), qui embrasse toute la partie de ce continent, comprise entre le 25« degré de lati- tude nord et le 25® sud. La ville de S. Cristofor est située] sur la côte méridionale , au nord-ouest d’une île anonyme, que nous sup- posons celle des Pins , et la Havana se trouve placée sur la côte septentrionale. On a figuré aussi, près de la pointe de May ci, et dans la direction du nord-ouest, une autre petite île, sous le nom de /. Fernand. La dénomination de S. Cristobal et la position de cette ville sur la bande du sud ont été conservées sur trois plans de Pîle de Cuba, que nous allons examiner d’après leur ordre de date. 1604. Une grande carte de l’Amérique ms-coloriée, et qu’on a exposée dans une des salles du dépôt de la Bibliothèque royale ^ elle porte pour titre : Ameriçæ sive novi orbis nova descriptio , Florencia, per Matheam Nerenium Peçciolem. Cosmog. 1604. La planimétrie de Pîle de Cuba, que nous avons donnée dans notre Atlas, pl. X, fig. 3, a été extraite de cette carte. Si Pon excepte la saillie du cap de Cruz , la côte méridionale n’offre d’autre golfe (1) Collect. deBarcia, p. 48 . (2) Voy. la savante note de M. Navarette, t. I, p. 162 de son instruction, sur le peu de cas que l’on doit faire des cartes de Théodore de Bry. GEOGUAPHIE. 5i que la baie de Xagua et un grand port avec une ville nommée CamareOj située entre Xagua et Trinidad^ précisément dans un parage où il n’existe aucune baie un peu remarquable. Santiago, P. de P aimas et P. Escondido sont signalés ensuite sur cette partie de la côte comprise entre le cap de Cruz et le cap de Mayci. L’île est couverte de montagnes isolées et qu’on a représentées en pers- pective; ce système de dessin, en exagérant les accidents sur la bande du nord , lui donne l’apparence d’une côte remplie de cri- ques et de petits ports, bien que les noms de Uauana et Chepie soient les seuls qui s’y trouvent inscrits. Celui de la Havane (Hauana) est le plus occidental. Matanzas, Icacos, Cuba, Vasco, Porca^7/o sont signalés, pour la première fois, dans le voisinage de la côte; on lit aussi, parmi ces noms, ceux de Cabannas, Manetiay , P. del Padre, et, sur la bande orientale, C. de Mayci, Bocas de Bamy et Zarboa pour Baracoa. 1 606. Une carte de la collection de Gerardi Mercatoris (1), folio 349. On a représenté, en marge de ce plan , le port et la vüle de la Havane, traversée par trois ruisseaux et défendue par la batterie del Gobernador. Un autre bastion est indiqué près de la place de S. Francisco, dans l’endroit où l’on a construit maintenant le fort de Santa-Clara. Les anciennes redoutes de la Fuerza del Morzo et de la Punta y sont aussi marquées. 1607. Une autre carte , copie de la précédente , et qui fait partie de la collection intitulée : Atlas sive cosmographiæ meditationes de fabrica mundi et fabricœ figura. — Sumptibus Cornelii Nicolai et indocti Hondii , Amsterodami , 1607, seconde édition dédiée au dauphin par Hondius. La forme de File de Cuba, que nous repro- duisons d’après ce plan {voy. pl. VI, fig. 2 de notre Atlas), nous paraît très ancienne et ne manque pas pourtant de régularité. On a trop agrandi le golfe situé en face de File de Pinos, et, à par- tir de ce point jusqu’au cap de Mayci, File a beaucoup trop de lar- geur, comparativement à son étendue. Néanmoins, cette carte est dessinée avec plus d’exactitude; la position des ports principaux se rapproche davantage de la vérité, la eonfiguration de toute la côte méridionale y est mieux déterminée, particulièrement dans la partie comprise entre le cap de Cruz et la pointe de Mayci. Les villes de S. Cristo et d'Albaiamo se trouvent marquées dans l’intérieur ; mais (O On peut voir ce même plan dans d’autres atlas de cet auteur, illustres i)ai llomlius, et que nous avons aussi cxamine's à la hibliothè((ue de l’arsenal. GEOCiRAPHIE. 52 ces indications, la plupart assez exactes, sont mêlées de plusieurs erreurs qui appartiennent probablement aux cartes de Théodore de Bry. Ainsi, nous lisons le nom de Xagua près du cap Saint- An- toine et dans le voisinage de B. Honda; Pile de Pinos est située plus au nord que Punta-Gorda, dans l’immense golfe qu’on a figuré sur la côte méridionale j et enfin , sur la bande septentrionale, nous retrouvons Monte^ Cristi et la ville àUsabela^ qui, selon l’observation que nous avons déjà faite, ne doivent pas faire partie de cette île. 1611. L’île de Cuba , d’après la carte de Hondius (1607) , a été reproduite dans d’autres plans : nous en avons un exemple dans celui que nous avons examiné au folio 82 de V Histoire universelle des Indes occidentales et orientales j, par Corneille Vilfliet et Antoine Magin et autres historiens. Davay. 1611. Cette figure différerait peu de la précédente sans la soustraction que l’éditeur français a cru devoir faire de l’extrémité occidentale de l’île , et que nous avons indiquée par des points sur la carte de notre atlas. Pour ex- pliquer cette singulière mutilation, il faut croire qu’on aura voulu supprimer à dessein toute la partie de Cuba, qui ne pouvait entrer dans le cadre adopté. 1631. Sémi-sphère , avec cette inscription : America sive India nova, ad magnœ Gerardi Mercatoris avi universalis imitationem in compendium redacta. Cette proj ection représente le Nouveau-Monde: quatre cercles ou médaillons ont été placés dans les angles du plan ; le premier est réservé pour le titre que nous venons d’énoncer, on a indiqué dans le second le golfe du Mexique , dans le troisième l’île Espagnole, et dans le quatrième Cuba , la Jamaïque , les Lu- cayes et la pointe méridionale de la Floride. Dans ce dernier mé- daillon on lit, sur la côte méridionale de Cuba, le nom de S. Cris- tobal , mais celui de la Havane ne se trouve pas sur la bande du nord. (Voyez au dépôt de la Biblioth. royale, carton 1745 (40). ) On doit déduire de l’indication , si souvent reproduite , de la ville de S. Cristobal sur la côte du sud, et de celle de la Havane sur la côte du nord , que les cosmographes copièrent toutes les po- sitions et dénominations des anciennes cartes , en y ajoutant suc- cessivement les nouvelles villes et autres établissements qui furent fondés plus tard. Mais ce qui nous a le plus surpris dans les re- marques que nous avons eu occasion de faire, c’est la position fixe et constante de S. Cristobal sur le même point , dans les cartes de différentes époques, tandis que le gisement de Santiago, Trinidad, Xagua, Puerto Principe, etc., varie presque toujours. S. Cristobal, GÉOGRAPHIE. 53 au contraire, est invariablement située vers cette partie de la côte occidentale qui forme la baie de Broa et sur les bords d’une rivière qu’on appelait , dit-on , Onicojinal (1). La cosmographie et la géographie d’HieronimoGirava, imprimée à Venise en 1570 (2), donne les positions astronomiques de plu- sieurs points de l’île de Cuba , et entre autres la latitude centrale de l’îlepar 20 degrés, le cap de San Juan Bautista , actuellement de Saint Antoine, par 22“ 30' de latitude nord et 285“ 30' de lon- gitude occidentale , et S. Cristohal par 22“ de latitude nord et 288° 10' de longitude ouest. Ainsi, d’après cette dernière posi- tion , la ville de S. Cristobal occupe encore le même parage que nous avons signalé plus haut. Dans les cartes françaises de la collection que Sanson d’Abbe- ville, géographe ordinaire du Roi, publia en 1655, on ne retrouve plus S. Cristobal sur la côte méridionale j mais sur un plan des îles Antilles, de 1656 , on lit sur la côte du nord l’indication de Havana ou S. Cristoforo (3), de manière que la réunion de ces deux dénominaitions a fait disparaître S. Cristobal de son ancien poste. ( Voyez au dépôt de la Bibliothèque royale, carton Ameriq. Cartes générales. 9.) Cette carte, tout à fait fausse sous le rapport du tracé , est remplie d’erreurs : l’indication de Cayo Romano rem- place celle de Puerto Principe; on trouve ensuite, le long de la côte orientale , plusieurs noms inconnus, tels que Guavo, Quiba- noco, XavarUj, Bita, et à l’occident de la côte méridionale Santiago^ Sevilla vieja et Sevilla nueva , noms dp lieux qui appartiennent à la Jamaïque ; enfin, à l’est de la Trinidad et sur la même bande , la ville de Santi Espiritu. Nous avons passé en revue plusieurs autres cartes publiées dans les dernières années du xvii® siècle et au commencement du xviii® ; mais ces documents présentent fort peu d’importance et nous nous contenterons de les citer par ordre chronologique. 1688. Archipel du Mexique j où sont les îles de Cuba, Espa- gnole , Jamaïque J etc. j, par P. Corneille , cosmographe de la sèré- nissime république de Venise. Paris, 1 688. La position des Lucayes, découvertes par Colomb , y est indiquée par 302® à 304o de longi- (i) Gomara, Citron, de JS. Espaiia, cap. vui, fol. 8. — Arrate, Bave del Nuevo-Mundo , p. a 5 . (i) Bibliot. de l’arsenal, in- 4 °, n“ 207, H. Paris. ( 3 ) Cette double dénomination sc trouve reproduite sur les caries lran(;aiscs de 1674, > 7 ^ 11 ) (depot de la bibliot. roy. Paris). GEOGRAPHIE. îi’i ludc et âSo à 23‘> ^ de latitude nord, avec les annotations suivan tes : Guahani, Colomb, Tan 1492 , qui V appela S. Sal- vador : Yuma ou Huno fut nommée Isabelle par Colomb : Gamba, que Colomb nomma S. Marie de la Conception. Les Inaguas sont situées plus au sud, dans leur position respective. {Dépôt de la Bibliothèque royale, carton 1745 (40).) 1693. Carte de la nouvelle Espagne, de l’Amérique du nord et du golfe du Mexique, de Tatlas de Jean-Baptiste Homann. No- rimbergœ. 1703. Carte du Mexique , de la Floride et des îles, par Guil- laume de l’Ile, géographe de l’académie royale des sciences, faisant partie de l’atlas dédié au Roi, par Hubert Jaillot, géographe ordi- naire de Sa Majesté. 1739. Carte anglaise du golfe du Mexique, et plans des ports de Carthagène, Porto-Belio, Vera-Cruz et Havane, avec la perspec- tive du bombardement de cette ville. Gravée par ordre du parlement. DES OBSERVATIONS ASTRONOMIQUES ET HYDROGRAPHIQUES FAITES A L’ILE DE CUBA. Dans la longue période que nous avons parcourue depuis la fin du XV® siècle jusqu’au commencement du xviii®, nos recherches se sont arrêtées tantôt sur des relations de voyages et de découvertes plus ou moins exactes , et tantôt sur des cartes et des plans où se trouvent consignés les résultats des relations. Mais cet examen ne nous a rien appris des opérations exécutées par les pilotes et les cos- mographes pour déterminer la configuration de l’île de Cuba et les positions astronomiques des points principaux. Ce ne fut guère qu’au commencement du dernier siècle, que le gouvernement es- pagnol résolut de faire rectifier, par des observations directes , la géographie du Nouveau-Monde. C’est seulement à partir de cette époque, qu’a commencé pour nous l’histoire mathématique de cette science jusqu’alors conjecturale pour ce qui concerne l’île de Cuba (1). Toutefois, nous devons faire observer que les travaux exé- (i) Pour se bien pe'ne'trer de la partie que nous allons exposer, on peut voir le second volume des Ohsen>ations astronomiques du voyage de M- de Humboldl, par M. Oltmans. Nous avons pensé qu’il était nécessaire de donner dans notre ou- vrage un extrait de cet impoi'tant travail. GEOGRAPHIE. 55 eûtes, pendant la période citée et même jusqu’à nos jours, ont eu plutôt pour objet la détermination géographique de différents points, que la construction de la carte générale de Tile. La série d’opérations trigonométriques et géodésiques , nécessaire pour arri- ver à ce dernier résultat, n’a pas encore été entreprise. Les observations les plus anciennes , dont nous ayons connais- sance , sont celles de D. Marcos Antonio Riano y Gamba, qui, en 1715, 1721, 1724 et 1725, observa à la Havane diverses éclipses de lune et prit plusieurs hauteurs de Sirius pour en déduire la po- sition du port. Cassini, qui se chargea de la révision de ces obser- vations , trouva que la longitude de la Havane était de 5 heures 38' 22" par rapport au méridien de Paris (l). Cette donnée s’écarte peu de la vérité. M. de Humboldt , avant départir pour son grand voyage , reçut à Madrid une note que le dépôt hydrographique considérait comme la plus exacte et par laquelle la longitude de la Havane était de 5 heures 38' 11" à l’ouest de Paris ; mais divers marins espagnols, et parmi euxD. Thomas Ugarte, l’avaient trou- vée de 5 heures 39' 35" (2). L’expédition chargée de lever la carte des Antilles, etD. Cosme Ghurruca, la fixèrent par le chronomètre à 5 heures 39' 1" de longitude occidentale, et par 23° 0' 36" ^ de latitude nord. D. José Joaquin Ferrer adopta une longitude plus orientale, et tâcha de justifier ses calculs dans un mémoire spécial. En 1796, cet observateur prit, à Puerto-Rico , un grand nombre de distances de la lune au soleil , et s’en servit pour dé- terminer la longitude trouvée par le secours des chronomètres. M. Oltmans calcula , treize ans après , les distances lunaires de Ferrer , corrigea ses tables par des observations de lune faites à Greenwich, et rectifia les données de son devancier. Un siècle s’était presque écoulé depuis les premières observations astronomiques de Riano, et la position du port de la Havane était encore incertaine , lorsque M. de Humboldt y débarqua dans le mois de décembre 1800. D. Dionisio Galiano , marin distingué, s’y trouvait aussi à la même époque , et les deux savants combinè- rent leurs observations. Nous allons présenter l’analyse de la série de données sur lesquelles Oltmans a fondé ses calculs (3). (1) Mémoires de I Académie des Sciences , Paris, 1829. (2) Toutes les longitudes dont il sera fait mention, d’après les travaux de ,M. Oltmans , se rapportent au méridien de Paris. ( 3 ) Voy. l’ouvrage cite. 56 GEOGRAPHIE. Détermination de la latitude. D.Cosme Churruca etD. José Za- lazar avaient observé en 1795 , avec un quart de cercle de deux pieds , une série de distance au zénith d’un grand nombre d’é- toiles, et avaient choisi pour leur observatoire la maison du général de la marine, à l’extrémité de la rue de Cuba , au dessus du port. Ils obtinrent pour résultat 23° 8' 35,5". Riano, le 4 et le 9 mars 1717, prit la hauteur méridienne de Sirius et calculant d’après le catalogue de Piazzi, trouva pour la latitude du même point : 23° 9' 45" 23° 10' 11" terme moyen 23° 9' 58" Cassini, calculant sur les mêmes données, trouva : 23“ 11' 20" et 23° 12' 48". Cette différence doit être attribuée au peu d’exactitude des catalogues d’étoiles dont on se servit et peut-être aussi à leur mouvement. M. Oltmans, ayant fait la réduction des observations de Chur- ruca, obtint pour résultat : 23° 9' 25,8" 23° 7' 41,2" terme moyen 23° 8' 33,5". Cette donnée, qui ne diffère que de quelques secondes de la pré- cédente, fixa, après la correction, la latitude du lieu par : 23° 8' 34". La latitude de la Havane prise par M. de Humboldt en deux observations, de la maison du comte d’O’Relly, voisine de celle du général de la marine, présenta quelques variantes, savoir : Le 23 décembre 1800 23° 8' 23" Le 26 )) » 23° 8' 7,5" terme moyen 23° 8' 15". KJ géographie. Voici, en résumé, le résultat des différentes observations que nous venons de rapporter : D’après Gamboa 23’ 9' 58" lieu d’observ. incertain. ^ Churruca 23“ 8' U" maison du général de la manne. Humboldt 23° 8' 15" maison du comte d’O’Relly. Détermination de la longitude. Gamboa “'>*7;;. éclipses de lune et une occultation du premier satelUte de Jupiter enXiant un télescope de deux pieds et un pendule dont . certifiaU la marché, au moyen de son quart de cercle. Le résultat des calculs de Cassini donna pour la longitude de la Havane par rapport au méridien de Paris . 5 h’ 38' 20"pourl’éclipsedullnov. 1715. 5 h* 37^ 51^^ pour celle du 31 oct. 1724. M Oltmans calcula les observations de Gamboa, avec d’autres faites pendant la première éclipse, et ses résultats furent les sui- ■ 5 38' 24" par comparaison. 5 h' 38' 45" id. id. 5 h’ 37' 5" pour la 2° éclipse. 5 h* 38' 15" pour terme moyen (a). Comparant ensuite les observations de Gamboa avec les décli- naisons , il obtint : M. Oltmans calcula aussi la longitude prise par Gai^oa, pen- dant les éclipses de lune du 8 juület 1721 , du 31 octobre 172v et du 26 avril 1725 j ses résultats lui donnèrent ; 5 h® 38' 40" pour la 1" observation. 5 h* 39' 38,5" pour la 2° id. 5 39' 19,5 " pour la 3^ id. 5 b® 39' 5" terme moyen des 4 éclip’. En avant égard à la 6gure de la terre , les observations faites par Gamboa, pendant les quatre éclipses, donnèrent pour terme moyen . 5 h* 39' 2,5" (b). Et calculant les mêmes observations, en ayant egard a 1 ombie delà terre, d’après les données de Gentil, il obtint : 5 h' 39' 32,5" (c). 58 GEOGRAPHIE. Le terme moyen des trois résultats {d), (b), (c) est donc de : 5 h' 38' 57". En 1795, Churruca observa les éclipses des satellites de Jupiter, et Ferrer, se servant de ses données pour calculer la longitude de la Havane , trouva 5 38' 54" en comparant les immensions observées avec les tables de satellites non corrigées , et 5 38' 30,3" par les mêmes tables corrigées de l’observatoire de Cadix. MM. de Humboldt, Robledo et GaKano travaillèrent ensuite à résoudre le même problème : le premier prit en mer, sous le mé- ridien du château del Morro, plusieurs hauteurs solaires, afin de déterminer l’heure et la longitude. Ces observations eurent lieu le 19 décembre 1800 et furent continuées, du mouillage du port, les 27 et 28 du même mois, puis le 2, le 13 et le 27 janvier sui- vant. Au mois de février 1801, M. de Humboldt fit un voyage dans l’intérieur de l’île, et à son retour, le 20 du même mois, il reprit le cours de ses travaux astronomiques. Les données résultantes des observations simultanées, entre- prises par MM. Galiano et Ant. Robledo, sur une série d’occulta- tions de satellites de Jupiter, servirent à M. Oltmans pour calcu- ler la longitude de la Havane. Ce savant employa dans cette opération les moyens les plus simples, faisant usage d’observations correspondantes, ou, à défaut, les remplaçant par les tables de Delambre, après les avoir corrigées, sur les résultats obtenus à des époques rapprochées. Les calculs de M. Oltmans donnèrent : 5 h= 38' 5(t,2". Enfin, le 21 février 1803, D. Antonio Robledo observa une éclipse de soleil qui donna en dernier résultat , d’après les calculs et les comparaisons de M. Oltmans : 5 h* 38' 52,3". En comparant cette donnée à celle de Churruca, en 1795, et aux déterminations, énoncées plus haut, de MM. Humboldt et Galiano, on trouve pour la longitude de la Havane, en temps moyen ; 5 h* 38' 50,7" = 84° 42' 40" O. de Paris. Et pour celle du Morro 5 h® 38' 54" =84" 43' 30" id. 59 GEOGRAPHIE. Prenant le point d’observation de M. de Humboldt, comme iden- tentique à celui de Churroca, et faisant les corrections correspon- dantes, M. Oltmans en déduit les résultats suivants : V . T^i •' rEsQQ'AQ" — 84° 42' 15". O. de Paris. Longit. delaPlaza vija 5 h 38 49 ¥ i'i ri 8 15 ♦ Latit nora . us o.f 49 5" — 84° 43' 7". O. de Paris. Longit. du Morro 5 h 38 42,5 — ^ , 9Qo O' 7 . Latit. nord CARTES MODERNES. Les plans hydrographiques du dépôt de Madrid font connaître les résultats obtenus par les expéditions espagnoles, qui furen chargées de lever la carte des Antilles et d’explorer le vieux canal de Bahama, afin de guider les navigateurs dans ce passage dan- eereux On détermina, pendant ces différentes campagnes les points principaux de la côte de Pile de Cuba, soit par des obser- vons astronomiques de latitude et de longitude faites a terre soit par des hauteurs méridiennes prises en mer ou sur lile, ou bien encore au moyen de longitudes observées à bord avec des montres marines (1). Quant aux positions de l’interieur , on n en fixa astronomiquement qu’un bien petit nombre, que nous ferons connaître dans notre énumération. Pour le moment “<>us con- tinuerons l’examen de quelques autres cartes du siecle dernier passerons en revue celles de notre epoque. ^ Les meilleurs plans que nous ayons consultes ^ cette demi période sont ceux du dépôt hydrographique de Madrid, qui ont été copiés par les Français et les Anglais sur leurs aüas generaux nous ferons seulement ceux qui comprennent 1 de de Cuba et parages circonvoisins. . , . Carte sphérique du golfe du Mexique (L» Caria esfmca M seno Mejicano), publiée en 1799 et corrigée en 1805 : elle con- tient la plus graude partie de l’ile de Cuba depuis le cap S, An- tonio jusqu’au 72« degré de longitude occidentale de Cad . 2- Carte sphérique, qui comprend les de Saint-Domingue, et la partie orientale du Vieux cana ( cuUevs. géographie. esférica que comprende los desemboques al norte de Santa Domingo , y la parte oriental del canal viejo)^ publiée en 1802 : elle renferme toute la partie de l’est de l’île, depuis le 71« degré jusqu’à la pointe de May ci. 3« Carte sphérique d’une partie du vieux canal de Bahama, de- puis la pointe de Maternillos jusqu’à celle d’Icacos (3a Carta esfé- rica de una parte del canal viejo de Bahama^ desde la Punta de Ma- ternillos j hasta la de Icacos)j publiée en 1799 : on y a indiqué, sur une grande échelle, toute la partie de la côte septentrionale de Cuba, comprise entre les deux caps, avec les écueils et les bas- fonds qui l’avoisinent. L’atlas général de D. Tomas Lopez renferme une carte du golfe de Mexique et des îles de l’Archipel américain, dressée en 1755. Nous avons relevé sur ce plan plusieurs erreurs de configuration et de nomenclature : Puerto principe, par exemple, se trouve situé dans un angle formé par la côte méridionale et la partie occiden- tale qui fait face au banc de Bonne-Espérance {Banco de Buena Es- paranzd)-, nous Usons Puerto Mariana pour Mariel, Matamano pour Batabano, etc. La carte marine de l’île de Cuba {Carta ma- rina de la isla de Cubai) ^ dressée par le même géographe en 1783, n’est pas moins défectueuse. L’auteur prétend avoir consulté pour son travail une notice manuscrite faite à la Havane en 1770, in- diquant les positions d’après les rumbs de vent et les distances, ainsi qu’une autre de D. Antonio Lopez et Gomez. Les cartes relatives à notre île, du Neptune de l’Amérique méri- dionale^ et celles publiées par l’amirauté d’Angleterre, sont cal- quées la plupart sur les nôtres (1) j toutefois les dernières (les an- (i) L assertion de M. Ramond de la Sagra n’est que trop vraie ; toutes les car- tes de l’ile de Cuba et des côtes adjacentes du continent ame'ricain , que nous avons eu occasion de consulter au dépôt de la marine, sont des copies de l’atlas espagnol publie' en 1809, sous le titre de Portolano del America septentrional , qui a été corrigé en 1818. La feuille contenant la côte méridionale de l’île de Cuba (1824) , sous le n° 368 du catalogue du dépôt, et la demi-feuille représentant le plan du port et delà ville de la Havane (n® 870), appartiennent à la série des cartes de Tofîno. Toutefois , nous avons examine , sous le n° 344 de la collection du dépôt de marine , une carte générale du golfe du Mexique et de l’archipel des Antilles , dressee pour le service des vaissaux français et publiée en 1807 sous le ministère du vice-amiral Decres. Ce plan hydrographique, levé à grands points , présente un trace beaucoup plus correct que celui des cartes espagnoles et plusieurs rec- lifications importantes; mais nous ne connaissons pas les éléments qui ont servi à la construction. JYnle du Traducteur. géographie. glaises) présentent des rectifications importantes, surtout dans la partie hydrographique , qui contient les résultats de travaux très récents exécutés avec précision et fidèlement rendus. En traitant de la description des côtes de Cuba , nous aurons occasion de faire remarquer l’exactitude du tracé d’une des cartes anglaises, pour ce qui concerne la partie orientale du littoral de l ile. M. de Humboldt, mettant à profit les travaux hydrographiques de nos marins, rectifia les positions de plusieurs points de la côte et quelques uns de l’intérieur, en comparant les divers tracés avec les cartes manuscrites dressées à la Havane en 1803 et 1805. Il corrigea ensuite la partie méridionale sur les observations de D. Ventura Barcaiztegui et D. Joseph del Rio, d’après un croquis qui lui fut communiqué par D. Philippe Bauza. Moyennant ces données, l’illustre voyageur formula carte géographique de l’île, qu’il publia sous le numéro 23 de l’atlas de son grand ou- vrage. Ce travail, exécuté sur une échelle fort réduite, est néanmoins très remarquable pour l’exactitude^ des points déter- minés. En comparant la carte publiée par M. de Humboldt avec celles du dépôt de Madrid, la partie orientale, depuis le méridien de Matanzas jusqu’au cap Saint- Antoine , et à partir de ce point jus- qu’au cap de la Cruz, c’est à dire toute la côte méridionale, pré- sente des différences notables de configuration. Toutefois, sur des cartes espagnoles antérieures, la position des divers points que nous venons d’indiquer, et celle du cap de Corrientes, se trou- vent déterminées par des observations de latitudes faites en mer et d’autres de longitudes déduites de la marche des chronomèHes. En général, nous avons remarqué que les erreurs de position étaient moins notables que celles de configuration. Le prolonge- ment de l’île , entre les deux caps , occupe une trop grande étendue en largeur sur les cartes de Madrid. Le gisement de la partie com- prise entre les méridiens de Punta de Piedras et Punta-Gorda est encore plus défectueux ; sur la carte de M. de Humboldt, la côte court presque au nord à partir de ce premier point, et forme en- suite , avec la partie qui s’étend à l’E. \ N.-E., la baie ou lagune de Cortès ; de là, elle continue au nord-est jusqu à la baie de Majana, puis à l’est jusqu’à celle de Broa. Dans la carte du dépôt, au contraire, depuis la pointe de Piedras, c’est a dire vers l’angle que la côte forme au nord, elle suit une direction con- stante à l’E. -N.-E. jusqu’à la baie de Broa ; sur tout ce prolonge- GEOGRAPHIE. G -2 ment de sept lieues environ , elle n’est accidentée que par quelques saillies, mais le grand golfe fermé par la pointe de la Fisca et Punta-Gorda n’y est pas indiqué. Cette lacune, dans la carte du dépôt, provient bien moins de la position que l’on a donnée à Punta-Gorda et Punta de Salinas que du gisement de cette portion du littoral où l’on a situé Batabanô par 22° 20' de latitude, tandis que les observations de D. S. Lemaur le placent 24 minutes plus au nord, la différence en latitude, par rapport au parallèle de la Ha- vane, étant seulement de 25' 11" au lieu de 48', comme l’indique- raient les positions des cartes de Madrid, si elles étaient exactes. Quant à la longitude de Batabano, les cartes du dépôt la fixent à 20' à l’occident de la Havane, tandis que la différence entre les deux méridiens n’est que de 3' 41" d’après les observations de D. S. Lemaur. Une différence aussi forte provient sans doute de ce que la Havane se trouve elle-même située beaucoup trop à l’ouest. A partir de la pointe de D. Cristobal, la côte méridionale se pro- longe uniformément à l’E. | S.-E. jusqu’au méridien delà Tri- nité, tandis que cette partie du littoral offre en réalité deux direc- tions bien distinctes j la première, presque vers l’orient, depuis la pointe de D. Cristobal jusqu’à l’embouchure de Jagua, y compris la baie de Cochinos, située entre ces deux positions, et la saillie for- mée par la pointe del Padrej ,1a seconde à l’E. -S.-E., depuis Ja- gua jusqu’à l’embouchure du Rio-Guarabo. Mais sur les cartes espagnoles, cette côte s’incline toujours à l’E. f S.-E. ou bien à i’E. S.-E., jusqu’à l’embouchure du Macuriges, sans indiquer la partie qui' court N.-N.-O. et S.-S.-E., depuis l’Estero de Ne- grillo jusqu’à la rivière que nous venons de citer. En fixant notre attention vers la bande de l’ouest, nous voyons qu’on a fait passer le méridien de la Havane tellement en dedans de la baie de Broa, qu’il touche presque le bord occidental de la mare de Zapata, de manière que Punta-Gorda reste à l’ouest de la Havane, lorsque les observations astronomiques placent cette ville quelques minutes plus à l’occident que la pointe énoncée. Le méridien de Matanzas, qui passe d’après les plans du dépôt 1 2' à l’est de la baie de Cochi- nos, est également mal situé, puisque la position du cap de Pie- dras, dont la longitude est presque la même, a été fixée à 22' 30" à l’orient de Matanzas j ainsi la baie de Cochinos se trouve placée 34 minutes et demie trop à l’est. Enfin ce qui contribue à rendre encore plus notable la différence de configuration de l’extrémité occidentale de l’île de Cuba sur les deux projections que nous exa- GEOGRAPHIE. 63 minons, c’est la larg^eur démesurée de l’île sur la carte du dé- pôt, précisément dans les endroits où elle est le plus étroite sur celle de M. Humboldt. Nous ignorons les motifs qui ont déterminé cette différence. La grande carte topographique, récemment pu- bliée à Barcelonne , présente une configuration pareille à celle de la carte du dépôt de Madrid, et par conséquent diverse de celle de M. de Humboldt. Si l’on tire une ligne O.-N.-O. et E.-S.-E., c’est à dire de la baie de Guadiana, sur la côte septentrionale, à la baie de Cortès, sur la côte du sud, cette ligne passera par la partie de l’île la plus étroite sur lé plan de M. de Humboldt, tandis qu’elle me- surera le plus large espace sur la grande carte topographique et sur celle du dépôt, la partie la plus rétrécie se trouvant placée dans ces deux plans sous le méridien du port de Muriel dans ces deux plans. Pour décider la question, il faudrait s’assurer de la po- sition exacte des points correspondants^ mais nous n’avons, pour nous guider à cet égard, que Muriel sur la bande du nord et Bata- banô sur celle du sud. La différence en latitude , entre ces deux points, est de 22' quant à la baie de Guadiana et à celle de Cortès , qui leur correspondent, nous ignorons leur vraie position. D’autre part, la pointe d’Avalo (côte septentrionale) est tellement à l’ouest sur la grande carte de 1835, qu’elle se trouve sous le méri- dien du cap Corrientes, M. de Humboldt porte cette pointe 17' plus à l’est sur sa carte : si cette position est exacte, il j^ut supposer dès lors que la forme élargie de la partie occidentale de l’île de Cuba, dans les cartes espagnoles , [provient de ce qu’on a donné trop de saillie à la côte du nord. L’île de Pinos nous paraît mal située en longitude sur les cartes du dépôt, sa pointe orientale se trouvant plus à l’est que la Ha- vane. Il résulte de ce gisement que les points des deux côtes les plus rapprochés en réalité sont précisément les plus éloignés les uns des autres, savoir : d’une part, la pointe de los Barcos, et de l’autre celle del Rio de las Palacios. En outre, la côte mé- ridionale, au lieu de courir presque est et ouest, s’incline à 1 ouest-sud-ouest , à partir de la pointe orientale jusqu’à celle du Crocodile, et la côte septentrionale, qui suit une direction analogue, présente un gisement non moins défectueux. La côte septentrionale de l’île de Cuba, depuis la pointe d’Icacos jusqu’au cap Mayci, et à partir de ce cap jusqu’à celui de Cruz, sur la bande méridionale, n’offre aucune différence de position géographie. ri de configuration sur les différentes cartes qui font le sn^i de notre examen. Cette coïncidence dépend de ce qu on s est Îuidé sur les plans du dépôt de Madrid pour le race des deux V et même pour les grands atlas du dépôt de la marine fran d.» ““'7, 'ï tons dont nous avons parlé plus haut, les officiers de U ma- rine espagnole déterminèrent les principales positions de la cote de Cnbl,^ comme l’indiquent les cartes publiées par depo‘ y sr^sr-;. £ positions déterminées » ' admettant que le tracé de la “ to""ode“réto^ une coïncidence parfaite de ; -r r^:^;e enue un les plans ‘oPogra^î^^sT to positions corres- L’opéraüon se fod"'* tracé foutes les indica- o)oyen - -gl. nous iiuportcrait de savoir. GÉOGRAPHIE. 65 Lorsque le capitaine général de Cuba proposa de dresser la carte topographique de Vile, on lui présenta un mémoire sur la méthode à suivre dans cette vaste entreprise, en prenant pour exemples les grandes opérations géodésiques exécutées en Europe et en Amérique, soit pour la mesure des degrés du méridien, soit pour la construction des cartes générales, et pour le tracé ri- goureux de la côte. L’auteur de ce mémoire offrait de fournir les notions nécessaires pour la détermination d’une base qui pût servir à une bonne triangulation ^ il démontrait l’utilité et la nécessité de fixer toutes les positions non-seulement au moyen de deux coor- données de longitude et de latitude, mais aussi d’après une troisième ligne verticale, prise sur le rayon terrestre correspondant, et me- surée depuis le niveau de la mer , afin d’en déduire la hauteur absolue des divers points. Ces observations réunies à celles de localité , que les membres de la commission étaient chargés de faire , devaient faciliter la construction de la carte de l’île et la délinéation des coupes géolo- giques. Ces différentes opérations , exécutées avec une exactitude rigoureuse, auraient servi à apprécier les points du territoire sur lesquels le gouverneur général se proposait alors d’établir un système régulier de défense. Cependant, ce travail, entrepris à tant de frais, fut sans résultat pour la géographie de l’île de Cuba ^ on ne fit au- cun cas des avis de la science , et l’on perdit l’occasion la plus favorable pour fixer les positions topographiques, obtenir un des- sin du relief et un bon tracé du littoral. Toutefois nous devons convenir , pour ce qui a rapport à la partie topographique dans laquelle les membres de la commission purent déployer tout leur zèle et leur persévérance, que la carte de l’île, résultat de leurs travaux, mérite les plus grands éloges. Ils ont rendu avec soin tous les caps et les golfes du littoral, les em- bouchures des rivières , les cours d’eau les plus importants ; ils ont fait sentir même la nature du terrain. Les chaînes de montagnes de l’intérieur , leurs différentes directions, leurs élévations relati- ves , les rameaux qu’elles projettent , les rivières qui prennent nais- sance dans leurs gorges, les sinuosités qu’elles parcourent, tout cela est bien exprimé. On a tracé avec la môme précision les che- mins , les sentiers, les divisions territoriales des départements, des provinces maritimes , des cantons et des districts ruraux. En un mot, ce plan présente non seulement la position relative des villes et desvillages, mais celle encore de toutes les constructions isolées, 5 GCOGRAPIUE. maisons de campagne , sucreries , cafèteries, fermes et autres pro- nriétés avec des noms et signes particuliers pour chaque désigna- tion, le tout gravé avec le plus grand soin. Nous ferons usage de cette carte pour notre description chronologique, et pour les düle- rentes parties que nous nous proposons de traiter dans le cours de M. Francis Lavallée, agent consulaire de France a la Trinité, a envoyé à la Société de géographie de Paris, dont il est membre, plusieurs mémoires sur Pile de Cuba qui, par la concision du style et la variété des renseignements , ont avancé nos connaissances sur cette importante colonie. Il parait que M. Lavallée se proposait aussi de communiquer à la même société une série de plans des ports principaux, mais que la publication de la grande carte topogra- phique , à laquelle il a contribué par ses propres travaux , 1 a dé- tourné de son premier projet. D’après ce qu’il dit de cette ^rte, les membres de la commission auraient fait un grand nombre de rectifications dans le tracé de la côte , en ayant égard aux obser- vations exécutées depuis 1830 jusqu’à 1833 par les commandante des goélettes de guerre de la station de la Havane, la Ltgera et h Clara. Ces observations embrassent une portion considérable de la côte septentrionale (1) ; mais ces officiers n’ayant donnéaucune publicité à leurs travaux , nous ne saurions en apprécier le mérite. Pour ne plus interrompre notre narration , nous allons reunir dans une table générale toutes les positions astronomiques qui ont été bien déterminées. (i) Bullet. de la Soc. de géographie , t. V, u° 29 , mai 1837 GEOGRAPHIE. des positions géographiques des divers points de la cote et de l’intérieur de Vile de Cuba. 1 Numéros. LIEUX. I.ONGITUDE occidentale DE CADIX. LAT. N. OBSERVATEURS. 1 Cap de San Antonio 78° 40' 22" 2T55' )/' Humboldt. 2 Port de Bahia Honda 76 54 22- 22 57 » Ugarte. 3 Id. de Cavanas 76 39 52 23 4 » Id. 4 Id. del Mariel 76 28 37’ 23 5 30 Id. 5 Id. de la Habana 76 6 83 23 8 56 Humboldt et Ferrer. 6 Ville de la Habana 76 5 15 23 8 56 Galiano et Robledo. 7 Pointe de Guanos . • . 75 26 37 23 9 27 Id. Id. 8 Ville de Matanzas 75 22 40 23 2 28 Ferrer. 9 Morillo de Canimar 75 22 40 23 2 28 Id. 10 Château de San Severino .... 75 21 56 23 2 54 Id. 11 Port de Matanzas 75 14 21 23 2 54 Portulano. 12 Pointe de Sabanilla . . 75 19 47 23 4 30 Ferrer. 13 Id. de Maternillos 70 44 22 21 40 » Ugarte. 14 Port de N uevitas del Principe. 70 53 30^ 21 38 4 Portulano. 15 Id. de Nuevas Grandes 70 46 30 21 26 50 Id. 16 Id. de Manati 70 45 15 21 23 44 Id. 17 Id. del Padre 70 22 50 21 15 40 Id. 18 Id. de Gibara 70 7 45 21 6 12 Id. 19 Id. de Jururu 69 58 35 21 3 39 Id. 20 Id. de Bariay 69 57 45 21 4 9 Id. 21 Id. de Vita 69 56 30 21 6 » Id. 22 Id. del Naranjo 69 49 20 21 5 23 Id. 23 Id. de Sam a 69 44 50 21 44 50 Id. 24 Pointe de Mulas 69 21 «5 21 4 35 Fener. 25 Port de Banes 69 34 39 20 52 50 Portulano. 26 Id. de Nipe 69 24 9 20 44 40 Id. 27 Ports Cabonico y Le\isa 69 17 39 20 42 11 Id. 28 Port de Tanamo 69 5 59 20 42 41 Id. 29 Id. de Cebollas 68 54 19 20 41 52 Id. 30 Id. de Canana 68 50 19 20 41 30 Id. 31 Id. de Yaguaneque 68 48 39 20 42 » Id. 32 Id. de Cayo Moa 68 36 50 20 42 18 Id. 33 Id. de Jaragua 68 22 30 20 32 44 Id. 34 Id. de Taco 68 19 50 20 31 17 Id. 35 Id. de Gayaguaneque 68 15 50 20 30 » Id. 36 Id, de Nâ'vas 68 14 15 20 29 44 Id. 68 GEOGRAPHIE. LONGITUDE 3 LIEUX. occidentale LAT. N. OBSERVATEURS. O DE CADIX. 37 Port de Maravi 68oll’30" 20° 24' 11" Portulano. 38 Id. de Baracoa 68 7 45 20 20 50 Id. 39 Id de Mata 68 D 15 20 17 10 Id. 40 Pointe de Maysi 67 51 8 20 16 40 Ferrer et Ceballos. 41 Cap Bueno . 67 58 35 20 6 10 Id. Id. 42 Port de Batiqueri 68 32 24 20 1 59 Portulano. 43 Id. Escondido 68 44 59 19 54 55 Id. 44 Id. de Guantanamo 69 3 456 19 54 5 Ceballos et Herrera. 45 Morro de Cuba 69 44 427 19 57 29 Id. Id. 46 Pic de Tarquino 70 33 22 19 52 57 Id. Id. 47 Cap Cruz 71 57 30 19 47 16 Id. Id. 48 Port Casilda 73 44 7 21 45 26 Humboldt et Rio. 49 E nibo U ch Lire del rio G uarabo . 73 46 37 21 45 46 Id. Id. 50 Id. del rio San J uan . 74 3 50 21 48 n Humboldt. 51 Id. de Jagua 74 17 22® 22 1 « Id. 52 Pointe D. Cristobal 75 44 » 22 10 » Id. 53 Id. de Mataliambre 76 » 45 )) » w Id. 54 Batabano 76 8 56 22 43 19 F. Lemaur. 55 Cap Corrientes 78 11 52 21 44 30 Ugarte. 56 Pointe del Holandès 78 29 52 21 47 » Id. POINTS DE L’INTÉRIEUR. 57 Morne de Guajaibon 77 9 47 22 47 46 Ferrer. 58 Maison del Fondeadero 76 17 30 22 51 34 Humboldt. 59 San Antonio de los Banos. . . 76 13 22 22 .53 31 Lemaur. 60 Tour de Jésus del Monte. . . . 76 6 29 23 7 15 Silva et Oltmans». 61 Mamelon ouest de Managua. 76 3 259 23 00 5 Id. Id. 62 Tour de Guanabacoa 76 3 25 23 8 37 Id. Id. 63 San Antonio de Barreto 76 2 29? 22 56 34 Humboldt. 64 San Antonio de Beitia 76 2 13 22 53 25 Lemaur. 65 Sucrerie de Seibabo 76 )) 48 22 52 15 Id. 66 Village de Managua 76 » 34 22 58 48 Humboldt. 67 Cafèterie del Almirante 75 59 7 22 57 36 Id. 6S . Sucrerie de Rio Blanco 75 54 15 22 51 24 Id. 6 c 75 46 32 22 50 27 Lemaur et Humboldt. 7( ) Pan de Matanzas 75 27 24 23 1 39 Ferrer et Montes. 71 [ Trinidad 73 44 7‘” ' 21 48 20 Humboldt. 75 ) Santi Espiritu 73 10 » 21 57 36 Gamboa ? 7: J j Puerto Principe » )) » 21 26 34 Id. 1 GÉOGRAPHIE. r>‘.) NOTES DE LA TABLE. ' D’après le Portulan de l’Amérique septentrionale, construit à la direction des travaux topographiques de Madrid, en 1809 et augmenté et corrigé en 1818. On a représenté dans ce Portulan trente-quatre des principaux ports de 1 de de Cuba. La longitude assignée à la Bahia Honda est de 76" 49 48' O. de Cadix, et par conséquent 4^ 34" plus orientale que celle déterminée par Ugarte. ^ Selon le Portulan, 76° 21' 64", ou 6' 43" plus orientale. ^ Selon le Portulan , 76° o' o", ou 6' 8" plus à 1 est. Nous avons dit à la page que Ferrer avait déterminé la position du MùJ'ro par 84° 89' n5" à l’ouest de Paris, c’est à dire par 76° 2' 26" O. de Cadix, ou 3' 42" plus à l’est que l’indiquent les observations de M. Oltmans. Par consé- quent toutes les autres longitudes qui se rapportent à celle de la Havane dimi- nuent d’un arc de 3 ou 4 minutes, et c’est par cette raison que M. Oltmans a ajouté 4' à la longitude de la pointe de Mulas. 4 Le Portulan porte Nuevitas par 70° 53' 3o" de longitude et lYueoas Grandes par 70° 46' 3o". Si la position de 70° 44' 22" de la pointe de Maternillos, déter- minée par Ugarte , était fausse , cette pointe devrait se trouver placée entre les ports de Nuevas Grandes et de Nueoitas , et non à l’ouest du second , comme il l’est en effet. ® Longitude corrigée par Oltmans. 6 Suivant le Portulan 68° 66' 69", et la latitude indiquée; ce qui donne une différence de 6' 46" plus à l’est. En inscrivant les observations du S" Ceballos, il faut se rappeler que ce navigateur n’ayant admis que o h® 34 3o" de différence en longitude entre Cadix et Paris , au lieu de 8° 87' o", M. Oltmans ajouta 3o" en arc dans la réduction des observations citées. 7 Suivant le Portulan 69° 87' 66" ou 6' 46" plus a l’est. ® Le Portulan donne 74° i8' o", ou seulement 38" de différence. La latitude est prise du même ouvrage. 9 Les observations du baron de Humboldt et de don Francisco Lemaur don- naient pour la position de ce point, longit. : 76° 2' 63"; latit. : 22° 67 38 ; mais les opérations trigonométriques, exécutées par don Pedro de Silva, avec un ex- cellent théodolite de Througton, et communiquées par don Antonio Robledo, donnèrent à M. Oltmans celles que nous avons indiquées. Ainsi le mamelon ouest de Managua se trouverait sous le même méridien avec la tour de la Can- delaria de Guanahacoa (voy. le Bec. d’ Oltmans). '° Le capitaine de frégate don José del Rio avait trouve la longitude de la Trinité par 78° 46' 28", qui coincide presque avec celle déterminée plus tard par M. de Humboldt; mais la latitude diffère de 5' en plus de celle observée par le pre- mier. Les observations faites par Gamboa en 1714 et calculées par M. Oltmans donnent pour résultat 21° 46' 36, c’est à dire une différence de i' 46" avec 1 ob- servation de M. Humboldt, et de 3' 3o" avec celle de Ferrer. Ainsi, en cas de doute, on peut donner la préférence à la première. Cette rectification était d’au- tant plus nécessaire que les cartes les plus récentes présentent des différences con.sidérables pour Trinidad, savoir , 21° 43' sur celle de Bellin (1762) et 22 6 dans l’atlas de Pinkerton , corrigé par Bauebe en i8o3 (voy. les Obs. astron. d’ Oltmans) . 70 GEOGRAPHIE. APPENDICE AUX CARTES MODERNES. Nous venions de terminer notre premier aperçu géographique , lorsque nous reçûmes la carte sphérique d’une partie de la côte sep- tentrionale de l’île de Cuba {Carta esperica de una parte de la costa septentrional de la isla de Cuba), dressée au dépôt hydrographique de Madrid en 1837. Cette carte , outre les différences de configu- ration de l’extrémité occidentale de l’île, différences que nous avons déjà signalées (p. 61) , en présente plusieurs autres assez notables, surtout en la comparant à la grande carte de 1835. La partie de la côte méridionale qui forme la baie de Cortez , entre la pointe de la Llana et la pointe de la Fisga , se trouve représentée dans la seconde carte par deux lignes presque droites , dont une court nord et sud depuis la pointe de la Llana jusque dans le fond de la baie, vers l’endroit où débouche le torrent de Puercos^ et l’autre s’étend Est etOnest, depuis ce dernier point jusqu’à la saillie de la Fisga. Dans la carte du dépôt tout ce littoral forme un tracé concave qui donne un caractère plus prononcé àla direction N. et S. de la côte désignée. M. de Humboldt (1) a observé avec raison que cette direction avait beaucoup influé sur les opinions et les projets de Colomb. L’amiral crut avoir atteint les côtes de l’Asie en voyant la terre de Cuba se prolonger du nord au sud, comme \a.Chersonèse d’or. De là provient la forme de cornes qu’on a donnée à cette extrémité occidentale de l’île, sur la carte de Jean de la Cosa , et ensuite aux additions de la géographie de Ptolémée de 1508 et 1513, que nous avons citée. On retrouve encore la même forme dans l’isalario de Benedetto Bordone, édition de 1528. Cette configura- tion resta tellement gravée dans l’esprit des géographes, que, sup- posant la côte continue depuis Cuba jusqu’à Paria, ils donnèrent au Canada et au Mexique le nom de terre de Cuba, comme on peut le voir sur la carte de Noms orbis de Grynæus 1532 (2). Si Christophe Colomb, dans son second voyage, navigua entre ( 1 ) Essai critique sur la géographie du Nouveau- Monde , p. 452 , ëd. in -iol. (2) Voy. la Citai., p. 457. 71 GÉÜGRA1»»1R. les cayes de Saint-Philippe et la bande méridionale , la direction et la déviation de cette côte vers le sud, et l’aspect des montagnes , durent le persuader encore davantage qu’il côtoyait un continent et que tout ce rivage, qu’il appellait contmental, se prolongeait peut- être jusqu’à l’équateur. Mais laissant à part cette digression qui eût mieux trouvé sa place dans notre introduction géographique , et à laquelle la comparaison des deux cartes citées a donné motif, nous dirons en terminant que nous avons aussi remarqué d’autre va- riantes entre ces deux planimétries dans la partie de la côte où l on a situé la lagune de Cortez et celle del Pirata. On reconnaît à peine la configuration de ce littoral sur la grande carte de Barcelonne , dont l’échelle est presque double de celle du dépôt qui indique net- tement la forme elliptique de cette côte limitée au nord par la petite langue de terre de la rive orientale du Pio Cayaguateje j et au sud par la saillie de la Pointe de Pidras. La grande carte de 1835 (1) n’indique rien de cela. Dans l’autre j au contraire, lecouis et la largeur du Rio Cayaguateje, ses différentes profondeurs, la petite lagune que forme vers le nord un des bras de la rivière , et tous les détails de la bande méridionale qui fait face au golfe de Batabano , de même que la partie septentrionale de l’île de Pinos , sont au- tant de renseignements qui démontrent assez l’exactitude scrupu- leuse dont nos marins ont toujours fait preuve dans leurs travaux hydrographiques (2). Une autre feuille, publiée en 1836 parla direction du dépôt de Madrid , représente deux parties correspondantes des côtes méri- dionales de l’île, depuis Nuevitas la rivière de Camarioca , et de Sabana la Mar aux jardins de la reine ( los Jardinos) , c est à dire tout l’espace qui s’étend entre les 70° 45' et 75' 15' de lon- gitude occidentale de Cadix , en y comprenant le canal vieux de Bahama et celui de Santarem. Ce tracé delà côte , le plus impor- (1) La carte en deux feuilles, publiée en 1882 par la direction du depot , est identique à celle de i835 gravée à Barcelonne et semble avoir été construite d’a- près les mêmes canevas. Nous possédons une autre carte manuscrite faite à la Ha- vane en 1826 , lorsque les travaux de la commission étaient encore peu avancés : elle n’ofl're aucune différence avec celle de i835 dans les parties indiquées. ( 2 ) Nous avons consulté aussi le mémoire explicatif sur les travaux de con- struction , gravure et impression de la grande carte de i835 , mémoire dont nous réclamions l’urgence (voy. pag. 64). Malheureusement les renseignements qu i 1 contient ont fait évanouir les espérances que nous avions conçues siii le choix des moyens employés pour la construction de ce plan , il ue nous ic.stc main tenant aucun doute sur son inexactitude. GEOGRAPHIE. - 1 72 tant de tous ceux qui ont été entrepris, nous servira pour donner une carte générale sur une échelle proportionnée au but que nous nous proposons , et donnera une idée plus exacte de la chorégra- phié de Cuba d’après les meilleurs renseignements. DESCRIPTION GÉNÉRALE DE LTLE. En nous proposant de .donner dans cet ouvrage une idée complète, autant que possible, de la richesse de l’île de Cuba, de ses productions et de l’état présent de cette importante colonie, nous avons jugé convenable de faire précéder les différentes parties que nous voulons traiter d’une notice succincte du pays , en indiquant la position les limites, la configuration et les principales divisions ter- ritoriales. Nous prendrons nos renseignements dans les travaux déjà publiés, car nous ne saurions rien ajouter de neuf sur ce sujet, et nous présenterons seulement, sous une forme plus en rapport avec notre plan, les précieuses données mises à jour en 1 829 par la commission chargée de dresser la statistique de Cuba, les travaux hydrogra- phiques publiés dans le Routier général (derrotero gei,ie- ral) par notre excellent marin D. Cosme Churruca, et un petit abrégé, d’une précision et d’une clarté remarquables, sur la géographie de file, récemment rédigé par D. Phi- lippe Poey, avantageusement connu dans la science par ses études sur l’entomologie de Cuba. C’est en nous entourant de ces divers documents, des cartes publiées par le dé- pôt hydrographique de Madrid en 1832, 1836 et 1837, et de la grande carte en 6 feuilles, gravée à Barcelonne en 1 835, que nous allons entreprendre la rédaction de la partie des- criptive, nous réservant toutefois d’y ajouter les observa- tions qui nous paraîtront dignes de l’attention publique, et plus particuliérement celles relatives aux différents produits minéralogiques que nous avons rencontrés dans GEOGRAPHIE. 74 nos explorations, ainsi que beaucoup d’autres qui nous furent envoyés de l’intérieur et de la partie orientale. Les matériaux de cette partie minéralogique ne seront pas, dans notre ouvrage, aussi riches et aussi abondants que nous le désirerions , et nous en expliquerons les mo- tifs; toutefois les substances minérales découvertes jusqu’à ce jour dans l’île de Cuba présentent assez d’intérêt, soit qu’on les considère sous un point de vue .purement scien- tifique , soit qu’on les envisage sous des rapports indus- triels, comme nous le ferons nous-même. GEOGRAPHIE. 75 I. POSITION GÉOGRAPHIQUE. — LIMITES. — CONFIGURATION. L’île de Cuba, la plus occidentale des Antilles, est située entre les deux grandes parties du continent américain , sur l’extrémité boréale de la zone torride, entre les 23° 12' 45" et 19° 48' 30" de latitude N. , et les 78° 40' 22" et 67° 51' 8" de longitude occiden- tale de Cadix. Les points de l’île les plus saillants qui répondent à ces limites sont : le cap S. Antonio à l’O. , la pointe de Maysi à l’E., la pointe de Hicaco au N. , et au S. la pointe del Ing^lés, voisine du cap Cruz. Vers l’occident et au dessus du golfe du Mexi- que, deux grands passages se présentent aux navigateurs j l’un au N. -O. , dont l’embouchure est de trente-deux lieues et demie, entre la pointe de Hicaco et Pointe Tancha {Punta Tancha) , dans la Floride orientale, et l’autre au S. -O. d’environ trente-huit lieues dans sa plus petite largeur, entre le cap de S. Antonio et celui de Catoche , un des plus saillants de la côte du Yucatan. Outre ces points de démarcation , les côtes de Cuba avoisinent, par la partie orientale, l’île de Haïti ou de Saint-Domingue, dont les caps les plus rapprochés sons ceux de Mota ou de Saint-Nicolas, à quatorze lieues auS.-E. et de Dona Maria, à trente-sept lieues au S. En suivant la courbe la plus courte , qui passe par le centre , l’île a deux cent vingt lieues marines de long. La partie la plus large, qui se trouve entre l’embouchure orientale du port de Nuevitas, dans la direction N. et S. , vers la côte opposée du pic de Tarquin {Pico de Tarquino) , mesure trente-sept lieues. De l’extrémité N. du Sabinal , en traversant sept lieues de mer, jusque prés de la côte duS., on compte trente-neuf lieues. La plus petite largeur doit être prise sur une ligne de sept lieues, par le méridien de Mariel, et de neuf par celui de la Havane. Le terme moyen est de quatorze à quinze. La périphérie de l’île , en suivant la ligne la moins sinueuse du littoral et coupant par leurs embouchures les baies , les ports et les golfes les plus profonds , est de cinq cent soixante et treize lieues, dont deux cent soixante et douze correspondent à la côte septen- trionale, et trois cent une à celle du sud. En calculant la surface comprise entre ces limites, on trouve trente-un mille quatre cent soixante et dix-huit milles carrés, sans compter les îles et cayes ou GEOGRAPHIE. 76 écueils principaux qui avoisinent la côte, et dont la superficie, d’a- près les auteurs de la statistique, est de trois cent quarante milles, ce qui fait un total de trente-deux mille huit cent huit lieues carrées. Donnons maintenant un aperçu général de la côte. A partir de la pointe du Cajon , la plus septentrionale du cap S. Antonio, la côte court au N.-E. ï E. sur une étendue de cinq lieues de terre ferme et rocailleuse , jusqu’à la saillie des Plumages {los Plumages), et présente sur les points intermédiaires les cayes de la Lena , les pointes Guanal et Caravela chica-, puis elle se dirige à l’est pour former la haie de Guadiana, où. débouche la rivière de ce nom, Elverde et autres rameaux, en présentant sur ce petit développement deux sinuosités qui séparent la pointe Tolete. De la petite haie de Guadiana, formée par la pointe de ce nom et celle del Algodonar, la côte court au N. ^N.-O. jusqu’à la pointe Avalo, et le long de ce littoral s’avancent les pointes Colorada et Pinatillo, qui forment entre elles la baie de S. Francisco. De la pointe Avalo au port de Bahia Honda , la côte de l’île décrit un arc d’abord plus convexe vers le N.-E. , ensuite moins recourbé vers l’E.-N.-E. , et sur tout cet espace , formé en grande partie de terres basses et marécageuses, on trouve un bon nombre de caps qui donnent lieu aux golfes , baies, et débarcadères que nous allons signaler. Tahaco est la pointe la plus occidentale, après celle di Avalo , viennent ensuite les pointes ddAlonso Rojas, Santa Lucia, Malas Aguas , la Ban- dera, Berracos, Purgatorio , Alacranes et de la Gobernadora. Les sinuosités que la côte présente sur cette étendue sont ; les embar- cadères de Santa Isabel et de las Carias , la baie del Baja , celle de Santa Lucia , l’embarcadère de Malas Aguas , celui de S. Cayetano et la baie de la Mulata. En face de cette côte , c’est à dire à quatre lieues au N. et sept et demie au N. -N.-E. du cap S. Antonio, commence, avec le groupe de Colorados , une chaîne d écueils dan- gereux connue sous le nom àe Santa Isaal, qui se prolonge deux lieues et demie et termine à l’embouchure de la rivière Mamman , une lieue et demie àl’O. à^Bahia Honda. Ces écueils forment entre eux divers canaux à l’entrée des golfes et des petits ports que nous avons cités. Entre ces bas-fonds et la côte, on trouve de distance en distance quelques îlots et plusieurs petits rochers à fleur d’eau , tels que ceux de Buena Vista , Bapado, Diego, Jutia, Inès de Soto, Levisa, etc. Depuis BahiaHondayx^opCk la pointe à^Hicacos, la plus septentrionale de l’île, c’est à dire sur une étendue de plus de deux degrés, la côte est saine et élevée, hors quelques petits écueils ^ elle GÉOGRAPHIE. 77 se prolonge d’occident à l’orient, et se divise en deux parties presque égales , dont celle qui s’avance moins au N. se trouve comprise entre Bahia Honda et la Havane. Les ports principaux de ce littoral sont Bahia Honda, où peuvent mouiller les grands navires, la bouche de VOrtigasa, le port de Cahanas, qui donne accès aux fré- gates, de même que celui de Mariel^ et, tant l’un que l’autre, res- serrés à leur embouchure , vastes dans leur enceinte , bien abrités et défendus à leur entrée par de bonnes batteries ^ enfin celui de la Havane, si justement renommé. De là jusqu’au port à^Matanzas, on ne trouve aucun mouillage digne de remarque, si ce n’est quel- ques plages où abordent les petites embarcations : nous citerons, en passant, ceux de Bacuranao, Jaruco^ Chipiona, Canasi, Puerto escondido et Bacunayagua. Toute cette côte est saine, accessible et bordée de plages dans les petits intervalles. Du port de Ma- tanzas, qu’on doit plutôt signaler comme une rade profonde, dont la vaste entrée se trouve comprise entre les pointes Gorda et Maya , la côte s’avance dans la direction du N.-E. , et forme une espèce d’isthme qui constitue la pointe de Hicacos. C’est à partir de ce point que commence cette longue chaîne de bas-fonds et d’écueils, barrière dangereuse qui borde le canal vieux de Bahama par la partie méridionale et qui s’étendauS.-E.^E. jusqu’à la pointe àeMaternülos, où elle sejoint à la côte de l’île. Le littoral suit la même direction et offre un grand nombre de caps et de golfes, dont les plus importants sont : la pointe Aguada, qui forme, avec celle de Hicacos, la grande baie de Cardenas , ayant en face les récifs de Mono, PiedraSj el MonitOj Buba, Ana_, Chalupa et Carencro. Cette vaste baie renferme dans son enceinte l’anse de Signapa avec celle Siguanea, et l’embarcadère de Cardenas. Un peu plus à l’E. de la pointe d\iguada débouche la rivière de la Pa/ma, dont la bande occidentale forme en s’avançant, avec la pointe d’Aguada, une petite baie resserrée à son entrée par l’embouchure de la Manuy et le canal Genovès. Vingt-quatre rivières sortent de cette côte et donnent lieu à autant de débarcadères. Les unes sont navi- gables dans une grande partie de leur cours. Ou ne peut guère remonter les autres qu’une lieue et demie j outre ces vingt-quatre rivières, on en compte encore vingt-deux autres plus petites qui arrosent ce littoral. En remontant toujours à l’E., la côte suit le même rumb, jus- qu à la plage de la rivière de las Cruces . une ligue de récifs, qu’on appelle de la Cruz del Padre et de lasCabezas, lui fait face el s’étend 78 GEOGRAPHIE. jusqu’à la baie de Cadix de Cadiz) , et au Megano du bas Nicolao, le plus oriental et le plus rapproché du béril du canal. A partir du point du littoral que nous avons indiqué précédemment , la côte s’incline au S.-E. ^ E., et présente dans ses saillies l’embou- chure de la rivière la Grande, et les pointes Higuereta, Gorda, Blanca, Barba, Tollosa, Caguanes et S. Juan, presque soùs le mé- ridien de 72° 30'. Sur tout ce prolongement^ on trouve les débar- cadères, plages , anses ou baies del Salto, Sierra Morena, Bancho, las Posas, Carajatas, Toribio, las Glorias, Ubero, Canucucu, Cau- nado, San Juan, Jaquete, Juan Francisco, Carapacho, Sitio nuevo, Jaguna en niedio, Chepillo, las Varas, Guainabo, Real, Rwero, las Mamones ou las Ferras, D. Juan y Salinas. Les principaux mouil- lages de cette partie de la côte sont ceux de la baie de S. Juan de los Remedios, entre la pointe Gorda et le cap Conuco pour les bâti- ments qui calent neuf pieds d’eau , et le port de Caibaren, dont les pointes Blanca et Braba forment l’étroite embouchure. On ren- contre plus à rO. une autre bande de brisants qui court parallè- lement à la côte depuis le Mégano jusqu’à l’écueil de Nicolao , et qu’on indique dans les cartes sous les noms de cayos Verde , Sota- vento, Barlovento, Cristo , el Seron, Enfermeria, Jutias, Lanza- nillo, la Vêla, Marcos, Pajonal del Medio , et le long récif du Cayo fragoso , en face de la baie de S. Juan de los Remedios. De ce côté, le béril del Blanco forme une légère courbe correspondant à celle du littoral, entre ies pointes de Higuereta et de S. Juan, que nous avons déjà nommées , et présente divers écueils, tels que ceux du Français (e/ Francès), de Santa Maria, de Cobos, de hHer- radura, etc. , qui sont séparés par divers canaux navigables pour les caboteurs. A l’O. du méridien de 72°, la plage décrit la vaste enceinte de Laguna Grande , fermée au N.-E. par une large langue de terre appelée isla de Jurriguano, et séparée par le petit canal de l’embouchure delà Yana. Cette enceinte, comprise entre la pointe de S. Juan et la pointe Blanca, renferme aussi d’autres criques de peu d’importance. De ce point jusqu’à la baie du Sabinal, la côte continue au S.-E. : E. et présente différentes saillies : ce sont les pointes Marcelina, Caunao, Curiana, Barba, Filotos,Viaro, et celle Y'Arenas, qui se prolonge au N. pour former avec l’île de Guajaba le goulet du Sabinal, qui donne accès dans un petit golfe resserré entre la bande méridionale du grand Cayo Romano et la côte que nous parcourons maintenant. Les écueils de Gunucucu {Cayos de Cunucucu), qui laissent entre eux diverses passes connues GÉOGRAPHIE, 79 des pécheurs, forment la principale saillie de ce littoral. Ces passes communiquent dans le golfe que nous avons indiqué plus haut ; la plus large se trouve entre les cajes Coco et Romano d’une part, et la côte septentrionale de l’autre. La baie de Jiguey est située à rO. des cayes de Cunucucu : cette enceinte, malgré son étendue, ne peut guère abriter que des bâtiments de quatre à cinq pieds de tirant d’eau, de même que la baie du Sabinal à l’O. de la pointe d’Arenas. On rencontre aussi sur celte bande le golfe profond de la Guanaja, mouillage analogue à celui de la baie de S. Juan de los Remedios. C’est vers cette partie de la côte de Cuba que correspond l’étroite passe du canal vieux de Bahama, dont les bérils du nord et du midi ont été exactement relevés par nos marins espagnols , et qui se trouvent bien indiqués sur la grande carte du dépôt. Outre les deux grands cayes de Coco et du Romano , ceux de Santa Maria^ Medialuna , Gmllermo^ S. Felipe^ de la Juala, Paredon del medio, Paredon Grande , del Barril , Cruz^ Confites^ Verde elle petit récif de la Guajaba , bordent la passe du canal. A partir de Lembouchure de Caravelas , en face de la pointe d’A- renas, la côte n’offre plus guère de terres basses et marécageuses 3 elle est bordée de roches et de larges plages de sable ; souvent même elle est escarpée , mais quelques récifs connus des pilotes se montrent de loin en loin. Elle continue à s’étendre au S.-E. ^E. jusqu’à la pointe de Lucrecia , et sur un prolongement d’environ deux degrés, en allant du couchant au levant, nous trouverons les ports de Nuevitas, Manati^ Malagueta et celui del Padre^ puis d’au- tres plus importants, iQhopaQNuevas Grandes^ Gihara,Bariai, Vita, Naranjo et Sama. Les principales saillies de la côte seront la pointe de Matermllos et la pointe de los Muer los ^ qui forment la petite baie où se trouve l’entrée de Nuevitas , la pointe de Ganado, bor- dée de plages sablonneuses, la pointe Barba s’avançant à l’entrée du port du Manati, la pointe Morillas et ses plages de sable, les pointes Covarruhias et Ptedras qui avoisinent l’embouchure de la baie de Malagueta, la Ptedra de la Genovesa , et la pointe du Manglier (^del Mangle') qui viennent former la petite anse de Hi- cacos J la pointe Barba , qui resserre l’entrée du port de Gibara avec les récifs du Potrerillo , la pointe de Guardaboca , située entre les ports de JSavanjo et de Sama ,• enfin, la pointe Gorda et (îelle de Lucrecia , la plus orientale de cette côte. Outre les ports que nous venons de nommer, on rencontre aussi plusieurs criques où les caboteurs peuvent aborder • nous citerons el Chico, le 80 GÉOGRAPHIE. glito^ et les anses de Bocaciega^, de Covarrubias j, de VUbero, dM/- catraceSj du Vino et d’JLrroyo seco , la plus orientale de toutes. Tous ces mouillages offrent un fond de sable, et leurs abords sont sans dangers. En face de la pointe Gorda se présente l’écueil de Saint-Domin- gue {Cayo de Santo Domingo)^ point le plus méridional du béril du canal. C’est entre cet écueil et la pointe que débouchent les navires qui arrivent d’Europe en altérant sur cette bande de l’île. L’autre partie de la côte septentrionale qui s’étend jusqu’à la pointe de Maysi, extrémité orientale de Cuba, suit trois directions principales ; la première, au S.-S.-E., depuis la pointe de Lucrecia jusqu’à l’entrée des ports de Cabonico et de Levisa ,• la seconde , à l’Est, depuis cette entrée jusqu’à l’écueil àeMoa, et la troisième au S.-E. jusqu’à la pointe de Maysi. Dans la première partie on trouve d’abord une côte sablonneuse qui court au S. à partir de la pointe de Mulas, en s’inclinant au S.-O. , où elle forme le beau port de Banes; puis elle s’étend au S.-E. jusqu’à l’entrée de la grande baie de Nipe et des ports de Cabonico et de Levisa, de manière que sur ce petit prolongement on rencontre quatre ports importants par leur position et leur capacité. Dans la seconde partie que nous avons signalée , jusqu’au caye de Moa, ou, si l’on veut, jusqu’à la pointe Gwanco, voisine de celle du Manglier, s’offrent aussi plusieurs ports principaux , tels que ceux de Tanamo , de Cebollas , de Cananova et d’ Yaguaneque , et entre les deux premiers l’embouchure du Rio Sagua , puis la rade de Moa à l’orient du troisième. Finalement , la dernière partie nous présente les petits ports de Juragua, Taco, Cayagacaneque, Navas, Maravi et Mata. On trouve aussi le long de ce littoral plusieurs mouillages, parmi lesquels nous nommerons de préférence les ports de Maravi et de Baracoa. De ce point, la côte saine et escarpée , court d’abord au S.-E. jusqu’à la pointe de Mata, et ensuite à l’E. jusqu’à la pointe de los Azules, près du cap oriental. En faisant le tour de l’île par la bande méridionale , nous cô- toierons d’abord vers le S.-O. jusqu’à la pointe de Caletas un ri- vage sans dangers, quoique bas et sablonneux, puis la côte se pro- longera'unpeu àl’O.-S.-O. d’environ un degré, jusqu’à l’entrée de la baie de Guantamano , une des meilleures de Cuba. Nous trouve- rons le long de ce littoral des parties sablonneuses et d’autres escar- pées, mais toujours saines. Plusieurs mouillages se présentent de ce côté vers les embouchures du Rio Junco et du RtoJojOjh Macambo, GEOGRAPHIE. 81 Sabana la mar, puis aux ports de Batiqueri cl d’’Escondido ^ tous les deux assez fréquentés et d’une certaine importance. De la Laie de Guantamano au cap Cruz sur une étendue de deux degrés et demi , la côte court régulièrement et forme seulement une légère rentrée en face de Santiago de Cuba avec une petite saillie entre ce point et l’antérieur. Nous signalerons sur cet espace les petites cales et les débarcadères à’Atibonico^ Baconao ^ Sigua^ Cajababo, Bati- queri j, Juragua , Juraguacito j, Justicia_, Aguadores, où l’on a cons truit un fort ; puis Cabanos, avec sa batterie, Valmrde^ Nimanima, Boca de dos Bios, AserraderaSj Catibar^, Quivijan, Maco de Sevilla^ et Hincon de Sevilla, le plus grand de tous ; enfin Jucaro, Chirisa, Tarquino et Magdalena. Ensuite, en nous dirigeant à l’ouest, nous passerons devant la rade du Macio et les petits ports de Mota et du Portiüo j les baies de Moraet del Ojo del Toro. Sur cette grande étendue de côte haute et escarpée, bordée parfois de quelques pla- ges de sable, on ne trouve d’autres bas-fonds que ceux du Tabacal et de Tivijan , situés entre les deux baies que nous venons de nommer. A partir du cap Cruz , qu’avoisine la pointe del Inglés et qui est le plus méridional de l’île, la côte remonte un instant au sud pour se dévier ensuite à l’E.-N.-E. et former une vaste enceinte barrée en partie par le banc de Buena Esperanza. Ce nouveau prolonge- ment se termine à la plage du Salado , en face de la rade de Man- zanillOj et parmi les saillies qui découpent le littoral, nous noteroos plus particulièrement la pointe du Martillo. Entre la pointe de Niguera et le beril le plus méridional du grand banc de Buena Esperanza , on trouve un canal navigable , celui de Balandras , dont les rescifs de los Colorados de Afuera rendent l’entrée dange- reuse. Après avoir dépassé Manzanillo , la côte continue vers le sud et court parallèle au banc en décrivant les immenses rives du Cauto , terres basses qui s’avancent dans la mer. Plus au nord s’étend la pointe de Virama et le rivage de l’île se dirige ensuite à l’occident jusqu’au méridien de 72°. On ne rencontre aucun port sur toute cette étendue, si ce n’est quelques petits débarcadères et des anses situées aux embouchures d’un grand nombre de ri- vières qui baignent ce littoral , et que nous allons énumérer rapi- dement , à savoir : les lagunes du Jababo, del Muerto, del Ojo de Agua , de Saloburen, del Medio , de la Corona , de Chaparra, de la Alollodosa , du Guayabal_, du CaranerOj du Cayo Mallès , du Bayadero, du Junco , de S. José et S. Bernardo , de Jaguabo , de GEOCiKAruiE. (] 82 GEOGRAPHIE. las Playuelas, Sahana la mar^ Pinipiniche j de VEstero et de Sta Catalina ou de Naranjo. Le long- de ces lagunes^ la côte est basse et inabordable à cause du peu de fond -, elle ne présente que le petit embarcadère de Romero , en face du caye Ruhihorcado ^ celui de Manopla , devant les cayes de Media Luna et ceux de Sla Clara neufs et vieux que sig^nalent les rescifs de Mordazo. Les bancs de sable, qui barrent ce littoral, laissent entre eux plusieurs canaux connus sous les noms de canal del EstCj, canal de Cuatro reales, canal de Pitajaya et del Paso. Par le méridien de 72°, la côte remonte au nord et se dirige près du N. -N. -O., en décrivant un arc légèrement convexe vers la pointe de Macarigues, sous le parallèle de 21°. Elle est basse et noyée sur ce prolongement et ne possède qu’une baie, celle de Sta Maria J à l’embouchure de la rivière ddAltamira ,• toutefois on y trouve aussi quelques lagunes désignées sur la carte par les noms de Rios curajaya, de la Palizada_, Sabanillaj Palizonj et les embarcadères àeGanades^ Sto Domingo^ Macuriges , Manaties ^ S. Pedro ou Sta Clara ^ Altamirita^ Remate, Jutia, et celui de Ver- tientes, qui a sept pieds de fond à la marée haute. Une autre ligne de côte, de même nature, se dirige ensuite à l’ouest, perpendicu- lairement à la partie centrale de File et court jusqu’à la pointe de Méganas, sous le méridien de 73°, où l’on trouve les lagunes de Negrillo, de Bocachica, l’embarcadère de Sahana de mar , diAna Maria, à^Arena, et plus loin une chaîne de rescifs appelés les Douze lieues (las Doce léguas'), qui se dirige du S.-E, au N.-O., et prend naissance à la tète de VEste , en face du caye Mordazo en se prolongeant au N.-O. par Cayogrande, Breton et celui de Sara qui se présente devant l’embouchure de la rivière de ce nom. Cette chaîne d’îlots laisse entre elle les passes de Boca grande qu’on peut franchir sans crainte, et de Cahallones , communiquant toutes les deux dans le golfe rempli de bas-fonds et de rescifs compris entre les cayes de Doce léguas et la côte que nous décrivons. Apres la pointe de Mèganos, le rivage s’arque à l’O.-N.-O. , jusque près de la baie de Sagua, c’est à dire par le méridien de 74° 15'. La partie de cette côte, qui se prolonge jusqu’à la langue de terre formée par la rivière ddAgahama ou de Manati, est basse, souvent marécageuse, et de peu de fond. Les petites lagunes qui la bordent sont celles de Guanimal, de Marcas et del Infiernoÿ elle offre aussi plusieurs embarcadères, tels que Gamhorro, la Ceiba, et les golfes de las Brujas, de Jobabo et de Cavallones , si- GEOGRAPHIE. 83 tués près de la baie de Masio ou du port de Casüda. Toute celte côte;, bordée de bas-fonds et d’îlots, présente, en g’énéral, une sé- rie de pointes, do caps et de petites baies, et c’est à partir de là que commence véritablement la chaîne de rescifs que nous avons décrite plus haut. La partie du littoral comprise depuis l’embouchure du Bto Guan- raho , qui passe par Trinidadj jusqu’à la baie de Jagua, et de ce point en se dirigeant à l’O. ^ N. -O., jusqu’à la baie des Cochons (ensenada de Cochinos), est saine et plus ou moins escarpée, sur- tout vers Trinidadj à cause des montagnes qui l’avoisinent. On rencontre encore sur cette bande divers petits golfes et cales de peu d’importance, et la superbe baie de Jagua dont nous parle- rons plus particulièrement. Les terres qui entourent le golfe de Cochinos sont basses et noyées j si Ton excepte le cap que forment les pointes du Padre et de Palmülas, ce littoral est bordé de marécages sur une étendue de deux degrés et même jusqu’au cap de Corrientes^ il ne change guère d’aspect. En outre, tout le long de celte partie de la côte méridionale de Cuba, s’étend une suite de bancs de sable, et dans tous les environs la mer est hérissée d’îlots et de rescifs, jusque par le parallèle de la côte sud de l’île de Pinos. A partir de la pointe dePalmillas, cette plage noyée court un degré à l’O.-N. -O. jus- qu’à la pointe Gorda ou du Mangiier, en formant vers le centre une courbe où se trouvent les cayes Bonito et Diego PereZj jusqu’à la pointe de D. Cristohal. De la pointe Corda, la côte se détourne pour suivre une ligne droite vers l’orient, jusqu’à l’embouchure de la rivière à\itiguanico , où commence la grande Cienega de Za- pata, puis elle remonte au nord, en se dirigeant au N. -O. ^0., et ensuite à l’ouest jusqu’à la baie de Majana. On trouve le long de ce prolongement différentes lagunes et quelques débarcadères que forment d’abord les rivières du Rancho, Guanamon, Caimito , el Rosario_, Manabeque et Cajio; ensuite l’embouchure du Batabano et l’embarcadère de Guanimar, près de la rivière du môme nom. De la baie de Majana, que barre en partie un groupe d’iloîs et de rescifs, la côte court au S. j S.-O. jusqu’à la pointe de Fisga, et présente par intervalles, le long de scs plages, les lagunes de Sabana la mar , du Rancho de Guacimalj Ciego ViejOj l’embou- chure de la rivière de las Palacios, et vers une saillie du littoral , la rivière de S. Diego-, puis l’embarcadère du Convenlo, les la- gunes del Gafo , de Livisaci de Gaspar, enfin les baies du Rablar GEOGRAPHIE. 84 et du Guanal De la pointe de la Fisga jusqu’à la baie de Cortez, la côte s’avance à l’ouest et laisse voir des terres plus élevées, d’où surgissent et débouchent les rivières de la Coloma, du Finale de Guama, de S. Juan y Martinez et de Galafre. La baie de Cortez est formée par cette partie occidentale de la côte et par celle qui descend au sud dans une direction presque perpendiculaire à la première. On aperçoit en face les cayes de S. Felipe et un banc de sable dont le beril s’étend depuis l’enceinte de la Grifa^ sur la côte de Cuba, jusqu’au cap Francès de l’île de Pmos. Sur cette partie orientale que nous signalons, surgissent les rivières Salado et Cuyaguateje, qui débouchent dans le fond de la lagune de Cortez formée par la courbure de la côte et une bande de petits îlots. Un peu au sud de la pointe de Piedras, on trouve celle de la Llana ou cap Français {caho Francès), et à partir de ce point, la côte, toujours plus élevée et parfois escarpée sur ses bords, se prolonge à l’O -S. -O., jusqu’au cap Corrientes, et se dessine en petites saillies vers les pointes del Fraüe et de Leones. De là, elle remonte, en se détournant un peu au N.-N.-E. , pour se diriger bientôt à l’ouest et former la baie de Corrientes , entre le cap de ce nom et la pointe du Hollandais (del Holandès), qui s’avance quelques minutes vers le sud. Finalement, une autre partie de la côte, analogue à la pre- mière, court à l’est, jusqu’au cap de S. Antonio, et n’offre vers le milieu de son prolongement que la cale du Piojo. Dans la revue rapide que nous venons de faire , nous n’avons pu nous arrêter à décrire les ports et les villes du littoral. Du reste, il n’entrait pas dans le plan de cet ouvrage de nous étendre beaucoup sur ces détails. Si le temps et les circonstances nous le permettent, peut-être publierons-nous, en appendice, un dictionnaire géogra- phique, dans lequel toutes ces descriptions trouveront leur place. Pour le moment, et afin de compléter ce que nous avons dit déjà de la côte de l’île, nous récapitulerons les noms de ses principaux ports , en suivant une marche analogue à la précé- tote, c’est à dire l’occident en Orient, pour la partie septen- trionale, et en sens inverse pour la méridionale, afin de reve- nir encore à notre premier point de départ, le cap S. Antonio. POHÏS DE LA COTE SEPTENTRIONALE (1). — Bahia HONDA, Cabanas, Mariel, Havane, Matanza, 5. Juan de los Re- (i) Nous désignerons par des lettres capitales les ports de première classe qui, par leur fond et leur capacité, peuvent donner abri à toute espèce d’embarca- tion , et par des lettres italiques ceux de seconde et troisième classe. GÉOGRAPHIE. médias, la Guanaja, Nuevitas, Nuevm (jr^indes, Manati , Mah- gueta, Puerto peu Padre, Gibara, Jururu, Bariay, Vtta, Na- RANJO, Sama, B ânes , Nipe, Leviza, Cahonico, Tanamo, Cehalas, Cananova, Yaguaneque, Jaragua, Taco, Cayaguaneque , Navas, Maravi, Baracoa et Mata, outre un grand nombre de mouil- lages pour les bâtiments caboteurs , dont nous avons déjà indi- qué les principaux. COTE MÉRIDIONALE. — Batiqueri, Puerto escondido , Guantanamo, Cuba, Manzanillo, Santa^Cruz , Casilda , Jagua, les trois baies de Cochinos, de Cortez et de Corrientes , puis un grand nombre de côtes et débarcadères. La plupart de ces ports sont d’une très grande importance par leur capacité , leur abri et la commodité de leurs abords. Nous mentionnerons seulement ceux de premier ordre : Nipe : ce port est bien abrité j son enceinte embrasse une étendue de soixante-cinq milles carrés 5 son entrée est large et saine. Nuevitas : cinquante-sept milles carrés de surface ; un long goulet en resserre l’entrée ; l’intérieur offre divers bons moud lages pour les bricks et frégates. Guantanamo : son étendue est de vingt-sept milles 5 une in- finité de bassins naturels en découpent l’intérieur et peuvent recevoir séparément les flottes les plus nombreuses. Jagua : port de vingt-cinq milles de superficie, sain et bien abrité, avec un canal à son embouchure de deux milles et demi de large, et défendu par des batteries. Les ports DEL Padre, deLEVisA, deMAXATi, etc., surpassent en étendue celui de la Havane, si justement renommé 5 |mais malheureusement ils sont encore déserts. L’intérieur de l’île de Cuba n’a pas été exploré convenablement pour qu’on puisse bien connaître la nature du sol , le relief de sa surface et bien moins encore sa constitution géognostiquc. La commission nommée par le capitaine général, pour procéder h une reconnaissance générale, avoue dans son rapport que le dé- peuplement d’une immense partie de territoire , les impénétrables forêts qui le couvrent, les grandes cordillères dont les accès pré- sentent vers l’est des obstacles insurmontables, l’empêchèrent, vu la pénurie des moyens et le peu de temps qu’elle avait à sa dispo- sition pour achever ses travaux, de suivre les diverses ramifica- tions des montagnes, de parcourir leurs versants et leurs vallées GEOGRAPHIE. 86 afin d’en pouvoir détewnimir l’étendue, leur élévation relative au dessus du niveau de k mer, et la structure géologique de leur niasse. Ces motifs, joints à la circonstance de n’avoir pu faire une étude suivie de la nature minéralogique des différents gisements qui auraient servi à compléter la description des terrains , obligè- rent les membres de la commission à se restreindre aux simples notes recueillies durant leurs explorations, et aux plans ou cro- quis qui s’y rapportent. Il paraît même que leurs observations ne s’étendirent pas jusqu’à la partie orientale de File, la plus intéres- sante de toutes et qui se trouve comprise depuis le méridien de 70 degrés jusqu’à la pointe de Maysi. Pour ce qui a rapport à cette bande, ils ne purent consulter que des plans détachés et un bien petit nombre de documents exacts. Ce manque presque absolu de données, que la commission avoue avec franchise, a influé sur le tracé orographique et topo- graphique de la grande carte publiée en 1835. Ce plan s’annonce d’une manière tellement confuse, vague et irrégulière, qu’il est impossible, en le parcourant, de se faire une idée précise du terrain, de reconnaître les principaux bassins et de suivre les rameaux et les subdivisions des différents groupes de montagnes qui consti- tuent le système général. En commençant, par exemple, par la bande orientale, qui, selon nous et d’après l’opinion des géologues qui ont étudié l’ar- chipel américain, constitue le point de départ ou le nœud culmi- nant de la chaîne des grandes Antilles , nous voyons une cordillère d’une élévation assez considérable qui s’étend parallèlement à la côte méridionale, et dont les rameaux se projettent au nord , tan- dis que des contre-forts descendent vers la mer par le revers opposé. Mais ce système de montagne, de la manière qu’il est tracé sur la carte, ne présente aucune relation avec le terrain central, qui, en faisant exception de quelques collines au nord et au nord-est de la chaîne , s’offre, en général, sous un aspect très irrégulier. Dans la seconde direction de la chaîne, la Sierra de Nipe nous apparaît à l’orient des sources du Rio Cauto , d’où surgissent un grand nom- bre de torrents , dont les eaux vont se perdre dans la baie de Nipe. Mais, sur la carte de 1 835 , ce groupe est comme isolé, et par consé- quent nous ne saurions le rapporter à aucun des rameaux de la chaîne principale delà côte du sud , qui court à l’orient, des sources du Cauto et dont il paraît qu’on a voulu seulement indiquer le point de départ. Les chaînes ou cordillères , nommées, dans la carte, GÉOGRAPHIE. 87 Sierra del Cristal, Sierra de Micaro, Cuchillas de Pmal, Cuchtllas de Toar J Sierras del Frijol , Sierra de Yunque et Cuchillas de Ba- racoa, semblent suivre une direction plus uniforme vers 1 orient, bien que nous rencontrions d’autres chaînons qui les coupent à an- gles droits, tels que les crêtes ou arêtes de Sainte-Catherine {^as cu- chillas de Sta Catalina), et cette anomalie orographique vient en- core augmenter nos doutes. A l’est du méridien de Nipc, jusqu au 70« degré occidental de Cadix, et sur un espace correspondant à la moitié septentrionale de l’île, nous voyous une série de monts peu élevés qui se dirigent généralement d’occident en orienta mais ce groupe, encore isolé et comme éparpillé sur un terrain uniforme, plat en apparence, ne vient s’unir à aucun système central. Poursuivons notre revue vers l’ouest, et nous aurons constam- ment à la vue , sur un vaste espace de deux degrés et demi , depuis le méridien de jusque par 72“ 30^, la Sierra de Cubittas, si- tuée entre Puerto Principe et la côte septentrionale, à égale dis- tance de ces deux points. Cette cordillère suit la direction générale de la côte et paraît donner naissance vers ses extrémités aux rivières de Figuey et de Maximo, qui débouchent sur cette bande. Au S.- S.-E. de ces montagnes, on aperçoit des rameaux isolés qui se dirigent du N. -E. auS.-O., sans beaucoup s’étendre, et d’où s’é- chappent plusieurs ruisseaux dont les eaux vont arroser la côte du sud. Au dessus de cette côte et sous le méridien de Trinidad, 30' à l’est et environ 40' à l’ouest, il existe une autre chaîne formant divers groupes irréguliers, dirigés tantôt du nord au midi et tan- tôt d’orient en occident. Cette partie montueuse de l’île paraît di- visée en deux bandes, par la vallée que parcourt la rivière d’A- gabama ou de Manati. Le groupe de l’est semble moins élevé et moins étendu que celui de l’ouest. Ce dernier nous laisse entrevoir quelques rameaux qui s’en détachent pour se projeter au nord jusqu’aux montagnes dCEscambrag , autre groupe irrégulier qui occupe le centre de l’ile et que nous voudrions rapporter à la grande chaîne située à l’occident de Trinidad. En suivant cette même direction, la carte indique encore, sur les deux bandes de l’ile, des terrains bas, marécageux et uniformes, dont la partie centrale doit présenter peu d’élévation j puis, à partir du méridien de Hicacos , et à dix lieues environ de la côte septentrionale, commence une cordillère qui court à l’occident presque sans iu- terruption et qu’on peut suivre par ses divers points culminants ; 88 GÉOGRAPHIE. tels sont, dans le district de Madruga , les collines de Canioa (las lomas de Camoa) , les mamelons de Managua (las tetas de Managua) , la montagne d’Anase ( la sierra de Afiase) , Lomas del Joho et de Gobera, Sierra del Ruhi j Lomas del Mulo , Alla, San Diego, Guacamayos , Sierras del Brujo, del Rasario , de los Organos , del Infierno , las Cuchillas de S. Sébastian et Lomas de Stalsabel, situées dans la partie occidentale de Plie. Tout ce sys- tème de montagnes, beaucoup plus prononcé à l’occident de Mariel que vers l’orient, est plus rapproché de la côte du nord que de celle du sud , et présente un groupe régulier dans son ensemble et bien caractérisé dans ses principales ramifications. En commençant de ce côté notre revue orographique (1), nous trouvons d’abord la cordillère que les marins désignent sous le nom de los Organos , et qui s’étend depuis la baie de Guadiana jusqu’à la Sierra de Anase , à l’orient de Mariel. L’assise princi- pale , qu’on appelle plus particulièrement los Organos , est située à l’ouest de S. Diego de los Banos, à égale distance de Bahia- Houda et de la baie de Guadiana. Au sud apparaît la montagne des chèvres (cerro de Cabras), vers la partie septentrionale de la baie de Cortez et celle de Cuyaguate ou de Guanes, a l’occident de la même baie. Au nord s’élève le pic de Guajaibon (pan de Guajai- bon), de sept cents vares d’altitude (2). En suivant la cordillère à l’est , on découvre les monts appelés Cornas de San Diego, d’où nous avons reçu plusieurs échantillons de marbre blanc et gris obscur j puis la Sierra del Aguacate , au sud de Bahia -Honda et celles de S. Salvador et del Cuzco , au midi de Cabanos. Les grands accidents compris dans la première chaîne sont Loma alla, Sierra del Brujo, Lomas de Guacamyas et Sierra del Rosario ,• et ceux des deux autres , la Sierra del Rubi , Pena blanca, Loma del Mulo et Loma pelada» Tous les noms de ces som- mités dérivent des différentes propriétés ou habitations qui les avoisinent ; ainsi les collines appelées Lomas de S. Juan se trouvent situées près des bains du môme nom (los banos de S. Juan). An sud- ouest de Mariel s’étendent les coteaux de la Gobernadora (loma Gobernadora) , et plus au midi ceux du Jobo. Vers l’orient se prolongent les montagnes ( de Guanajay et ddAnase, qui (1) Nous suivons, presque à la lettre, la description du tableau statistique de 1827. (2) La vare vaut 33 pouces lo lignes , mesure anglaise, ou 3 pieds de Castille. Le rapport de la vare au mètre est o™, 835. GEOGRAPHIE. 89 terminent le premier j^roupe au sud du rio Banes. Les marins nomment cette montagne la mesa del Martel. Les auteurs de la statistique indiquent vaguement l’existence de veines de cuivre et d’autres métaux à l’extrémité occidentale des collines et des co- teaux adjacents sur les deux bandes de cette côte. Depuis le cap Saint- Antoine jusqu’à la gorge qui forme les baies de Guadiana et de Cortez^ le terrain est plat sur son étendue , d’abord gras et argileux pendant onze lieues^ et le restant pier- reux et ferrugineux. Vers la gorge indiquée, il est coupé par des lagunes , dont quelques-unes ont environ une lieue carrée de surface. C’est là que commence le groupe de montagnes que nous venons de décrire. Le sol des différentes vallées est de très bonne qualité, et on le retrouve encore de même au sommet des collines, qu’on a mis en culture avec le plus grand succès -, mais cette fertilité n’a pas été de longue durée : après quelques années, les grandes pluies ont emporté la meilleure terre végétale. Toutes ces montagnes, d’un accès si difficile à cause de leurs escarpements, *sont restées couvertes de forêts qui produisent des arbres d’excel- lent bois. Une seconde chaîne commence au sud de Santiago , passe par Madruga, et vient se terminer à Camarioca, où elle s’unit à celle du nord par Santa Maria del Rosario, Jaruco et Matanzas. Les points culminants sont ; Tetas de Managua, Lomas de Camoa et la Esca- lera de Jaruco, dont les escarpements se font remarquer de fort loin 5 los Arcos de Canasi , sommités de moyenne élévation, mais qu’on aperçoit cependant de la mer -, le pic de Matanzas {pan de Matanzas) de quatre cent soixante vares de hauteur absolue , et les mamelons {tetas) de Camarioca, situés à l’orient de Matanzas. On remarque, en outre, un groupe de collines près de la Cienega, sur la côte septentrionale 3 au nord de Guines, s’élèvent aussi celles de Candela {lomas de Candela), du sommet desquelles on jouit d’une des plus belles perspectives qui existent au monde, comme l’observe , avec juste raison, M. le baron de Humboldt. On doit comprendre , dans ce massif, un autre groupe de mon- tagnes arides , mais renommées par leurs eaux minérales ; telles sont celles A^Guanabacoa Madruga, S. Pedro, Sta Ana et les grands rameaux qui se prolongent depuis le port de la Havane jusqu’à Guanabo, dans une direction presque parallèle à la côte. Le terrain sur lequel domine le système de montagne, dans l’o- rient de l’île jusqu’au méridien de Jagua , présente deux parties 90 GEOGRAPHIE. assez distinctes, selon sa position plus ou moins immédiate à la côte septentrionale ou à celle du sud. La première est généralement accidentée et admet quatre subdivisions partielles , à savoir ; l» la gorge étroite , située entre la baie de Mariel à l’est et celle de Gua- diana à l’ouest. On trouve tout le long de cette déchirure d’excel- lentes terres de labour ^ le sol est bien cultivé sur la partie orien- tale et peuplé de bois sur la bande d’occident ; il est arrosé par plusieurs ruisseaux qui descendent de la chaîne principale j 2° la partie comprise depuis Mariel jusqu’à la Havane, pays peu boisé , couvert de populations , d’habitations champêtres , mais dont le terrain , quoique naturellement très fertile , a été épuisé par les cultures, et réclame des engrais. On trouve dans le centre de cette partie de l’ile la grande lagune à^Ariguanabo , de deux lieues carrées de surface et de huit lieues d’étendue dans sa plus grande longueur 5 3° la partie comprise entre lei ports de la Havane et de Matanzas , pays montueux , si l’on excepte la plaine élevée de Jaruco ; BaynoUj Carahallo ^ S. Antonio de Rio blanco , sont trois quartiers couverts de bourgades et d’habitations de toutes sortes. • Ce fertile terroir , centre de l’agriculture et de 1 industrie rurale, est arrosé par plusieurs rivières remarquables qui débouchent sur la côte du nord 5 4° enfin toute la partie qui s’étend depuis Ma- tanzas jusqu’auprès du méridien de Jagua. Elle comprend plusieurs districts montueux , tels que ceux de Sta Ana, Guacamaro , Saba- nilla, Limones, Teneria y Canimar ; les premiers sont d’excellente terre , mais le dernier n’offre qu’un sol pierreux et de mauvaise qualité. Le littoral de cette bande est aride, sablonneux et couvert de vase. On y compte aussi plusieurs marécages ; on récolte du sel dans ceux qui sont les plus rapprochés de la côte. Ceux de 1 inté- rieur servent pour abreuver les bestiaux. Cette quatrième subdivi- sion de la partie septentrionale, que nous passons maintenant en revue, offre aujourd’hui un nouveau centre d’activité et d in- dustrie par le grand nombre de sucreries et de cafeteries qu on a créées dans ce terrain d’une si étonnante fertilité. La partie méridionale est en plaine et bordée d’une côte maré- cageuse sur toute son étendue : les auteurs de la statistique ont cru devoir la subdiviser aussi en trois sections , afin de rendre leur description plus intelligible. La première s’étend du fond de la baie de Cor tez jusqu’au golfe de Majana ; c’est un terrain en plaine, interrompu par un grand nombre de rivières et de ruisseaux, qui descendent des versants méridionaux de la chaîne GEOGRAPHIE. 91 principale, et sur les bords desquels on cultive le fameux tabac de la Vuelta de Abajo. Nous réservons, pour une autre partie de cet ouvrage, de donner des renseignements plus étendus sur les terres de ces districts. La seconde se trouve comprise entre la baie de Majana et la rivière de Mariabèque : le sol est piat et laisse voir de distance en distance la formation calcaire de lithophytes , base géognostique de la plus grande partie de Pile. On trouve sur cet espace plusieurs cavernes qui présentent la môme formation -, telles sont, par exemple, celles de Gabriel, Turibacoa, Jayguan, Guani- maSj Sibanacan. Près de la ville de S. Antonio, il existe des lagunes assez profondes et séparées par des îlots. Toute cette partie, dégar- nie de bois, est peuplée et cultivée, et a cela de particulier que les rivières qui la parcourent, notamment celles de Cmjajabos, Peder- nales, Guanajay, CapellaniaSj S. Antonio, etc., se submergent dans les cavernes que nous avons citées, et poursuivent leur cours dans ces profondeurs en suivant une môme direction, car on voit surgir une quantité d’eau considérable vers la côte de Cagio. Ces torrents souterrains s’observent dans tous les puits. La troisième et der- nière section est limitée à l’occident par le cours du Mariabèque ; le terrain, qui est aussi en plaine, est d’excellente terre végétale, mais on y trouve en même temps plusieurs savanes incultes , et cinquante lieues carrées de marécage dans le canton de la Cienega de Zapata. Des établissements agricoles et plusieurs bourgades embellissent ce territoire , et l’activité industrielle se fait remar- quer dans cette partie orientale comme sur la bande septentrionale qui lui est opposée. L’isolement des districts de cette section a préservé les forêts vierges des ravages qu’elles ont soufferts dans les autres quartiers de l’île , et les habitations situées dans le voisi- nage ont pu en retirer d’excellent bois de construction. En outre, les versants méridionaux de la seconde chaîne de montagnes que nous avons décrite donnent naissance à des rivières et des tor- rents qui traversent ces districts : près du bourg de la Catalina, surgit la source de ce nom , qui va fertiliser la riche vallée de los Gmnes , grand centre de culture de la canne à sucre, dont le trans- port des produits sera à l’avenir plus facile et plus prompt par le chemin dé fer de la Havane, qu’on va bientôt terminer. Les groupes de montagnes qui accidentent le centre de l’île sont entièrement séparés des précédents, et peuvent être consi- dérés comme formant un système à part. Dans toute l’étendue du territoire de la partie méridionale comprise entre Trinidad, Cien- 92 GEOGRAPHIE. fucgos , Villa Clara et Sto Espiritu , il existe des cordillères très élevées et dont l’étude serait sans doute très intéressante. Les prin- cipales sommités situées à l’occident de Trinidad sont ; pico Blanco, cabeza del Muerto ^ que les marins appellent S. Juan , le morne des Vigies (corro de Vigtas) , qui avoisinent la capitale j et au nord, le pic du Fotrerilloj, Sierras de S. Juan de Letran, de Guani- guical, las Trancas de Galves, les Sierras de Yaguanat , etc. Vers les confins de Trinidad et de Sto Espiritu, on remarque las Lomas de la Rosa , de Bana , Pan de Azucar, Pico Puerto et la Sierra de la Gloria^ enfin, plus à l’ouest, apparaît la Sierra d’Escambray. Dans la partie septentrionale, la grande chaîne, appelée Sierra Morena, s’étend au sud-est jusqu’à Sagua la Grande. La sierre de Jatibonico a son principal massif vers le défilé de ce nom (boqueron de Jatibonico'), et se prolonge dans le nord-ouest jusqu’à San Juan de los Remedios. Un rameau circulaire, qui part de cette chaîne, sert de limite à ce district. Ce rameau , nommé Sierra de Mata- hambre , se dirige à l’occident , et forme un plateau de six cents vares de hauteur absolue. Cette partie montueuse continue à s’é- tendre à l’orient en s’abaissant insensiblement jusqu’à la Sierra de Cubitas, entre les rivières de Jiguey et Maximo, à égale distance de I^uerto Principe et de la côte. Les points culminants de ce rameau sont les collines de Limones et de Tabaguey. Les coteaux de Cama- jan (lomas de Camàjan) sont situés sur l’autre rive du no Meximo, dans la même direction des Cubitas^ la montagne de Judas (sierra de Judas) apparaît isolée à six lieues au sud de la gorge de la Llana (la Canada de la Llana). Au midi de Nuevitas, s’élèvent les coteaux de Rompe (lomas del Rompe) ou de Carcamisas. La partie centrale du territoire de Trinidad est peu peuplée , et offre un sol extrêmement aride et montueux. La partie orientale qui s’étend jusqu’à Sto Espiritu, bien que coupée de collines assez élevées , est au contraire d’une admirable fertilité. Les rivières de Guaraboj Agabamà et leurs affluents, Cabarnao, Ay^ Cara- cucey et Unimazo , qui arrosent ces districts, présentent le long de leur cours une suite non interrompue d’agréables vallées, de riches haras et de pittoresques habitations. La partie supérieure de cet espace, quoique très accidentée, a été défrichée avec avan- tage j mais la savane sablonneuse et pierreuse, comprise entre les collines méridionales et la côle , est peu fertile et presque entière- ment marécageuse. Vers le nord-ouest, après avoir franchi les montagnes, s’étend d’abord une bande de savanes qui se prolonge GÉOGRAPHIE. 93 le long de la rive méridionale du Rio Arimao le reste du terrain est plus ou moins tourmenté, mais très propre pour la culture. Cet espace est fertilisé par les rivières Gavilan, Mataguà ^ Arimao , Caunâda, Salado et Damajo, qui coulent le long de petites pro- priétés, des sucreries du voisinage de Jagua et des vallées agri- coles où l’on cultive le tabac. Le territoire de Villa Clara, compris entre les montagnes d’Es- cambray et d’Agabama, les rivières Sagua la Chica et Sagua la Grande, jusqu’à la côte septentrionale, est en général excellent pour la culture. La partie centrale des montagnes d’Escambray offre aussi des vallées et des plateaux cultivés qui contrastent avec l’aridité des terrains environnants. En s’avançant au sud-ouest de cette chaîne jusque vers les limites septentrionales du district sca- breux et inculte de Trinidad , on trouve des espaces montueux , des terres coupées par des ravins et quelques savanes. Le restant de ce territoire , vers l’occident de Sagua la Grande , depuis la côte du nord jusqu’à la ligne de partage entre Trinidad au sud et la Havane à l’ouest, se compose, premièrement , d’une plage vaseuse, difficile à mettre en rapport j secondement, d’un sol accidenté où l’on ren- contre des espaces propres pour la culture; troisièmement, de savanes stériles vers la partie centrale ; et quatrièmement, d’une partie inférieure formée de plaines ondulées, tantôt sablonneuses, tantôt pierreuses , alternant avec des terrains moins arides , spé- cialement vers les limites méridionales et occidentales où plusieurs rivières viennent fertiliser dans leur cours sinueux ces rivages presque dépeuplés et encore incultes. La grande juridiction de Sto Espiritu possède peut-être les meilleurs terrains de l’île et en même temps les plus stériles. L’es- pace qu’elle embrasse depuis ses frontières septentrionales et occi- dentales, et dans lequel se trouvent enclavés S. Juan de los lle- medios. Villa Clara, Trinidad et la belle rivière de Saza qui coule à l’est, est plus ou moins ondulé , très scabreux dans certains en- droits, et présente seulement, vers la partie méridionale, une bande de terre en plaine qui s’étend jusqu’à la côte sur un es- pace d’environ deux lieues. Ce sol accidenté offre de grands avantages, car, outre les rivières d’Agabama et de Saza qui le fertilisent vers les confins d’orient et d’occident, il est aussi arrosé par le Cangrejo, la Mabugina et le Seibabo, affluents de l’Agabama, et par le Tuinucù, les Calabazas , le Yayabo atle Manacas, affluents de la Saza. Ces différentes rivières descendent toutes en torrents 94 GEOGRAPHIE. impétueux des montagnes voisines ^ sans compter beaucoup d’au- tres ruisseaux qui prennent leurs sources dans les mêmes versants. Le territoire compris entre les rivières de Saza et de Jatibonico vers le sud, et les limites nord du district des Remedios, est, en général, ondulé, aride, pierreux, et n’offre presque aucun pâtu- rage pour les bestiaux ; l’herbe et l’eau y sont rares, surtout dans la saison de la sécheresse. Toutefois il faut excepter quelques parties peuplées et bien cultivées, situées sur les bords des ri- vières que nous avons nommées, et la zone du centre où se trouvent plusieurs grandes habitations (haciendas). Depuis la ri- vière qu’on appela anciennement le Gibaro , sur la rive gauche du Jatibonico, jusqu’à la côte méridionale, sur un espace de sept lieues et demie environ , entre les deux cours d'eau, le sol est com- posé de savanes arides, de grandes lagunes et de marécages d’une grande étendue, qui servent d’abreuvoirs aux troupeaux. Ces deux rives, presque noyées et bourbeuses, particulièrement celle du nord, produisent à peine les pâturages nécessaires aux bestiaux qui errent en petit nombre dans ces plaines désertes. Mais les bords du Jatibonico et du Chambas, et les coteaux qui les avoisinent vers le nord, jusqu’à la distance de trois lieues avant leur embouchure, viennent produire un agréable contraste. On trouve là des vallées populeuses et beaucoup de propriétés rurales ; il en est de même dans toute la partie montueuse comprise entre les chaînons qui descendent de l’extrémité orientale de la Sierra de Jatibonico, en suivant au sud-ouest la rivière Surrapandilla , et vers l’est les ruisseaux de Corroies et de Naranjo^ jusqu’à leurs dernières ra- mifications. Cependant tout cet espace , d’une fertilité si admi- rable, est presque dépeuplé et inculte. Le territoire de San Juan de los Remedios est généralement stérile et marécageux jusqu’à la côte : il se dessèche pendant l’été et devient alors pierreux, miné en partie par les crevasses dans lesquelles les eaux s’engloutissent. Toutefois les coteaux situés à la base des montagnes, et ceux qui bordent les rivières, de même que certains espaces voisins de la côte, n’offrent pas la même ari- dité. La bande méridionale est fertilisée en partie par les eaux de la Sagua la Grande , Sagua la Chica , Camujuani , Calabazas , Aguacate, etc. 3 et, malgré la facilité des irrigations, la plus grande partie de ce territoire est aride et sans culture, excepté quelques endroits très productifs où sont situées les habitations de las Cala- bazas, Baez, Cangrejo , Remats et Mojicas. La partie centrale GÉOGRAPHIE. 95 présente des différences très tranchées, soit à cause de l’excessive aridité du sol, soit par sa fertilité extraordinaire. Le vaste territoire du gouvernement de Puerto Principe peut se diviser en trois bandes inégales dans toute sa longueur d’est à ouest. La bande supérieure, comprise entre les districts montueux du nord et la côte, est presque toute de plaines basses, maréca- geuses et stériles. Sur toute la bande centrale, se prolonge une couche de terre plus ou moins élevée et accidentée, généralement sablonneuse , qui suit dfférentes directions , d’abord très étroite vers la frontière occidentale et s’élargissant ensuite vers le centre et à l’orient sur la plus grande étendue de ce territoire. La capi- tale se trouve située au centre de cette bande ; les espaces cultivés qui l’entourent sont clair-semés et s’étendent à peine sur un rayon de quatre lieues. La bande méridionale, jusqu’à la côte du sud et de l’ouest, est unie, particulièrement vers la moitié de son pro- longement, vers l’occident, où elle descend en pente douce jusqu’à la mer^ mais vers l’extrémité elle est noyée et vaseuse dans toute les saisons de l’année. La partie occidentale embrasse de grandes plaines entièrement découvertes, des bouquets de bois situés entre les ruisseaux et les gorges qui les séparent , et celle d’orient con- tient des savanes déboisées ou couvertes de différentes espèces de palmiers et de superbes arbres qui s’étendent jusqu’à la côte. La chaîne principale, qup les habitants de Cuba appellent Sierra Maestra, semble prendre naissance au cap de Gruz et se prolonge au loin de la côte méridionale, jusqu’au delà du Rio Baconao, sur une étendue de plus de quarante lieues. Les montagnes qui for- ment cette chaîne sont les plus élevées de toute l’île, et lancent plusieurs pics culminants, tels que ceux du Cuivre et deTarquin (pico del Cobre et pico de Tarquino) , qui ont plus de deux mille huit cents vares d’élévation verticale au dessus du niveau de la mer. Celui de l’OEil-du-Taureau (del Ojo del Toro), qui apparaît à l’ex- trémité occidentale de la chaîne, a environ mille deux cents vares d’altitude. Les ramifications septentrionales de la Sierra Maestra paraissent se diriger au nord-est ; le rameau oriental vient s’abattre aux coteaux de la Guisa (lomas de Guisd)^ _et se prolonge ensuite par fragments interrompus jusqu’au territoir^c de Jiguani au nord. Plusieurs rivières et ruisseaux qui sortent des gorges de la Sierra Madré vont déboucher à la mer et forment les différentes lagunes que nous avons citées dans la description de la côte. Un bon nom- bre de rivières prennent aussi naissance vers le sud-est ; les unes se GEOGRAPHIE. 96 perdent dans la grande baie, en face des bas-fonds de Buena Espe- ranza^ et les autres vont accroître le superbe Cauto^ qui prend aussi ses principales sources sur les versants orientaux et septentrionaux de la grande chaîne, et qui débouche également dans la même baie. Nous nommerons parmi les premières le Niguero^ la Seviïla, la Macacüj la Vicana^ la Tana, le Salado^ la Jicotea et le Buey_, et parmi les secondes qui se jettent dans le Cauto , V Yarayabo , le Contramaestre , le Cautillo et le Bayamo. La grande baie de Guantanamo sépare ce groupe de montagnes d’un autre moins élevé, qui court à Test en projetant des rameaux au sud , et qui vient s’unir aux crêtes de Quivijan et de Baracoa (cuchillas de Quivijan y Baracoa) que nous avons déjà nommées. Du centre de ce massif, qui comprend les hauteurs de Palenque^ Cuchiïla de S ta Catalina et de Toar^ s’échappent de grandes ri- vières qui coulent dans différentes directions 3 celles d’ Yateras et de Sabana la mar suivent d’abord leur cours vers l’est et ensuite vers le sud, tandis que le Toar, qui reçoit le tribut du Yaguani , coule constamment à Test et va déboucher sur la côte septen- trionale, au nord de Baracoa. Dans les montagnes de ce groupe, mais sur des points plus rapprochés de la côte, quoique dans la même direction, naissent plusieurs autres rivières, dont les plus re- marquables sont le Cabanas , VYamanigacy et la Moa^ qui, en des- cendant des cimes escarpées de Toar (las cuchillas de Toar)^ se perdent bientôt dans la Sierra du même nom , pour reparaître en- suite et se précipiter en cascade d’une hauteur de cent vares (en- viron trois cents pieds). Entre les monts isolés et les petites collines qui suivent diverses directions, sur le grand espace qui s’étend du méridien de Cuba à celui de Nuevitas ^ on distingue, parmi les sommités les plus notables , les Sierras de Sacareno et de Candelaria , au nord et à l’ouest de la baie de Gibarra 3 celles de Baitiqueri et du Pilon de Cuaba, au sud de Holguiuj et, vers le nord-est, la Loma Brenosa, la Sierra de Almiqui; puis, au sud et au nord-est, les monts isolés de Damanuecos et plateau de Manati (mesa de Manati)^ près de la baie de ce nom . La partie septentrionale de la juridiction du Bayamo est peu peuplée et beaucoup moins élevée que celle que nous venons de dé- crire. Ce terroir est, en général, bas et marécageux, excepté quel- ques espaces à l’ouest et les collines de Rompe et de Ranchuelo. La partie inférieure de ces confins se divise en deux espaces inégaux. GEOGRAPHIE, 97 L’un ou le supérieur, couvert de riches forêts, où se trouvent con- centrées les populations et toutes les richesses agricoles, n’offre que de légers mouvements de terrain; toutefois, dans sa partie occidentale, entre la capitale et le Manzanillo, cet espace est ma- récageux et presque submergé ; sur l’autre au contraire, jusque vers les confins de Cuba et de Jiguani, dominent les montagnes et les rameaux qui forment les versants septentrionaux de la Sierra Maestra. Ce second espace est presque entièrement désert, en ex- ceptant toutefois le groupe du marquisat deGuisa. A l’orient, vers la moitié septentrionale de l’espace antérieur, après avoir dépassé le territoire de Holguin , on aperçoit vers l’extrémité du nord- ouest un terrain isolé, plat, dépeuplé et inondé depuis la côte jusqu’à cinq lieues dans l’intérieur. Depuis le centre jusqu’à la côte du nord et sur presque tout l’espace qui s’étend à l’orient, le sol est fécondé par beaucoup de rivières et de ruisseaux qui sépa- rent d’immenses forêts. Le petit district de la juridiction de Ji- guani, enclavé entre le Rio Cauto , le Cautillo et le Conlramastro ^ constitue un terrain élevé, coupé dans tous les sens, montueux vers le sud , renfermant quelques petits vallons, des lorêts impor- tantes et plusieurs savanes. Les frontières septentrionales de ce district sont arides j mais tout le reste est d’une grande fertilité et très propre surtout pour In culture du tabac. Dans la juridiction de Cuba, la partie montagneuse de \di Sierra Madré est inculte et dépeuplée ; mais, en se rapprochant du méri- dien du Surgidero (^Rincon de Sevilla') , la végétation commence à se ranimer : la culture du coton domine dans ce district, où l’on trouve des habitations et de grandes bergeries jusque dans le voi- sinage de la côte. De là , jusqu’à l’orient de la capitale, le pays est arrosé par des rivières et des ruisseaux, et tout parsemé de sucre- ries, de cafeteries et de maisons de campagne. Presque tout l’arc de cercle que décrit la cordillère , principalement vers sa moitié orien- tale et vers le commencement de sa pente septentrionale , vient offrir cette végétation riche et variée, que favorise le plus doux climat et qui facilite la culture des plantes des régions tempérées. En dépassant ces limites , dont la plus grande étendue , à partir de la côte méridionale jusqu’à celle du nord , est d’environ huit lieues, tout le pays jusqu’aux confins d’Holguiu vers la mer, de même qu’à l’ouest et à l’est du côté de Jiguani et de Baracoa , ne présente que des déserts incultes, des forêts impénétrables, d’arides savanes et des montagnes d’un difficile accès j toutefois ou y trouve GLOGUAPinr.. 7 98 GEOGRAPHIE. plusieurs villag^es et quelques cultures le long des rives du Mayari, de la Sagua et de leurs affluents. L’extrémité orientale de Pile est entièrement inconnue et déserte, bien que le terrain y soit proba- blement très fertile à cause des grandes forêts qui le couvrent j mais leur ténébreuse profondeur et l’aspérité des montagnes ont arrêté jusqu’à présent l’activité des colons. Ce manque d’indus- trie , motivé par les obstacles et la nature du sol , laisse abandon- nés, sur une grande partie de Pile, les terrains les plus fertiles du nouveau monde. L’île de Pinos , située en face de la grande baie que forment les pointes Gorda et Fisga , sur la côte méridionale de Cuba , mérite , par son étendue et son importance, une description particulière. Celle que nous allons donner sera extraite de l’intéressant mémoire publié à la Havane par don Alejo Helvecio Lanier, qui fît, en 1831 , une exacte reconnaissance de cette île, et en leva le plan (l). L’île de Pinos s’étend depuis 21° 27' 15" jusqu’aux 21° 58' 17" de latitude nord et embrasse en largeur l’espace compris entre les 76o 11' 11" et les 76^ 52' 6" de longitude occidentale de Cadix. Sa périphérie totale est de soixante-huit lieues, d’environ cinq mille vares (2) provinciales ou de vingt-six lieues et un quart au degré. La surface entière de Pîle occupe cent dix-sept lieues et demie ou six cent quatorze milles carrés et trente-quatre centièmes. Sa plus grande étendue mesure, depuis la pointe de l’est jusqu’au cap Français, seize lieues provinciales et deux tiers, et du nord au sud, sous le méridien de 76^ on en compte douze et deux tiers : le canal qui la sépare de l’île de Cuba a dix beues et trois quarts dans sa plus grande largeur, depuis la pointe de los Barcos jus- qu’à celle de la rivière de los Balacios, dans la direction du nord- ouest. A partir de l’embouchure de la rivière de Sierra de Ca^as jus- qu’au pied de la montagne du Columpio, le terrain est bas, presque au niveau de la mer sur toute son étendue, et continuellement inondé jusqu’à la distance de six cents vares dans l’intérieur. Les mangliers (Rhizophora) , qui le couvrent, le rendent impénétrable. Depuis le Columpio jusqu’à la pointe de Piedras, le littoral n’offre (1) Geografia de la isla de Pinos, b notas hidrograjicas , topogràficas ^ etc., avec la carte de l’île. Habana, i836. ( 2 ) La vare provinciale diffère de celle d’Espagne ou de Burgos; son rapport an mètre est de o,848, tandis que celui de la vare castillane n’est que de o,836. GEOGRAPHIE. 99 qu’une plage de sable blanc et très fin, un peu plus relevée que celle de l’autre bande , beaucoup plus large et plus saine. Le sol est ensuite bas et marécageux jusqu’au pied du petit morne de la Bibijagua. La plage del Flamenco s’étend de là vers le sud-ouest ^ puis, entre les deux pointes qui forment les extrêmes de la Sierra de Casas, on trouve une autre plage de sable. La côte continue en- suite de la même manière , et présente différentes salines difficiles à exploiter à cause des marécages qui couvrent tous les terrains environnants. Depuis l’embouchure de la rivière de Sta Fe jusqu’à VEstero grande, la côte n’est qu’un marais bourbeux et impéné- trable. Jusqu’à la pointe de l’est, on ne peut aborder qu’au débar- cadère de Caudal et sur les points de Rancho Viejo et de Piedras,- les mangliers s’étendent au sud et même au delà de la pointe de l’est jusqu'à la plage de la côte méridionale. A la pointe de \a Rancheria del Este, le littoral redevient sablon- neux sur une demi-lieue d’étendue , puis la côte est rocheuse jus- qu’à Seboruco alto et Punta Brava , et offre ensuite un marécage de trois quarts de lieue de large qui s’étend jusqu’à la tête du Guanal (la Cabeza del Guanaï). Les récifs commencent à la pointe Brava, se prolongent un mille au sud-est, continuent au sud sur un espace de sept cents vares, puis suivent la direction de l’O.-S.-O. jusqu’à la tête de Guanal, en se rapprochant un peu de la côte et laissant entre eux quatre passes qui donnent accès dans le canal. A partir de la rivière de Sierra de jusqu’à la pointe de los Barcos , la côte est encore basse et marécageuse et présente le même caractère jusqu’à la lagune du Capitaine del Capitan), où commence une plage de sable qui s’étend jusqu’à VEstero del Pino, reconnaissable à ses deux embouchures. De la pointe de Fwewa vùta, jusqu’à l’entrée du grand marais appelé Siguanea , la côte court au sud-est , et à deux milles et demi plus loin on trouve VEstero del Soldado , lagune d’une petite étendue. On doit entendre par le port Francis toute la baie comprise en- tre la pointe de Pedernales et la petite langue de terre de la Ban- cheria. Cette enceinte est assez vaste et peut recevoir toutes sortes de bâtiments marchands j mais il faut mouiller seulement dans l’intérieur de la baie, où les ancres peuvent tenir sur un fond de sable. La plage méridionale de la Rancheria et du port Francés est de sable mouvant et de pierres plates vers le bord du rivage , ce qui la rend inabordable aux embarcations. La pointe de Peder- nales est ainsi nommée à cause des débris de roches siliceuses que GEOGRAPHIE. 100 la mer rejette sur cette plage : après elle , vient la pointe de Lugo à deux milles et demi de la Caleta grande^ et ensuite la pointe de Cocodrilas. Depuis Puerto francès jusque-là , tout est roche dure sans marécages , et c’est le long de cette côte que se fait la pêche des tortues dont on entrait l’écaille. A deux milles et trois quarts plus loin on trouve la Caleta del Jnfierno , et à un mille et demi de ce débarcadère celui du Jorabo [Caleta delJorabo)^ trois milles plus loin, celui du Diable (la Caleta del Diahl6),eX cinq milies encore plus avant, celui de Carapachivey , la meilleure cale de la côte méridionale de l’île. Elle a plus de quatre lieues de large à son embouchure et se prolonge un mille dans l’intérieur. Les parties de la côte, situées entre ces différentes cales, sont toutes de roche dure. Depuis la dernière que nous avons nom- mée jusqu’à celle à\igustin fol, on compte deux milles de savane sans arbres et d’excellent pâturage. De là, il faut encore remonter quatre milles de plage pour arriver à la pointe du Guanal. Sur la partie méridionale de Pile de Pinos, depuis Puerto francès jusqu’à la pointe de l’Est , l’intérieur du pays est de roche j mais les lagunes, les crevasses et les précipices le rendent impénétrable. Les montagnes de Pile, d’après leur degré d’altitude, sont les suivantes ; Sierra de la Canada , de 551 vares de hauteur absolue au dessus du niveau de la mer - la Daguilla , de 492 3 Sierra de Cahallos de 358 j Sierra de Casas de 345 j Cerro de S. Pedro de 305 ; Cerros del Monte , Sierras de la Ceiba, Cerrosde Lacunagua, de Malpais J del Agi , de la Manigua, Sierras de S. José, Cerros de S. Juan, Sierra Pequena, del Columpio, Cerro de la Caoba, Morillo del Diablo, Sierra de la Bivijagua, Cerros de las Guanabanas , de Juan de la Mar, de la Siguanea, Cerrito de los Maneaderos. Les principales rivières de Pile et les seules navigables sont celles de Santa Fè , de Sierras de Casas et de las Nuevas. La nouvelle ville de la colonie fondée en 1828 , sous le titre de la Reine Amélie, a reçu le nom de Nouvelle-Gerone (Nueva Gerona): elle est située sur la bande occidentale de la rivière de Sierra de Casas, à trois quarts de lieue de son embouchure, entre les deux montagnes de Caballos et de Casas, sous le parallèle de 21° 54' 15'' N. et du méridien de 76° 27' 26" O. Nous terminerons cette revue générale de Cuba par des rensei- gnements topographiques sur les divisions territoriales des divers districts de Pile. GÉOGRAPHIE. 101 IL DIVISIONS TERRITORIALES. La division territoriale de TUe de Cuba manque d’unité : on en connaît cinq qui varient d’après les différentes juridictions qu elles embrassent, savoir ; V ecclésiastique , civile, la militaire, celle de la trésorerie et celle de la marine. Cette distribution est sujette à de grands inconvénients. Dans la première, l’île a été répartie en deux sections , celle de l’archevêché de Cuba et celle de la Havane. La ligne de division part de la côte septentrionale et court depuis l’embouchure de la gorge de la Llana jusqu’au sud , vers l’extrémité orientale de l’île de Turiguano, en longeant la gorge que nous avons indiquée jus- qu’au chemin de Sainte-Catherine, entre Judas et Moron ,• puis, de là, elle s’incline au sud-ouest et vient aboutir à la lagune de los Algodones, pour se diriger ensuite , à peu près au sud , vers les sources du ruisseau de Guayabo , qui suit son cours jusqu’à la la- gune de Jaquey. A partir de ce point , la ligne passe d’abord à l’est , à un tiers de mille du Jaqueyal , dans le comté de Sabana la Mar; puis à l’ouest à égale distance de Palenque, dans la propriété de la Barayagua, et, finalement , elle se détourne encore à l’est, à un mille de Sabana la Mar , en se prolongeant jusqu’à la côte du sud , où elle se termine à demi-mille environ à l’occident de l’em- bouchure des lagunes du même nom. L’archevêché, dont le siège est établi à Santiago de Cuba , renferme une cathédrale , cinq vica- riats , onze cures , distribués dans la capitale , les cités {cmdades) et les villes du diocèse, et quatre vicariats et vingt-une cures ré- partis dans la campagne. L’évêché de San Cristobal de la Havane possède une cathédrale , dix vicariats et quinze cures dans la ca- pitale , les cités et les villes de ce diocèse , et vingt-neuf cures et cinquante-sept auxiliaires distribuées dans le reste du territoire. Les tribunaux ecclésiastiques sont les suivants : le vice-royal patronage (vice-real patronato) de chaque diocèse, administré res- pectivement par les gouverneurs militaires des deux provinces de la Havane et de Cuba, et ceux de l’archevêché et de l’évêche qui embrassent aussi la partie militaire, et relèvent de l’un ou de 1 au- tre , suivant les appellations. 102 GEOGRAPHIE. La division civile consiste en deux provinces , celle d’occident ou de la Havane et celle d’orient ou de Cuba. La ligne de démar- cation ^ suivant les meilleures données , commence à l’extrémité sud-est de la baie de Nuevitas, sur la côte septentrionale, et côtoie le torrent Seco jusqu’à son passage par le chemin qui va de l’habi- tation (hacienda) dite de Nuevitas à Nuevas Grandes ; elle court directement au sud-est à la rencontre de la rivière de las Cabreras, entre Barroso et Sta Anna , remonte son cours jusqu’au confluent avec le ruisseau du Salvial et continue à suivre ses bords jusqu’à sa source, puis atteint la rive de Johabo , qui coule en serpentant jusqu’à l’endroit appelé boca de las Lajas, où il reçoit les eaux d’un torrent du même nom. A partir de là , la ligne de démarcation se détourne au sud-ouest pour traverser le Bio tana , et va se joindre à la rivière de Sevilla^ vers les coteaux de Babujales, en suivant son cours tortueux, pour se terminer à son embouchure sur la rive gauche. La province de la Havane comprend sa capitale 5 les cités de Puerto Principe, Matanzas, Trinidad, Santiago, Bejucal , Jaruco et Sta Maria del Rosario ; les villes de Guines , Guanabocoa , S. Antonio abad , Sto Espiritu, Sta Clara et San Juan de los Remedios. Ces diverses populations ont toutes leurs municipalités particulières (ayuntamientos) , et leur portion de territoire sur le- quel leurs alcades respectifs exercent leur juridiction. Quatre-vingt- deux bourgs ou villages et six hameaux ou grandes métairies se trouvent disséminés dans ces divers districts. La province de Cuba réunit dans sa division la capitale, les cités de Baracoa, Holguin et Guisa; les villes du Bayamo et de Cobre ,• les bourgades de Jiguani et de Caney, avec les munici- palités et alcades qui leur correspondent. Cinq villages , huit hameaux ou grandes fermes isolées , sont répartis sur ce ter- ritoire. Outre la division que nous venons d’indiquer, chaque juridiction se subdivise en plusieurs autres moins importantes et dont le nom- bre dépend des besoins des administrés et de l’étendue du terri- toire. Ces petites juridictions sont sous l’autorité d’un magistrat pédané , assisté de ses subdélégués. Ce magistrat exerce la police et peut juger dans les procès en matière litigieuse, jusqu’à la con- currence de dix pesos (environ 50 francs) -, c’est par son entremise que les tribunaux supérieurs font exécuter leurs ordres. La pro- vince de la Havane compte soixante-trois juges pédanés, qui re- 103 géographie. çoivent aussi le nom de capitaines de districts {eapimes de parti- dos) • la province de Cuba en compte quarante. L s tr^unaux civils consistent en deux audiences (audtenetas) : la nouv eue , récemment établie à la Havane , et l’ancenne , ,u. réside à Puerto Principe, et dont le capitaine gene ^P^^ sident de droit. Elles se composent d un regent , teurset d’un ou de deux fiscaux. Les autres tribunaux ceux des gouverneurs politiques et militaires des provinces, exe - Tnt t factions de r^gidors . ceux des Ucutenants-gouverneu^ - lettrés des mêmes provinces ; ceux des gouverneurs-politiques-mi- resdeMatanJetTrinidad;ceuxdesli™^^^ politiques-militaires de Puerto Principe , Bayamo, Holguin Ba racoa^ Ji-uani et Pinal del Rio ; ceux des cours supérieures Ousti- cias Ljores) des cités de Jaruco, Sta Maria del Rosario Bejucal erville de S. Antonio, avec juridiction ordinaire sur le territoire de ces populations ; ceux des alcades ordinaires et de la sainte her- mandad dans les cas requis, de toutes les cités, vil es e bourgades qui ont des municipalités; celui d’alzadas ou d appel, compose du capitaine général, de l’assesseur titulaire et de deux collègues nommés par chaque partie, et qui juge en seconde instance les affaires de commerce non résolues par le tribunal du consulat ; celui de l’administration des postes {de correos) , dont le capitaine général de l’ile est le subdélégué ; celui de la chambre ® Leu) ou de la maison du roi , délégué aussi a la meme autorité celui de la commission mixte, composé de commissaires et de ju es e p"guols et anglais pour tout ce qui est relatif au trafic des esc a- vl celui i'aMs; celui des biens des défunts ; celui de dîmes dans chaque diocèse; celui de la Santa Cruzada ; ce\ui des aimeh Udus luc.4 , Ae ia media anata annuités ecclésiastiques {amahdades), ceu , • ■ a (demi-revenu annuel) et du revenu mensuel (““f “ pour les deux diocèses ; enfin ceux des juntes royales de medecine, trois intendances, celle de la Havane et cel es e ue et de Cuba. La première, dont la capitale est la Havane, embras e ses différentes juridictions, le gouvernement de lieutenance du Pinal del Rio. Elle comprend deux admiuistratioi.s ■» r, dcTrinidad et de Fcrnandina de Jagua, etlalicutenanu gëoguaphie. Principe, dont la ville est le chef-lieu. Elle a une administration générale et six subalternes. L’intendance de Cuba embrasse toute la province de ce nom , avec une administration principale et cinq subalternes. L’intendant de la Havane exerce aussi la môme fonction sur toute la force armée de l’îlej il est surintendant général subdé- légué de la trésorerie royale {real hacienda) de Cuba et de Puerto Rico. Les tribunaux de la trésorerie royale sont : la junte supérieure contentieuse , à laquelle on fait appel des tribunaux des intendan- ces 3 la chambre des ordonnances {sala de ordenanza) , qui juge en appellation des décisions de la royale audience des comptes ; la royale audience ou tribunal des comptes, et les tribunaux des trois intendances respectives. La division militaire de l’île, établie par le capitaine général D. Francisco Dionisio Vives , consiste en trois départements, sa- voir Voccîdental, celui du centre et V oriental. Le premier comprend la portion de File qui s’étend depuis le cap S. Antonio jusqu’à la ligne qui le sépare de celui du centre et dont voici le tracé : de l’embouchure du ruisseau de Sierra Morena, sur la côte septentrio- nale, en remontant son cours, que la ligne de démarcation ne tarde pas à couper pour suivre sa direction vers le sud, en décrivant de grandes sinuosités, et renfermant dans ses limites les habitations les plus orientales du district de Giiamutas ; elle continue ensuite a se prolonger de l’est à l’ouest, en longeant les chemins de Gua- mutas et d’Yaguaramas , jusqu’à la rencontre de la rivière de la Havane; puis de là, elle suit son cours vers le sud, jusqu’à la grande lagune de Zapata {Ctenaga de Zapata), et s’étend ensuite en cô- toyant le rivage vers l’occident, pour aller aboutir dans le fond de la baie de Broa. Le departement du centre se trouve compris entre la ligne que nous venons de signaler et le département oriental; ses limites sont les suivantes : à partir des environs de Nuevas Grandes, sur la côte septentrionale , elles embrassent le port de ce nom et s’étendent au sud-sud-ouest, jusqu’aux embouchures de la rivière de las Cabreras dont elles remontent le cours jusqu’à la rencontre de la division civile ou ligne de jonction de Puerto Principe et Bayamo entre Sta Ana y Barroso. De ce point les limites départementales L pro- longent, par le défilé de las Lajas , vers le Rio Jobabo , et suivent son cours jusqu’à son embouchure sur la côte méridionale. GEOGRAPHIE. 105 Le département oriental se trouve compris entre les limites pré- cédentes et la pointe de Mayzi. Dans chaque département , il y a un commandant général , un second, un chef de détail et d’autres chefs correspondants aux corps de l’artillerie et du génie. Ils se subdivisent en plusieurs sec- tions, dont onze appartiennent au département occidental, cinq à celui du centre et quatre à celui d’orient. Chaque section a son chef militaire, qui est commandant d’arme de son district, et exerce , en outre , son autorité sur un certain nombre de districts ruraux gouvernés par les memes juges pédanés de la division civile. Les sections se subdivisent en divers quartiers avec leurs chefs de ronde (cahos de rondo) , subalternes des autres , qui sont chargés de veiller au bon ordre, à la police des districts et à la dé- fense du territoire en cas de nécessité. Les tribunaux militaires sont : celui du capitaine général; celui de la commission militaire, qui juge les délits de vols et de meurtres commis en rase campagne ; ceux des gouvernements de la Havane, de Cuba, Matanzas et Trinidad; ceux des lieute- nances de gouvernement de Puerto Principe, Baracoa, Bayamo , Holguin, Jiguani et Pinal del Bio; et les tribunaux particuliers des corps d’artillerie et du génie. La division militaire en trois départements coïncide presque avec celle delà trésorerie royale en trois intendances. La ligne de démarcation entre la première et la seconde est la même que celle qui existe entre les départements d’occident et du centre , en exceptant la partie méridionale, qui , à partir du point où la ligne, en venant du nord, touche au Rio Damuji, suit le cours de cette rivière jusqu’à son embouchure dans la baie de Jagua ; et celle qui sépare l’intendance de Puerto Principe de celle de Cuba est la même que celle qui divise les provinces de la Havane et de Cuba, de manière que la première comprend deux intendances. La division maritime en cinq provinces fut établie par le com- mandant général de la station delà Havane, D- Angel Laborde. Ces provinces sont ; Havane, Trinidad, S. Juan de los Remedios, Nuevitas et Cuba, qui ont pour chefs-lieux les villes de même nom. La première se subdivise en cinq districts, la seconde en quatre , la troisième en trois , la quatrième en trois aussi , et la cinquième également. A la province maritime de la Havane correspond la partie occi- dentale de l’ile, depuis la ligne qui part de la côte septentrionale GEOGRAPHIE. 106 à l’embouchure du Rio Raima, et vient aboutir à la pointe de D. Cristobal sur la bande méridionale, en comprenant les cayes et les îlots du Rosario ^ vers le sud et sur la côte du nord, entre le cap S. Antonio et le canal du Fargo. La province de Trinidad embrasse la partie de la côte du sud , depuis la pointe de D. Cristobal jusqu’à la lagune de Junco ^ ses frontières s’étendent au nord , sur la droite de la grande route qui passe par le centre de l’île -, elles suivent vers l’occident et l’o- rient les lignes qui, à partir de la pointe de D. Cristobal et de la lagune de Junco, se prolongent au nord-est et au nord, à la rencontre de la même route. Tous les cayes et îlots situés entre le canal du Rosario et la passe du grand banc de Buma Esperanza, se trouvent compris dans cette division. La province de Nuevitas comprend toute la côte du nord, entre la pointe Curiana inclusivement et celle de Mayzi exclusivement. Ses limites s’étendent vers le sud , sur la gauche de la grande route indiquée , et suivent à l’ouest la ligne de la frontière orien- tale de la province de S. Juan de los Remedios, et à l’est celle qui part du Rio Mayari en s’inclinant à peu près au sud-ouest pour rencontrer la grande route. Tous les cayes et îlots situés entre celui du Coco exclusivement’ et le méridien de la pointe de Malas sont compris dans cette division. La province de Cuba embrasse toute la partie de la côte du nord comprise entre le Rio Mayari inclusivement et la pointe de Mayzi, et du côté du sud, depuis cette pointe jusqu’à la lagune du Junco 5 elle a pour limites les frontières des provinces de Nuevitas et de Trinidad, et leurs lignes de démarcation du côté d’orient, par la droite de la grande route dont nous avons parlé. Cette di- vision comprend tous les cayes ou les îlots situés depuis le banc de Buena Esperanza jusqu’à la pointe de Mayzi, et de celle-ci à Mayari. Les tribunaux de la partie maritime sont : celui du comman- dant général de la station, assisté de son auditeur j celui de la junte de la station , qui décide en seconde instance , et admet les appellations des tribunaux des commandants des provinces et des districts maritimes; ceux des commandants des provinces mari- times et de leurs districts, en exceptant la capitale; celui du mi- nistère de la station; et enfin celui de révision. GEOGRAPHIE. 107 III. GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE. On ne doit pas s’étonner du peu de notions que nous possédons sur la géologie et la minéralogie de Cuba , d’après la description géographique que nous venons de faire. Le sol de l’île est, en gé- néral, bas et onduleux, couvert d’une végétation luxuriante dont les produits séculaires ont formé des dépôts successifs, en accu- mulant sur la roche une énorme couche de terre végétale. La cons- titution minéralogique n’est réellement apparente que dans les montagnes déboisées et sur leurs escarpemen ts , dans les endroits où le terrain ne se trouve pas caché par la masse des plantes dont la chaleur et l’humidité atmosphérique combinées viennent favo- riser le rapide développement. La puissance de la végétation est telle dans ce climat, qu’elle envahit et domine tout. Le voyageur qui parcourt le pays n’aperçoit qu’un immense tapis de feuillage 5 on dirait, au premier abord, que la nature n’a produit que des plantes -, la terre ne laisse deviner ses formes extérieures que par les ondulations des massifs de verdure qui la recouvrent, et le règne animal ne se manifeste à la vue que par les oiseaux qui planent au dessus du sol. Tout le reste est caché et comme enseveli au milieu d’un amas de troncs et de branches , impénétrable labyrinthe dont on ne saurait , en Europe, se faire une juste idée. L’homme fixe de préférence son attention sur les objets plus à la portée de ses besoins journaliers 5 et, comme l’agriculture occupa dès les premiers temps les colons européens, et leur rapporta le plus de profit, ils s’y adonnèrent entière'ment et finirent par né- gliger et même oublier tout à fait les avantages qu’ils auraient pu retirer d’un autre genre d’industrie. Nous voulons parler de l’ex- ploitation du sol, relativement aux richesses qu’il renferme , mais dont les produits sont incertains et difficiles à obtenir. L’excessive fécondité de la végétation des tropiques , la douceur d’un climat qui favorise partout son essor, les progrès de l’indus- trie agricole , telles sont les causes qui ont retardé nos connais- sances sur la géologie et la minéralogie de la contrée. Ces causes subsistent toujours et opposeront longtemps encore des obstacles insurmontables aux naturalistes isolés, à moins que le gouverne- 108 GEOGRAPHIE. ment n’organise une commission scientifique pour l’exploitation de l’ile. Toutefois, quelques points du territoire de Cuba ont déjà été explorés ; nous allons en faire mention daus cet article, afin de donner un aperçu de la constitution géognostique de l’ile , de ses productions minérales , et particulièrement de celles qui par leur utilité ont appelé l’attention des premiers colons, et dont profitent ceux d’aujourd’hui. M. de Humboldt, qui , en une seule phrase, sait résoudre sou- vent avec une rare sagacité les grandes questions de physique , a résumé de la manière suivante , relativement à Pile de Cuba, toute la théorie de la formation des grandes Antilles. « Le sol, dit-il, est )) couvert de formations secondaires et tertiaires , d’où sortirent » quelques roches de granit-gneiss, de siénite et d’euphotide (1). » Ces formations primitives , comme nous le verrons bientôt, se montrent à découvert dans plusieurs endroits de Pile; mais les formations calcaires, soit d’époque secondaire, soit très modernes, dominent partout. Les cimes les plus élevées sont situées à l’extré- mité sud-est entre le ca]) Cruz elles jointes àe May zi et à'' Holgmn, dans la partie de la chaîne appelée Sierra del Cohre (montagnes de cuivre), au nord-ouest de Santiago de Cuba; elles ont environ deux mille cinq cents vares d’élévation et dépassent, par conséquent, la hauteur des montagnes bleues de la Jamaïque, et les pics de la Silla et de la Hotte de Saint-Domingue. Cette élévation établit le point culminant du groupe des grandes Antilles, dans Pile de Cuba. Les ramifications de la chaîne sous-marine s’étendent à l’orient et au midi , et se relèvent ensuite pour former les hautes crêtes de Saint-Domingue et de la Jamaïque. Cette direction , que la force sous-marine paraît avoir suivie en sens inverse, et quia produit ces grandes élévations , réagit encore aujourd’hui et se manifeste par de fréquents tremblements de terre dans la partie de Cuba que nous avons désignée plus haut ; mais son action se fait rarement ressentir sur la bande occidentale de Pile. Nous citons ici ces observations, non seulement parce qu’elles sont les premières qui ont été publiées, mais encore parce qu’elles ont été confirmées dans des explorations postérieures. Malheureu- sement la courte résidence du célèbre voyageur dans Pile de Cuba, et le petit espace qu’il put parcourir, ne lui donnèrent ni (i) Voyage aux régions équinox., t. XI, p. 221, édit. ia-S. GEOGRAPHIE. 109 le temps , ni les éléments nécessaires pour établir la théorie géo- gnostique de toute la contrée 5 mais son aperçu n’en doit pas moins être considéré comme le fondement d’un excellent système qui pourra se compléter plus tard. La chaîne de montagnes que nous avons décrite traverse l’île de l’E.-S.-E à l’O.-N.-O. , en se rapprochant de la côte méridio- nale , entre les méridiens de Puerto Principe et de Villa Clara ^ et de la bande septentrionale vers l’occident de Matanzas , par les cordillères dites Sierras del Gavilan , Camarioca et Arcos de Ca- nasi. Dans la première direction , le groupe calcaire que forment les coteaux de S. Jean (Lomas de S. Juan), de six cents vares d’é- lévation au dessus du niveau de la mer, présente un aspect im- posant, vu de la caye dePieclras j dans la seconde, au contraire, les sommités les plus visibles de loin, parmi celles qui servent de points de reconnaissance aux navigateurs, sont : le Pan de Matanzas , los Arcos de Canasi, la Mesa del Mariel , las Tetas de Managua et le Pan de Guajaihon. Tous les terrains adjacents fuient ensuite vers la côte occidentale. Cette partie, de même que le centre de l’île, présente, selon M. deHumboldt, deux formations de calcaire compacte, dont l’une est composée de grès argileux et l’autre de gypse. La pre- mière est blanche ou de couleur jaunâtre claire, à fracture mate, tantôt lisse, tantôt conchylifère , contenant quelques rognons , le plus souvent creux, de silex pyromaque avec des pétrifications. Les substances fossiles renfermées dans ce calcaire sont très abondantes dans une formation récente qui existe aux environs de la Havane , et dont nous parlerons bientôt j nous en avons retiré beaucoup d’é- chantillons que nous décrirons en traitant de la série à laquelle ils appartiennent. Les couches poreuses de la partie méridionale de cette localité , jusqu’au Batabano , ressemblent aux bancs spon- gieux du calcaire jurassique de Franconie, près de Dondorf, Pe- gnitz et Tumbach. Ces couches caverneuses jaunâtres, qui offrent des cavités de quatre à cinq pouces de diamètre, alternent avec d’aulres entièrement compactes et moins chargées de pétrifications. La ligne des collines qui borde la vallée de los Guines, vers le nord, et qui se joint aux coteaux de Camoa et de Tetas de Managua, ap- partient à cette dernière variété, dont la couleur est d’un blanc roussâtre, presque lithographique, comme le calcaire jurassique de Papenheim. Ces couches compactes et caverneuses renferment des amas ferrugineux. La même formation que M. de Humboldt dési- 110 GÉOGRAPHIE. gne sous le nom de calcaire de los Guines se montre vers le sud- est près de Trinidad^ sur les coteaux de S. Jean (Lomas de San Juan), déjà cités, et vers l’est, sur la côte septentrionale, près de Matanzas. Dans ces différentes localités, elle offre de grandes cavités souterraines où s’accumulent les eaux des pluies , et dans lesquelles se submergent plusieurs rivières assez considérables. L’autre formation de calcaire moderne , qui a reçu dans le pays le nom de seboruco , se trouve le long de la côte, dans plusieurs endroits de l’île^ elle est tellement récente, que son agglomération continue même aujourd’hui , et c’est à elle que l’on doit les cayes , les récifs et tous les bas-fonds de coraux. Les parties supé- rieures s’élèvent parfois à partir d’une profondeur de vingt à trente brasses. Toutes les inégalités de cette roche sont recouvertes d’une couche calcaire agglomérée avec des restes d’animaux, de coquilles , de coraux et de madrépores. Cette formation récente paraît identique à celle de Cumana , de Carthagène des Indes et des îles de la Guadeloupe et de la Martinique (1), qui est due aussi aux mêmes causes qu’on voit se manifester aujourd’hui dans les golfes du nouveau continent et dans la mer du Sud , où elles don- nent lieu aux îles corallifères. Dans celle de Cuba, où elle occupe la plus grande partie du territoire , elle repose sur la formation secondaire de calcaire compacte , et recouvre les bases sous-mari- nes des premiers écueils qu’une force intérieure fit apparaître à l’est, ainsi qu’au sud-est, en traversant la mer Caraïbe, et qu’on rencontre d’abord à la base des Antilles volcaniques et ensuite sur la côte du continent (2). La continuation sous-marine de la formation calcaire caver- neuse paraît être confirmée par l’existence des eaux douces dans les petites cayes du sud , et par le phénomène d’une source abon- dante , au centre de la baie de Jagua , où viennent s’abreuver les manaties (3). Ces faits ne peuvent s’expliquer que par la pression hydraulique du liquide renfermé dans les cavernes de la grande terre de Cuba ; les torrents qui se submergent et disparaissent dans la profondeur de ces gouffres semblent, en effet, devoir occasionner l’apparition subite de ces sources d’eau vive qui se manifestent dans la mer ou sur les rochers qui avoisinent le rivage. (1) Humboldt, F^oyag., t. X, p. 2-35. (2) Id., id., p. 3 oi. ( 3 ) Id., id., t.XII, p. 128. GÉOGRAPHIE. On rencontre différentes substances métalliques dans les mon- tagnes dont les versants font partie de la formation de calcaire moderne que nous venons de décrire. Dès les premiers temps de la conquête , la recherche des métaux utiles fixa l’attention des Européens. En débarquant sur cette terre jusqu’alors inconnue, l’or excita la cupidité des conquérants du nouveau monde : ce précieux métal vint frapper leurs regards 5 ils le virent porté par les Indiens, qui en faisaient leur parure 5 ils le trouvèrent disséminé sur les rochers ou répandu en forme de sable brillant sur les rives des fleuves. Christophe Colomb en parle fréquemment , et les his- toriens contemporains se sont bien plus attachés à détailler prolixe- meut les différentes découvertes de cet or si envié, qu’à décrire des événements plus importants et sur lesquels ils ont rarement sa- tisfait la curiosité des lecteurs. Il est probable que l’exploitation de l’or, dans les îles nouvelle- ment découvertes, se limita d’abord au simple lavage du sable dans lequel ce métal se trouvait mêlé. Toutefois , on ne tarda guère à tirer profit des mines d’or, dont l’existence fut dévoilée par les In- diens, puisque, d’après les documents que nous avons eu occasion de consulter, le droit de quint de la fonte d’or, qui avait déjà eu lieu dans la ville de Caparra de l’île de San Juan (Puerto Rico), le 26 octobre 1510, par ordre du gouverneur Juan Ponce de Léon, rapporta au roi 2,645 pesos (1) 4 grains, et que la fonte du 22 mai 1511 produisit 3,043 pesos 5 tomines et 6 grains (2). Déjà, à cette même époque, on fondait de l’or dans l’île Espagnole, et probable- ment aussi dans celle de Cuba. Bien que nous n’ayons pu vérifier la date des premières fontes de cette dernière île, nous lisons dans une note de l’or remis en Espagne et expédié de Saint Domingue, en 1512, un article ainsi conçu ; « L’or bas, venu de Cuba par le nav^-e arrivé le 21 novembre, au titre de 15 carats, a été es- timé à 20 maravedis et 4 coronades chaque carat, c’est à dire à 310 maravedis le peso, et a produit une valeur de 162 pesos 3 grains. )) Diego Yelasquez, dans une lettre qu’il écrivit à leurs majestés le 1" avril 1514 (3) , faisant mention de sa tournée dans l’île de Cuba , dit avoir examiné des échantillons de l’or qu on (1) Le peso vaut { gros ou d’once; il est représente par une monnaie d’or de la valeur d’environ 5 francs. (2) Bordereau manuscrit des fontes faites dans l’île de San Juan , lusqu :i l’année i525-i526. Séville. {Bihlioth. de M. H. Terneaux.) ( 3 ) Voy. V Appendice à la partie politique, n° i. 112 GEOGRAPHIE. tirait de la province de Guamahaya, et qu’il en avait aussi obtenu de celui que les Indiens rencontraient dans certaines rivières, par- ticulièrement dans le voisinage du port de Jagua. Ces découvertes rengagèrent à demander les instruments nécessaires pour pouvoir en retirer une grande quantité. Mais, à cette époque, l’exploitation des mines était déjà en train , et l’on avait même commencé à introduire des nègres pour les employer à ce travail (1) , comme nous le ferons observer avec plus de détails dans notre chapitre sur la population. Voici le résumé des notes relatives à la fonte de l’or et aux en- vois en Espagne de celui provenant de l’île de Cuba. Ces documents sont tirés d’anciens manuscrits ou d’extraits inédits dressés par D. J. Bapt. Munoz. Lel"" août 151 5, le gouverneur et les employés du roi rendirent compte des produits de la fonte du 18 avril au 21 mai et dont ils envoyèrent à S. A. 10,000 pesos d’or fin et 2,437 pesos 8 grains d’or bas (2). Le 11 août 1517, ils expédièrent 6,000 pesos par le navire de Cuba commandé par le capitaine Gonzalo de Gusman. La lettre fait mention, en outre, de 15,000 pesos envoyés de l’île Espagnole, et les deux navires chargés de ces trésors arrivèrent en Espagne dans les mois de novembre et de décembre. Le 8 mars 1518, la caravelle espagnole arriva avec l’or de Cuba, qui fut estimé à 4,998 pesos et 4 tomines. Les 1 3, 14 et 17 avril de la meme année, les différentes remises faites par divers bâtiments venus de Cuba s’élevèrent à 9,947 pe- sos et 2 tomines. Le 5 mars 15 18, Pasamonte expédia de l’Espagnole 5,000 pesos d’or de Cuba, qui arrivèrent à la Péninsule le 28 juin de la même année. Le 1 1 octobre, la caravelle espagnole de Cuba en apporta pour 6,333 pesos. Le 31 mai 1519, on reçut 4, 000 pesos provenants du | et du^de l’or fondu (3). En juin et en juillet, on en envoya encore 8,000 pesos, qui, joints aux précédents, font 12,000 pesos; plus 9,000 expédiés le 5 sep- tembre ; le tout provenant, jusqu’à la somme de 25,581 pesos, du | (1) Cedule royale pour l’introduction des nègres, du p .2 juillet i5i3. ( 2 ) Voy. V Appendice, II. (3) Voy. V Appendice, V. GÉOGRAPHIE. 113 (lu produit de cette même année, qui s’élève à 104,958 pesos, outre 7,212 exploités par les Indiens pour compte du roi(l). En 1521 , on fit une autre fonte qui rendit 42,000 pesos d’or fin, et plus de 6,000 d’or bas (2). Le 27 juillet 1523, 4,000 pesos d’or de Cuba, apportés par Isa- saga , arrivèrent à Séville , avec des fonds de Porto Rico. Dans le mois de juin de l’année 1527, la relation fait mention d’une autre fonte d’or de Cuba , qui produisit 1,935 pesos d’or fin et 493 d’or bas (3). Le 17 mars 1528, on reçut la nouvelle d’une autre opération et la remise de 4,000 pesos d’or fin. La lettre d’avis annonçait, en outre, le prochain envoi de 250 pesos (4). Une lettre de Gonzalo de Guzman , en date de Santiago de la Fernandina , le 8 mars 1529 (5), et adressée à l’empereur, traite de la fonte qui se faisait alors , la moins forte de celles qui eurent lieu dans Tîle pendant cinq années, attendu qu’on n’avait dé- couvert aucune nouvelle mine. C’est sans doute à cette fonte qu’il faut rapporter les 1 1,420 pesos d’or fin de Cuba, les 89 pesos d’or bas et les 2,375 pesos d’or de refonte, dont Lope Hurtado fait men- tion sous les dates du 20 mars 1 529 et du 1 6 août 1 530 (6). En novembre 1531, on envoya 1,450 pesos par Gonzalo de Guzman, et 4,000 le 12 février 1532 (7). On donnait avis de 4,000 pesos expédiés par un navire prêt à mettre sous voile, et 6,000 pesos de plus , qui devaient être remis plus tard. Tout cet or provenait de nouvelles mines très riches , récemment découvertes , et qui , en cinq mois , rendirent 50,000 pesos (8). La fonte générale avait commencé le 28 janvier 1532 , et fut terminée le 6 mars. Depuis le 13 avril 1531 jusqu’au 9 mars 1532 , les droits de la couronne qu’on percevait sur les mines en exploitation produisirent 19,855 pesos d’or fin et 698 d’or bas (9). Dans le mois de janvier 1533, 2,000 pesos furent expédiés de Cuba; le 27 du même mois, on en envoya 9,000, et 8,000 le (i) Voy. V Appendice, VI, VII, X. (2) Id., XI. (3) Id., XIX. (U Id., XVII. (5) Id., LUI. (6) Id., XXVI. (7) Id., XXXIII (8) Id., XXXII. ( 9 ) Id., LX. GEOGRAPHIE, 8 GEOGRAPHIE. 114 14 juillet 5 plus, 4,000 le 4 août, qui partirent de l’île Espagnole, et 1,637 le 23 septembre. Ces renseignements sont extraits du registre général tenu à Séville de l’or provenant des Indes, et dont le total s’éleva à 68,956 pesos pour l’année 1533. Du 10 juin 1532 au 6 mars 1533, le trésorier encaissa, pour droit des mines, 7,276 pesos d’or fin de Cuba et 187 pesos d’or bas (1). Le 3 mars 1534, la caravelle deCuba apporta la valeur de 2,083 pesos d’or 3 le 7 novembre, le secrétaire général des mines fit re- mise à sa majesté de 2,797 pesos (2) j le 14 décembre , la caravelle espagnole arriva avec 3,274 pesos de la même île (Cuba) , et la somme totale de cette année s’éleva à 56,028 pesos. La fonte de 1535 produisit au roi 4,050 pesos (3). Il résulte donc de ces diffé- rentes annotations un total de 260,000 pesos d’or expédiés de l’île de Cuba depuis l’année 1 515 jusqu’en 1 534 j mais, comme tous les bordereaux n’ont pas été conservés , ce chiffre ne représente guère qu’un minimum des remises. Les fontes que nous avons citées ne sont pas les seules qui auront été faites dans cette colonie pendant les années énoncées , et il est probable qu’il n’y eut pas d’interruption. Les députés des villes se réunissaient à cette époque dans la cité de Santiago, où la fonte avait lieu et y trai- taient de tout ce qui intéressait la bonne administration de l’île 3 on en trouve la preuve dans les ordonnances royales expédiées de Tolède le 15 janvier 1529 (4). La députation des villes formait ainsi une espèce de conseil colonial, analogue aux cortès de la métropole. D’après les ordonnances , il était perçu un droit de ^ sur l’or exploité par les Espagnols et les Noirs , et | sur celui exploité par les Indiens, bien qu’en 1521, l’épidémie de l’année précédente ayant fait mourir un grand nombre d’indigènes , Sa Majesté se contenta du droit de pendant huit ans (5). Dans le rapport de Manuel de Rojas, qui fut chargé, en 1533, de visiter l’intérieur de l’île , il est fait mention des réclamations des habitants , relatives à la demande du droit de 7^ sur l’or exploité par les Indiens , et de sur celui exploité par les Noirs , à perpétuité (6). Dans une lettre de Lope Hurtado, adressée à l’empereur (7), il est dit expres- (i) \oy. Vyfppendice, LXI. (2) id.. LXIII. (3) id., Id. W Id., XXV. (5) Id., XX vu. (6) Id., LXXV. n) Id., LXXVIII. GEOGRAPHIE. 115 sèment qu’il est impossible de supporter le droit de , et que, si l’on obtenait celui de l’on encouragerait un grand nombre de spé- culateurs. L’or qu’on expédiait des grandes Antilles pour la Péninsule était affiné à Séville : on lit dans un livret des archives de l’an- cienne maison de la contratation de Séville (1) une description fort curieuse de la méthode en usage dans ces sortes d’opérations; nous la rapporterons ici littéralement. « On donnait l’or à battre » en feuilles pour le faire fondre {meter en cimiento). Cet or don- » nait toujours du déchet après avoir été battu , soit parce qu’il )) était aigre, soit parce qu’il se trouve mêlé ordinairement avec » du gravier et du gros sable qui le faisaient éclater et rompre sous )> le marteau. Le fait est qu’on trouvait toujours du déchet dans )) celui des Indes , ce qui n’arrivait que bien rarement avec l’or » de Barbarie. C’est pour cela qu’on décomptait aux batteurs en )) feuilles un huitième d’once sur cinquante marcs. On fondait l’or » pour l’adoucir ; ensuite on le mettait en cendrée (en cendrada) )) et on le séparait par le moyen de l’eau. Il y avait de l’or qu’on )) ne pouvait forger , et alors on le fondait. Ordinairement on )) l’affinait par la fonte en creuset (^affinar por cimiento en ollas) -, » puis, on le passait au vinaigre et on le lavait avec des brosses de » poil de sanglier. L’or aigre s’adoucissait en l’alliant avec un » peu de cuivre, et dans les fontes d’alliage ou d’affinage on mêlait » une certaine quantité de sublimé. Un marc et | d’or aigre en » grains acérés (en granos acerados\ avec une autre partie de gre- » naille, se mettait en cendrée avec une certaine quantité d’argent )) qu’on séparait ensuite avec l’eau-forte, car il était toujours mélé » avec des débris de roches dures qui résistaient au marteau. En » le retirant de la cendrée , on le fondait, mêlé avec l’argent , et » on en faisait de la grenaille qu’on séparait avec l’eau-forte ; on )) mêlait à cette grenaille, pendant la fonte, | d’or provenant de la » cendrée ; puis , séparé par l’eau-forte , on fondait le meilleur et )) le plus net , et ce qui restait de mauvaise grenaille était remis » en cendrée , etc. » Dans le contrat que l’on passait avec le changeur, il était stipulé qu’il aurait à sa charge l’affinage et toutes les autres opérations ; la paye des ouvriers monnayeurs, avec les 40 ducats que le trésorier (i) On conservait, dans la maison de la contratation, le registre de l’or qui était destiné au monnayage par les employés de l’administration , de l’année 1607 jus- qu’en i 5 i(). GEOGRAPHIE. 116 de la monnaie donnait au roi pour supplément de frais, etc., et quelques autres profits en faveur de la couronne. Il devait rendre 466 maravedis en or monnayé pour chaque peso reçu en matière, au titre de 22 carats au moins, et on lui tenait compte de la re- fonte, lorsque la monnaie ne sortait pas au titre voulu. Les em- ployés furent obligés plus tard à rendre l’or à 22 carats et demi , ou bien à le refondre. Chaque carat d’or à ce titre valait 20 mara- vedis et 4 coronados ou bien 5 maravedis et un coronado chaque grain. Il est question , dans le registre que nous avons cité plus haut , du monnayage de l’or qu’on recevait des Indes. D’après les divers renseignements qui s’y trouvent annotés, il paraît que l’or fin au titre, et prêt à être frappé, valait 65 ducats et demi le marc j mais, comme il est dit autre part que chaque marc ne valait que 50 cas- tillans, il résulte, en comptant le ducat à 375 maravedis, que chaque castillan égalait 491 maravedis. Le cuivre, que les conquérants rencontrèrent aussi dans les grandes Antilles, fut exploité dès les premiers temps de la décou- verte. Les documents que nous avons eus sous les yeux nous font soupçonner que l’exploitation des mines de ce métal commença d’abord dans l’île de Saint-Domingue, et qu’elle n’eut lieu à Cuba que quelque temps après. Nous trouvons, en effet, qu’en janvier 1505 l’empereur envoya au gouverneur Ovando une caravelle chargée de tous les instruments nécessaires à l’exploitation , et que ce bâtiment était commandé par le capitaine Juan Bermudez de Palos, et monté de dix-sept nègres esclaves pour travailler aux mines de cuivre de l’Espagnole (1). Les envois d’esclaves continuèrent les années suivantes, comme on le verra au chapitre de la population. Le cuivre apporté à Sé- ville était d’excellente qualité , et, pendant le séjour de l’empereur à Bruxelles, il expédia, le 2 avril 1532, une autorisation pour l’exploitation des mines. Il paraît que cette permission était solli- citée depuis longtemps , car on lit dans une lettre adressée à Char- les-Quint, sous la date de Santiago de Cuba, le 16 septembre 1530 (2), par Gonzalo de Gusman, un passage ainsi conçu: « Pour ce qui concerne les montagnes de cuivre (la sierra del (i) Registre des titres et brevets des employés de la contratation de Séville, depuis i 5 o 3 jusqu’en 1679 ( archives de la contratation de, Cadix). (a) Voy. VAppendice, XXIX. GEOGRAPHIE. 117 Cabre) ^ il faudrait nous envoyer des maîtres ouvriers avec tous les ustensiles nécessaires et en usage dans les mines d’Allemagne, et autoriser l’exploitation en payant la dîme à votre majesté. » — En mai 1532, les employés du roi écrivaient encore, attendant toujours le maître ouvrier avec les soufflets de forge et les instru- ments pour l’exploitation du cuivre, car tous les colons désiraient se livrer à ce travail (1). Enfin il est question d’une ordonnance royale par laquelle l’exploitation était accordée pour dix ans et plus, selon la volonté. Les mines de cuivre du district de Santiago furent donc exploi- tées pour le compte de l’État, jusqu’à ce qu’on en fit cession par contrat à des particuliers. Nous avons trouvé sur ce sujet des ren- seignements curieux, dans un mémoire inédit sur la minéralogie de l’ile de Cuba, écrit à la Havane , en 1802 , par D. Francisco Ramirez, éléve de Proust , et agrégé à l’expédition du comte de Mopox y Jaruco. Nous extrairons de cet intéressant document toutes les notices qui pourront contribuer à illustrer cette partie de notre ouvrage. Le premier possesseur de mines, dont il est fait mention, fut un certain Hernando Nunez, auquel le roi en fit la concession Pan 1599 , époque de l’arrivée à Cuba du capitaine D. Francisco San- chez de Moya , chargé des pleins pouvoirs de S. M. , pour recon- naître les mines del’île. Moya commença, en effet, son inspection, et passa contrat pour 5,000 piastres fortes. Gu continua leur ex- ploitation, avec succès et grand profit, jusqu’à l’année 1 620, en exécutant tous les travaux nécessaires. Alors leur valeur fut portée à 30,315 ducats, y compris tout le matériel et cent cinquante es- claves employés. D. Juan Eguiluz consentit à payer cette somme en divers placements, et donna 53,000 piastres fortes comptant. Eguiluz s’obligea à livrer aussi deux mille quintaux de cuivre au prix de 9 ducats chaque quintal (2) , et conserva la possession des mines jusqu’à sa mort, qui eut lieu dans le courant de l’année 1638 ; et comme, à cette époque, il restait débiteur de 30,000 du- cats, la trésorerie royale séquestra les mines jusqu’en 1648, qu’elle en fit remise à D. Francisco Salazar y Acuna, gendre d’Eguiluz, qui consentit à payer la dette de son beau-pére. Il commença , eu (1) Voy. l’appendice, XXXII. ( 2 ) D’après l’ordonnance royale, en date de Madrid, le 7 mars i63o, et citee pai D. Félix de Arrate. Voy. Memotias de laseccion de historia delà R- soc. Pal. de la Hahana. i83o, pag. 16 . 118 GÉOGRAPHIE. effet, ce paiement en livrant 1,900 quintaux de cuivre et quatre pièces d’artillerie qui furent fondues sur les lieux j mais, malgré cela, les mines furent séquestrées de nouveau en 1668 , d’après l’ordre transmis au gouverneur pour faire rendre compte à Sala- zar, qui resta débiteur de 15,000 piastres, et mourut ensuite sans avoir pu payer. Les travaux étant restés suspendus jusqu’en 1701 , le roi en- voya alors le capitaine {de mar y guerra), D. Francisco de Seijas y Lobera, pour reconnaître l’état des lieux. Le rapport de ce com- missaire fut des plus favorables : il trouva les mines fort riches, et le minerai mêlé d’or et d’argent j il informa, en outre, S. M. de l’existence d’autres mines qui étaient même encore inconnues au commencement de ce siècle. Malgré l’importance du rapport de Lobera , on ne prit aucune mesure pour l’exploitation jusqu’en 1779 , que les héritiers de Salazar adressèrent une pétition au roi sur les droits qu’ils avaient acquis, et en 1782 ils obtinrent l’or- dre de réintégrande et la remise de 841 esclaves ( 1 ). Toutefois il paraît que cet ordre ne fut pas suivi de l’exécution, du moins pour ce qui concernait les terrains et le matériel en ustensiles, de ma- nière que les mines restèrent abandonnées jusqu’en 1802, èt ce fut alors que D. Francisco Ramirez eut ordre de les explorer. A partir de cette époque, une compagnie composée d’Anglais et d’Espagnols se chargea de l’exploitation , extrayant simplement le minerai et l’exportant en Angleterre, où il était fondu et affiné. Nous ne connaissons pas le chiffre des produits de ces dernières années , mais tout porte à croire qu’il a été très élevé et que la compagnie a retiré de très grands bénéfices , si l’on en juge du moins par les franchises que la surintendance lui a accordées -, car on lui a permis d’exporter le minerai libre de droit pendant dix ans , et d’introduire de la même manière les machines et les usten- siles nécessaires à l’exploitation. Les mines indiquées par les habitants du pays sont au nombre de dix j mais cette dénomination de mine ne peut leur être géné- ralement applicable, et du reste le nombre ne paraît pas exact. Quoi qu’il en soit , nous les rapporterons ici. D’abord Charco hondoj mine de sulfate de fer ou de couperose, située sur une col- line de terre argileuse , dont la base est arrosée par une petite (i) Il y a peut-être erreur de chiffre dans la copie du ine'inoiie que nous avons consulte. GEOGllAPIIIE. rivière qui peut faciliter l’extraction du minerai. Ensuite mina Blanca , mina de la Fuente , mina de las Lechuzas , mma de Lin- dran, qui furent toutes exploitées anciennement; mina de la Ma- dalena et mina de Aranzibia j excavations qu’on a fini par combler ; enfin celle dite Arroyo de las minas , la seule qui contienne des py- rites ferrugineuses enclavées dans un schiste terreux. De toutes ces mines , il n’y eut que celle de las Lechuzas qui fixa l’attention de D. F. Kamirez, en 1802, car elle paraissait beaucoup plus riche que les autres , et l’on reconnaissait qu’elle avait été l’objet déplus grands travaux. On voit au nord du vil- lage un morne d’environ quarante vares de long, traversé d’un bout à l’autre par une vaste galerie de treize vares de hauteur sur une largeur de cinq environ. Le minerai est un oxyde rouge de cuivre natif, avec carbonates bleus et verts. La gangue est for- mée d’un schiste saupoudré de sulfate de cuivre. L’oxyde rouge natif constitue une des plus riches variétés , qui a rendu facilement jusqu’à soixante et quinze pour cent de métal. Les carbonates, pou- vant se fondre avec une grande promptitude , sont exploités par la population pauvre de ce district , qui emploie des instruments grossiers et n’a pour elle que sa routine. Non loin de la galerie de las Lechuzas , on en avait ouvert une autre anciennement à travers un morne voisin, et d’où l’on retirait les mêmes produits. Ces galeries sont les seules qui ont résisté au grand tremblement de terre du 11 juillet 1766 ; toutes les autres furent détruites de fond en comble et envahies par les éboulements. Toutefois , même après ce désastre , les femmes retiraient encore le minerai du sein de ces ruines , et, lorsqu’elles en avaient recueilli une certaine quantité , elles le brûlaient, puis l’éteignaient avec de l’eau, afin de pouvoir le triturer avec plus de facilité. Cette opé- ration s’exécutait avec deux pierres , et après l’avoir réduit en poudre, les hommes le faisaient fondre au milieu d’un brasier de charbon , puis ils lavaient les cendres et ramassaient la grenaille qu’ils fondaient une seconde fois dans des creusets en forme de parallélipipède et de la capacité de 25 livres. Ces mines occupent une très grande étendue de terrain et sont extrêmement riches. On trouve , à une très petite profondeur et même dans le sol du cimetière du village , des masses homogènes du poids de plusieurs arrobas (1). Ou y recueille aussi de l’ocre (i) L’arroba vaut 26 livres. 120 GEOGRAPHIE. rouge, qu’on emploie dans les peintures communes j et, dans les rues du village, on découvre des veines de sulfate de chaux ou de gypse, ce qui est généralement assez rare dans Pile de Cuba, à moins qu’on ne le tire des cayes ou des îlots situés près de la côte, où il est, au contraire, très abondant. Voici, en résumé, les autres substances minérales que D. Fran- cisco Ramirez a rencontrées dans son exploration de la bande orientale : ^ Petits cristaux de quartz isolés dans une terre argileuse très chargée d’oxyde de fer. Peroxyde de manganèse à rognons, à demi -quart de lieue de distance de Santiago del Prado , dans une veine superficielle qui traverse le chemin et se prolonge au loin dans la forêt. Ce minéral contient un peu de cuivre. Le village del Caney , situé à deux lieues de la cité de Cuba, est fondé sur une roche de schiste blanc qui se prolonge au nord. On trouve plus loin une terre rouge, qui provient de la décomposi- tion du môme schiste , et qu’on peut suivre jusque sur les bords d’un ruisseau où Ton rencontre un grand nombre de pyrites cu- biques très brillantes disséminées dans les roches schisteuses. Le lit du torrent est rempli de fragments de porphyre violet et vert, de granit rose mêlé de mica noir et de quartz roulé, en abondance. Tous ces débris proviennent des montagnes inaccessibles et proba- blement primitives qui dominent la contrée. Les colons de ce district assurent, par tradition, que les Indiens retiraient beaucoup d’or du ruisseau dont nous avons parlé, et d’un autre voisin qui ne coule qu’en temps de pluie. D. Francisco Ramirez cite encore une mine de fer de la variété que les Allemands appellent Eisenram , ou fer micacé 5 elle est si- tuée dans la montagne de Canasi, près de Caney. La mine est parsemée de carbonate de cuivre bleu et vertj l’essai n’a donné que ^ pour 100 de métal j et, comme le minerai contient de la plombagine, il est ordinairement très aigre. Le terrain des col- lines circonvoisines, nommées Peladas de Canasi ^ est un schiste calcaire , granulenx , avec beaucoup d’hématites magnétiques et tuberculeuses, mais de qualité inférieure à celles de la mine de las Granadillas. Celle ci est située à six lieues au nord de Cuba, et doit s’étendre jusqu’à la mer, car, d’après le rapport des pilotes , les boussoles éprouvent de grandes variations, lorsque les bâtiments s’approchent de ce parage. GEOGRAPHIE. 121 On trouve aussi des hématites magnétiques à deux lieues de Cuba, et plus loin on rencontre un granit semblable à celui des monta- gnes de TEcorial. Dans ce même endroit , il existe un terrain de schiste que les habitants appellent tihe, et qui sert de pierre à aigui- ser. Le chemin continue ensuite présentant toujours les mêmes caractères, toutefois les fragments de granit roulé se montrent plus grands et plus nombreux -, puis, après avoir dépassé Vhacienda de la Jaragua, on trouve une autre variété de la même roche avec le feldspath presque pur. On traverse ensuite des coteaux comme ceux de las Peladas de Canasi^ dont le sol est couvert de granit et d’hématites magnétiques, qui font varier fortement l'aiguille ai- mantée dans toutes les directions. A une petite distance de là, on gravit un autre coteau couvert de grenadillos (Brtja ehenus) , où se trouve la grande mine d’aimant qui étend ses ramifications dans tous les environs. Le minerai, qu’on commence à découvrir à la surface du sol, provient d’une terre argileuse très chargée d’oxjde de fer, en morceaux de deux ou trois livres, quelquefois plus grands, et en général de forme rhomboïdale. Ce minerai est très cassant dans son état naturel , mais il est facile d’en tirer parti quand on veut l’armer pour éprouver sa vertu magnétique, car il se fend toujours dans le même sens comme les ardoises. Sa couleur est grise, son action attractive est faible pour supporter un poids , mais elle agit avec force sur l’aiguille , même à une assez grande distance. Dans tous ces alentours , on rencontre des schistes blancs ferrugineux qui se décomposent promptement à l’air libre. En se rendant par la route de Cuba à la superbe baie de Guan- tanamo , on traverse d’abord une petite enceinte de collines appe- lée Puerto de Guaninicù^ où l’on trouve des veines de schiste vert compacte, et plusieurs fragments de jaspe bigarré. On ne ren- contre plus ensuite dans ces environs, sur un espace assez étendu, que des schistes blancs presque terreux , qui continuent à se mon- trer jusque dans le voisinage de la baie, où ils disparaissent entière- ment, et sont remplacés par des formations de calcaire moderne remplies de pétrifications animales. Ce calcaire va en augmentant jusqu’à la côte, où les roches forment une masse compacte de fossiles. A quarante lieues au nord de Cuba, et vers le centre delà partie orientale de ce district, jusqu’auprès de la ville d’Holguin, la route n’offre rien de bien remarquable ; mais au port dcl Isleno , à trois heures de marche de Cuba, commence un (errain de schiste gra- GEOGRAPHIE. 122 nuleux , qui continue , présentant le même caractère, jusqu’à trois lieues avant d’arriver à Holguin. On découvre alors une formation gypseuse, qui s’étend jusqu’aux environs de la ville, où le gneiss se montre de nouveau avec des fragments de granit. A l’entrée d’Holguin, se présente une vaste plaine de terre rouge très char- gée d’oxyde de fer avec des hématites magnétiques. Holguin, un des anciens centres d’exploitation , fut un district renommé pour ses mines d’or et d’autres métaux. Le cuivre abonde à la surface du sol. Nous avons classé de la manière suivante les échantillons que nous possédons, et qui furent re- cueillis en 1835 et 1837 : 1° Serpentine commune, vert clair, avec des veines noires; 2° Quartz en masse, blanc, compacte; 3“ Quartz cellulaire, coloré par l’oxydation du fer; 4° Fer oxydé, terreux, pulvérulent; 5° Fer hydraté plus ou moins endurci par la matière siliceuse mêlée avec un peu d’hydrate de cuivre siliceux ; 6° Cuivre sulfureux et fer pyriteux magnétique , dans une gan- gue de serpentine ; T Cuivre oxydé compacte et terreux, traversé par des veines fines de cuivre carbonaté verdâtre; 8° Cuivre natif en masse assez considérable , en forme de pla- que rongée à la surface; 9“ Cuivre carbonaté , vert-terreux (1). D. Francisco Ramirez ne put trouver dans cette contrée ni la mine de plomb, ni celle d’antimoine , dont on lui avait signalé l’existence. La même assertion nous fut donnée à la Havane par des colons de la partie orientale , assez bons connaisseurs de miné- raux ; on nous a montré même un échantillon d’antimoine com- pacte, avec de l’arsenic, mais nous ignorons sa localité. Pour ce qui concerne l’or, la grande excavation que l’on prati- qua , en 1770 , n’eut aucun résultat fructueux; mais on en trouve toujours dans les ruisseaux qui descendent de ces monta- gnes. Il est sans doute fort remarquable que, depuis deux siècles , on ait perdu la trace des mines qui existèrent indubitablement dans ces environs, puisque l’or qu’on exploitait, au commence- (i) Nous sommes redevable de la détermination de nos minéraux de Cuba a la complaisance de MM. Cordier et Berthier, membres de l’Institut royal , le premier professeur au Muséum d’histoire naturelle , et le second à l’Ecole des Mines. GEOGRAPHIE. 123 ment du xvi« siècle et dont nous avons parlé plus haut, ne prove- nait pas de simples lavages, mais de gisements bien reconnus, d’où il était extrait pour être fondu, avant de l’expédier en Espagne. Le bitume minéral ou l’asphalte, si abondant dans différents en- droits de l’île, où il est connu sous le nom de Chapapote^ se trouve aussi à quatorze lieues d’Holguin, entre Santa Barbara et Mania- bon. On aperçoit, sur une surface d’un quart de lieue, de grands amas de ce bitume qui découle des crevasses d’une roche de magné- sie. Lorsque cette substance s’est solidifiée , les eaux des torrents l’entraînent dans un ruisseau que les habitants de ce district ap- pellent el Arroxjo de la Brea , le ravin de la braie. Les échantillons de roches que nous avons recueillis dans la partie orientale de l’île (district de Baracoa) sont les suivants : 1 . Oxyde de fer compacte magnétique. 2. Fer chromaté lamellaire , essentiellement magnétique. 3. Hydrate de fer brun magnétique. 4. Fer granuleux en masse , en partie lamellaire, non magné- tique. 5. Scorie ferrugineuse lamellaire , très magnétique, qui pro- vient probablement des anciennes fontes de cuivre. En se dirigeant au nord-ouest, vers le centre de l’île , où est située la ville de Puerto Principe, les forêts que l’on traverse em- pêchent de reconnaître la nature du sol jusqu’à Aguara; mais, en arrivant dans cet endroit , on rencontre beaucoup de calcédoines et de quartz cristallisés dans un terrain de magnésie et pierre ollaire. A partir de là jusqu’à la ville de Puerto Principe, on ne voit que la terre végétale presque partout inculte et déserte. Les ruisseaux qui coulent dans ces environs charrient des grains d’or de même que ceux d’Holguin. On trouve aussi quelques mines de cuivre , dont une, à demi-lieue de la ville, fut exploitée vers la fin du der- nier siècle et abandonnée bientôt après. Elle donne un carbonate de enivre bleu et vert. A dix lieues plus loin , dans la direction de Nuevitas, il existe une autre mine, dont on extrait quelque peu de métal, et sur l’habitation {hacienda) de S. Antonio, à huit lieues de distance , on voit une source d’asphalte. De la ville de Puerto Principe à celle Sto Espiritu , on traverse une immense plaine couverte de forêts et dont le sol est entièrement inconnu} toutelois on trouve, sur l’emplacement de cette dernière ville, des veines de granit qui révèlent les formations primitives I2'f GÉOGRAPHIE. existantes dans différentes localités de File, et qu’on découvre parmi les terrains modernes secondaires du littoral. On voit aussi une mine de cuivre à trois quarts de lieue de distance du coteau de la Catalina, et une autre à quatorze lieues de la ville. Ces deux mines ne sont pas exploitées ; le curé de la Catalina a fait extraire de la seconde une petite quantité de minerai pour fondre une cloche. Il est fait mention aussi d’un terrain situé sur l’habitation de Mana- cos , d’où l’on a retiré de l’or à plusieurs reprises. A partir delà, le sol commence à s’élever, et l’on aperçoit les formations primitives de granit qui dominent au dessus de Villa Clara ; on trouve ensuite la serpentine ou silicate de magnésie grise et folliculaire; puis, de distance en distance, des grands bancs de gneiss tendre et ardoisé. Les coteaux d’Escambray, si riches en mines, paraissent taire partie d’une formation entièrement primitive, qui doit dominer dans le centre de l’île, d’après les renseignements que nous avons obtenus, et l’examen de différents échantillons de roches qu’on nous a envoyés. Le granit en masse abonde dans les endroits ou l’on trouve le schorl en aiguille, ordinairement verdâtre, en pris- mes aplatis , formant une masse très fragile , avec du silex corne noirâtre contenant une multitude de petits cristaux de pyrite. Il existe aussi des filons d’une roche calcaire saccharoide, qui ex- hale, en la frottant, une odeur forte d’hydrogène : on trouve en- core du gypse blanc saccharoïde , et dans les districts qui avoisi- nent Trinidad , en se rapprochant de la côte, du gneiss gris d’un grain menu, porphyritique , avec des cristaux de grenats et de psammite gris et rougeâtres, en petits grains, qui renferment Lssi des grains noirs ou verdâtres , difficiles à déterminer à cause de leur extrême petitesse. Notre collection de minéraux du district de Villa Clara pre sente les espèces et variétés suivantes ; 1 . Oxyde de cuivre, rougeâtre, en masse compacte ou lamel- laire mêlé avec du cuivre vert carbouaté et des parties de quartz blanchâtre. 2. Cuivre pyriteux , en partie décomposé et mele avec du quartz , pénétré de cuivre carbonaté vert. 3. Sulfure de cuivre irisé. 4. Carbonate de cuivre bleu mêlé avec du carbonate de cuivre vert. 5. Silicate de cuivre en rognons. GEOGRAPHIE. 125 6. Carbonate et oxyde de cuivre mêlé avec une petite partie de silicate de cuivre. 7. Malachite fibreuse en petits rognons, disséminée dans une argile jaune et blanchâtre. 8. Carbonate de cuivre vert, compacte, mêlé avec du sulfure de cuivre noirâtre. 9. Malachite radiée d’hydrate de fer brun , en masse. 10. Muriate de cuivre (ou sulfate) en masses fibreuses et cellu- laires. 11. Silicate de cuivre hydraté, compacte , vert, mêlé avec de l’hydrate de fer compacte et un peu résineux. 12. Hydrate de fer compacte, en masses cariées qui contiennent un peu de spath calcaire et du carbonate de cuivre vert fibreux. 13. Hydrate de fer compacte, brun , en masses cellulaires. 14. Oxyde de fer rouge, terreux, en masses cariées, friables, mêlé d’argile et de sable, et contenant, d’après l’analyse de M. Ber- thier, 0,095 d’argent et 1 ou 2 millièmes d’or. L’argent était en état de chlorure dans l’échantillon soumis à l’analyse. On a commencé, à plusieurs reprises, quelques petites exploita- tions dans les mines de cuivre d’Escarabray, mais les moyens pra- tiques mis en œuvre ont été très bornés. En 1826 , D. José Esca- lante annonça formellement l’existence de la mine d’oxyde de fer rouge (n° 14) comme mine d’argent, dont la propriété lui fut concédée d’après la loi organique des mines, en vigueur en Espa gne. Escalante possédait déjà des terrains fort riches en mines de cuivre qu’il avait exploités avec fort peu de ressources. A la même époque, l’annonce de ces nouvelles mines vint coïncider avec l’ar- rivée à la Havane de plusieurs mineurs émigrés et d’autres anciens employés aux mines de la Nouvelle-Espagne , qu’on accueillit à l’ile de Cuba avec cette franche hospitalité qui caractérise les habi- tants. Désirant mettre à profit leurs connaissances pratiques, ils commencèrent des essais dans les districts des mines, prenant con- naissance des anciennes carrières et découvrant de nouveaux filons. On organisa alors une compagnie d’exploitation avec un capital suffisant, et l’on débuta par bénéficier les minerais de fer et de cuivre à cause de l’argent qu’ils contenaient. Ce fut dans ces entre- faites que nous eûmes occasion de nous occuper de ces produits et d’appeler l’attention publique (l)sur l’importance que pouvait avoir (i) On peut voir les diflërents articles et les détails de l’analyse des mines GEOGRAPHIE. 126 pour la prospérité de l’île cette nouvelle branche d’industrie. L’a- nalyse de la mine n° 14 nous offrit alors les résultats suivants: Fer 67, 84 Argent 0, 48 Silex et alumine. ..... 9, 70 Pertes, eaux et gaz. ... 21, 98 100, 00 La séparation de l’argent que nous exécutâmes par le mercure, méthode qu’on devait employer pour l’exploitation en grand, peut servir à expliquer la différence de notre résultat de 48 millièmes avec les 95 trouvés par M. Berthier, qui a fait usage d’une méthode plus précise. Nous observerons, en outre, que deux analyses sur des petits échantillons de la même mine ne sauraient jamais présenter les mêmes résultats dans la proportion des substances amalgamées. Les minéraux de cuivre que nous éprouvâmes (1) furent ceux du n° 8, c’est à dire des carbonates de cuivre vert. Une variété ter- reuse nous donna les quantités suivantes : Sub-carbonate de cuivre hydraté.. 64, 5 Oxyde de fer 22, 5 Silex et résidu terreux 13 , O 100, 0 Autre variété compacte de la même espèce : Sub-carbonate de cuivre hydraté.. 56, 5 Oxyde de fer 13, 0 Résidu terreux 30, 5 100, 0 La mauvaise direction que l’on donna aux travaux et le manque de connaissances docimastiques parmi les individus qui se mirent d’argent et de cuivre, dans la collection du journal mensuel que nous avons publie'e à la Havane pendant quatre années, sous le titre èü Anales de ciencias, agricultura, comercio y artes. (i) Nume'ro de mai 1829 des Anales de ciencias , etc. GÉOGRAPHIE. 127 à la tête des exploitations furent cause du découragement qui remplaça bientôt le zèle qu’on avait manifesté au commencement de l’entreprise J, et de tous les désappointements et tracasseries qu’é- prouva le laborieux Escalante. Mais l’impulsion était donnée, et les germes d’industrie implantés sur un sol fécond ne devaient pas tarder à porter leurs fruits. C’est ce qui s’est réalisé peu de temps après notre départ de l’îîe de Cuba. Pendant le séjour que nous fimes aux États-Unis , nous nous trouvions à New-York lorsqu’il arriva dans ce port un bâtiment de Cuba chargé de minerai de cuivre d’Holguin , destiné à être fondu. Cette circonstance nous engagea à parler à différentes personnes de la richesse des mines de cuivre de l’île de Cuba et des profits qu’on pouvait en retirer. Nous eûmes la satisfaction d’être compris ; nos avis déterminèrent plusieurs capitalistes de Baltimore et de Philadelphie , et, dans le mois d’août 1835 , M. Tyson junior, s’aidant de nos conseils , en- treprit le voyage de la Havane , chargé de nos lettres de recom- mandation pour les principales autorités et pour notre ami Esca- lante. Nous ignorons les résultats de ses démarches j mais nous avons appris, depuis, qu’au commencement de l’année 1836 une association avait eu lieu entre le propriétaire des mines et deux chimistes américains , MM. B. Smith et H. Bradford , pour l’ex- ploitation delà mine de cuivre et d’argent de San Fernando, située dans l’endroit appelé Hoyo de Manicaragua^ dans la juridiction de Yilla Clara. Cette société avait obtenu de la surintendance les mêmes franchises que la compagnie de Cuba, et en moins d un an elle avait déjà réalisé la somme de 150,000 pesos. Cette donnée prouve suffisamment que l’exploitation s’est étendue sur une grande échelle, et qu’il en doit résulter d’immenses avantages pour ce district de l’île. La compagnie de San Fernando se propose de fonder, sur l’emplacement de la mine, une nouvelle colonie dont le noyau sera formé par cent familles (blanches) qu’on attend des pays étrangers. Le sol, jusqu’à Jaruco, est extrêmement ferrugineux, et l’oxyde de fer se rencontre en grains à sa surface , sur de grands espaces extrêmement fertiles , appelés Moco de Herrero et Tierra de Per- digon (terre de grenaille). Lorsque cette substance est en état de peroxyde , elle empreint d’une couleur rouge les champs de ces vastes contrées, où l’on a établi un grand nombre de cafeteries et de sucreries. La formation récente de calcaire domine dans toute la partie de GÉOGRAPHIE. la côte du nord de Cuba , et renferme dans sa masse de vastes ca- vernes remplies de stalactites calcaires, de pétrifications de mollus ques et d’un grand nombre d’incrustations de coquilles, dont on trouve les espèces analogues vivantes sur le littoral de l’île. Les cavernes les plus célèbres sont celles d’Fwmwn, près de Matanzas, et de Jaruco. Dans les districts de l’intérieur, et principalement dans la partie la plus étroite de l’île , on voit aussi un très grand nombre de ces grottes , surtout vers Madruga , Alguizar , S. Ma- rioset GuaDÎmar, dans lesquelles se submergent et disparaissent différentes rivières qui vont déboucher près de la mer du côté du sud , où elles s’étendent en immenses lagunes. Une formation primitive se montre de nouveau à Gnanabo, dans les environs de la côte du nord, à cinq lieues à l’est de la Havane, et paraît s’étendre jusqu’à ce port, où elle s’affaisse en formant une colline peu élevée entre les villages de Régla et de Guanabacoa. On trouve dans cet endroit des masses calcaires brunes disséminées, à menus grains saccharoïdes, passant à la texture compacte. Cette roche nous a semblé contenir du fer et de la magnésie ^ elle ren- ferme aussi quelques parties bitumineuses. On y remarque, en outre, des géodes siliceuses de différentes grandeurs, qui sont enclavées dans la masse calcaire, et qui, eu se désagrégeant, restent dissé- minées dans la plaine ou dans le canal des rivières adjacentes. Ces géodes sont très irrégulières j leur surface est tuberculeuse ^ elles sont formées de silex agatoïde, brun, gris et rougeâtre j l’inté- rieur est presque entièrement rempli de cette substance, en petits tubercules tantôt isolés et tantôt disposés par agroupements. Quel- quefois la cavité est tapissée de cristaux pyramidaux de quartz, ou bien elle renferme du bitume glutineux ou pisaphalte^ mais ni l’intérieur ni l’extérieur de ces masses indiquent qu’elles aient rem- placé des corps organiques. Il se détache de la colline primitive de serpentine et de quartz des fragmeats de jaspe et de calcédoine à rognons, contenant du bitume dans leur intérieur. Ou trouve aussi du cuivre et du fer dans cette formation, le premier en état de carbonate bleuet vert le second en état d’oxyde , grumeux et magnétique. L’autre extrémité de la colline, qui vient expirer sur la plage orientale du port de la Havane, fixa l attentiou du baron de Hum- boldt au commencement de ce siècle (1). Le fond méridional de in 8» aux régiom équiuoxiaUs , liv. X , ehap. xxy,„, p. .36 de l’édit. GÉOGRAPHIE. la baie , de même que la partie septeutrionale , est de lormatioii calcaire secondaire j mais vers la côte orientale du golfe de Régla et de Guasabacoa , tout le sol est de transition. En se dirigeant du nord au sud, on voit à découvert la siénitc, mêlée d’amphibole, en partie décomposée, avec quelque peu de quartz et de feldspath blanc rougeâtre, parfois cristallisé. Cette siénite alterne dans deux en- droits avec la serpentine. Vers le sud, celle-ci disparaît, tandis que l’autre continue à se montrer en collines de soixante et de quatre- vingts vares d’élévation qui se dirigentde 1 orienta l’occident. Cette roche se présente toujours fendue ; elle est d’un gris bleuâtre , couverte de dendrites de manganèse, traversée de veines d’asbeste et mêlée de diallage métallique, comme nous le noterons dans l’é- numération des roches de notre collection. M. de Humboldt, en annonçant la présence de cette substance dans la serpentine de Guasabacoa , a été le premier qui ait fait connaître son existence sous les tropiques. Les masses de serpentines sont aussi traversées par des filons de quartz fibreux de quinze à seize pouces d’épais- seur, contenant de belles améthystes et des calcédoines tuberculeuses et stalactites. On trouve au centre de ces filons quelques pyrites de cuivre, et le bitume minéral liquide, qu’on voit aussi dans les concrétions siliceuses, découle des fentes de la roche. La constitution géologique de ce groupe mérite une attention particulière , comme l’observe avec raison l’illustre voyageur que nous venons de citer ; l’isolement de cette chaîne de colline n’est pas moins remarquable que les filons qui la traversent , que leur connexion avec la siénite, et son apparition à travers la forma- tion madréporique. Cette dernière circonstance nous semble par- faitement confirmée le long des coteaux que nous avons parcourus jusqu’au rivage de la mer. Les échantillons qui en proviennent montrent que le bitume minéral a été injecté par une force inté- rieure, et ce fait est encore plus prouvé par la nature de la mine de lignite récemment découverte dans ces environs. La substance combustible s’aperçoit aux deux extrémités d’une excavation pro- fonde, de trente pieds carrés, qui a été ouverte j elle est renfermée dans une roche tendre, de couleur vert-jaunâtre, semblable à l’euphotide, dont elle paraît être une simple variété. Le filon com- mence immédiatement sous une légère couche de terre d’alluvion el suit une direction irrégulière, mais presque perpendiculaire -, il va ensuite en augmentant jusqu’à neuf pieds d’épaisseur. La ma- tière est disposée en bancs parallèles, horizontaux, d’un à qualrc GEor.RArim: . 130 GEOGRAPHIE. pouces d’épaisseur, qui traversent le filon. Quelques -uns de ces bancs ont été en partie bouleversés et ont perdu leur position horizontale, surtout vers les bords extérieurs, où ils sont légèrement recourbés. Sur les côtés du filon, les couches des matières carbonisées s’unis- sent ensemble par couple à quelques pouces du filon, comme si elles avaient été pressées de chaque bande. Alors la structure se trouve changée, et le charbon se divise facilement en polyèdres irré- guliers. La surface, une fois séparée dès bords, est lisse ou plutôt fibreuse et striée. Diverses ramifications partent du filon, pénètrent dans les petites fentes de la roche adjacente , et se dirigent toutes en divers sens, mais toujours vers la surface du sol. Cette particu- larité établit une différence notable entre cette formation de lignite et les mines ordinaires de charbou, puisque celle-ci n’offre ni cou- ches régulières stratifiées, ni la moindre trace de fossiles de végétaux ou d’animaux. C’est probablement une crevasse naturelle de la ro- che qui s’est remplie d’une matière carbonisée, et qu’on croirait avoir été lancée par une force instantanée. MM. Taylor et Clem- son (1) insistent beaucoup sur cette particularité, et s’en prévalent pour appeler l’attention des géologues sur le système qui attribue aux feux souterrains la formation de la serpentine èt de l’euphotide. D’après cette théorie, ces roches auraient été soulevées comme les granits dans un état de fusion. Si, en effet, l’on a lieu d’être surpris de voir un pareil terrain pénétré de bitume et de matières volatiles et inflammables , on ne doit pas être moins étonné de trouver ses crevasses pleines de la substance carbonisée qui aura sans doute été lancée sous forme boueuse du liquide. Mais toutes ces conjectures s’évanouissent, si , au lieu de considérer cette ma- tière comme un véritable charbon minéral , on la classe parmi les bitumes solidifiés, ce que semblent prouver d’une manière évidente les deux échantillons que nous avons reçus. Toutefois on ne sau- rait contester l’action intérieure du glohe dans la formation des collines de l’île de Cuba , action puissante qui a donné naissance aux Antilles volcaniques (2). La serpentine, qui domine dans ces collines, présente différentes variétés : tantôt elle est bleuâtre , homogène , les fragments sont empreints d’un vernis superfin, produit par le talc endurci ^ tantôt (1) Voy. la Description de cette raine dans le n“ de mai 1887 de la Bill. univ. Je Genève, trad. du Lond. andEdinh. Magaz., mars 1887. (2) Voy. Histoire physique des Antilles françaises, par M. Moreau de Jonnes, Paris, 1822. 131 (iÉüGUAPHlE. elle est traversée par des velues blanches de cette dernière subs- tance} d’autres fois on la trouve revêtue d’asbeste ou de silex rési- nite en rognons , ou bien elle est mêlée avec du diallage bronzé. On en rencontre aussi de plus ou moins décomposée et renfermant de petites portions de chrômure de fer ou bien encore en masses d’une apparence vitreuse , dure , de couleur vert obscur, produites probablement par l’altération de la substance primitive. Nous avons trouvé sur plusieurs points des basaltes noirs à grands cristaux de pyroxèneetde péridot, des basaltes cellulaires bruns, contenant aussi des petits cristaux de pyroxène et de péridot } des quartz calcédoines, en géodes de différentes formes, avec des cris- taux de quartz en pyramides } des quartz compactes bruns, en mas- ses irrégulières, cariées , et des silex communs, opaques, de cou- leur gris jaunâtre. Parmi les localités que nous venons de mentionner, on a observé différentes formations de substances combustibles et du bitume mi- néral en grande abondance. Le charbon de pierre existe près du village de Guanabo (1), sur la sucrerie de Tibolibo, et sur une autre habitation appartenant à D. Juaquin Garro. Les filons de cette mine sont superficiels } mais on ignore encore leur profon- deur et leur richesse. Depuis notre départ de la Havane, on a découvert, à trois lieues à l’est de la Havane et à deux lieues du village de Guanabacoa , situé sur la partie culminante de la formation magnésienne que nous avons décrite, une riche veine de charbon bitumineux, dont MM. R. Taylor et G. Clemson (2) ont donné la description. Bien qu’ils aient considéré cette veine comme un filon de charbon com- mun , elle n’offre pourtant rien de bien analogue , car on n’y voit aucune couche régulièrement stratifiée, ni la moindre apparence de fossiles d’animaux et de végétaux. C’est plutôt une crevasse naturelle de la roche , remplie de bas en haut d’une matière car- bonisée et lancée à la lois et instantanément. Elle est renfermée dans une roche argileuse , fragile , d’une coulenr gris sale , et qui, ou remplaçant la serpentine, alterne avec l’euphotide, si com- mune dans cette formation. La pesanteur spécifique de cette subs- tance est de 1, 142 , sa couleur est d’un noir de jais , d’un lustre fl) Voy. la notice que nous avons publie'e sur cette substance, en 1828, dans les Anales de ciencias, etc. (2) Lond, and Edinh. Magazine, mars 1887. - Bihliot. nnw. de Gencs'e , mai 1887. GEOGRAPHIE. 13-2 chatoyant. La fracture est horizontale et présente cette particularité unique d’un grand nombre d’anneaux de différentes dimensions , depuis un pouce jusqu’à un pied de diamètre , réguliers et unifor- mes dans leurs contours , lisses , brillants , conchoides et ressem- blant assez à l’impression que laisserait un vase sur de la cire noire. Cette substance donne beaucoup de flamme et de fumée par la com- bustion 5 elle se fond et se réduit en un coke léger et volumineux qui , étant brûlé , rend peu de cendres. L’analyse de ce combusti- ble a donné les quantités suivantes : Matière volatile 63, 00 Charbon 34, 97 Cendres et résidu 2, 03 100, 00 Les essais que nous fîmes, en 1828, sur le charbon de la veine de Guanabo, dont la pesanteur spécifique est de 1,18, nous ont offert des résultats beaucoup plus avantageux (1). Matière volatile.. . 28, 00 Charbon 60, 00 Cendres et résidu 12, 00 100, 00 Nous avons reçu tout récemment de la Havane divers échantil- lons des matières combustibles qu’on rencontre dans les districts de Guanabacoa et de Bajurayabo. Les unes appartiennent au pisas- pbalte solide qu’on rencontre dans plusieurs endroits de l’île en très grande abondance , et les autres sont de véritables lignites stratiformes, qui brûlent parfaitement et laissent pour résidu, non pas du coke , mais une bonne braise qui se consume et se réduit promptement en cendre à la seule température de l’air (2). Ces (1) Voy. le nume'ro du journal que nous avons déjà cité. (2) Nous avons examiné ces échantillons avec notre complaisant collègue M. Cordier ; la lignite ne peut servir à chauffer des chaudières , ni même pour la fonte ; mais on l’emploierait avec profit pour la fabrication de la chaux , du gypse, des tuiles et des briques, en la faisant brûler dans des fours sans grilles. Mais si la lignite de la mine n’est pas de la même nature, divisible au feu et en- tièrement sulfureuse après la combustion , comme celle que nous avons essayée, on pourrait s’en servir aussi pour chauffer les chaudières des bâtiments à va- peur, de même que sur les lacs de la Suisse on a déjà cessé d’employer celle tlécrite plus haut, à cause de sa nature friable et de son peu de consistance. 133 GÉOGRAPHIE. données font souhaiter des explorations plus minutieuses dans les mines de ces substances répandues dans l’île de Cuba^, car avec les lignites on peut rencontrer des grandes masses de charbon. Les terrains qui entourent la Havane ^ à l’occident et au midi , sont de formation très récente et identique avec ceux que nous avons indiqués sur la côte. On y remarque des agglomérations ma- dréporiques d’astéries et de méandrines avec des restes de coquilles d’espèces existantes qui appartiennent aux genres Vénus, Cardium, Cyprea, Lucina, Dalium, Modiolus , Ltthodomus , Pectenj Conus, Oliva, Spondylus, et à plusieurs oursins de mer des genres Clypeaster et Echinoreus , qui seront décrits dans les parties de cet ouvrage où nous traiterons de la Zoologie de Cuba. En suivant la côte du nord, dans la direction de l’est , on ren- contre d’autres sources de bitume liquide et des masses considé- rables concrétées. L’abondance de ce combustible avait appelé l’at- tention des premiers navigateurs, et on en trouve la preuve dans les descriptions prolixes du chroniste Oviedo (1). C’est à ce bitume qu’on attribue l’origine du nom de Carénas , que Sébastien de Ocampo donna d’abord au port appelé depuis la Havane, à cause du carénage des bâtiments qui venaient se radouber sur cette côte , et pour lesquels on employait le bitume minéral. En continuant à se diriger vers l’occident de la Havane , on découvre, à partir du méridien de Mariel, un terrain montueux qui s’étend parallèlement , en se rapprochant davantage de la côte du nord que de celle du sud , et qui offre les crêtes plus ou moins élevées dont nous avons fait mention. Ce sont les points culmi- nants de la chaîne principale {Sierra Madré), dont la formation est analogue. Nous possédons, dans nos collections, divers échan- tillons de roches de cette cordilière , et principalement de la Sierra de Cajalvana et du Pan de Guajaibon. Ces échantillons présentent les caractères suivants ; 1 . Calcaire phyladifère gris , avec veines de spath calcaire. 2. Psammite rougeâtre , commun. 3. Quartz en masse avec talc-chlorite verdâtre. 4. Jaspe rouge. 5. Jaspe gris, en boules presque sphériques. 6. Quartz commun, en boules parfaitement sphériques. 7. Quartz calcédoine, en boules parfaitement sphériques. (i) Cronica general (le las Iiidias, Salamanca , i5'i7- 134 GEOGRAPHIE. 8. Quartz agate rouge, en boules parfaitement sphériques. 9. Calcaire commun compacte blanchâtre, en boules parfaite ment sphériques, de différents diamètres, depuis un pouce jusqu’à six et très abondantes. 10 . Calcaire spathique stratiforme , en boules sphériques. 1 1 . Quartz commun fibreux ou compacte, en plaques gèodifor- mes tapissées de cristaux de quartz. 12. Serpentine commune. 13. Kaolin, ou magnésie friable. 14. Pisolites en fragments détaehés, à noyaux de coquilles en débris, d’espèces analogues vivantes. On trouve ces pisolites dans les cavernes, avec différentes incrustations de mollusques, que nous décrirons à leur lieu et place. 15. Fer hydraté brun , compacte, cellulaire. L’extrême abondance des pierres rondes, soit calcaires, soit gypseuses, que nous venons de mentionner, est un phénomène curieux et difficile à expliquer. Les cailloux roulés, trouvés jus- qu’à présent dans différentes contrées du globe et disséminés sui- des terrains d’alluvion , affectent une forme plus ou moins ronde et souvent elliptique , mais jamais entièrement sphérique comme un boulet de canon, et il est bien rare d’en rencontrer d’une forme aussrrégulière. Dans l’île de Cuba, la forme constante et invariable qu’affectent les fragments de roche roulés est toujours parfaite- ment ronde , et les exceptions sont tellement rares , qu’on voit à peine un ellipsoïde sur mille sphéroïdes. L’existence de ces pierres fut constatée dès les premiers temps de la conquête , et devait naturellement appeler l’attention des Européens. L’historien Oviedo a consacré le vii'^ chapitre de son Histoire naturelle et générale des Indes à la narration de ce fait. Nous allons en fournir la preuve. (( Il existe une vallée dans l’île de Cuba , dit-il , qui peut avoir » environ trois lieues de large d’une montagne à l’autre. On y » trouve une grande quantité de pierres rondes comme des bom- )) bes et très lisses j on en voit aussi d’autres très grandes et si )> bien arrondies, que l’art ne saurait mieux le faire. Il y en a de » la grosseur de balles d’escopette et même plus petites ^ on en » rencontre aussi progressivement d’un volume beaucoup plus » fort, et on peut en choisir de très grandes et du calibre de » toute espèce d’artillerie , même d’un quintal , de deux et plus » encore ^ enfin , de toutes les grandeurs. Ces pierres sont répan- 135 GÉüGKAPHlE. ,, dues dans cette valléeoù elles ont pris naissance ; car, en creusant » la terre, on en retire de toutes les dimensions. TJu grand nombre „ se trouve à la surface du sol et surtout sur les bords de la ri- » vière qu’on appellelaVentadeiContromoestre, eloignee de quinze ,, lieues de la ville de Santiago, dans la direction de San Salvador » del Bayamo , qui est la route du Ponant. » Cette relation, comme ou voit, se rapporte à une autre localité de la partie orientale, très abondante aussi en pierres D’après les renseignements que nous avons obtenus des habitants, ces productions minérales existent aussi dans plusieurs autres en- droits de l’ile , mais jamais en si grande quantité comme dans les deux localités déjà mentionnées. Les faits et les observations nous manquent pour pouvoir donner une explication satisfaisante de la formation de ces boules si parfaites. Doit-on les conférer comme des produits naturels ou bien comme le résultat de 1 art . Tels sont les doutes qui ont été émis. Toutefois l’opinion qu’on pourrait fon- der sur la seconde hypothèse nous semble tout à fait insoutena e, car il ne faut pas oublier que le peuple indigène qui habitait 1 île de Cuba était très arriéré en fait d’industrie , et qu il manquait d’instruments assez perfectionnés pour la fabrication o je s e cette nature. Au reste, à quoi lui aurait servi cette énorme quan- tité de boules de toutes les dimensions? Vers l’ouest , les montagnes le S. Diego offrent de grands f ns de carbonate de chaux, blanc , gris ou presque noir , d oxyde de fer en fragments isolés, et en général toutes les autres substances dont nous avons déjà fait mention. Au sud de cette contrée, et le long d’une bande paraUèle à la côte méridionale, on trouve les riches vallées de la Vuelta de Abajo, qui produisent la meilleure qualité de tabac à fumer de l’ile. Les observations que nous rédi- geâmes en 1828 (1) sur les précieuses ressources de ce district tendirent à démontrer l’importanee des analyses chimiques, appli- quées aux différents terrains de culture, aEn d’en connaître la nature et de pouvoir apprécier le genre d’engrais qui leur est con- venable. Nous publiâmes à cette époque quelques données sur les terres d’un des cantons agricoles , et nous allons présenter mainte- nant à nos lecteurs les résultats des analyses que le savant chimiste M. Pelletier a hien voulu faire , à notre sollicitation , des di eren s échantillons de terre que nous avons rapportés de l’îlc de Ou la. (i) Anales de cicncias , de., Havane , .juillet 1S28. 136 GEOGRAPHIE. Ces échantillons proviennent_, en général, des districts occidentaux dont nous venons d’exposer la constitution minéralogique. ANALYSES DE DIFFÉRENTES TERRES DE CULTURE DE LTLE DE CUBA 1 . AJICONAL. Matières organiques 9, 40 Silex 84, 40 Chaux (vestiges). . 0, 00 Alumine 3, 00 Oxyde de fer 3, 20 100, 00 2. s. DIEGO DE LOS BANOS. Matières organiques 18, 40 Silex 70, 80 Chaux 0, 40 Alumine . 0, 40 Oxyde de fer . 10, 00 100^ 00 N"" 3. IDEM. Matières organiques 23, 20 Silex . 68, 20 Chaux. 4, 60 Alumine (vestiges) .* . 0, 00 Oxyde de fer 4, 00 100, 00 N® 4. VUELTA DE ABAJO. Matières organiques. ..... 4, 60 Silex 90, 80 Chaux (vestiges) 0, 00 Alumine 3, 40 Oxyde de fer 1, 20 GÉOGRAPHIE. 1.3 N® 5 . VÜELTA DE ABAJO (AUTRE LOCALITÉ). Matières organiques 9, 60 Silex 86, 40 Chaux 0, 00 Alumine 0, 68 Oxyde de fer 1,92 Perte 1, 40 100 , 00 N" 6. LA CATALINA. Matières organiques 7, 60 Silex 76, 20 Chaux 0, 00 Alumine 8, 60 Oxyde de fer 7, 60 100, 00 7 . IDEM (autre LOCALITÉ). Matières organiques 5, 40 Silex. 82, 80 Chaux (vestiges) 0, 00 Alumine 8, 80 Oxyde de fer 2, 40 Perte 0, 60 100, 00 ]N° 8. CONCORDIA. Matières organiques 15, 00 Silex 52, 40 Chaux 2, 40 Alumine 13, 40 Oxyde de 'fer 16, 80 ■1 ) i 138 GEOGRAPHIE. N° 9. CONCORDIA. Matières organiques 10, iO Silex 66, 00 Chaux 2, 00 Alumine 5, 40 Oxyde de fer. . 16, 20 100, 00 10. IDEM. Matières organiques 15, 20 Silex 60, 00 Chaux 12, 44 Alumine 1,20 Oxyde de fer 11, 16 100, 00 N° 11. IDEM. Matières organiques. . . . . . 16, 80 Silex . . 66, 40 Chaux 0, 88 Oxyde de fer . . 7, 52 Alumine 8, 40 100, 00 N” 12. POTRERO DE LA ROSA. Matières organiques. . . . . . 4, 00 Silex . . 90, 40 Chaux (vestiges). . . . . . 0, 00 Alumine . . 0, 80 Oxyde de fer 4, 80 100, 00 GÉOGRAPHIE. N° 13. S. JUAN. Matières organiques 22, 00 Silex 38, 00 Chaux (vestiges) 0, 00 Alumine 16, 00 Oxyde de fer 23, 00 Perte 1, 00 100, 00 N° 14. s. SEBASTIAN. Matières organiques 3, 80 Silex 90, 00 Chaux (vestiges) 0, 00 Alumine 3, 20 Oxyde de fer 3, 00 100 , 00 N° 15. s. JUAN DE CONTRERAS. Matières organiques 26, 00 Silex 50, 40 Carbonate de chaux 2, 40 Alumine 10, 80 Oxyde de fer 10, 00 Perte 0, 40 100, 00 N° 16. CAPELLANIAS. Matières organiques 12, 40 Silex 34, 00 Carbonate de chaux 36, 20 Alumine 4, 60 Oxyde de fer 12, 80 140 GÉOGRAPHIE. N° 1T. JARDIN BOTANIQUE DE LA HAVANE. Matières organiques 21, 20 Silex 41, 20 Carbonate de chaux 10, 80 Alumine 13, 60 Oxyde de fer 13, 20 100, 00 Le terrain s’abaisse vers l’extrémité orientale de l’île, qui est presque entièrement inondée par les eaux, et dont la formation moderne de lithophytes coralins s’augmente journellement. En face de la côte méridionale, entre les méridiens de la Ha- vane et de Bahia Honda, l’île de Pinos s’élève du sein des eaux. Sa constitution géologique et minéralogique présente une grande analogie avec celle de Cuba ; ce sont des noyaux primitifs de granit et de calcaire; des bases à couches superposées, de forma- tion neptunienne très récente. Les différents échantillons, que nous avons eu occasion d’examiner, nous ont offert les caractères suivants : 1. Calcaire friable, en petites masses tuberculeuses. 2. Chaux carbonatée en masse ou marbre blanc, gris et noirâtre, susceptible de recevoir un beau poli et dont on peut , par consé- quent, retirer beaucoup de profit. 3. Micaschiste feuilleté, noirâtre, chargé de graphite. 4. Argile grossière, friable. 5. Argile grise jaunâtre, en petites boules. 6. Fer hydraté commun , mêlé de fer oxydé. 7. Ferpyriteux, blanc, en masses globuleuses radiées du cen- tre à la circonférence. En terminant cette revue minéralogique de l’ile de Cuba , nous rappellerons les observations que nous fîmes il y a dix ans. Nous recommandions alors l’exploitation des mines de cette contrée et faisions envisager son extrême importance. Si l’agriculture est la base de la richesse du pays, disions-nous, son existence, son en- tité et ses progrès dépendent de plusieurs ressorts étrangers qui la mettent en mouvement, la vivifient et assurent son avenir en lui donnant pour fondement le commerce intérieur et la consomma- GÉOGRAPHIE. tion locale, points d’appui plus stables et plus sûrs que l’exporta- tion éventuelle de deux ou trois denrées. Ces réflexions serviront à faire apprécier les mesures protectrices de l’intendant et du gou- verneur de l’île, pour favoriser l’exploitation des mines. Bien que des franchises libérales frustrent pour le moment les droits du fisc, elles activent des entreprises qui doivent produire par la suite ‘des avantages plus considérables, et contribuer au dévelop- pement du mouvement industriel en portant la fortune publique au plus haut degré de prospérité. CLIMAT. La position géographique de Cuba , sa situation au milieu du grand archipel américain, la nature du sol, la configuration des côtes , le luxe de la végétation et les progrès de la colonisation et des cultures sont autant de causes qui influent sur le climat de cette île. Les unes exercent une action constante et invariable, les autres agissent avec certaines modifications qui altèrent plus ou moins les lois résultantes des premières. Pour déterminer ces va- riations, il faudrait comparer différentes séries d’observations mé- téorologiques, faites avec toute l’exactitude nécessaire à des épo- ques distinctes et avec des instruments dont la marche aurait été bien connue, afin de pouvoir corriger les erreurs. On pourrait savoir alors, au moyen de ces éléments, s’il est vrai que la tem- pérature de l’île de Cuba présente aujourd’hui une augmentation sensible, comparativement à la marche qu’elle a suivie durant les cinquante dernières années du siècle passé. Ces données servi- raient aussi à faire connaître la diminution des pluies et les re- tards qu’elles peuvent avoir éprouvés j on saurait encore si les orages sont moins réguliers qu’autrefois , s’il faut ajouter foi à ces changements que les anciens colons prétendent s’être opérés dans la température de cette région , ou bien si ces variations ne se sont fait sentir seulement que sur quelques points du litto- ral, dans les endroits où la population et la culture réunies ont opéré plus de modifications dans la constitution primitive du terrain. Mais, il faut en convenir, la science météorologique est encore trop récente eu Europe pour qu’on soit en droit d’interroger les contrées lointaines sur les résultats obtenus, et, même au milieu iu GEOGRAPHIE. (le la civilisation européenne, il existe peu de pays qui conservent dans leurs archives une série exacte d’observations physiques, pour pouvoir résoudre avec quelque exactitude les problèmes que nous venons de signaler. Les savants qui ont tâché d’arriver à ces résultats ont dû recourir à des moyens indirects, dépendants bien plus de la sagacité de la critique que de la précision de la science j aussi les données qu’ils en ont déduites se ressentent telle- ment de l’inexactitude des renseignements dont ils se sont servis, qu’ils n’ont osé les présenter que comme de simples probabilités. Les observations les plus anciennes que nous ayons pu consul- ter sur le climat de l’île de Cuba et qui ont été faites pendant la période d’une année sont celles publiées dans le journal de la Havane (Papel dîano)_, en 1794, d’après les variations du ther- momètre, du baromètre, et les changements observés dans l’état du ciel. On tint compte, chaque jour, des observations à sept heures du matin , à midi et à dix heures du soir, pendant les cinq premiers mois, depuis janvier jusqu’en mai, et à six heures du matin, à trois heures après midi et à dix heures du soir , pendant le restant de l’année. Par conséquent, les températures extrêmes mensuelles s’approchent plus de l’exactitude dans les derniers mois que dans les premiers, et l’on ne peut guère déterminer que pour cette demi- période l’extension moyenne des oscillations journalières du ther- momètre. D’après les indications des instruments , il paraît que le thermomètre qui servait à l’observateur était gradué selon Réau- mur , et que la marche du baromètre se trouvait réglée d’après le mode de division adopté par les Français. — Nous donnerons toujours, dans nos comparaisons, l’équivalent en degrés centi- grades pour le premier instrument, et en millimètres pour le second. Yoici le résumé des observations faites à la Havane en 1794 : ce tableau présente les maxima et les minima extrêmes de chaque mois, les maxima et les minima des moyennes mensuelles déduites des observations journalières, et les moyennes mensuelles qui ré- sultent de celles-ci. CLIMAT, 145 Les minima moyens, de même que les maxima moyens dé- duits, correspondent bien plus aux heures d’observation qu’aux mois, c'est à dire, pour sept heures du matin et pour midi, de janvier à mai, et pour six heures du malin et trois heures P. M. durant le reste de l’année. En se conformant à ces données et sans supposer aucun défaut dans l’instrument ni la moindre erreur CÉOGn,VPHIE. 140 géographie. daus l’observation, les miuima de température des mois doivent paraître plus forts et les maxima plus faibles, relativement aux vrais résultats, puisque la plus petite élévation de la colonne ther- mométrique s’observe au point du jour au lever du soleil, et non pas à sept heures du matin, et la plus grande élévation à deux heures après midi, au lieu de midi et de trois heures. Nonobstant, d’après la réduction que nous avons faite sur l’échelle centigrade desdites températures moyennes mensuelles , comme nous l’avons indiqué sur la dernière ligne à la dernière colonne de notre ta- bleau, on pourra voir, en comparant ces résultats avec ceux que nous présenterons plus bas, que toutes ces indications sont trop fortes. Cette différence provient ou des données des minima trop élevés ou des maxima qui nous paraissent très forts pour les heures correspondantes aux observations. Cet excès dans toutes les indications thermométriques publiées dans les journaux de 1 année 1794, doit dépendre d’un défaut dans l’exposition ou dans la division de l’échelle du thermomètre, ou bien peut-être des deux causes réunies Par conséquent, nous ne croyons pas ces données assez exactement approximatives pour en déduire la marche de la température atmosphérique pendant le cours de l’année citée. Mais, malgré leur inexactitude, on peut déjà, sur ces résultats, entrevoir la loi de l’élévation progressive de la colonne thermo- métrique, depuis le mois de janvier jusqu’en juillet, et son abais- sement, depuis juillet jusqu’en décembre. La différence entre les deux extrêmes est de 7 f degrés centésim. , ce qui donne un peu moins d’un degré d’un mois à l’autre. Nous verrons bientôt que cette différence est aussi plus forte que celle que nous avons ob- servée pendant notre résidence à la Havane et nous appelons l’at- tention de nos lecteurs sur cet intéressant phénomène. Pour ce qui concerne les indications barométriques, nous allons exposer les résultats extrêmes obtenus d’après les observations faites aux heures signalées. Hauteurs observées. Janvier. S 1 à '3 1 fQ i £" Octobre. H 1 O .5 a c===as c/3 s a Maxima. . 7.59,96 764,73 759,96 753,45 751,19 751,19 751,19 751,19 751,19 751,19 759,96 760,22 1 Minima.. 751,19 746,68 746,68 748,94 744,42 744,42 744,42 739,91 744,42 744,42 744,42 748,94 ; CLIMAT. 147 Il résulterait donc que la hauteur la plus forte observée a été de 764,73 ou de 28 pouces 3 lignes, de la division marquée sur rinstrument, et la plus faible, de 739,91 ou 27 pouces 4 lignes. Mais celte seconde indication n’est que le résultat de l’observation faite pendant l’ouragan du 27 au 28 octobre, car les minima ordinaires de l’année ne baissent pas au-dessous de 27 pouces 6 ligues, ou 744,42. Pafc conséquent, la différence entre ces hau- teurs est de 9 lignes françaises, ou 20 millimétrés. Toutefois, comme les heures des observations ne sont pas celles où le baromètre at- teint les extrêmes de l’échelle diurne, les résultats mensuels doi- vent se ressentir de cette erreur. De ces différentes heures (6 et 7 du malin, 12 et 3 de l’aprés-midi, 10 de la nuit), les premières appartiennent à la marche ascendante, et les secondes et les troi- sièmes à la marche descendante du mercure j aucune d’elles ne sau- rait donc indiquer avec précision ni les maxima, ni les minima , ni même la hauteur moyenne diurne ou mensuelle, et, par consé- quent, il nous est impossible de déduire ces données des observa- tions publiées en 1794. Le seul renseignement que nous puissions tirer du tableau dans lequel elles ont été comprises, est le fait d’un mouvement ascendant dans les hauteurs (maxima et minima) ob- servées pendant les mois les plus froids, et celui d’un mouvement descendant durant les mois les plus chauds, c’est à dire que la colonne du mercure s’étend davantage dans les premiers que dans les seconds. Cette remarque se trouve confirmée par toutes les observations qui ont été faites dans les autres Antilles, comme nous le verrous bientôt. Les oscillations diurnes de la même colonne varient seulement entre 2 lignes et 8 lignes , et plus fréquemment entre 3 et 5. Mais , comme ni à 6 heures ni à 7 heures du matin le baromètre n’a pas at- teint le point le plus élevé de l’échelle, et qu’il n’est pas arrivé non plus au plus bas ni à midi , ni à 3 heures , n i à 1 0 heures du soir, les espaces de la colonne , marqués par les indications entre les heures citées, ne peuvent avoir l’étendue réelle que parcourt le mercure dans les périodes ou marées barométriques, qui, comme on sait et suivant la remarque que nous ferons bientôt, ont lieu quatre fois dans les 24 heures, savoir ; 1° Maximum, entre 1 " Minimum , »...., 2'’ Maximum, » 2“ jllinimum , )» GEOGllAPHIE. 148 Aucune des indications citées n'a été corrigée de l’augmenta- tion que la température produit dans la colonne barométrique. On a reproduit seulement les données de rinstrument. Les indications de l’élat du ciel, pendant l’année 1794, sont assez curieuses et méritent d’être mentionnées, pour les comparer à celles que nous eûmes occasion d’observer à la Havane. On a sim- plement tenu compte des jours dans lesquels le ciel se montrait en- tièrement clair pendant les 24 heures , de ceux où il était alterna- tivement couvert par les nuages ou coloré par les vapeurs ou bien encore constamment nuageux, et enfin des jours de pluie. Le ta- bleau suivant donne le résumé de ces observations. 1794. j Janvier. j Février. j Mars. 1 > < S 1 Juin. j Juillet. 1 1 Août. ] Septembre. 1 Octobre. U "g OJ O ?r; j Décembre. | TOTAUX. Jours clairs 7 6 9 11 8 3 5 6 5 2 8 6 76 Jours nuageux. . 16 14 16 10 8 10 9 15 14 16 9 16 162 Jours brumeux. 7 3 4 4 4 ï M » 4 3 6 36 Jours pluvieux. . 2 6 6 6 11 13 16 10 11 9 10 3 102 Totaux 31 28 31 30 31 30 31 31 30 31 30 31 366 Dans les jours de pluie on voit qu’elle tombe plus fréquemment le soir que le matin, et rarement le matin et le soir, dans la même journée. Il résulte, du total des observations publiées, que, dans l’année 1794, il a plu 14 fois le matin, 17 le matin et le soir, et 65 le soir ou entre midi et minuit. Les jours de pluie furent beaucoup plus fréquents pendant l’été que pendant l’hiver, tandis que les jours brumeux ou entièrement nuageux le furent moins. Pendant les mois des grandes chaleurs, tels que juillet, août et septem- bre, le ciel ne se couvrit qu’un seul jour, tandis qu’on compte 16 jours brumeux dans les trois mois les plus froids, novembre, décembre et janvier. Nous nous réservons de traiter plus longue- ment de ces circonstances atmosphériques du climat des Antilles et des pays in ter tropicaux en générai. Quant aux jours plus ou moins clairs, on en a compté 339 pendant le cours de l’année, CLIMAT. 149 mais l’oo doit comprendre dans ce nombre les jours de pluie qui ordinairement sont les plus beaux de la saison chaude, avant ou après les grands orages qui la caractérisent. Les tempêtes, accompagnées de coups de tonnerre, ont offert, en 1794, des résultats analogues à ceux que nous venons d’in- diquer. Le tonnerre ne s’est fait entendre que 7 fois , durant cette année, dans la matinée et dans la soirée des mêmes jours ^ 4 fois seulement le matin, et 55 fois le soir; ce qui fait un total de 66 orages, car dans ces phénomènes le tonnerre est toujours accom- pagné d’une forte averse : nous en donnons ici le détail. Orages avec tonnerre en 1794. Janvier. . . . 0 Juillet 19 Février. . . . 1 Août 8 Mars 4 Septembre 7 Avril 4 Octobre 4 Mai 6 Novembre 1 Juin 12 Total. . Décembre 0 66 Enfin les 730 observations qui ont été faites sur les vents, pen- dant la même année , en tenant compte de l’état de l’atmosphère le matin et le soir, nous fournissent le tableau suivant : 1794. ENTRE le N. et E. ENTRE le E. et S. ENTRE le s. et 0. ENTRE le O. etN. TOTAUX. Janvier. 36 26 „ „ 62 Fe'vrier 21 25 7 3 56 Mars 8 38 8 8 62 Avril . 48 8 » 4 60 Mai 29 26 » 7 62 Juin 35 20 2 3 60 J uillet 20 39 2 1 62 Août 37 21 3 1 62 Septembre 38 22 » .. 00 Octobre 37 21 2 2 62 Novembre 19 38 3 « 60 Décembre 45 17 « ’> 62 Totaux 373 301 27 29 730 GEOGRAPHIK. 1-iO Il faut observer que , dans cette distribution des vents en quatre quarts du compas, nous avons compris, parmi ceux qui soufflent entre le N. et l’E,, tous ceux du nord et de l’estj par conséquent, la seconde colonne ne comprend pas ces derniers, mais ceux du sud, ainsi que la troisième ceux de l’ouest, en réservant pour la quatrième seulement ceux compris entre ces derniers et ceux du nord, c’est-à-dire, les O. N. O., N. O. et N. N. O. Après les observations météorologiques de l’année 1794, nous citerons dans l’ordre chronologique celles qui furent faites par D. Antonio Robledo, dans le bourg d’übajay, situé à cinq lieues de distance de la Havane, dans une plaine élevée de 38 toises au dessus du niveau de la mer, et qui se rapportent aux années 1796, 1797, 1798 et 1799 j et celles du même observateur, exécutées à la Havane, à deux époques différentes, savoir, depuis le mois de mars jusqu’en décembre 1800, et pendant les années de 1801, 1806 et 1807, puis celles de 1810 à 1812 par D. Joseph Ferrer. Nous allons réunir dans un seul tableau cette masse d’observations, dont nous rapporterons les résultats d’après les indications de l’é- chelle centigrade, OBSERVATIONS THERMOMÉTRIQUES. MOIS. A ÜBAJAY. A LA HAVANE. MOY . de 1810 1812. 1796. 1797. 1798. 1799. MOY . 1800. 1801. 1806. 1807. MOY . Janvier. . . 1 17“78 20“00 16“11 18“50 13"8' 18"! 21“74 20"45 18“62 21"! Février. .. 22,22 18,89 20,66 17,22 19,72 18,9^ 19,6 23,67 22,40 21,12 22,2 Mars 21,67 17,78 20,28 17,78 19,38 21,1 19,4 22,95 25,66 22,26 24,3 Avril 23,33 20,00 21,1 1 20,00 21,11 22,7 21,6 26,67 26,67 24,13 26,1 Mai 26,83 ;26,00 22,78 24,44 24,61 26,6 24,2 28,33 27,95 26,48 28,1 J uin 26,67 27,22 28,33 29,44 27,91 30,0 27,7 28,60 28,67 28,71 28,4 Juillet. .. . 28,08 26,67 29,44 30,66 28,68 30,3 28,0 28,72 31,28 29,57 28,5 Août. 28,33 28.89 27,78 28,89 28,47 28,3 28,5 29,34 28,61 28,68 28,8' Septemb''^. 27,22 27,40 26,67 24,44 26,43 26,1 26,2 28,23 27,60 27,00 27,8 Octobre. . 25,66 24,16 26,39 22,78 24,72 26,6 23,2 27,39 26,01 26,80 26,4 Novemb'’'^. 23,89 21,11 21,67 16,11 20,67 22,2 20,6 26,00 22,46 22,56 24,2 I)écemb'° . 17,22 19,72 15,56 16,00 16,82 23,8 16,1 22,40 23,01 21,08 22,1 Moyennes. 24,03 22,88 23,38 21,98 23,06 26,7 22,6 25,99 26,88 25,04 26,7 « Voy. Ilumlioklt, Voyage aux régions équinoxiales^ t. II, édit. in-8o, pa« . 263. Ce voyage indi- que aussi la température moyenne de décembre 1795, égale à 18°, 8 cent., et celle de janvier et février de 1800, à 13°, 8 et 18°, 9 (thermom. construit par Nairne). Les observations de M. Robledo, en 1801. se trouvent dans le t. 11, p. 271 ; celles de 1806 et de 1807 nous ont été données rass. à la Havane. 2 Ces indications sont du baron de Humboldt. CLIMAT. 51 L’augmentation progressive de la température moyenne men- suelle, de janvier à juillet et août, son abaissement d’août à dé- cembre, est un fait commun à toutes les années représentées dans ce tableau , bien que l’extension de l’échelle ne soit pas la meme pour toutes. En formant une série de ces différences, entre les températures moyennes de chaque anuée, il en résulte qu’elles furent respectivement. Lignes 11°11 en 1796. 11,11 » 1797. 13,88 )) 1798. 15,56 » 1799. 12,92 moyenne des 4 années. 16,50 en 1800. , 13,40 )) 1801. 7,60 )) 1806. 10,83 » 1807. ï2,08 moyenne des 4 années. 12,05 moyenne des 8 années. Les observations de 1794 nous avaient offert des résultats sem- blables, bien qu’ils fussent inexacts par suite des raisons que nous avons exposées, pour déterminer la véritable température moyenne de chaque mois et celle de l’année. Quant à celles du tableau pré- cédent, nous pouvons en dire autant, parce que les heures d’ob- servations paraissent avoir été les mêmes. En outre, M. de Hum- boldt (1) avait soupçonné que les résultats des années 1797, 1798, 1799 et 1800, relativement aux températures moyennes d’üba- jay et de la Havane , étaient peut-être de quelques décimales trop élevés. Et ces résultats doivent être encore plus forts dans les mois chauds que dans les mois tempérés, parce que, dans les premiers, l’indication de sept heures du matin est beaucoup plus loin d’ex- primer la plus basse température du jour , que celle de midi d’indi- quer la température la plus élevée, tandis que, dans les seconds, cette indication se maintient assez longtemps au-dessous, et par consé- quent le terme moyeu, déduit des deux observations, ne doit pas être aussi fort. Il paraît, en outre, qu’à Ubajay , le lieu d’observation était ou- (i) Fnyai^c, l. Il, [i. îG5. GEOGRAPHIE. 1 vert à tous les vents et à l’abri seulement du soleil et de la pluie, et qu’à la Havane c’était une chambre peu aérée. Nonobstant l’in- fluence contraire que devaient exercer ces différences de localité dans l’indication des instruments, il nous semble que la différence entre la moyenne annuelle déduite des quatre années d’obser- vations faites à Ubajay et la moyenne des observations faites en l’an 1800 à la Havane est bien trop forte pour qu’on ne l’attri- bue pas à une différence réelle dans la température des deux en- droits. Les observations de l’année 1801, faites à la Havane, concordent mieux avec les résultats moyens de celles faites à Ubajay, et on remarque une identité notable dans la majeure par- tie des notations mensuelles. La différence entre les températures moyennes annuelles des deux points paraît être seulement de 0°4 6 ^ mais M. de Humboldt, qui a publié la série de ces moyennes de l’année 1800, d’après un ms. (1), ne dit pas quel fut, à la Havane, le lieu d’observation dans lequel ou obtint, cette même année, un résultat moyen annuel de 22°6 , inférieur de 3°1 à la moyenne annuelle de 1800 (25“7). Quant aux années 1806 et 1807, dont nous avons trouvé les indications manuscrites, leurs résultats moyens annuels 25"99 et 25°88' concordent plus avec ceux de l’année 1800 qu’avec ceux de l’année 1801 , et nous verrons plus loin qu’ils sont aussi con- formes avec ceux obtenus par M. Ferrer en 1810, 1811 et 1812, et avec nos propres observations. Les observations du savant marin espagnol que nous venons de citer , insérées dans VHùtoire physique des Antilles françaises, par M. Moreau de Tonnés (2), et par M. de Humboldt, dans la relation de son voyage (3), ont été faites avec toute la précision voulue et présentent des résultats dignes de confiance. Ainsi qu’on peut le voir dans le tableau précédent, la différence entre deux moyennes extrêmes correspondantes aux mois de janvier et d’août est de 7°7', ce qui équivaut à un peu plus d’un degré centésimal de différence entre un mois et le mois suivant. L’observateur fait re- marquer que la plus grande oscillation du thermomètre, à la Havane, durant les trois années dont il est question, se trouve comprise entre 15 et 30°. M. Robledo signale, pour l’année 1801 { i) Humboldt , i>c:o cilalo, p. 271 . (2) Taris , 1822 , p. 4 s i . ( 3 ) Tome X , p. 4 i() ; tome XI , p. 204 . CLIMAT. 153 et pour riotérieur du pays, une température maxima de 34 °4 et une minirna de 0°, extrêmes qui sont les plus forts que l’on ait observés à Cuba. Nous possédons aussi, pour les années 1801, 1800 et 1807, une série d’observations barométriques faites par M. Robledo (1), et, pour les années 1810 à 1812, celles de M. Ferrer , que nous allons reproduire toutes, en les réduisant à la même échelle décimale, c’est à dire en millimètres et fractions de millimètre jusqu’aux cent millimètres. MOIS. MAXIMA. 1801. MINIMA. moyen'®. 1806. moyen'*. 1807. moyen'® . 1810 18^2. moyen'’. moyenn'® des Cannées. Janvier. .. 770,88 760,97 765,72 768,34 767,32 708,09 767,42 Février. . . . 771,04 762,24 766,99 768,08 765,54 763,01 765,90 Mars 772,30 767,07 769,68 766,71 761,99 704,28 765,66 Avril 771,87 770,10 770,98 765,29 701,99 763,01 765,42 Mai 773,17 771,64 772,40 761,99 765,03 761,99 765,35 J uin 771,13 770,37 770,77 766,02 765,29 764,53 766,65 Juillet 771,64 749,79 760,72 766,02 765,29 764,53 764,14 Août 708,59 765,03 706,81 765,08 763,76 761,23 764,22 Septembre. 706,50 757,41 767,98 764,02 703,26 760,98 764,06 Octobre. . . 760,05 763,00 764,89 764,26 703,51 761,74 763,60 Novembre . 766,56 764,27 765,41 764,78 766,05 764,53 765,19 Décembre.. 768,59 762.49 705,54 767,57 766,30 705,56 766,24 Moyennes. . M >• 767,34 765,68 764,01 703,62 765,31 Il résulte de ce tableau que la plus grande élévation apparente du mercure dans le baromètre fut en 1801 de 0,77317 , et la moindre de 0,75005, et que la plus grande différence représen- tée par celles qui offrent ces deux indications extrêmes n’excéde pas (>,02312. En comparant entre elles les extrêmes mensuelles de l’année 1801, nous sommes arrivés aux résultats suivants , d’a- près lesquels nous nous guiderons à l’avenir. ( 1 ) Les premières , celles de 1801 , ont èlè publiées par M. île Uumboldt , eelles de i 8(..0 et 1807 sont inédiles. GEOGRAPHIE. 154 Janvier. . . . . . 0,00991 1 Juillet. . . . . . 0,02185 Février. . . . . . 0,00940 Août . . 0,00356 Mars . . 0,00523 Septembre. . . . . 0,00915 Avril . . 0,00177 1 Octobre. . . . . . 0,00305 Mai . . . 0,00153 1 Novembre. . . . . 0,00229 Juin , . . 0,00076 1 Décembre. . . . . 0,00610 Del810àl812, la moindre élévation du baromètre qu’ait ob- servée M. Ferrer fut de 0,7447, le 25 octobre 1810, pendant un ouragan furieux du S. S. E., le thermomètre centigrade étant à 25°; la plus grande élévation fut de 0,7744, le 20 février 1811. La différence entre ces deux observations, qui est de 0,0307, correspondant à un pouce 3 lignes et 8 dixièmes de ligne espa- gnols , est citée comme la plus forte variation barométrique qui ait été observée à Cuba (1). — En 1794, d’après les observations que nous avons citées, il y eut, dans la nuit du 27 au 28 août, un ouragan qui fit descendre le baromètre à 27 pouces 4 lignes me- sures françaises (0,73091), 29 pouces 0,50 mesures anglaises (0,74929), suivant les observations de D. Tomas Ugarte (2). La course du mercure dans le tube, depuis la matinée du 25, que sa hauteur était de 30 pouces 04 (0,76301) jusqu’à la même heure le 28 , qu’il atteignit son minimum d’élévation , fut donc de 0,01372 , ou un peu plus de 7 lignes espagnoles. Jusqu’à l’époque à laquelle nous sommes parvenus dans cette ra- pide indication historique de la météorologie de Cuba, on n’avait pas encore observé la quantité d’eau tombée en un point quelcon- que de l’île, puisque ni les travaux de 1794 que nous avons ana- lysés, ni ceux de M. Robledo , ni ceux de M. Ferrer, ne font au- cune mention de cet élément si important dans l’analyse d’un climat intertropical. Dans quelques-uns des documents soit inédits, soit publiés, qui nous ont passé sous les yeux, ou a indiqué seulement le nombre de jours de pluie de chaque mois, indication dont nous proûterons pour faire quelques comparaisons dans le cours de ce chapitre; mais nous n’avons trouvé nulle part ni la quantité d’eau tombée, ni le degré d’humidité atmosphérique, déterminé au moyen de l’hygromètre. D. Miguel de Arrambarri fut le pre- mier qui , à la Havane , s’occupa d’observations faites avec ce pré- (1) Humboldt, Oj). cit., t. X, p. 549. (2) Ibid., t. XI, p. 174. CLIMAT. 155 cieux instrument et avec Tudomètre , pour connaître jour par jour !a quantité d’eau tombée. Ces observations ont eu lieu consécuti- vement depuis le mois de mars 1811 jusqu’à la fin de 1815 , ce qui forme ainsi une série d’environ cinq années. Les indications de l’u- dométre sont dans le travail original en pouces et fractions de pouce anglais, celles dePhygrométre en degrésde Deluc. Nous traduirons les résultats moyens des premières en millimètres pour les comparer d orénavaut aux autres, et celles des seconds en degrés de Péchelle de Saussure, parce qu’elle est le plus en usage aujourd’hui. L’eau de pluie fut recueillie sur la terrasse élevée d’une maison , en face du couvent de Santa Catalina, sur laquelle était établi l’udomètre. Quantité d'eau tombée à la Havane^ durant chacun des mois exprimés dans ce tableau^ et indications moyennes de l’hygro- mètre en 1815. MOIS. 1811. 1812. 1813. 1814. 1815. MOY. JIOY. en mill. MOY. (le l’l'yg- Janvier 00,00 7,14 0,20 1,70 3,67 3,17 0,080 55“12 Février 00,00 1,98 0,54 3,08 2,17 1,94 0,049 56,08 Mars 01,70 3,15 0,48 2,90 0,25 1,70 0,043 53,71 Avril 03,60 2,40 0,00 5,90 0,15 2,41 0,061 52,04 Mai 02,05 2,63 5,55 3,67 3,10 3,40 0,086 51,84 Juin 11,26 0,00 5,35 6,50 6,59 5,94 0,150 55,42 Juillet 08,33 2,75 6,31 8.42 2,35 5,63 0,143 56,34 Août 02,89 2,57 4,35 1,75 1,61 2,06 0,068 54,44 Septembre 07,27 1,61 4,37 5,40 5,17 4,75 0,121 54,60 Octobre 00,90 5,41 8,92 0,73 8,71 4,93 0,125 55,40 Novembre 01,40 0,75 1,30 0,02 4,93 1,80 0,046 56,10 Décembre 01,45 0,36 2,38 0,90 1,44 1,43 0,036 54,95 Totaux 40,85 31,35 39,75 41,57 40,14 39,76 >' 54”67 En millimètres. . . 1,0375 1 0,7959 ' 0,9097 1,0553 1,0190 1,0698 » » Comme les observations de Pannée 1811 comprennent seule ment dix mois, nous avons déduit pour celte annee la moyenne 156 géographie. de la pluie, eu janvier et février, de celles des quatre années sui- vantes. La moyenne annuelle est ainsi de 39 pouces 73 cent., c’est à dire qu’elle est égale à la somme des moyennes men- suelles (1). Nous avons sous les yeux différents tableaux incomplets des années 1815 et 1816, intitulés Observations météorologiques médi- cales; elles offrent l’indication du thermomètre de Fahrenheit, à 6 heures du matin , à trois heures de l’aprés-midi et à 7 heures du soirj ces observations sont accompagnées d’un grand nombre de remarques originales , sur l’influence de la température et de l’état atmosphérique de chaque jour, sur les infirmités de l’homme, sur les instincts et le caractère des animaux , sur leur reproduction et celle des plantes et autres phénomènes que l’observateur croyait en relation constante avec les plus légères modifications de 1 air. Lors des jours de pluie, et particulièrement de ceux pendant les- quels il y a de grandes commotions électriques, l’auteur décrit les effets des éclairs, et toutes les circonstances qui accompagnent ou qui suivent la chute de la foudre. Mais , à part l’esprit éminem- ment astrologique qui domine dans ces observations, elles sont in- complètes en ce qui regarde les instruments employés et les époques où elles furent faites -, et c’est ce qui nous empêche d en faire usage. Depuis lors, les journaux de la Havane ont publié des obser- vations thermométriques et barométriques de quelques mois j mais, d’abord, nous ne possédons aucune série annuelle complète, et en- suite la manière dont paraissent avoir été faites ces observations ne mérite pas notre confiance. Ces motifs nous décident à cesser ici la revue rapide que nous avons commencée pour nous occuper à rechercher les lois plus précises du climat de la Havane, soit en lui-même, soit en le mettant en relation avec ceux des pays in- tertropicaux ou qui en sont voisins, nous basant, pour cela, sur nos propres observations et sur celles que la science a enregistrées comme dignes d’elle. Mais, avant d’exposer ces lois, nous devons faire connaître la série d’observations météorologiques que nous avons faites, du- (i) On ne doit pas s’étonner que le terme moyen delà somme des cinq to- taux annuels ne soit pas égal à cette quantité, puisque les moyennes de jan- vier et de février ne sont pas la cinquième partie , mais bien la quatrième de l.a somme des quatre ans, car nous possédons les indications des jours de pluie pour les mois de i8n . CLIMAT. 157 Tant un passage de la Goruna (la Corogne) à la Havane, et qui servent en quelque sorte d’introduction à celles que nous fîmes depuis ; elles serviront à mieux établir les lois de la marche dans la température et l’humidité atmosphériques , en partant des cli- mats tempérés jusqu’aux régions tropicales. En 1823 , nous avons publié , dans un journal de la Havane (1 ) , le résumé de ces obser- vations, mais le peu de connaissance que l’on doit avoir en Eu- rope d’un semblable écrit fait qu’elles sont peut-être restées in- connues-, aujourd’hui que nous trouvons l’opportunité de les publier, nous allons en donner les résultats les plus forts et les ré- sultats moyens pour chaque jour de navigation. D’ailleurs, comme beaucoup des observations dont nous nous occupâmes alors n’ont aucun rapport avec la détermination des lois du climat iutertro- pical, nous les supprimerons ici, et nous nous contenterons de donner seulement l’indication de la température de l’air, de la superficie de la mer, et de l’humidité atmosphérique aux différentes latitudes que nous avons traversées. OBSERVATIONS sur la température de F air et de la superficie de la mer , ainsi que sur l’humidité atmosphérique, faites durant un voyage de la Co- runa à la Havane , en juillet 18-23. Le passage de la Corufia à la Havane présenta tout d’abord à notre ardente curiosité un vaste champ d’observations intéres- santes pour les progrès de l’histoire physique du globe. Beaucoup de voyageurs avaient traversé l’Atlantique dans le même objet, mais le baron de Humboldt et l’infortuné Pérou seulement nous offraient, dans le plan de leurs travaux, un cadre qui embras- sait le problème dans sa généralité. Les quatre navigations thermo- métriques faites par Jonathan Williams , en 1789 et 1790 (2) n’eu- rent d’autre objet que de déterminer la température de la mer sur les bas-fonds et au voisinage des terres j objet très important pour (1) Memorias de la Snciedad pali'iolica de la Habana, octobre 1823. (2) Elles eurent lieu de Boston à la Virginie, de la Virginie en Angleterre, de Falinoutli à Halifax (Nouvelle-Ecosse), et d’Halifax à New-York. Williams consigna les résultats de ses observations dans un me'moire intitulé : JVat'iga- tlon thevmomélrique , publié à Philadelphie en 1799, et traduit en espagnol, à ce que nous croyons, en iSo'i. GEOGRAPHIE. 158 ies progrès de la navigation, et dont les résultats lumineux font regretter qu’il n’en ait pas été fait plus d’applications. A partir d’octobre 1822 , nous nous occupâmes à tracer le cadre des observations que nous devions faire à la mer (1), et nous em- plovâmes tout le temps qui s’écoula jusqu’à la fin de 1823 à re- cueillir des notes, à consulter tous les voyageurs, physiciens et naturalistes, et à réunir les instruments qui nous étaient néces- saires d’après le plan que nous avions adopté. Ce plan embrassait l’étude des phénomènes suivants ; température de l’Océan et de l’atmosphère par diverses latitudes. — Variations qu’elles offrent pour la mer, selon les profondeurs , sur les bas-fonds , dans le voi- sinage de la côte et dans les courants. — Lois de la température diurne de Pair et de la superficie de l’Océan. — Température comparée de l’une et de l’autre. — Relation entre la tempéra- ture de la mer et celle des poissons qui y vivent, selon la pro- fondeur. — Densité et salure de l’eau de mer, selon la latitude, à diverses profondeurs , durant les tempêtes , pendant les calmes et dans les courants. — Pression atmosphérique. — État hygromé- trique de Pair. — Marche horaire de l’hygromètre à la mer, comparée à celles du thermomètre et du baromètre , et autres questions dont nous n’avons pas encore publié les résultats en totalité. La réunion des instruments nécessaires à toutes ces observations exigea de notre part beaucoup de travail et d’activité, parce que nous ne pouvions les demander à un artiste quelconque de ceux accré- dités en Europe, et que notre présence était indispensable pour sur- veiller la construction des principaux appareils, à cause des obser- vations minutieuses auxquelles il fallait avoir continuellement égard pendant le travail. Deux jeunes artistes (2) de Santiago, auxquels il suffirait que les sciences fissent des progrès en Espagne pour leur donner la célébrité qu’ils méritent, remplirent heureu- sement nos désirs, à notre grande satisfaction. Une fois pourvus de ce qui nous était nécessaire en fait d’in- (1) Don Antonio Gutierrez, alors professeur de physique à Funiversité cen- trale, ami dévoué des sciences et protecteur ardent de la jeunesse studieuse , facilita beaucoup nos travaux préliminaires par ses savantes observations. (2) D. Doininj^o et D. José Lareo, artistes modestes, aussi zélés qu’instruits , dont l’esprit ingénieux et la constance soutenue nous semblent ne devoir l'edou- tcr aucune espèce de travail, A l’babileté manuelle ils réunissent la connaissance de (juelques arts cju’ils cultivent avec autant d’intelligence que de succès. CLIMA1 . 1 59 strumcnts, cl apres avoir réuni, dans la bibliolhéquc de l’univer- sité, les derniers renseignements dont nous avions besoin, et comparé nos thermomètres avec ceux de Fortin, que possède cet établissement (1), nous nous dirigeâmes vers la Coruûa vers le milieu de mai, ahn d’avoir le temps de faire quelques essais préli- minaires à la mer et d’établir nos instruments à bord de la frégate marchande V Active, qui devait nous transporter à Cuba. Durant notre résidence à la Coruna , nous communiquâmes notre plan à deux amis, D. Domingo Fontan, professeur distingué de sciences physiques et mathématiques, qui s’occupait alors à lever la grande carte géométrique de la Galice, maintenant à la gravure à Paris, et D. José Garcia, voué à l’histoire naturelle. Le 25 juin, nous mîmes à la voile à une heure et demie de l’après-midi. Ce fut de cet instant que commença la série des ob- servations dont nous présenterons ici les principaux résultats en ce qui concerne la température de l’air et de la surface de l’Océan, et l’humidité atmosphérique. ( I ) C’est à D. José Rodriguez , professeur d'astronomie à Funiversité centrale , que Fon doit la précieuse collection de machines que possède cet établissement. Ce savant est bien connu dans le monde scientifique par les travaux qiFil exécuta en 1 8o8 avec MM. Biot et Arago , pour prolonger la méridienne de France à tra- vers les îles Baléares, Cet homme instruit, qui depuis lors est descendu dans la tombe, vit à Santiago une partie de nos instruments et nous donna quelques avis fort utiles. 160 GEOGRAPHIE. Résumé du journal des observations relatives à la température de l’air et de la surface de la mer, et à V humidité atmosphérique, faites pendant une navigation de la Corogne à la Havane. 1823. JOURS. a es O a H SI 5 < U P d O d O TEMPÉI DE l’atMOSP. \ATURE DE l’océan. DIFFÉUENC‘= entre LA MER HUMIDITÉ ATMOSPHÉRIQUE (liygr. de Sans.). MAX. MOV. MAX. MOV. MAX. MIN. 25 de Juin. 21°4 18°3 16°5 15°4 — 409 82° 74° 26 44° r 3°19’ „ . 27 44,17 3,23 « . » * . 28 43,48 3,57 19,1 17,2 18,4 17,5 — 0,7 95 80 29 44,34 5,42 19,6 18,4 17,6 16 — 2,0 95 90 30 44,30 6,25 19,1 18 18,2 16,6 — 0,9 94 86 1er de Juillet. 42,57 6,32 20,1 19,4 18,7 18,4 — 1,4 94 86 2 40,13 8,9 19,6 19,1 19,6 19,2 0,0 84 80 3 38,27 11,41 21,7 !9,3 20,4 20,0 — 1,3 79 70 4 37,17 14,26 20,5 19,9 20,8 20,8 -1- 0,3 85,5 73 5 36,23 17,22 21,9 21,0 22,3 21,9 -1- 0,4 90 80 6 35,44 20,2 23,5 22,2 22,6 22,6 — 0,9 87 75 7 35,25 21,56 25 22,7 23,3 22,5 — 1,7 84 75 8 35,7 22,21 26 23,8 23,8 22,3 — 2,2 82,5 69 9 33,26 22,14 24,7 23 23,6 23,3 — 1,1 86 80 10 31,42 21,48 25,7 24 24,3 23,6 — 1,4 86,5 71,5 11 31,28 21,46 25,6 23,9 25,6 24 0,0 79 73 12 31,4 22,54 26,6 25,4 24,8 24,2 — 1,8 83 77 13 30,32 24,12 26 24,8 26 25,2 0,0 87 80 1 29,59 25,8 26 24,8 25,6 25 — 0,4 85 79 i 29,8 26,15 26,5 25 25,5 24,6 — 1,0 93 83 1 27,53 27,48 26 24,9 25,2 25 0 8 86 80 27,11 29,50 26,4 25,4 25,5 25 — 0,9 85 80 1 26,34 31,50 26,7 26 25,6 25,5 — 1,1 87 84 19 26,1 34,12 27,4 26,2 25,9 25,6 — 1,5 89 85 20 25,24 36,32 27,9 26,4 26,3 25,8 — 1,6 90 83 21 24,57 38,59 27,4 26,7 26,6 26,1 — 0,8 90 82 22 24,55 41,23 27,8 27,2 26,7 26,5 — 1,1 89 83 23 24,33 44,48 28,1 27,5 27,1 26,5 — 1,0 89 84 24 24,14 46,28 28,2 27,6 27,3 26,9 — 0,9 89 83 25 23,56 49,22 28,8 27,5 27,3 27,1 — 1,5 87 84 26 23,12 52,18 28,8 28 27,5 27,1 — 1,3 88 86 27 22,51 55,1 29,5 28,2 27,7 27,3 — 1,8 86,5 82 28 22,25 58,9 29 28 27 27,4 — 2,0 91 85 29 22,0 60,54 29,6 28,7 29 28,7 — 0,6 89 85 30 22,7 63,36 29,3 28,4 28,9 28,6 — 0,4 90 87 31 21,48 69,21 29,5 28 28,8 28,7 — 0,7 90 87 tcf d’Août. 22,11 71,42 29,8 29 29,5 29 — 0,3 89 88 2 23,33 73,21 29,7 28 ■ ’’ 96 90 1 CLIVAT. lf)1 Température de l’atmosphère. Les vents contraires que nous ressentîmes durant les premiers jours de notre voyage nous obligèrent à remonter vers le nord jus- qu’au 44® degré 34 minutes de latitude, hauteur observée le 29. De ce point, jusqu’au parallèle du cap Saint-Vincent, la tempéra- ture de l’atmosphère augmenta lentement de 16° 9 à 19“ 9 du thermomètre centigrade (1) ; il résulte de là qu’il y a un degré d’augmentation dans la température de l’air par chaque trois de- grés et demi de latitude. Les circonstances atmosphériques des jours pendant lesquels soufflèrent les vents froids du N. O. et de l’O. S. O. ont contribué sans doute à modifier ainsi la loi com- parée de l’augmentation de la température et de la diminution de la latitude telle qu’elle avait été observée jusqu’ici par divers voya- g'uageux. Idem. Idem, Clair. Idem. Idem. 13 8 24,7 24,8 Cirro-strati. 10 25,9 25,2 Clair. 12 26 25,8 Idem. 2 25,5 25,8 Idem. 4 25 26 Idem. 6 25 25,5 Idem. 19 8 26,3 25,6 Cirro-strati. 10 27 25,6 Idem. 12 27,4 25,7 Clair. 2 26,9 25,9 Idem. 4 26,9 25,9 Cirro-strati. 0 26,6 25,7 Idem. 20 8 26,8 25,8 Cirro-strati. 10 27,5 26 Idem. 12 27,9 26,2 Clair. 2 27 26,3 Idem. 4 26,8 26,3 Idem. 1 G 26,8 26,2 Nuageux. I Durant les calmes, le thermomètre exposé à l’air suit la même marche qu’à terre : nous n’en citerons que deux exemples : CLIMAT. 167 JOURS. IlEDUES. 1 TEM l'ÉRATURE (le l’air. tejipÉiuture de la mer. CIRCONSÏAKCES | atmosi)hériques. j 7 de iuiu. . . . s 23“ 27"7 Nuageux. 10 23,3 22,8 Idem. 12 24,4 22,8 Calme, 2 25 23,3 Idem. 24,2 23,3 Idem. j G 23,8 23 idem. I 12 8 25” 24”2 Cirro-strati. 10 25 24,5 Idem. 12 2G Nuageux. 2 2G,G Idem. ! 4 26,1 24,4 Idem. G 25, G 24,4 Clair. Lorsque le temps est calme, il est à peu près impossible d’avoir de bonnes observations thermomélriques, ni dans l’atmosphère, ni dans la mer, parce qu’il n’y a aucun point du navire à l’abri de la réverbération ou de l’accumulation de la chaleur. En examinant les indications de nos thermomètres, au lever et au coucher du soleil (1), nous avons remarqué que les variations de la température atmosphérique durant la nuit sont insignifiantes. Ce fait, qui selon le même Davy est général pour les mers, établit certainement une différence notable entre les lois de la tempéra- ture atmosphérique de la haute mer et de la terre. J’ai observé, en outre, que les variations de la température, durant le jour et la nuit, sont plus petites à la mer que sur le continent, et particu- lièrement entre les tropiques. Dans une lettre écrite du cap de Donne-Espérance, J. Davy (2) assure qu’au large de la côte la différence de température entre le jour et la nuit n’excède jamais 1° 2 centésimaux. En 1816, M. Lamarche a reconnu, pendant le (1) l.e risque que l’on courait sur les vaisseaux marchands , en ayant de la lu- mière sous le t illac, à cause des corsaires et des \iirales qui croisaient dans ces mers, no nous permit pas de continuer à bord nos observations lliermomcti iques durant la nuit . (2) ylnnalcs de i>hys. cl de chun., année iSiti, p. istî. GÉOGUAPHlfj. V 0 ja,s:e d’ailer et de retour de ia frégate VEermione, de Franco à Rio- Janeiro (1), que les variations diurnes s’élevaient à peine à un degré. Le baron deHumboldt observa la même chose en 1799 : entre 11° et 17'> de latitude, les plus grandes variations de chaleur excédaient a peine 1° 5 à 2°, et l’illustre vojageur fait observer que de dix heures du matin à cinq heures du soir le thermomètre ne variait pas de 0° 8 (2). Dans notre vovage , du 24*= parallèle au 21° 48', les plus grandes différences de température entre le jour et la nuit ne s’élevèrent pas à 1° 3, ou, pour mieux dire, elles furent toujours à peu prés d’un degré, avec peu de différence. Les variations horaires que présente îa température de l’Océan sont encore plus petites, parce que, comme celle de l'air commence à diminuer avant que celle de l’eau atteigne son maximum, il en résulte pour la mer une moindre différence dans les variations thermométriques. Péron, dans la relation de son vojage aux terres australes (3), affirme que la superficie de l’Océan est plus froide à midi et plus chaude à minuit que les couches atmosphériques avec lesquelles elle est en contact, et il déduit de là que l’eau et l’air doivent avoir la même température deux fois par jour. — Humboldt, transcrivant ce principe, continue ainsi (4) ; « Cette assertion a besoin de beau- « coup de restriction ; j’ignore si elle est exacte pour les 44° et (( 49° degrés de latitude australe, où ce zélé naturaliste semble « a\mir fait le plus grand nombre de ses observations thermomé- « triques 5 mais entre les tropiques, où Pair, en pleine mer, est à c( peine de 2 ou 3° plus froid à minuit que deux heures après la cul- « minahon du soleil, je n’ai jamais trouvé le moindre changement « dans la température de l’Océan, de jour et de nuit. » Nous n’eussions pas osé présenter nos observations en confir- mation de celles de l’infatigable Péron, si notre journal n’en eût offert un nombre très considérable, qui démontre directement la première partie de son principe, en infirmant toutefois la seconde par les indications thermométriques du malin et du soir. En effet, à 1 exception de quatre jours, nous avons reconnu que la tempé- (1) Annales de phys. et de chim., 1817. (2) F ojages aux régions équinoxiales, etc., t. Il , p. 74, édit. in-8". (3) Paris , 1817. — Le tome II contient un excellent mémoire sur la tempéra- ture de la mer à sa superficie et à de grandes profondeurs. (4) Op. cit., p. 90. CLIMAT. 169 rature de la superficie de l’Océan était plus froide à midi que celle de l’almosphére, et, à partir de celte heure, le thermomètre exposé à l’air commençait à baisser; tandis que celui que nous tenions conslamment plongé dans la mer continuait à s’élever jusque vers trois heures ou trois heures et demie de l’après-midi. L’asseriioü de Péron et les observations très exactes de J. Davy ne permettent donc pas de douter que le changement horaire dans la température de la mer est, avec une petite différence, égal à celui de l’atmosphère qui l’environne, en offrant toutefois cette particularité, que la loi qu’il suit est plus uniforme et moins sujette à irrégularités, ainsi qu’on peut le voir par les exemples que nous avons cités ci-dessus, et qui sont extraits de notre journal de voyage. Entre les 24, 23 et 22° de latitude nord, les différences diurnes, durant le jour et la nuit, excèdent à peine 0° 4; elles sont très faibles, ainsi que nous l’avons observé aussi, dans l’atmos- phère; mais, cependant, le principe ci-dessus énoncé n’en sub- siste pas moins. ÉTAT HYGROMÉTRIQUE DE l’aIR. L’hygromètre est un instrument précieux dont l’usage ne sera jamais assez recommandé. L’ensemble des observations atmosphé- riques est incomplet et de peu d’utilité pour les progrès de l’histoire de la physique du globe , lorsqu’il ne présente pas le tableau des changements d’humidité et de sécheresse de l’air par diverses lati- tudes, aux différentes heures du jour et durant les divers étals du ciel. Les voyageurs qui ne le connaissent pas ou qui ne tiennent pas compte de la valeur de ses indications contribueront fort peu aux progrès de la science, parce que l’objet qu’ils se proposent n’embrassera pas le problème dans toute sa généralité. Le baron de Humboldt, qu’il faut toujours citer lorsqu’il s’agit d’un plan bien conçu d’observations ayant un grand but et devant avoir de féconds résultats, suivait constamment la marche de l’hygromètre à bord, se proposant de résoudre divers problèmes, que nous examinâmes nous-mêmes durant notre voyage, sous un point de vue semblable. Nous avons préféré les indications de l’hygromètre à cheveux, parce que, en outre de ses avantages sur l’hygromètre à baleine, le nôtre méritait toute notre confiance, par le soin et l’exactitude que nous avions mis dans le choix et la préparation des cheveux, GEOGUAPIllE. 1 70 ainsi que dans !a détermination des points extrêmes d’humidité et de sécheresse; et, afin d’éviter toute cause d'erreur, nous em- ployâmes, pour l’observer à bord, toutes les précautions qui de- vaient nous conduire aux résultats que nous désirions. Nous allons donc les donner avec la concision que nous nous sommes proposée dans cet ouvrage. A mesure que nous approchions de l’équateur, l’état de l’humi- dité apparente de l’atmosphère présenta une augmentation sensi- ble. Entre les parallèles de 39° et 35° de latitude nord, les maxima de sécheresse qu’indiqua l’hygromètre étaient 73, 75 et 77°; mais dans les derniers jours de notre voyage, alors que nous étions entre les tropiques, nous n’eùmes jamais moins de 85 et 87°, à quelque heure que ce fût et nonobstant l’augmentation de tempé- rature qui se faisait sentir de jour en jour. Gomme les maxima d’humidité sont généralement produits par les grandes pluies d’orage, fréquentes à ces latitudes, nous avons préféré l’indication du maximum de sécheresse diurne, pour en déduire la loi de sa diminution, à mesure que l’on se rapproche, en mer, de l’équa- teur. Toutefois, pour qu’elle soit déterminée d’une manière satis- faisante, il est encore nécessaire de faire à la mer beaucoup d’ob- servations, à toutes les époques et dans toutes les directions. — Nous allons donner ici les résultats de Humboldt et les nôtres, en faisant remarquer, toutefois, que si ce savant a choisi les indica- tions hygrométriques de l’heure à laquelle l’air et la mer sont à peu près à la même température, nous avons préféré la plus basse indi- cation de l’hygromètre chaque jour, ou, ce qui revient au même, le maximum de sécheresse diurne. CLIMAT. 171 Résultats des observations de M. de Humholdt et des nôtres, sur Vhumiditè atmosphérique, par diverses latitudes. ÉPOQUES des observations de Hmnboldt. LATITUDE DU LIEU à la haute mer. i TIIERMOMÈTKE CENTIGRADE. HYGROAlÈTRE A CHEVEUX. 1 ÉPOQUES de nos observations. LATITUDE DU LIEU à la haïUe mer. THERMOMÈTRE CENTIGRADE. HYGROMETRE A CHEVEUX. | 9juiri 1799. 39“10' 14“5 82" 3 juillet 1823. 38"27' 20“7 70" 15 30,36 20,0 85,7 4 37,17 20,8 73 16 29,18 20,0 83,8 6 35,44 23,5 75 30 18,53 21,2 81,5 12 31,4 26 4 juillet. . . . 16,19 22,5 88 17 27,11 26,2 80 10 12,34 24,0 89 20 25,4 27,5 83 12 (0,46 25,4 90 23 24,33 27,4 84 14 11,1 25 92 28 22,25 28,6 85 Nous avoDS observé, en outre, que l’étendue des variations hygrométriques de chaque jour, c’est à dire la distance entre les deux points les plus éloignés que signalait l’indicateur, était suc- cessivement plus petite, à mesure que la latitude diminuait. Durant les premiers jours du voyage, ces variations se trouvaient être de 1 0 à 12% quelquefois de 1 5, ainsi qu’on peut le voir dans le tableau ci-dessus-, mais dans les derniers jours, par les parallèles de 24, 23 et 22°, les différences entre les raaxima d’humidité et de séche- resse ne dépassaient pas 6° et étaient généralement de 3 à 4°. En examinant l’ensemble de nos observations hygrométriques horaires, ou peut en déduire la loi diurne que suit l’atmosphère à ses différents degrés d’humidité. Nous ne pouvons assurer que cette marche soit générale par toutes les latitudes j mais, entre le 172 GEOGRAPHIE. 43'^ parallèle et le 22% nous avons remarqué qu’il était à peu prés constant que l’atmosphère atteignait son maximum de sécheresse entre dix et douze heures du matin, et que, depuis ce moment, l’indicateur ne cessait de s’élever jusqu’après le coucher du soleil. En comparant cette dernière indication avec celle du matin de chaque jour, on reconnaît que le maximum d’humidité a lieu pen- dant la nuit, et la différence que présentent les deux indications extrêmes du jour étant très petite, on semble pouvoir déduire de là qu’à différentes heures de la nuit l’hygromètre reste station- naire aux degrés de la plus grande humidité diurne. Les exemples suivants peuvent servir à montrer quelle est la marche de cet instrument à la mer, et, par conséquent, l’état de l’humidité de l’atmosphère, suivant la position du soleil. Nous avons joint à ces indications celles du thermomètre, parce qu’elles sont indispen- sables. CLIMAT. 173 Marche diurne de V hygromètre à la mer. JOURS. HEURES. THERMOMÈTRE. 1 hygromètre. CIRCONSTANCES atmosphériques. 4 j uillet. . 8 20" 79" N.E.— Cirro-strati. 10 20,2 73 Idem. Idem. 11 \ 20,4 77,5 Idem. Idem. 12 20,5 78 Idem. Idem. 2 20,5 80 Idem. Idem. 4 20,2 81 N. E. Clair. 6 20,1 82,5 Idem. Idem. 7 19,9 85,5 Idem. Idem. G 6 i 21,7 87 E. S. E, . — Nuaees. 8 23 80 A peu près calme. 10 23,3 77 Idem. 11 23,4 75 Idem. 12 23,5 76 Idem. 2 22,4 80 Idem. 4 22,3 81 Idem. 6 22,3 83 Idem. 7 3- 22,2 84 Idem. 17 8 25 84 E. N. E, . — Clair. 10 26,2 80 Idem. Idem. 12 26,4 83 Idem. Idem. 2 25,9 85 Idem. Idem. 4 25,7 84,5 Idem. Idem. 6 25,7 85 Idem. Idem. 20 6 25,6 90 Est. — Cirro-sti’ati. 8 26,8 86 Idem. Idem. 10 27,5 83 Idem. Idem. 12 27,9 83 Idem. Clair. 2 27 85 Idem. Idem. 4 26,8 85 Idem. Idem. 6 26,8 85 Idem. Nuageux. 7 26,8 87 Idem. Petite pluie. 21 6 26 90 Est. — Cirro-strati. 8 27 87 Idem. Idem. 10 27,4 82 Idem. Idem. 12 27,4 85 Idem. Clair. 2 27 85 Idem. Idem. 4 26,8 87 Idem. Idem. c 20,8 87 Idem. Idem. ! 7 26,5 88 Idem . 25 G i 27,5 87 E. N. E, . — Niiaqes. 8 28 86 Idem. Clair. 10 28,6 84 Idem. Idem. 12 28,8 86,5 Idem. Idem. O 28,3 86 Idem. Idem . 4 28,2 87 Idem. Idem. G 28 87 Idem. Idem. 174 GEOGRAPHIE. Cette loi a été si générale durant notre voyage, que nous l’avons observée même dans les jours pluvieux, en faisant toutefois abs- traction des interruptions que produisaient alors les pluies ora- geuses, lesquelles faisaient élever subitement l’indicateur de 4 à 6 degrés : les exemples suivants en sont une preuve. JOURS. HEURES. THERMOMÈTRE . HYGROMÈTRE. CIRCONSTANCES fl atmosphériques. 15 juillet.. 6 du matin. 24" 93" N. E. — Couvert. 7 25,3 89,5 Idem. Idem. 8 25,5 85 Idem. Idem. 8 3 - 90 Idem. Pluie. 9 26 85 Idem. Nuages. 10 26 87 Idem. Idem. 11 26,1 83,5 Idem. Idem. 12 26 83,5 Idem. Idem. 2 du soir. . 26 86 Idem. Nuageux. 3 26 83 Idem. Idem. 4 26 84,5 Idem. Idem. 5 26 83 Idem. Clair. 6 25 85 Idem. Idem. 22 7 du matin. 27 86 E.N.E.- Cirro-strati. 8 27 84 Idem. Clair. 10 27,6 ' 83,5 Idem. Idem. 12 27,8 85 Idem. Grains. 2 du soir. . 27,1 85 Idem. Clair. 4 26,7 85,5 Ouest. Clair. 5 26,7 90 Idem. Orageux. 6 26,6 87 Idem. Clair. 7 26,5 88 Idem. Idem. 9 { 25,5 89 Idem. Nuages. Nous nous étions proposé de suivre la marche comparée de l’hygromètre et du baromètre à la mer, mais les résultats de nos observations ne sont pas appréciables. L’oscillation continuelle du mercure s’oppose complètement à ce que l’on puisse faire à bord CLIMAT. 175 les observalions barornélriqucs avec Fexactilude désirable, à ce que l’on puisse noter avec précision la marche diurne de cet instru- ment et apprécier des fractions moindres que des dixièmes de ligne. Nous pourrions offrir à l’appréciation des physiciens deux exemples qui nous frappèrent fortement, et dans lesquels l’hygro- mètre anticipa sur le baromètre pour annoncer des pluies inatten- dues j mais notre peu de confiance dans les indications du der- nier de ces instruments nous oblige à ne pas les exposer, jusqu’eà ce que nous ayons pu vérifier cette observation. Afin de rendre plus sensibles les résultats des observations que nous avons faites durant notre navigation, et qui ont rapport à la détermination de la loi à laquelle obéissent la température de l’air et celle de la superficie de l’Océan, nous avons tracé un tableau sur lequel ces résultats sont représentés par une ligne anguleuse, et qui offre également, au moyen d’une autre ligne anguleuse, les résultats obtenus par M. de Humboldt, dans un voyage semblable au nôtre. Pour tracer ces lignes, nous avons commencé par éta- blir deux coordonnées qui correspondent, l’une aux latitudes, l’autre aux températures observées. Elles sont divisées en parties qui représentent, sur la première, le parallèle sous lequel s’est faite l’observation 5 sur l’autre, les degrés du thermomètre centigrade. Nous avons alors rapporté sur chacune de ces lignes la position des points des lignes de route, de sorte que l’ordonnée indique les degrés et dixièmes de degré de la température, et l’abscisse, les degrés et minutes de latitude. On peut, sur ce tableau, indiquer certaines coïncidences et des résultats dignes d’attention ; nous en signalerons quelques-uns. 1“ La loi de l’augmentation de la température, en raison de la latitude, est beaucoup mieux représentée par la ligne qui indique la température de l’Océan que par celle qui indique la température atmosphérique. Dans celle-ci, on remarque des perturbations assez fortes, tandis que dans celle-là son ascension, plus ou moins régu- lière, n’est altérée en aucun point. 2” En SC reportant aux journaux de navigation, pour chercher la cause des élévations rapides de la température atmosphérique aux points dont la différence de latitude est petite, nous voyons qu’entre les parallèles 34® et 36" M. de Humboldt observa les tem- pératures atmosphériques de 20° 6 et 19° 7, alors que la superficie de l’Océan indiquait seulement 16° 2 et 16° 3. Mais, aux moments auxquels ces observations furent faites, l’air était caliiu', c’est à GEOGRAPHIE. 176 dire dans le même état où il se trouvait lors d’une observation qui, sous une latitude semblable (35° 7 '), nous donna 23° 8 pour la température atmosphérique, tandis que, deux degrés plus au nord, nou savions eu 19° 2. 3° Les deux lignes qui, dans les deux voyages, représentent la loi d’augmentation de la température de l’Océan sont , sauf de légères différence, parallèles; et comme elles se rapportent à des mois voisins, juin et juillet, dont le second offre une température moyenne supérieure au premier, et plus élevée aussi dans les zones voisines des tropiques que dans les zones tempérées, cela peut expliquer pourquoi le parallélisme commence à cesser et pourquoi les lignes s’éloignent par des parallèles inférieurs au 27°. Le journal de M. de Humboldt n’indique pas les heures de ses observations, et comme probablement elles ne furent pas faites aux mêmes instants, il en est résulté des perturbations dans le tracé de cette ligne. Nous avons déjà dit que, pour observer la loi de l’augmentation de la température de l’Océan, nous avions préféré l’indication des maxima à toute autre ; mais le maximum, à la superficie de la mer, s’observe entre trois et quatre heures, tandis que celui de Pair se note à midi. Ceci prouve que, si les observations simultanées faites dans Pair et dans la mer peuvent servir à établir la loi que suivent les températures respectives, elles ne peuvent conduire au même but, pour déterminer celle de leur accroissement, quand on navi- gue du nord vers le midi. La régularité plus constante que pré- sente notre ligne de voyage doit donc être attribuée aux indica- tions thermométriques que nous avons employées pour la tracer. Nous avons représenté aussi, dans un autre tableau, à l’appui des observations déjà faites , quelques résultats de la marche diurne de l’hygromètre .sur l’Atlantique. Les perturbatious que l’on re- marque dans quelques-unes des lignes qui indiquent la loi diurne proviennent de pluies qui firent élever subitement l’aiguille de l’instrument. Dans tous les autres cas, elle s’incline au point du jour vers les degrés de sécheresse, et de dix heures à onze heures vers ceux d’humidité. Si de toutes les observations que nous fîmes on peut déduire une loi représentée par une courbe, cette courbe sera semblable à une parabole inverse, dont la partie concave correspondra aux degrés de plus grande sécheresse atmosphérique, aux heures de la matinée, et les branches aux heures du point du jour et de la nuit. CLIMAT. 177 SUITE DES OBSERVATIONS METEOROLOGIQUES FAITES A LA HAVANE. Nous avons continué le journal des observations météorologi- ques depuis notre arrivée à la Havane et durant tout le temps de notre résidence dans cette ville, c’est à dire depuis le 4 août 1823 jusqu’au 31 mars 1835 , avec quelques interruptions, cependant, dans le cours des trois dernières années et dans celui des deux premières : c’est pour cela que nous déduirons les résuUats géné- raux d’une période moins longue, s’étendant de 1825 à 1831 , et pendant laquelle nos observations ont élé faites avec toute la régu- larité désirable. Beaucoup de ces observations ont été déjà pu- bliées (l)j mais, outre quelques erreurs que nous ne pûmes alors éviter, les séries étaient partielles, c’est à dire qu’elles ne présen- taient les résultats que d’une ou deux années : de plus, elles n’a- vaient pas été soumises à une comparaison rigoureuse, et l’ensem- ble général n’en avait pas été revu avec la scrupuleuse exactitude qu’il faut mettre dans un semblable travail. Aujourd’hui nous l’avons fait : nous avons examiné une à une toutes les observa- tions ; nous avons rectifié diverses erreurs d’annotation , faciles à découvrir, mais que nous avions antérieurement négligées; nous avons ramené à des mesures uniformes les données des divers instruments employés, afin de les rendre comparables; et, enfin, nous n’avons tiré de conséquences de nos résumés qu’aprés nous être bien assurés de leur exactitude. PRESSION ATMOSPHÉRIQUE. Par cette raison que le baromètre, dans la zone équatoriale, n’éprouve pas les grandes oscillations qu’il subit dans les zones tempérées , on doit étudier avec plus de précision et de patience sa marche annuelle et ses marées journalières. Il y eut un temps pen- (i) Nous avons publié, sur le climat de la Havane, les tableaux annuels de iSaS et 1826 , dans les Mémoires de la Société royale économique de cette ville; des différents mois isolés, dans divers numéros de la même publication; les ta- bleaux de 1827, 1828 et 1829 , dans les jdnnales des sciences, du commerce et des arts ; un mémoire spécial sur le climat de la Havane , imprimé à New-York, en 1827, et différents résumés dans les journaux périodiques de la Havane. Les Mnnales de physique et de chimie, le Bulletin universel àe Férussac , la Biblio- thèque universelle de Genève , la relation du voyage de M. de Humboldt, elc., ont aussi rendu compte de ces travaux et en ont publié des extraits. GEOCRAPUIB. GEOGRAPHIE. 17S dant lequel les petites variations que cet instrument subissait entre les tropiques avaient porté à croire que réellement il ne les subissait pas, et que les différences que l’on remarquait dans sa marche étaient bien plutôt dues à l’influence de la température sur le mercure qu’aux inégalités qu’éprouvait la pression atmosphérique dans ces régions. Le P. Béze, supposant que la hauteur de la colonne barométrique était constante dans les régions équinoxia- les, la proposait comme tjpe ou unité de mesure pour les diverses nations du globe. Quant aux variations horaires, elles n’attirérent môme pas l’attention de Richer, qui fut envoyé par l’Académie des Sciences de Paris, en 1671, pour vérifier si l’élévation moyenne du baromètre était la même à Cayenne qu’à Paris. Le P. Laval croyait que le poids de l’air entre les tropiques était moindre que dans les autres parties de la terre, et le docteur Cassan (1), se fon- dant sans doute sur l’immobilité supposée de la colonne barométri- que dans cette zone, publia qu’elle baissait seulement d’une ligne par 100 toises d’élévation dans les montagnes, ou un peu plus de la moitié de ce qu’elle s’abaisse en Europe. Enfin tant d’absurdités ont été écrites sur l’air de la zone équatoriale, queChanvalon (2) affirme qu’il n’y a pas d’écho à la Martinique, et qu’un médecin anglais annonça que les proportions de ses éléments constituants étaient différentes de ce qu’elles sont en Europe (3). Mais depuis, divers voyageurs et observateurs exacts ont déter- miné avec précision les lois auxquelles obéit le baromètre dans ces régions; lois semblables à celles des zones tempérées, et qui n’ont avec elles d’autres différences qu’une moindre étendue dans les variations et que des époques dissemblables dans celles de chaque mois. Nous ferons, dans ce chapitre, un fréquent usage des résul- tats obtenus par ces savants, au nombre desquels nous devons surtout citer nos amis et collègues de l’Institut, MM. de Humboldt et Alexandre Moreau de Jonnès. Avant d’exposer les phénomènes que présente la marche diurne et mensuelle du baromètre dans l’île de Cuba, nous présenterons le résumé de toutes les observations que nous avons faites à la Havane, c’est à dire les résultats extrêmes de chaque mois, les résultats moyens déduits de toutes les observations mensuelles, et enfin la pression moyenne mensuelle et annuelle de l’atmosphère. (1) Transac. de la Société médicale d’émulation de Londres , t. V, p. 6 . ( 2 ) Chanvalon , Ohserr. météorol . — Moreau de Jonnès, uhi supra, p. 4o4. (3) Moreau de Jonnès , ih., p. 4o4. — Monographie de la fièrre jaune , p. 226 . CIJMAT, 179 «J g g o' g . 357. 184 GEOGRAPHIE. à zéro de température, était, à Cumana, de 2 millim. 47, entre neuf heures du matin et quatre heures du soir, c’est à dire pour la plus grande marée diurne. MM. Boussingault et Rivero ont trouvé qu’à Santa-Fé-de-Bogota la plus grande marée, de neuf heures à quatre, réduite à zéro de température, était de 6 millim. 20. Les observations faites par ces mêmes savants à la Guajra, et corrigées par M. Arago, donnent pour la variation moyenne 2 millim. 44. Il résulte enfin de toutes les observations réunies par M. de Humboldt, qu’à Cumana, à la Guayra, à Payta, à Lima et à Rio- Janeiro, l’étendue moyenne des oscillations ou marées atmosphé- riques au niveau de la mer est au plus de 2, 4 à 3 millimètres, et que la différence des hauteurs absolues observées aux mêmes heu- res, en divers jours, est de 3, rarement de 4 millimètres. Notre journal d’observations confirme cette loi en tous ses points. Très souvent, à la Havane, les oscillations ou marées horaires sont si petites, qu’elles nécessitent une grande habitude d’observer le baromètre pour les remarquer. En certains jours, la plus grande marée barométrique, qui a lieu entre sept heures du matin et trois heures du soir, n’excède pas 2 centièmes de pouce anglais, ou un peu plus d’un demi-millimètre j à de rares moments, elle fut d’un dixième de pouce anglais ou 25 dix millimètres; mais elle oscillait le plus ordinairement entre 10 et 15 dix millimètres, c’est à dire entre 4 et 6 centièmes de pouce anglais. Les grands mouvements atmosphériques, occasionnés par les changements subits dans la direction des vents, se traduisent, dans le baromètre, par une oscillation irrégulière de quelques dixièmes de ligne, qui troublent l’étendue de la marée barométrique en l’augmentant ou en la diminuant , mais qui ne la détruisent jamais. H est curieux de voir, lors des virements subits du nord au sud, qui font baisser la colonne de mercure, ou dans ceux du sud au nord, qui la font s'élever, il est curieux de voir, disons-nous, comment l’oscillation périodique et régulière se combine avec cette cause perturbatrice. Ce phénomène s’annonce , dans le baromètre , quelques heures à l’avance, ce qui rend précieux l’usage de cet ins- trument, dans une région où les ouragans sont si terribles, ainsi que nous le verrons en son lieu. L’ouragan du 27 août 1794, dont fait mention M. de Humboldt, d’après les notes manuscrites que lui donna le capitaine de navire D. Thomas de Ugarte (1), ne commença qu’à sept heures du matin. (iJ übi supra , t. \l , Y>. 21^ . CLIMAT. 185 Malgré cela, le baromètre avait commencé à baisser clés le 25, à quatre heures de la matinée, qu’il se trouvait à 30 pouces 04 de la division anglaise; à la même heure, le jour suivant, il était à 30 pouces, et le 27, jour auquel commença l’ouragan, encore à la même heure, il était à 29,95; il continua à baisser tout le jour et une partie du 28, jusqu’à trois heures et demie du matin, qu’il était à 29 pouces 50, terme auquel il s’arrêta r de sorte que, depuis 30 pouces 04 jusque-là, il avait baissé de 0,54 de pouce anglais, ou de 10 millimètres 72 de l'échelle métrique. Nous avons déjà mentionné le grand abaissement observé par M. Ferrer, le 25 oc- tobre 1810, de 0,76371 à 0,74472, et qui fut ainsi de 19 milli- mètres. — Plus loin, nous parlerons des pluies et des vents qui signalent les deux grandes saisons dans lesquelles peut se diviser l’année des zones tropicales. TEMPÉRATURE ATMOSPHERIQUE. Le tableau que nous allons donner comprendra les résultats extrêmes des indications journalières, mensuelles et annuelles du thermomètre centigrade, les maxima et minima déduits de ce.s observations, les moyennes mensuelles et annuelles, et la loi du mouvement diurne et mensuel du même thermomètre. Cet ensemble d’observations, probablement le plus riche qui ait été recueilli jusqu’ici dans un climat intertropical, nous fournit des éléments suflisants pour déterminer les lois de celui de la Havane, en ce qui est relatif à la température de son atmosphère. Eu prenant les températures moyennes mensuelles comme les re- présentants les plus exacts de la loi thermométrique, on peut remarquer la progression croissante qu’elle suit de janvier à août, et la progression décroissante qu’elle subit d’août à décembre. La différence entre la plus grande et la moindre température moyenne mensuelle se trouve être de 5° 67, de janvier à août, et de 4,89 d’août à décembre. Le premier de ces chiffres donne 0,81 de dif- férence moyenne entre chacun des sept premiers mois de l’année, et le second, environ 0,98 pour les cinq mois restants. La loi du décroissement de la température mensuelle paraît être plus rapide que celle de son augmentation, et cela est confirmé par l’examen des températures minima, tant observées que déduites. En s’en tenant seulement aux indications maxima, nous nous trouverons avoir une loi uniforme d’augmentation et de diminution, dont le mois d’août est le point de départ. CLIMAT. 1 87 La température mojenne du mois d’avril approche en général de la température moyenne de l’année, et quelquefois aussi celles des mois d’octobre et de novembre. On a remarqué la môme chose, à quelque petite différence prés, à la Martinique, à la Guadeloupe et à la Barbade, où le mois de novembre et celui d’a- vril représentent approximativement la température moyenne de l’année (1). La différence entre le mois le plus chaud et le mois le plus froid a été respectivement de 7°10 en 1825, 6ol8 en 1826, 6“35 en 1827, 5°35 en 1828, 5°40 en 1829, 7°15 en 1830, et 5°02 en 1831. D’après les observations déjà citées de M. Ferrer, cette différence fut de 7“7, et M. Robledo en avait observé anté- rieurement au bourg d’übajay une de II 09 . La plus grande éten- due qu’a l’échelle lhermométrique dans l’intérieur de l’île que sur la côte, nous semble être un fait exactement observé et que confirme l’expérience des habitants. A la Martinique la différence entre le mois le plus chaud et le mois le plus froid de l’année varie entre 5°98 et 5"23 , et à la Guadeloupe entre 4°78 et 3°68 (2) • à Gumana elle s’élève à peine à 3. En ayant égard à la latitude de ces diffé- rents points, on reconnaît que l’échelle des oscillations mensuelles diminue à mesure que les contrées se rapprochent de l’équateur. Voici pour chaque mois l’extension moyenne des oscillations mensuelles que présente le thermomètre à la Havane. Janvier Juillet Février Août. . A i Mars Septembre. . . . Avril Octobre Mai Novembre. . . . Juin Décembre. . . . Les plus grandes variations mensuelles que nous ayons obser- vées, ont été de 14 et 15 degrés, aux mois de janvier, février et mars; les plus petites de 5 à 6 degrés, aux mois de juillet, août et septembre. A la température la plus élevée des mois d’elé, cor- respond une diminution dans l’échelle des oscillations, et, au con- tiaire, les températures inférieures moyennes correspondent à des (1) iMorcaii île Jonnès, ubi siipni , p. 170. p. 174 cl siiiv. GKOGKAI'HIE. 188 mois dans lesquels les oscillations thermomélriques sont plus éten- dues. C’est là un caraclère essentiel du climat des pajs tropicaux et ce qui constitue sa nature propre. La plus haute température que nous ayons observée durant notre résidence à la Havane, fut de 32"3, les 23 et 26 de juin 1826, et la moindre de 10°, au lever du soleil, du 29 décembre de la même année. La différence entre ces deux indications, 22°3, est la plus considérable que nous puissions citer. Néanmoins M. Robledo a assuré, à M. de Humboldt, avoir vu le thermomètre à zéro, et dans une autre occasion à 27°55 de Réaumur ou 34°4 centésimaux (1). Les observations faites de 1810 à 1812, parM. Ferrer, qui ne vit pas les oscillations thermométriques dépasser 16° et 30°, celles de M. de Humboldt qui vit seulement un maximade 31°2, enavril 1801, à la Havane, concordent beaucoup mieux avec les nôtres 3 car , en faisant abstraction des cas exceptionnels de I 826 , nous vîmes toujours la colonne de l’instrument entre 11° et 31°, c’est à dire entre les limites distantes de 20 degrés. A la Martinique les ex- trêmes observées ont été de 20°56 et 35° 3 à la Guadeloupe, de 1 8»50 et 39o30 (cette dernière n’a été remarquée qu’une seule fois par Lachenaie )3 à la Rarbade, de 22°18 et 30°3 à Cumana, de 20“8 et 33°. La température moyenne annuelle à la Havane a varié entre 25°86 en 1828, et 24“10 en 1829. Les années antérieures et posté- rieures offrent des chiffres intermédiaires. La différence entre l’année la plus froide et l’année la plus chaude a été seulement de 1°76. M. Moreau de donnés a trouvé que cette différence pour la Martinique a été de 1°56, pour la Guadeloupe de 1°91, et pour la Rarbade de 0 ‘’ 20 . Il résulte de nos observations que la tempé- rature moyenne annuelle de la Havane est de 25‘>055. En 1827, nous Lavions trouvée de 24°9 seulement, ne l’ayant déduite que de deux années d’observations 3 mais les températures plus élevées de 1827 et 1828 l’ont amenée au chiffre que nous donnons au- jourd’hui. Ce dernier chiffre, de même que le précédent, qui avait été donné dans notre mémoire sur le climat de Cuba, sont infé- rieurs à celui déduit des observations de M. Ferrer, le premier de 0,8 et le second de 0,65. Néanmoins nous maintenons ce que nous avons déjà dit en 1827, que nous avons la plus grande con- fiance dans nos résultats et que nous les croyons aussi dégagés (i) Voynt^o aux régions équinoxiales , l. II , p. 25 o- 25 î. CLIMAT. 189 que possible de toute influence locale : 1« parce que les observations furent faites dans le bâtiment du jardin botanique , situé extra- muros, élevé de 90 pieds (30 métrés) au dessus d u niveau de la mer, entièrement isolé , dominant la ville et environné de plantes ; 2» parce que les thermomètres étaient disposés de manière à donner la moindre température du moment et du lieu de l’observation ; ainsi, par exemple, l’indication du matin était prise au midi, au vent frais qui souffle de ce point de l’horizon tous les matins, ce qui n’a pas lieu pour le côté du nord , dont la température à la même heure est de deux degrés plus élevée; 3° enfin parce que la- dite demeure est exposée à l’action des brises du N. E. et de l’E. N. E. C’est à ces mêmes causes que nous avons dû d’obtenir les températures minima de 10°, 11" et 13°, consignées dans le tableau général, et comme ces lectures furent observées directement, nous devons non-seulement les regarder comme positives, mais elles doivent encore contribuer à nous donner toute confiance dans le chiffre exprimé de la température moyenne. Toutefois, si l’on faisait, dans l’intérieur de cette même ville de la Havane, des observations semblables à celles que nous avons faites dans le bâtiment du jardin botanique, on obtiendrait des résultats plus élevés que les nôtres, tant pour la température moyenne que pour les extrêmes. C’est un effet de l’accumulation des édifices et de la population , du peu de largeur des rues et de la position même de la ville, qui est privée, en grande partie, de l’influence des brises par la colline de la Cabana. Ceci explique pourquoi elle conserve, dans l’intérieur de son enceinte, durant les nuits, une température plus élevée que celle de l’air environ- nant, ce qui modifie l’action de celui-ci et s’oppose â ce qu’il attei- gne, dans la matinée, le degré inférieur de la température atmos- phérique. Cette chaleur des nuits, occasionnée par le défaut de ventilation, persiste pour ainsi dire presque sans interruption tout le jour suivant; et voilà pourquoi il est difficile d’obtenir, intra- muros, une série d’indications indépendantes des influences loca- les, et telles qu’on peut appeler celles qui sont faites à l’air libre. La température moyenne que nous avons donnée, et qui est inférieure de plus d’un demi-degré à celle de M. Ferrer (25° 7), confirme ce fait observé, que la température moyenne des points situés aux limites de la zone torride diminue rapidement si on la compare à celle des pays plus rapprochés de l’équateur. En compa- rant les températures moyennes annuelles des îles plus méridio- 190 GEOGRAPHIE. nales que celle de Cuba et des points du continent semblablement placés, on peut voir qu’elle varie peu entre 26 et 27 degrés j que les îles de la Jamaïque et de Sain t-Domingue (Haïti), si voisinesde Cuba , offrent même la température moyenne élevée de 27” 22 et 26“ 25 • tandis qu’en sortant de la limite tropicale nous trouvons 25“, sur un point de la côte exposé à l’influence de la mer ; et, plus à l’intérieur, nous avons cité une autre température moyenne annuelle, encore inférieure, déduite des observations de M. Robledo. Le voisinage du continent paraît avoir une grande influence sur le climat des îles; celles qui en sont le plus proches ont une température plus élevée que celles qui en sont distantes et qui sont isolées. Ainsi on a remarqué que pour la Martinique, qui est dans le second de ces cas, sous la latitude de 14“ 35' nord, le minimum de la tempéra- ture moyenne est de 20“ 56 ; tandis qu’à la Trinité , située sous le 10“ parallèle 39, à peu de distance du continent, il est de 25“ 37'. Outre la méthode de déduire les températures moyennes an- nuelles du rapprochement des observations journalières, on s'est efforcé d’arriver au même résultat, en observant la température de l’eau des puits et de la couche terrestre elle-même à une certaine profondeur (1). Mais l’observation du degré de chaleur des eaux souterraines est une indication très inexacte, parce que ces eaux proviennent ordinairement de localités élevées au dessus du niveau de la mer, dont la température est inférieure à celle du lieu où l’on so trouve et qu’il s’agit de déterminer. Et il ne suffit pas, pour se garantir de cette erreur, d’observer que les montagnes sont voi- sines du lieu, parceque les eaux souterraines viennent quelquefois de sources très éloignées. M. Ferrer a trouvé le chiffre 24“ 4 pour la température d’un puits de 100 pieds (28 mètres) de profondeur, dans l’île de Cuba; M. de Humboldt, 22 “ et 23“ dans les grottes calcaires de San-Antonio-de-Beytia, et aux sources du Rio de la Chorrera. Nous n’avons jamais obtenu, dans plusieurs puits dont nous examinâmes la température, une indication supérieure à (i) Ce second moyen est le seul exact pour déterminer la température des couches superficielles du globe et les lois de son augmentation et delà diminu- tion mensuelles, jusqn’à ce qu’on arrive à un point de température constante. M. Qiietelet, directeur de l’observatoire de Bruxelles, a entrepris en i834, et con- tinué depuis , une série d’expériences avec six thermomètres , enterrés à une pro- fondeur variant de o"' 19 à 7 "’ 8 o. Les résultats des trois premières années ont été publiés dans le tome X des Mémoires de V Académie de Bruxelles et dans Y Annuaire de L’Observatoire ^owv i838 ; celui de i83g contient le résumé des observations faites en 1887 , etc. 25“ 7, qui fut celle que nous offrit uu de ces puits, ayant 78 pieds (22 mètres) de profondeur, aux environs de la Havane; mais, à San-Marcos et à Alquizar, nous avons trouvé presque constam- ment 24°. Laissant de côté l’influence des eaux des hauteurs, tout nous fait soupçonner que la température de la masse terrestre de l’île de Cuba est inférieure à 25°, c’est à dire au chiffre que nous avons obtenu pour la température atmosphérique de la Havane. Et si celle de divers points de l’intérieur est inférieure à cette der- nière, comme nous sommes également portés à le croire, l’indica- tion de la température des localités souterraines, entre 20 et 24°, sera plus voisine, en réalité, du climat de l’île de Cuba, que celle que nous avons trouvée pour la Havane. M. de Humboldt, à la sagacité duquel ce phénomène ne pouvait échapper, se demande si les courants, qui, à de grandes profon- deurs, amènent les eaux des pôles jusqu’aux régions équinoxiales, et le froid qui règne constamment dans les abîmes de l’océan équa- torial, ne contribueraient pas à diminuer la température de l’inté- rieur de la terre dans les îles de peu de largeur, comme celle de Cuba (1). Ce doute, néanmoins, ne lui paraît pas très fondé, lors- qu’il vient à se rappeler que les puits de Kingston, à la Jamaïque, et de la Basse-Terre, de la Guadeloupe, donnent les températures de 27° 7, 28° 6 et 27° 2. Si nous ajoutons à cette objection, que lesdites îles se trouvent en dedans de la zone équatoriale, qui offre dans toutes ses parties une température moyenne plus élevée que celle des limites de celte zone, nous devrons chercher une autre cause à la chaleur inférieure de cette limite tropicale, soit qu’on l’observe dans l’intérieur de la masse terrestre, soit qu’on la dé- duise des indications horaires et diurnes du thermomètre à l’air libre. Du reste, l’île de Cuba n’est pas le seul point du cercle tropical, limite septentrionale de la zone torride, qui présente cet abaissement rapide de température; car Macao, par 22° 12', et Canton, par 23° 8', offrent une semblable diminution : en effet, la moyenne annuelle, pour ces deux endroits, est de 23° 3 et 24°, respectivement. Dans le tracé de la courbe thermométrique, il est nécessaire de marquer, bien que la cause en soit inconnue jusqu’à présent, une rapide inflexion de plus de 2 degrés dans la limite septentrionnalc de la zone torride. On signale le même phénomène dans l’hémisphère (i) Voyez le tome III de la Ilelalion du Voyage, p. iqS, et le tome XI, p. GEOGRAPHIE. 192 austral. Bien que les températures moyennes de parages voisins de l’équateur soient, au sud, un peu plus basses qu’au nord, Suriuam, à 5° 8' de latitude sud. Batavia, à 6° 12', et l’île Maurice, à 20“ 9', ont des températures moyennes annuelles de 25° 38, 25“ 9 et 26° 9, qui, commeon le voit, différent eutre elles moins qu’on serait porté à le croire d’après les différences de latitude. Mais en s’approchant de la lisière ou limite de la zone torride, dans l’autre hémisphère aussi bien que dans le nôtre, la température moyenne descend rapidement de plus de 3°, donnant déjà sous la latitude de 22° 54', à Rio-Janeiro, 23° 5. Les mois les plus froids de l’année sont, à la Havane, ceux de décembre, janvier et février, époque à laquelle soufflent, des ré- gions australes, les vents incpélueux du N. E., du N. et du N. O., qui, dans leur course rapide au-dessus d’immenses régions dépeuplées et humides, n’ont pas acquis la température plus douce des climats tempérés qu’ils traversent. Dans ces jours, il est rare de voir le thermomètre, placé à l’ombre, s’élever à 28“ , tandis qu’il descend fréquemment à 13, 14 et 15“, et qu’il donne, pour terme moyen de ces trois mois, 22° 65, 21° 87 et 23° 35, températures qui sont désagréables au corps humain. A mesure que la température moyenne d’un pays est plus éle- vée, ou, pour mieux dire, que l’échelle thermométrique des oscil- lations mensuelles et annuelles d’un climat est plus courte, l’élé- vation ou l’abaissement de quelques degrés dans la température ordinaire de l’atmosphère devient plus sensible. M. de Humboldt rapporte que durant son séjour à Guayaquil, au mois de juin 1803, les habitants se couvraient, en se plaignant du froid, parce que le thermomètre était descendu à 23° 8; tandis que la chaleur leur paraissait suffocante à 30° 5. A Cumana, durant les forts coups de vent, on entend par les rues ces exclamations : Que hielo! estoy emparamado! quel froid', je suis transi 1 au moment où le thermomètre, exposé à la pluie, ne descend pas au dessous de 21° 5. Bouguer raconte qu’étant au sommet de la Montagne Pelée, à la Martinique, ses compagnons et lui tremblaient de froid, et cependant le thermomètre était au dessus de 21°. Le froid res- senti dans cette même île, en 1751, fut seulement de 19° 44, et cependant il paraissait très intense aux habitants, et fut cité comme le plus redoutable que l’on eût encore éprouvé. A la Havane, tous les degrés inférieurs au 25° deviennent plus ou moins désagréa- bles, suivant les circonstances qui les accompagnent : à 23° et 22°, 193 CLIMAT, avec les brises de l’est, on a froid; à 17 “ et 18 % on souffre assez, et il est nécessaire de se couvrir ; et lorsque le tliermomèlre des- cend à 16 °, durant les matinées de quelques journées de décembre et de janvier, on éprouve un tremblement aussi désagréable que celui qu’occasionne en Europe le degré de congélation. Notre journal d observations fait mention des circonstances qui accompa- gnèrent les jours les plus froids de chaque année; en voici quel- ques-unes : Froid désagréable ; le thermomètre seulement à i8% avec le vent du nord et le ciel clair. Froid dans la matinée j 17 degrés ; ciel serein j vent du S. S. E. Nuits fraîches, à 20" et 21% ciel clair ; vent de l’E. N. E. Jour extrêmement froid; indication du thermomètre dans la matinée, è 2 h. de l’après-midi et à la nuit : iS", i7°5, 16". Jours frais, désagréables, vent du nord, indications du thermomètre ; 22“ 25 ° 5 , 24 ", 2o"5, 26", 23"o. ’ Cependant, ces froids ne sont jamais assez intenses pour amener la congélation de l’eau et encore moins la formation de la neige. Bien qu’en Europe nous voyions celle-ci tomber en abondance, alors que le thermomètre est de quelques degrés au dessus de zéro! c’est-à-dire à un degré supérieur au point de congélation, il faut pour cela d’autres circonstances permanentes dans les basses tem- pératures, que n’offrent jamais les climats équatoriaux au niveau de la mer. La gelée et les gelées blanches, que l’on a observées quelquefois et dont nous avons fait mention au sujet de l’île de Cuba, sont des effets du rajonnement de la chaleur, dans les chan- gements subits qu’éprouve quelquefois la température de l’air, par l’invasion subite des vents des régions septentrionales. Les mêmes phénomènes s’observent à Canton, où le thermomètre descend quelquefois tout près de zéro, et où l’on voit de la glace se former sur les terrasses par l’effet du rajonnement (1). La grêle, beau- coup plus fréquente dans les climats asiatiques que dans 'les ré- gions intertropicales de l’Amérique, doit sa formation à des causes entièrement indépendantes de la température des couches infé- rieures de l’atmosphère. Chaque fois que nous la vîmes tomber à la Havane, ce fut toujours dans les mois les plus chauds de l’année dans les jours de grands orages, pendant l’explosion électrique ou après. (i) Humholfit , n/n supra, t. XI , p. 265. (iTiOGUAPHIli. l3 104 GÉOGRAPHIE. Les plus grands froids que l’on éprouve à Cuba ne portent aucun préjudice à la végétation, et ceci s’explique, 1° parce qu’ils sont de courte durée; 2 ° parce qu’ils ne pénétrent pas la couche terrestre où sont les racines, lesquelles se trouvent ainsi constamment protégées par une température qui n’est pas moindre de 18°, Mais avec les températures fraîches des mois de décembre et de janvier, ont coutume de régner aussi ordinairement de gran- des sécheresses ; il en résulte défaut d’humidité dans la terre et dans l’atmosphère, ce qui est préjudiciable à l’existence de beau- coup de plantes, en tuant les unes, retardant ou ralentissant la végétation de toutes. C’est la saison pendant laquelle quelques arbres indigènes, et à peu près tous ceux importés de l’Inde, per- dent leurs feuilles. Lorsque nous parlerons de l’humidité et des autres circonstances du climat de l’île de Cuba, son influence sur la végétation sera l’objet de quelques réflexions. L’humidité, qui, ainsi que l’observe M. de Humboldt, modifie la force conductrice de l’air pour le calorique, contribue beau- coup à la plus ou moins grande sensibilité des organes. Au port de Guayaquil , comme dans toutes les régions de la zone torride, le temps ne se refroidit que par les pluies d’orage. A Cuba, les pluies diluviales qui accompagnent ou suivent les orages d’été modèrent beaucoup la sensation que produit la chaleur intense de cette saison ; cependant l’action bienfaisante des brises est encore plus puissante. D’autres circonstances contribuent d’ailleurs à rendre en certains jours plus sensible l’action de la chaleur, sans que le thermomètre l’indique. Aux mois d’avril et de mai, par exemple, on éprouve, dans quelques matinées calmes, quand les vents faibles soufflent du S. et du S. S. E,, que l’atmosphère se trouve couverte de vapeurs épaisses, le baromètre à 0,75570 et l’hygromètre oscillant entre 90 et 96 degrés; alors la chaleur est insupportable, et cependant le thermomètre n’est qu’à 27 degrés, tandis qu’à midi ou à une heure de certains jours d’été, avec une température de 30 à 31° à l’ombre et de 45° au soleil, le vent ré- frigérant du N. E. et celui de l’E. N. E., appelé brise, modifient tellement la température, que le corps n’est nullement incommodé. Dans notre journal d’observations, beaucoup de jours des mois d’avril et d’octobre sont indiqués comme ayant offert une chaleur étouffante et durant lesquels, cependant, la plus grande élévation de la colonne barométrique n’a pas dépassé 28" 5, et la plus petite 25 ». Cette permanence constante d’une courte étendue de l’échelle. CLIMAT. t95 alors que soufflent les vents de la région méridionale, est indi- cative des jours les plus chauds de l’année à la Havane, tandis que, généralement, les jours pendant lesquels la chaleur est tolé- rable et même agréable à l’ombre sont ceux où le thermomètre, dans la matinée, indique 19% 20° et 21% et s’élève à deux heures de l’après-midi jusqu’à 30° et 31% en même temps il est vrai que soufflent les brises rafraîchissantes de l’est et que le ciel est beau et pur. On paraît avoir observé que la sensation produite par les hautes températures sur le corps se supporte d’autant mieux, que la tem- pérature moyenne d’un pays est plus élevée. M. Moreau de Jonnès affirme qu’à la Martinique, lorsque le thermomètre est entre 28° et 30°, la chaleur est douce et agréable, la transpiration modérée, les digestions faciles, l’exercice du corps et de l’esprit supportable, et qu alors les maladies catarrhales et les inflammations sont rares. A Cuba, lorsque le thermomètre est entre 28° et 30°, la chaleur est déjà désagréable, la transpiration très abondante , l’exercice du corps et celui de l’esprit également pénibles et même nuisibles. Au chapitre Population nous verrons aussi que c est sous cette tempé- rature que se développe la fièvre jaune. Ce qui rend désagréable le climat des tropiques, ce n’est pas autan t la température élevée de quelques jours que la constance des tempé- ratures élevées durant huit mois consécutifs, c’est à dire, ceux dont la température moyenne est entre 24“ et 27° 1/2. Cette réflexion est, du reste, également vraie pour l’Europe, en l’appliquant aux hivers durant lesquels dominent les jours constamment froids. Dans la séance de l’Académie des sciences du 8 mai 1837, M. Ara*^o, expliquant les circonstances du mois très froid d’avril, fit voir qu’en d’autres années la température minima de ce même mois fut plus basse , sans que pour cela le froid ait été aussi sensible. La température moyenne peu élevée de ce mois d’avril 1837 pro- venait bien plus du grand nombre des jours froids que d’un abaissement extraordinaire de la colonne thermométrique. Cette permanence, soit en degrés inférieurs , soit en degrés supérieurs en ce qui constitue la véritable quantité d’action sensible de la température, pour les hommes et les animaux. Quant aux plantes exposees a l’action directe des rayons solaires et vivant dans une atmosphère beaucoup plus ardente, à certaines heures du jour, elles sont exposées à des différences de température qui corres-^ pondent dans un thermomètre placé à l’ombre, à une échelle 196 GÉOGKAPHIIs. beaucoup plus graudc. Si Thomme et les animaux pouvaient, à Cuba, en vivant à l’ombre, se donner une température qui n’ex- cédàt jamais les deux limites extrêmes moyennes de 14® et 31®, c’est à dire une étendue de 17% les plantes et les animaux qui vivent à l’air libre supporteraient très souvent des degrés de cha- leur beaucoup plus élevés, c’est à dire, tels que 40® et 45 ®. Dans l’état actuel, l’étendue de l’échelle annuelle est de 31® et non de 1 7®, c’est à dire qu’elle est à peu prés double. Mais, comme l’ac- tion des degrés supérieurs due à la direction des rayons solaires est seulement d’une courte durée journalière, l’intensité de cette température se trouve compensée par la longue période de durée des degrés inférieurs, et à l’égard des plantes, par la constante température de 25° de la terre et de l’eau où elles vivent. Aux Antilles françaises , l’échelle thermométrique correspondant à la température dans laquelle vivent les plantes est de 35° (1). La température la plus agréable du climat de l’île de Cuba est celle de 25°, qui correspond à la moyenne annuellej elle règne à peu près constamment durant toutes les nuits d’avril et de mai, dans la plupart de celles de juillet et d’août, après les orages d’été, et durant les matinées de septembre, octobre et novembre. Généra- lement les nuits de ce pays sont délicieuses, et ce qui contribue à les rendre encore plus agréables, c’est l’incomparable beauté du ciel. Nous avons déjà examiné quelles sont les plus grandes variations qu’éprouve le thermomètre dans le courant de chaque mois; la loi de ces oscillations mensuelles paraît pouvoir être représentée par une courbe s’élevant sensiblement dans les mois froids, et ayant sa plus grande concavité durant les mois chauds, de ma- nière que l’étendue de la colonne thermométrique est en raison inverse de la température moyenne desdits mois. Quant aux oscillations diurnes, elles varient entre 8° 5 et 5°. Voici le tableau de l’extension moyenne que nous avons déduite des observations par chaque mois. (i) Moreau de Jonnès, loc. cit., p, 167 . CLIMAT. Janvier. . Février. . Mars. . . Avril. . . Mai. . . Juin. . . . 6“8 1 Juillet. . . . 6,9 Août 6,8 Septembre. 6,5 Octobre. . 7,1 Novembre. 5,6 1 Décembre. 197 5 “ 6 5.0 5.1 5,0 6,7 8,5 Ces chiffres présentent une loi semblable, quoique plus rég^u- liére que celle des oscillations mensuelles. La plus petite variation que nous ayons observée dans l’espace de vingt-quatre heures , a été de 4® durant quelques jours des mois d’août, septembre et oc- tobre , et la plus grande de 9° en quelques jours de décembre. Ces variations, 22“ à 13° ou de 27“ à 18“, qui ont lieu clans la tempé- rature d’un jour à l’autre, durant les mois de décembre et janvier, sont occasionnées par les vents des régions septentrionales; elles sont très considérables pour le climat équatorial et produisent sur le corps humain des impressions beaucoup plus fortes , que ne le feraient des variations d’une étendue double dans le nord de l’Eu- rope ou de l’Amérique. Voici quelle est la marche diurne du thermomètre à la Havane. Le minimum est au lever du soleil ; le mercure s’élève ensuite avec lenteur à l’ombre jusqu’à dix heures du malin ; avec un peu plus de vitesse jusqu’à midi; il atteint son maximum d’élévation entre une heure et deux heures de l’après-midi ; il baisse jusqu’au cou- cher du soleil, et ensuite avec rapidité durant la nuit, surtout aux heures de l’après-minuit jusqu’au lever du soleil. L’ascension du mercure est plus régulière et plus uniforme au soleil qu’à l’ombre, et quand les thermomètres sont bien exposés, hors des influences locales , le maximum peut être obtenu avant une heure de l’après-midi. Dans certains jours , le maximum de température indiqué par la colonne thermométrique s’observe avant midi; c’est ce qui arriva, par exemple, le 16 juin 1827, à dix heures du malin, que le thermomètre s’éleva jusqu’à 28“, le ciel étant cou- vert et orageux. Après l’explosion électrique et l’averse qui l’ac- compagna, le thermomètre marqua, à midi, 26°. L’heure du maximum de température de l’atmosphère, sur le grand Océan, a lieu également au milieu du jour, tandis que la superficie de la mer est plus de temps à se pénétrer de chaleur et à l’atteindre, ainsique nous l’avons observé , eu rapportant les ob- servations qui nous occupèrent durant notre voyage de la Coruna GÉOÜKAI'HIE. à la Havane. En pénétrant dans la couche superficielle du globe, l’heure du maximum et du minimum retarde encore plus, et dans une proportion qui présente une loi proportionnelle à la profondeur, mais dont l’expression , toutefois, n’a pas été bien déterminée. Ce retard dans l’indication des températures maxima et minima du jour, qui, à une certaine profondeur, commence à devenir imper- ceptible, les variations mensuelles étant alors les seules remarqua- bles, influe sur la détermination des moyennes de chaque mois, ainsi que des maxima et des minima annuels. 11 résulte des obser- vations de M. Quetelet, faites à Bruxelles, et que nous avons citées précédemment, deux faits principaux extrêmement curieux. 1° A la profondeur de mètres 7, 8 la différence entre la température moyenne de celles faites durant le mois le plus froid de 1837 et celles du mois le plus chaud, fut seulement de lo 35, tandis qu’à l’air libre elle fut de 15° 2. — 2" La température maxima, 12o 35, fut observée en septembre, la température minima, 11° 04, en avril 5 tandis que la température maxima à l’air libre, 16° 35 , fut observée en août, et la température minima, 3° 17, en janvier. En faisant les réductions correspondantes pour la différence de température que présentent, en général, la boule et le tube de cha- que instrument, on arrive aux résultats suivants : Maxima à la profondeur de mètres 7, 8 — 12° 52 en décembre. — - Minima, Ho 12 en juin. — Moyenne, 11° 95. Humidité atmosphérique. Cet agent exerce une action puissante sur le climat de l’archipel américain • aussi l’étude des phénomènes qu’elle offre est-elle du plus haut intérêt , tant pour l’histoire physique du globe, que pour celle de l’hygiène, de l’agriculture, etc. Nous ne pouvons trop recommander, sous tous les rapports, de faire dans ces régions des observations hygrométriques. Dans ces îles, l’hygromètre doit être regardé comme l’instrument le plus précieux et le plus digue d’élre consulté incessamment^ dans ces îles enveloppées d’une atmosphère chargée d’humidité, par suite de l’évaporation extra- ordinaire de l’Océan qui les baigne, de la disposition de leurs mon- tagnes et de leurs côtes et de l’épais feuillage de leurs forêts. Eu offrant les résultats des observations que nous avons faites à Cuba, nous examinerons en même temps celles qui ont été exécu- tées dans des îles plus rapprochées de l’équateur, afin d’en déduire CLIMAT. 199 les lois de l’humidilé atmosphérique dans la zone inlerlropicale, ainsi que nous Pavons fait pour la température. Dans cette com- paraison, nous trouverons coïncidence dans les résultats, mais aussi quelques différences qui correspondent à la position res- pective et à la nature du sol de ces îles. MOVEKKIS, 1 ^ O ^ O O CO 1 ^ cc •aaqiuoopa I | g f 1 CO O •3jqmaAO^j | ^ g “ g 1 O "Djqopo I O O t- O t- CO 1 O O •aaquigjdac 1 os o t-T o oT ' 1 os l> os CO oo 1 ^ <5^ ’ÎUOV 1 O O |> co'' O t- t> CO •lailinf 99” 71.8 97,5 78.8 87, G •umf 1 99” 75 97,6 75,4 85,0 •pw j 99” 68 98 74,8 85,4 quAV 1 98” 66 95.6 69.6 82,4 •SJBIVI 99” 71 97.2 73.2 82,8 M3UA9^ 99” 5 70 96 73,3 84 •jai/VUEf Ut) CO O t- O CO O l> CO INDICATIONS. Maxima observes. . . Minima id Maxima de'diiits.. . . Miuima id Moyennes id — On voit donc que la moindre humidité observée a été de 66° de l’échelle de Saussure, ce qui équivaut à une étendue de 54°, comme géographie. maxima parcouru par l’aiguille de l’instrument. A la Martinique, les plus grandes différences observées furent entre 26" et 60°, 100° et 63°, 100° et 61° durant les années 1806, 1807, 1808, ceq'uidonne respectivement comme différence entre ces trois groupes binaires 33", 37° et 39°. A la Guadeloupe, les extrêmes observés en cinq ans d’observations (1797-1801 ) furent 93° 5 et 69° 4; 94° 3 et 71° i -, 93° 5 et 670- 96° 8 et 61° 1; 97" 5 et 66" 9; ce qui donne, pour la différence entre les deux termes durant ces cinq années’ 24° 1, 23° 2, 26° 5, 35° 7, 20° 6. En prenant les résultats ex- trêmes pour les comparer à ceux de la Havane, nous aurons 39 degrés pour l’étendue des oscillations annuelles à la Martini- que, et 36" 4 pour celle de la Guadeloupe. De toutes les observations faites, il résulte que l’humidité moyenne annuelle est de 85° 5 pour la Havane ^ à la Guadeloupe, elle est de|86" 3^ à la Martinique, de 87° 7. Ces trois chiffres pré- sentent, comme on le voit, une progression croissante de l’humi- dité de l’atmosphère, à mesure que les contrées se rapprochent de l’équateur et que nous pouvons comparer aux progressions semblables, signalées déjà pour les températures moyennes an- nuelles des parages situés dans la zone torride. Lorsque nous publiâmes notre mémoire sur le climat de l’île de Cuba, noos ne pûmes déduire aucune loi des indications moyennes mensuelles de l’humidité atmosphérique, parce que la période d’ob- servations que nous possédions alors était trop courte. Le tableau ci-dessus indique, bien que d’une manière peu sensible, une loi d’augmentation durantlesmoisdejuillet, août etseptembre, quisonl ceux des grandes etfréquentes pluies, et, au contraire, il y a dimi- nution pour ceux de décembre et de janvier. Cependant, ces diffé- rences ne correspondent pas à la constitution caractéristique des mois auxquels ils se rapportent, parce qu’alors ily a de nombreuses circonstances qui altèrent la marche diurne de l’instrument et in- fluent sur les résultats moyens mensuels que l’on déduit des obser- vations. Ce que l’on peut assurer, du reste , c’est que tous les mois offrent des jours pendant lesquels la marche régulière de l’instru- ment est la même, ainsi que nous le verrons en son lieu ; mais qu’en décembre, janvier et février, alors que dominent les vents du N. et du N. O., l’aiguille descend jusqu’à 66" et reste stationnaire durant les heures moyennes de la journée, à 74° et 76°. D’après nos observations , les humidités moyennes mensuelles différent peu d’un mois à l’autre, et en comparant la plus grande CLIMAT. 201 sécheresse à la plus petite, nous avons seulement une différence de 6“ 2. Les observations faites à la Guadeloupe et à la Martinique présentent des résultats plus frappants. La plus grande humidité moyenne dans la première de ces îles répondit au mois d’octobre et fut de 91 ° 7 , et la moindre, qui eut lieu au mois de janvier, fut de 82 ° 4 - -, elles diffèrent donc de 9 ° 3 . A la Martinique, il y eut entre la plus grande humidité, 98 ° au mois d’octobre, et la plus petite, 84 ° 5 aux mois de janvier et mars, une différence de 13 °. Mais ce qui caractérise beaucoup mieux la constitution des mois secs et humides du climat des Antilles, ce n’est pas le degré extrême qu atteint l’aiguille de 1 instrument, ni le degré moyen déduit du total des observations journalières, extrêmement va- riables, mais l’étendue de l’échelle parcourue par ladite aiguille dans chacun des mois examinés. En comparant les maxima et minima observés à la Havane, et consignés dans le tableau ci- dessus et dans le tableau que nous donnerons séparément , on voit que les oscillations de l’instrument sont plus petites durant les mois de juillet, août et septembre, que dans les autres, c’est à dire principalement dans les mois les plus humides, et non dans les mois les plus secs, ainsi que cela eut lieu à la Guadeloupe et à la Martinique, d’après les tableaux qui ont été publiés. Voici un résumé des différences que présentent les indications extrêmes de l’hygromètre dans les trois îles, pour chaque mois de l'année. GEOGRAPHIE. t2()-2 Oscillations mensuelles de l’hygromètre. MOIS. GUADELOUPE. MARTINIQUE. HAVANE. Janvier. 25”7 22” 25”4 Fe'vrier 25,8 27 22,7 Mars 30,1 27 24,0 Avril 24,0 33 26,0 Mai 7,8 22 23,2 Juin 12,7 25 22,2 J uillet 17,5 15 18,7 Août 15.0 5 18,5 Septembre 15,8 0 17,0 Octobre 7,1 1 ^ 20,4 Novembre 15,7 16 20,2 Décembre. 17,8 1 17 i 21,3 Les résullals sont analogues à ceux que nous avons indiqués en partant de la température atmosphérique des mêmes parages, c’est à dire qu’alors, ce n’était ni l’élévation du mercure dans le tube du thermomètre, ni l’indication moyenne mensuelle pour chaque mois, qui pourrait exprimer l’intensité de chaleur respec- tive de chacun d’eux, mais bien la permanence des mêmes degrés élevés durant des jours consécutifs et la courte étendue des oscil- lations mensuelles. Ainsi nous vîmes que, durant les mois de juillet, août et septembre, le mercure parcourait la courte, la petite échelle de 6° 1 à 6“ 8, tandis que, dans les mois froids, il en parcourait une double d’étendue. En appliquant le même système d’investigation à l’échelle hy- grométrique, nous voyons qu’elle est très courte dans les mois humides et plus étendue aussi dans les mois secsj ce qui établit un rapport remarquable entre la température et l’humidité atmos- CLIMAT. 203 phérique, rapport que dous ferons ressortir encore mieux en par- iant des pluies. Nous avons vu, dans ce qui précède, que l’aiguille de l’hygro- mètre ne descend jamais, dans le courant de l’année entière, au dessous de 66% qu’elle approche rarement de cette limite, tandis qu’au contraire elle se porte beaucoup plus fréquemment vers celle de l’humidité extrême. La marche la plus ordinaire est entre 84 et 99°, durant beaucoup de jours consécutifs. Nous avons observé, en la suivant l’espace de vingt-quatre heures, qu’elle atteint le maximum d’humidité au point du jour j qu’elle s’abaisse avec assez de vitesse à mesure que le soleil s’élève au dessus de l’horizon; qu’elle reste fixe au minimum durant trois heures, et que depuis quatre heures de l’après-midi elle recommence à se diriger avec lenteur vers les degrés les plus élevés de l’échelle. M. Moreau de Jonriès a observé, aux Antilles françaises, que, lorsque l’état hy- grométrique n’éprouve pas de perturbations extraordinaires, la plus grande sécheresse de l’air a lieu, tous les jours, entre deux et trois heures de l’après-midi; que vers trois ou quatre l’aiguiile de 1 instrument rétrograde, d’abord d’une manière à peu près insen- sible, ensuite avec une rapidité croissante qui indique l’augmen- tation progressive de l’humidité de l’air. C’est au point du jour, vers les six heures du matin, qu’a lieu le maximum de cette aug- mentation, et ensuite l’aiguille recommence à s’élever vers le terme de la sécheresse. Il suit de là que l’aiguille emploie environ neuf heures à parcourir les degrés qui s’étendent de l’extrême humidité à la plus grande sécheresse, et quinze heures pour retourner en sens contraire vers son point de départ. Ce résultat, selon notre savant collègue, démontre que, dans l’état ordinaire, l’augmen- tation de l’humidité de Pair est, même aux Antilles, moins rapide que le pouvoir des brises dans l’action de dissoudre et de dimi- nuer les vapeurs aqueuses de l’atmosphère (1). Toutefois, bien que la marche dont il vient d’être question soit la plus constante, différentes circonstances atmosphériques y amènent quelques perturbations, tels sont les averses et les vents subits du sud, la permanence des calmes, etc. Mais ces causes se- condaires n’agissent cependant pas sur l’hygromètre d’une manière assez sensible pour empêcher de saisir toujours sa marche journa- lière, laquelle est fondée sur les lois constitutives du climat du (0 Ubi .supra , p. a;J5. fil %l> 1 ^04 GÉOGRAPHlli. pays. L’oscillation journalière de l’instrument est tellement cons- tante et dominante, que, dans les grandes pluies d’orages, l’ai- guille n’atteint pas toujours le maximum de l’humidité; mais, au lever du soleil, durant les mois de juillet, août et septembre, il suffit de savoir que souffle le veut du S. ou du S. S. E. , et que le thermomètre est à 25°, pour en conclure avec assurance que l’hy- gromètre se trouve à 99 ou 100°, et pour être assuré que de tout le jour il ne baissera pas de 15°, c’est à dire qu’il ne descendra pas au dessous de 85°. A la Martinique et à la Guadeloupe , l’humidité atmosphérique varie entre 75 et 100° dans la matinée; du milieu du jour à trois heures de l’après-midi, les indications varient entre 62 et 94°, et la nuit elle fait parcourir à l’aiguille hygrométrique les mêmes degrés vis-à-vis desquels elle était stationnaire durant le jour, avec cette seule différence qu’elle s’approche moins souvent de l’humi- dité radicale. Les termes moyens de l’état hygrométrique de cha- que jour sont, à la Martinique, durant l’année entière, 94° pour la matinée, 80° 2 pour l’après-midi, et 89” pour la nuit; et res- pectivement, à la Guadeloupe, 90°, 82" 2 et 86° 1 (1). A Cuba, l’humidité moyenne de quelques mois étant supérieure à 88°, et, durant le cours de la plupart d’entre eux, l’atmosphère offrant en de nombreuses occasions 99 et 100°; de plus, sa tem- pérature moyenne' étant de 25°, de 26 et 27“ en quelques mois, on peut se figurer combien doit être considérable l’humidité réelle de l’air dans ces régions. M. de Humboldt dit que, comparée à celle de l’air de Genève, durant l’été, elle est dans le rapport de 12 à 7 (2). Il a calculé que, si la quantité de vapeur d’eau que l’air contient ordinairement, par les latitudes moyennes, forme à peu près les trois quarts de la quantité nécessaire pour sa saturation, dans la zone torride cette quantité s’élève aux neuf dixièmes. Le rapport exact est de 0,78 à 0,88 (3). Les époques de plus grande sécheresse, à la Havane, sont celles où tombent, durant la nuit et au lever du soleil, d’abondantes rosées. L’abaissement de la température, durant les mois où elles régnent, fait perdre à l’air une partie de sa force dissolvante, et alors l’eau se dépose sur les corps placés à sa proximité. Pour que (i) Moreau de Jonnès, uhi supra, p. 287. (î) Voyage, etc., t. II , p. 107. (3) Id. ib., p. III. CUMAl. 205 ce phénomène ait lieu, il suffit que le thermomètre descende de 4 h 5 degrés durant la nuit, c’est à dire que de 22 il se place à 16 ou à 18. Dans les mois d’été, la différence doit être plus grande, parce que la température élevée conserve à l’atmosphère une grande force dissolvante des vapeurs aqueuses. A Londres, on a fait des observations semblables. Tl a été remarqué récemment, dans un mémoire relatif à une question médicale, que l’air étant imprégné de vapeurs, durant la nuit et la matinée, pendant six mois de Tannée, il suffit que la température baisse de quelques dixièmes de degré pour que Teau se dépose sous la forme de rosée. La moyenne d’abaissement nécessaire pour amener ce résultat durant toute l’année est de 1° 9 de Fahrenheit ou lo centigrade, dans la matinée, et 1” 1 de Fahrenheit ou 0° 6 centigrade pour la nuit. Cette moyenne, à midi, moment comparativement le plus sec du jour, est, pour toute Tannée, de 6° 9 Fahrenheit ou 3o 5 centi- grades; tandis que dans Tîle de Madère, dont la température moyenne est plus élevée, le point nécessaire pour la production de la rosée est beaucoup moins élevé qu’à Londres, c’est à dire qu’en moyenne il est indispensable que le thermomètre y baisse à peu près deux fois plus pour que l’humidité se dépose à l’état de rosée. Cet abaissement du thermomètre étant pour Londres de 4° 8, est pour Funchal, dans Pile de Madère, de 7° 4 (1). Les rosées et sereins si abondants de la saison sèche, dans la zone tropicale, sont très favorables à la vie des plantes herbacées, qui sans cela périraient ; car la grande quantité d’eau que contient en dissolution l’océan aérien supplée, avec les sereins, dans les abaissements de température et par un effet combiné avec la radia- tion terrestre, au manque de pluie. Les plus abondantes rosées que nous ayons observées à la Havane, aux mois de décembre et jan- vier, eurent lieu dans la matinée, le thermomètre étant à 20°, après avoir oscillé la veille entre 21 et 27°; l’hygromètre entre 80 et 93°, le ciel étant pur, le vent soufflant du sud. PLUIES, ORAGES, VENTS, ASPECT DU CIEL. Les pluies présentent une régularité mensuelle plus marquée que celle qu’indique la marche moyenne de l’hygromètre. Afin de mieux apprécier celle de cet instrument, on doit comparer Pélen- (i) Voyez Bibliothèque unh’erselle rie Genève, aoftt , i 8 - 38 . Me'moiie snr l’in- fluence de I luiniidile ilans la guérison de la jilithisie. 206 GEOGRAPHIE. due de ses oscillatioDs journalières et mensuelles avec celles du thermomètre. Lorsque les deux échelles sont à leur point le plus extrême, c’est à dire lorsque l’aiguille de l’hygromètre et le mer- cure du thermomètre parcourent depuis le lever du soleil jusqu’au milieu du jour le plus grand nombre de degrés, alors les pluies sont faibles et peu fréquentes, les vents dominants sont ceux du N. E. , du N. et du N. O., et le baromètre atteint son maximum d’élévation. Cette combinaison de phénomènes a lieu du mois de novembre au mois de mars, et constitue une saison particulière à ces climats, qui est connue sous le nom de la seca ou de los nortes, de la sécheresse ou des vents du nord. Au contraire, lorsque les deux instruments susdits ne parcourent qu’un petit nombre de degrés de leurs échelles respectives, et toujours les plus élevés, c’est alors que dominent les brises delà matinée, les vents du S. E., du S. et du S. S. O. dans l’après-midi ; c’est encore alors qu’ont lieu les forts orages, et que tombent les pluies diluviales qui caractérisent cette autre saison, connue à Cuba sous le nom de estacion de las aguas, la saison des eaux. Nous allons présenter méthodiquement les résultats de nos observations, durant une période assez longue, en obser- vant que l’udomètre qui nous servit était divisé en pouces et dixiè- mes de pouce espagnols, qu’il était placé sur la terrasse basse du jardin botanique, et exposé au midi. Nous avons consigné dans les deux tableaux suivants le nombre des jours de pluie et la quan- tité d’eau tombée. Quelques-unes des indications du premier de ces tableaux sont corrigées des petites erreurs que renfermaient les résumés qui en furent publiés antérieurement. La seule chose que nous ayons à dire au sujet du second tableau, c’est que, dans les observations de 1826 , il manque celles des trois premiers mois. climat. 207 Jours de pluie à la Havane. r ANNÉES. 1 Janvier. I 1 Février. 1 S t» < 1 Mai. 1 1 ■u‘î"f 1 1 Juillet. 1 O O 1 Septembre. I 1 Octobre. I 6 s U c Z Décembre. 1 TOTAUX. 1825 7 9 7 3 2 8 8 7 13 5 4 2 75 1826 5 6 9 5 11 7 17 11 10 7 9 102 1827 5 5 8 1 7 12 7 12 10 8 9 6 90 1828 2 3 4 3 5 7 15 11 11 11 4 3 79 1829 11 6 5 5 IG 13 IG 19 13 9 11 11 135 1830 12 8 6 4 6 13 13 10 22 11 7 5 117 1831 11 13 5 6 6 9 il 17 16 8 8 7 116 Moyenn'^®.j 7, G 1 7 1 6,3 3,7 7, G 9,4 12,4 12, 4j 12,1 8,4 7,4 5,7 102 I 208 GEOGRAPHIE. i I S O 9 jqui 909 (l 9 JqUI 9 AO\[ •9jqoî90 •9jqUJ91(l9S •19qmf quAY ■a9IJA9J •a9TAUBf ^ CO CS . f- CO O I' IJÎ Aiî ^ Ci CO O O CO Ci *j0 CO ; CO . t> CO l> CO iO» O J O - , O CO O 'PH (T^ CO Il résuUe, de ces observations, que les mois les plus pluvieux sont, avec une légère différence, ceux pendant lesquels tombe la plus grande quantité de pluie, et réciproquement. L’ordre de ces mois paraît être juillet, août, septembre, juin, octobre, novembre, mai, janvier, février, mars, avril et décembre. Les vojageurs (1) (i) Moreau île Jonnès, ubi supra, p. 290. CLIMAT. 209 ont observé que la quantité annuelle de pluie, au niveau de la mer, était en raison de l’action solaire sur le lieu où se faisaient les observations, et que la saison pluvieuse est celle de la plus grande proximité du soleil. Sur les eûtes opposées de l’Atlantique équatorial, elles ont en effet lieu dans l’ordre suivant : en Amé- rique, à la Guyane française, et en Afrique, au cap de las Palmas, sous4“24' de latitude boréale, pendant les mois de juin eide juillet ^ à la Guyane hollandaise et au cap Tagrin de Sierra-Leone, par 8 o 30', durant les mois de mai, juin et juillet 5 aux Antilles et au Sénégal, par 15 et 16°, durant les mois d’août et septembre. « Les pluies, qui inondent les régions équatoriales, dit M. Moreau de donnés ( 1 ), sont dans une telle dépendance de la proximité du soleil, qu’elles ont deux époques annuelles, au lieu d’une, dans les lieux placés sous la ligne , et que cet astre visite à chacun des deux équinoxes. Ainsi, à Para, à Saint-Thomé et au Bénin, l’hi- vernage a lieu aux mois de mars et de septembre ; sur les points du globe rapprochés des tropiques , il n’y a qu’une seule saison pluvieuse dans l’année, parce que les deux passages du soleil en s’éloignant et en se rapprochant de l’équateur, ne sont pas assez distants pour exercer séparément leurs effets. Il est d’au- tant moins possible de distinguer l’influence de chacun d’eux, qu’elle ne s’exerce pas immédiatement de manière à être si- multanée avec l’arrivée du soleil au zénith; de même que le maximum de la température journalière n’a lieu qu’après le passage de cet astre au méridien, et celui de la température estivale, qu’après l’époque de sa plus grande proximité ; la saison pluvieuse ne commence, pour chaque lieu de la zone torride, que lorsque le soleil s’en éloigne et qu’il peut y avoir condensation des vapeurs aqueuses dont il a surchargé l’air. » Nous avons transcrit textuellement l’observation de notre sa- vant collègue , parce qu’elle caractérise exactement l’époque des pluies de la zone torride et qu’elle détermine aussi les limites ainsi que l’époque pendant laquelle elles ont lieu. Dans son intéressant ouvrage , tout le chapitre relatif à l’humidité offre des considéra- tions de la même importance pour la physique du globe. Afin que l’on puisse comparer entre elles les saisons pluvieuses de diffé- rents parages plus voisins de l’équateur que l’île de Cuba, nous (i) Moreau de Jonnès , uhi supra, p. ago. GÉOGRAPHIE. (Jonnorous ici, réunies en un même tableau, les observations men suelles qui y sont relatives. Quantité moyenne mensuelle et annuelle d’eau tombée sur divers points de la zone tropicale, exprimée en millimètres. LIEUX. 1 Janvier. I 1 Fe'vrier. I 1 'SJKW 1 [ Avril. 1 1 Mai. c "î 1 Juillet,. I 1 -njov Septendire. I Octobre. 1 Novembre. I I 6 'g i 1 [moyen. i i Martinique 148 128 94 121 243 195 175 256 290 258 141 121 1 2,170 Guadeloupe 137 74 72 123 263 245 176 1 191| 250 231 240 155 ' 2,160 Barbade 60 28 52 53 223 241 167 97 i 164 183 86 i 187 1,540 Havane — 64 63 61 31 97 120 1 138 1 116| 147 79 83 i 31' 1 j 1,029 A Cumana , la quantité annuelle d’eau tombée est très petite, car elle n’excède pas 7 à 8 pouces. Du 31 août au 30 octobre, M. de Humboldt a recueilli 72 lignes 3 dixièmes ou 163 millimè- tres d’eau tombée en quinze jours pluvieux. Pendant la plus forte de ces pluies, il tomba 13 lignes 7 d’eau , et pendant la plus petite 9 dixièmes de ligne. Le nombre des jours pluvieux varie assez d’une année à l’autre; le maximum à la Havane fut de 135 et le minimum de 75. La quantité d’eau tombée a également varié depuis environ 33 pou- ces jusqu’à plus de 50, ou bien de 76 millimètres à 1,161. A la Martinique, dans les années le plus sèches, il est tombé 77 pouces français, ou 2 mètres 8 centimètres d’eau, et dans les années les plus humides 89 pouces ou 2 mètres 40 centimètres. La différence qu’ont offerte alors six années d’observations, a été seulement de 1 2 pouces français ou 30 centimètres, tandis que cinqans d’observa- tions à la Barbade ont donné une différence de 41 pouces français ou plus d'un mètre, entre les extrêmes. A la Havane, la différence entre l’année la plus sèche et l’année la plus humide, a été de plus de 18 pouces espagnols ou 417 mil- limètres. CLIMAT. Le nombre do jours de pluie parait être égal à la Martinique et à a Guadeloupe; le maximum s’élève à deux cent trente-six pour la première et à deux cent vingt-trois pour la seconde; le mini- mum est dans l’une de deux cent vingt trois, dans l’autre de cent soixante-dix-neuf. Le terme mojen reste être de deux cent trente et un jours pluvieux dans la première, et do cent quatre- vingt-dix-neuf dans la seconde. En comparant ces chiffres au terme mojen cent deux , que nous avons trouvé pour la Havane il en résulté que lesdites îles ont un nombre de jours pluvieux douWe de celui de cette ville, résultat qui correspond à celui de la plus grande quantité d’eau qu’elles reçoivent dans l’espace d’une annee. Les différences entre les mois les plus secs et les mois les plus humides sont, en résultat , moindres pour l’ile de Cuba que pour les autres Antilles. Entre les deux mois extrêmes, nou< avons pour la Havane une différence de 116 millimètres à la •Martinique de 169, à la Guadeloupe de 191, à la Barbade dé 189. Dans les lies volcaniques, il pleut durant tous les mois de l’année - dans les îles calcaires qui sont plus basses, dépourvues d’arbres sur de grandes étendues , il survient de grandes sécheresses qui peuvent durer plusieurs mois. Cependant nos observations ne nous offrent que le mois d’avril 1827, pendant lequel il ail plu uni- quement une seule fois, mais en divers mois secs des autres an- nées, bien que le nombre des pluies ait été plus considérable la quantité d’eau tombée n’a pas e.xcédé 2 à H lignes, quantité qui correspond a une sécheresse désastreuse pour les plantes et les ani- maux. A la Martinique et à la Guadeloupe, il v a eu des mois où il est tombe 18 pouces (français) d’eau, ce qui fait 489 millimètres • a la Barbade, durant le mois de mai 1754 , il tomba 14 pouces’ (anglais) 6/10" d’eau ou 392 millimètres, et au mois de juin 19 pouces 7/10" ou 530 millimétrés. A la Havane, durant les mois les plus pluvieux, il n’est pas tombé plus de 1 1 pouces espagnols ou 255 millimètres. Ces minima de pluie ont lieu dans l’île de Cuba presque constamment durant les mois de juillet , août et septeraé bre, et les miuima en novembre, décembre, janvier, février et mars. Dans les îles plus rapprochées de l’équateur, il j a plus de con- stauce d’egahté dans les mois de moindre humidité, que dans ceux ou elle est plus grande j celle-ci se remarque tantôt en mai, tantôt en août; celle-là toujours en février ou en mars. Le plus grand nombre de jours pluvieux, à la Havane, dans 212 GEOGRAPHIE. un mois, est de dix-sept à dix-huit , mais ces mois sont rares. Les mois les plus pluvieux peuvent offrir quatorze à quinze jours, et le cas de vingt-deux jours pluvieux en un mois n’a eu lieu qu’une fois en sept ans , et nous pourrions même dire en onze j ce fut en septembre 1830. Beaucoup de mois n’ont seulement que quatre à six pluies, et le terme moyen de nos observations donne sim- plement, pour chaque mois, un peu plus de huit jours pluvieux. Dans les petites Antilles, il pleut non-seulement durant toutes les saisons, mais aussi à toutes les heures du jour et de la nuitj les quantités, toutefois, sont très diverses. Le terme moyen de cinq années d’observations donne, pour la Guadeloupe, 812 mil- limètres d’eau tombée dans le cours d’une année, durant la nuit, 757 dans la matinée et 595 dans l’après-midi. Les tableaux que nous allons donner expriment seulement le nombre de fois qu’il a plu à ces trois périodes du jour. Nous avons déduit les résultats suivants de notre journal d’observation j ils embrassent sept années, 1825-1831. Nombre de fois que , dans un espace de sept années^ il est tombé de pluie avant le milieu du jour, depuis le milieu du jour ou avant et après le milieu du jour. Il résulte de là , comme on le voit , que le nombre de fois qu’il a plu après le milieu du jour fut à peu près double de celui qu’il climat. 213 a plu dans la matinée, et que le nombre de fois qu’il a plu dans la matinée et dans l’aprés-midi ou deux fois dans la journée est peu fré- quent, puisqu’il ne dépasse pas cent dix-neuf fois dans un espace de sept années ou dix-sept pour chaque année. La durée des pluies dans l’île de Cuba varie depuis cinq minutes jusqu’à trois heures^ rarement elle excède ce temps et jamais la pluie ne conserve la même intensité lorsque sa durée excède une heure. Les ondées ordinaires sont de quinze à quarante cinq minutes. La quantité d’eau tombée dans une averse varie depuis un dixième de ligne ou 19 dix-millimètres au moins jusqu’à 3 pouces ou 70 millimètres. Très rarement il en tombe une plus grande quantité durant une seule averse, quelque longue qu’elle soit; une fois seulement, dans l’espace de sept ans, nous en avons recueilli 4 pouces 2 lignes espagnols ou 92 millimètres, en une heure vingt minutes. La quantité moyenne de celle qui tombe pendant une averse peut être fixée à 1 pouce 2 lignes ou 27 mil- limètres. Celle qui tombe en un jour diffère peu dans ses résultats moyens de la quantité recueillie pendant une averse, puisque, lors- qu’il en tombe une ordinairement, il ne pleut plus dans la journée. Toutes les quantités tombées le même jour, depuis les plus mini- mes jusqu’aux plus fortes, de 3 pouces et 3 pouces 1/2 (70 et 75 millimètres), sont consignées dans notre journal d’observation. Les pluies communes journalières donnent des résultats qui va- rient de 4 jusqu’à 18 lignes ou de 8 millimètres à 35. En divisant la quantité moyenne d’eau tombée en un mois par le nombre de jours de ce mois, on obtient nécessairement la quantité moyenne de chacun de ces derniers ; mais, comme il ne pleut pas tous les jours, la division doit se faire seulement par le nombre qui, chaque mois, est celui des jours pluvieux. Le tableau de la page 210 nous fournit les éléments nécessaires pour ob- tenir ces résultats moyens dans chacune des îles qui y sont men- tionnées. Dans un tableau détaché nous avons représenté la marche com- parée du thermomètre et de l’hygromètre, ainsi que la quantité d’eau tombée chaque mois, de manière à laisser apercevoir d une manière claire les analogies qu’il y a entre ces trois phénomènes. Dans les trois colonnes de ce tableau qui contiennent les de- grés du tbermomètre, ceux de l’hygromètre et le nombre de lignes donné par l’udomètre, les chiffres sont disposés de sorte qu’il faut les lire eu allant des maxima observés , lesquels GÉOGRAPHIE. sont dans la partie supérieure, aux rainima qui se trouvent dans la partie inférieure. Il résulte de cette disposition que les points de départ des trois lignes qui expriment les lois respectives de température, d’humidité et de pluie au mois de janvier, coïncident presque entre eux. De ce point, la première et la deuxième s’élè- vent et la troisième s’abaisse jusqu’au mois suivant. Pour les pluies, 11 V a une diminution eu février et en avril et une augmentation en mars; à cette moindre quantité de pluie, durant ces deux mois, correspond aussi une inflexion dans la courbe de l’bumidité at- mosphérique, qui, dès lors, est, en général, toujours ascendante ainsi que les lignes de température et de pluie, jusqu’aux mois de juillet, août et septembre, où se voient, pour toutes les trois, les points les plus élevés ; elle descend ensuite durant les mois d’oc- tobre, novembre et décembre. Ce tableau représente donc l’ana- logie qu offrent l’humidité et la température atmosphérique, dans sa marche mensuelle, sous le ciel des tropiques, et on peut le con- sidérer comme un résumé de tout ce que nous avons dit à ce sujet. Nous terminerons l’exposition de nos observations sur les pluies, en reproduisant celles que fit le docteur D. J. J. Oliver dans l’intérieur de l’île, observations dont nous avons déjà fait mention (1). Ce fut eu 182t que ce professeur observa la quantité d’eau tombée dans le voisinage de l’habitation qu’il occupait à Alquizar, à 12 lieues (00,000 mètres) de la Havane; elle est, par conséquent, plus près de la côte septentrionale que de la côte méridionale. Voici les résultats obtenus chaque mois. Quantité d’eau tombée dans le partido {canton) d’ Alquizar en 1821 Janvier. . . • . 7 pouces. Juillet. . . , Février. . . . . . 0 Août. . . . . . . Mars. . . . . . . 3 ‘ Septembre. . . . 25 Avril. . . . . . . 3 Octobre. . . . . 7 Mai ... 3 Novembre. , . . . 14 Juin. . . . . . . .57 Total Décembre. . . . . 5 . . 133 (i) Anales de ciencias, ngricultnra, etc., Habana, n’ de mai i8ï8. CLIMAT. 2f :> C’est à dire qu’en une année il est tombé, sur ledit point de l’intérieur de l’ile , une quantité d’eau triple de celle que nous avons obtenue pour la moyenne annuelle delà Havane, et dans le seul mois de juin il est tombé plus de pluie à Alquizar, que durant toute l’année 1829 dans la capitale, année qui fut cependant la plus pluvieuse que nous ajons observée. En 1824, depuis le mois de janvier jusqu’au mois de juin , il y eut sur ce même point d’ Alquizar vingt-cinq jours de pluie, durant lesquels il tomba 62 pouces 1/4 d’eau , divisés comme suit ; Janvier 2 jours de pluie. 10 pouces. Février 4 18 Mars. . 1 1 Avril 7 7 i 4 Mai .11 26 25 62 4 4 De ces vingt-cinq pluies, cinq seulement tombèrent avant midi, dix-neuf dans la soirée et une dans la nuit. Le tableau que nous avons publié peut donner une idée de la grande différence que présentent nos relevés de pluies comparés à ceux que l’on vient de parcourir et qui sont relatifs à l’intérieur de l’île. Mais cela ne doit pas nous étonner. Nous avons déjà dit quelle était la quan- tité moyenne annuelle d’eau tombée dans quelques-unes des An- tilles françaises ; les observations faites à l’intérieur, à la proximité des montagnes couvertes de bois vierges , ont donné des résultats beaucoup supérieurs à ceux que nous avons rapportés. A Saint-Do- mingue, à une distance de 8 lieues de France (35,500 métrés) ouest de la ville de Port-au-Prince, il n’est pas tombé plus de 33 pouces d’eau en 1786 , et à Léogane, dans ia partie sud, plus de 50 pou- ces ou 135 centimètres. Mais, àl’intérieur, la quantité augmente : à Marmelade, il en tombe annuellement 100 pouces ou 270 centi- mètres; à Tivoli , il en tombe jusqu’à 126; dans les montagnes du Borgne à l’habitation Odelucq , il en tomba, en 1785, jusqu’à 340 pouces 1 ligne ou 919 centimètres (1). Afin de ne pas accu- muler plus de faits, nous terminerons en en citant un relatif à la Guadeloupe, et qui a été communiqué récemment à M, Arago; (1) Moreau de Jonnès, ubi supra, 298-339. GÉOGIiAPHtE. c’est le résumé d’observations faites, du mois d’août 1827 au mois de juillet 1838, comparativement entre la partie de la Guadeloupe appelée Basse-Terre, au niveau de l’Océan, et l’habitation de Matouha, dans l’intérieur, au voisinage de mon tag-nes couvertes de forêts vierges. Il est tombé durant ladite période de temps, au premier de ces endroits, 3,231 millimètres d’eau, et au second 7,425 (1). Les exemples de grandes pluies que nous avons cités et beau- coup d’autres que nous pourrions rapporter sont un effet immé- diat de la nature de la superficie du sol couvert d’une végétation exubérante et qui favorise la condensation des vapeurs aqueuses. Les forêts paraissent aussi exercer une espèce d’attraction sur les nuages, en les arrêtant dans leur cours et en les forçant à verser leurs torrents (2). Cependant nous n’émettons pas une opinion décisive quant à l’influence du déboisement sur le manque de pluies dans certaines régions , car il résulte, des observations faites en France pendant soixante-sept ans, que les pluies ont été en augmentant. Les observations faites par M. Boussingault au Choco et à Païta, deux points de l’Amérique situés à une petite distance et dans le premier desquels il pleut constamment, tandis qu’il pleut à peine dans le second, paraissent prouver le contraire de l’opinion qui attribue la diminution des pluies au déboisement des montagnes (3). Mais, si cette opinion est encore douteuse, l’expé- rience confirme, tous les jours et dans tous les pays, que dans les ré- gions couvertes de bois épais il pleut plus que dans le voisinage des côtes, fait fondamental et qui vient à l’appui de ce qui a été observé à la Havane et dans l’intérieur de l’île de Cuba, J’ai déjà dit que les grandes averses des Antilles ont lieu dans les mois les plus chauds de l’année, et c’est au même moment qu’ont lieu les perturbations barométriques dont nous avons éga- lement parlé et qui annoncent quelque peu à l’avance les effets désastreux qu’amènent les dérangements de l’équilibre atmosphé- rique, dérangements qui sont connus sous les noms de hura- canes eltormentas, ouragans et tourmentes. Heureusement pour l’île de Cuba, ils y sont moins fréquents que dans les autres An- (1) Observations de M. Coiirlet d’Uregille. — Comptes rendus de l'Académie des scientes , 22 octobre i838. (2) Histoire physique des Antilles, p. 29G. (3) M. Arago a donne un extrait de ces observations, dans la séance de l’Aca demie des sciences du 17 avril 1837. CLIMAT. 217 tilles situées plus au midi, et M. de Humboldl a remarqué (1), à ce sujet, qu’aux deux extrémités (S. E. et N. O.) de la longue chaîne formée par ces îles, les ouragans sont rares. Les îles de Tabago et deTrinidad ont l’avantage de ne pas en ressentir les effets, et lors- qu’ils ont lieu à l’île de Cuba et à la Jamaïque, ils exercent leurs ravages bien plus sur les côtes du S. et du S. S. E. que sur celles du N. et du N. E. L’histoire a conservé dans ses annales le souvenir de quelques ouragans désastreux. La fameuse expédition de Panfilo de Nar- vaez fut en partie détruite par l’un d’eux , au voisinage du port de la Trinidad , en 1 527, et l’almanach de la Havane rappelle tous les ans les grandes tourmentes de Santa-Theresa, de Puentes- Grandes et de San-Agustin, dont Valdès et d’autres historiens ont longuement parlé. La première, arrivée le 15 octobre 1778, fut remarquable par l’impétuosité du vent, qui arracha les arbres les plus forts; pendant celle de Puenles-Grandes, arrivée le 21 et le 22 juin 1791 , la pluie tomba en telle quantité, que plusieurs rivières sortirent de leur lit, en détruisant habitations, ponts, plan- tations et tout ce qui s’opposait à leur cours impétueux. L’accu- mulation des eaux de ces pluies diluviales, dans les cavernes cal- caires de l’île, causa des enfoncements considérables et dont il se voit encore des vestiges dans ledit endroit de Puentes-Grandes, au voisinage de la Havane. Les eaux, accumulées à l’intérieur de la terre dans ces abîmes intérieurs, cherchèrent à s’échapper par les puits, rompirent les couches les plus faibles, et inondèrent les plaines, en occasionnant des pertes d’une grande valeur. Nous avons déjà fait mention, eu parlant des oscillations journalières du baromètre, de l’ouragan du 27 au 28 octobre 1794, appelé à la Havane tourmente de San-Agustin^ et nous avons également dit quelques mots de celui du 1" octobre 1825, pendant lequel nous observâmes le plus fort abaissement de la colonne barométrique. Le thermomètre baisse également avant que les pluies de la tem- pête ne commencent à tomber, et par le seul effet du vent hu- mide du S. et du S. O. qui le précède. M. de Humboldl observa le meme phénomène à Cumana, où le thermomètre descendait ordi- nairement de 30° à 21° (2). C’est plutôt dans ces changements de température, qui ont lieu durant les pluies de tempête et particu- (i) lu loco citato , t. XI , p, 378. ( 3 ) t. XI , p. 21 . GEOGKAPIIiE. i>l8 lièrement durant les orages, qu’à d’autres époques, que la grêle tombe à Cuba. Ainsi que nous l’avons rapporté précédemment , ce phénomène n’eut lieu, durant notre séjour, que deux fois , le 3 mars 1825 et le 29 avril 1828. A Cuba, ainsi que dans toute la région tropicale, l’époque des grandes pluies et des grandes chaleurs est aussi celle des orages , qui rétablissent l’équilibre entre l’électricité de l’atmosphère et celle de la terre, si fréquemment troublée en ces climats par l’ac- tivité incessante des deux principales causes qui la produisent, la végétation et l’évaporation. Mais pour cela comme pour la tempéra tureet pour lespluies, les parages si tués sur les limites de la zone tor- ride présentent une différence assez notable avec ceux qui sont plus rapprochés de l’équateur. En a^'ant recours aux résumés annuels des observations faites, nous vojons qu’à la Martinique et à la Guadeloupe le nombre des orages annuels n’est jamais moindre de trente et un, et va quelquefoisjusqu’à cinquante-deux. Dans la pre- mière de cesdites îles , il j eut quarante oragesen 1806, trente-trois en 1807 et quarante-six en 1808, c’est à dire une moyenne d’en viron quarante par année. A la Guadeloupe, il tonna trente et une loisen 1797, quarante et une fois en 1798, vingt-cinq fois en 1799, cinquante-deux fois en 1800, et trente-huit fois en 1801, ce qui donne approximativement une moyenne de trente-huit orages par année. En passant de ces latitudes à celle de la Havane, déjà un peu en dehors delà limite tropicale, nous verrous, ainsi que le démontre le tableau suivant, qu’il y eut une année durant laquelle il tonna seulement sept fois, et que le maximum des orages n’y a pas excédé trente-deux, le terme moyen de sept années étant de dix-huit. CLIMAT. •219 Orages à la Havane. ANNÉES Janvier. I Février. I 05 S Avril. 1 Mai. 1 Juin. 1 Juillet. 1 O ■al C U j:î i O. ictobre. j oJ Sh S 1 1 3 5 3 2 1 17 1826 » 1 1 >' J) 3 7 1 1 » >, 14 1827 M M » 2 3 « 1 1 )} )> )> 7 1828 >' 1 2 « 2 1 2 t 9 1829 2 )> 2 » 4 9 9 3 3 V 32 1830 « )> « 2 5 5 7 )5 » i) 19 1831 i) 1 13 3 6 1 » )) 24 ‘ ■ ■ Moyen. 0,4j 0,1 0,6 0,1 1,3 3,0 5,6 1 2,6 i 3,0 0,3 0,3 0, 1 17,4 Voici le résultat des observations qu’a réunies M. Arago dans son intéressante notice sur le tonnerre, publiée récemment dans Annuaire du Bureau des longitudes pour 1838, relativement au nombre des jours à orages d’un assez grand nombre de localités placées sous diverses latitudes. 220 GEOGUAPHIE. NOMS DES LIEUX, POSITION DES LIEUX. NOMBRE DES JOURS ORAGEUX. Calcutta 22” i N. 60 Rio-Janeiro 23 S. 51 Maryland (E. U.) 39 N. 41 Abyssinie 13 N. 38 Viviers (France) 47 i N. 24,7 Quëbec f Canada) 46 1 N. 23,3 Buenos-Ayres 34 i S. 22,6 Denainvilliers (France) .... 48 N. 20,6 Smyrne 38 i N. 19 Berlin 62 i N. 18,4 Padoue 45 j N. 17,5 Strasbourg 48 1- N. 17 Maestricht 51 N. 16,2 La Chapelle 50 N. 15,7 Tolosa 43 i N. 15,4 ütrecht 52 N. 15 Tubingen 48 i N. 14,6 Leyde 52 N. 13,5 Paris. 48, 5C 1 N. 12,2 Athènes 38 N. 11 Polpero ("Angleterre) 50 ‘ N. 10 Saint-Pétersbourg 60 N. 9,2 Londres 51 ? N. 8,5 Pékin 40 N. 5,8 Le Caire 30 N. 5 Oü voit donc que, à quelques inégalités près, il paraît exister une loi d’augmentation dans le nombre des orages, en se dirigeant des pôles vers l’équateur -, mais les circonstances locales la font telle- ment varier en quelques pays, qu’ils la détruisent totalement ; ainsi, par exemple, à Lima, par 12° de latitude sud, il ne tonne jamais. La seule analogie que l’on puisse signaler avec sûreté, c’est que les pays où il pleut beaucoup dans la saison chaude sont aussi ceux où ont lieu les plus forts et les plus fréquents orages. Les mois pendant lesquels on observe le plus d’orages sont, à la Havane, ceux de juin, juillet, août et septembre^ dans les Antilles CLIMAT. 221 françaises, c’est le mois de septembre j à Calcutta, ceux d’août et de septembre; à Rio-Janeiro, ceux de décembre et janvier, qui correspondent aux mois les plus chauds de l’année. Dans les cli- mats tempérés, jusqu’au 52'’ degré de latitude nord, ce sont juin et juillet. Ce que nous avons observé à propos des pluies, relativement à leur plus ou moins de fréquence à diverses époques de la période diurne, existe aussi pour les orages. Des cent vingt-deux jours pen- dant lesquels il y a eu des orages, dans un espace de sept années, ils ont retenti seulement onze fois avant le milieu du jour, cent sept fois dans l’aprés-midi et dans la nuit, quatre fois dans la matinée et le soir du même jour. Quelques années se sont écoulées sans que l’on ait entendu tonner une seule fois le matin, et les quatre jours où on entendit l’orage, avant et après midi , appartiennent à Tannée 1831. Les grandes pluies viennent après les grands orages, en formant ces averses diluviales de grosses gouttes qui constituent la saison des pluies. Cependant beaucoup d’orages ne sont accompagnés ni suivis de pluie; mais, lorsque cela arrive, l’atmosphère, après les explosions, reste toujours excessivement chaude, ce qui n’a pas lieu dans les autres cas. Nous en avons eu quelques-uns dans les- quels la foudre ou la décharge électrique s’est échappée de l’extré- mité d’une nuée, le ciel restant d’ailleurs parfaitement clair. Dans ces occasions, nous ne pûmes apercevoir l’éclair, l’explosion étant inattendue et l’atmosphère se trouvant brillamment illuminée par la présence du soleil, l’impression reçue par Toreille étant le seul avertissement que Ton eût de la décharge. Nous ne croyons pas néanmoins pour cela que l’éclair ait cessé d’avoir lieu. C’est à cette cause que nous attribuons l’indication de tonnerres sans éclairs, mentionnés par Thibault de Chauvalon et cités dans le mémoire de M. Arago (p. 295). Les vents les plus dominants durant les orages sont ceux du S. et du S. S. O., qui sont aussi les plus fréquents dans les après-midi des mois d’été. La durée de ces vents est très variable, mais ils régnent rarement plus d’un jour, et de trente à quarante fois par année Les vents du nord, dans la saison sèche, peuvent régner deux jours consécutivement; mais ils cessent le troisième, et ou les res- sent SIX ou huit fois dans l’année. Dans les dernières années, on a eu a signaler moins de vents du nord et, en môme temps, moins d’orages du sud. Les brises régnent à peu prés dans toutes les sai- 222 GÉOGRAPHIE. sons, depuis neuf ou dix heures du matin jusqu’au coucher du soleil ; elles varient entre l’E. S. E. , l’E. et l’E. N. E. Les vents de l’ouest et du N. O. sont rares et toujours accompagnés de pluie. Les vents impétueux du N. et du N. O. ne le sont pas autant par la latitude de l’île de Cuba, et des mers du golfe mexicain, que les ouragans de la saison chaude j et nos escadres ont éprouvé plus d’un désastre par ces dernières tempêtes, que le baromètre annonce cependant quelques heures à l’avance. Ces vents régnent à la fin de la saison des pluies, à l’époque de l’équinoxe, et leurs ravages sont plus terribles sur mer que sur terre. Enfin les trem- blements de terre sont plus rares dans la partie occidentale de l’île de Cuba et plus fréquents dans la partie orientale, bien qu’ils ne le soient pas autant qu’à Puer(o-Rico, Saint-Domingue et les autres Antilles. Dans le district de la ville de Cuba, iis se font sentir plus fréquemment, les uns succédant aux autres (1). Les principaux que l’on cite sont ceux du 11 février 1675 j celui de 1682, qui détruisit la cathédrale et l’église de Santa-Catalina ; celui de juin 1766 ; et enfin le dernier, celui de juillet 1826, qui fut très violent. Lorsque ces phénomènes n’étaient pas accompagnés d’une tempête, les instruments météorologiques n’offraient aucune va- riation dans leur marche ordinaire j mais on observe une espèce de correspondance entre ces secousses de la superficie du globe, produites par des causes internes, et les perturbations ou déran- gements de l’équilibre atmosphérique, tant dans la pression que dans l’élasticité de l’air , ainsi que dans sa charge électrique. C’est ainsi que l’ouragan et l’orage accompagnent les tremble- ments de terre; et comme, suivant quelques météorologues (2), la nature du sol peut contribuer à rendre les premiers plus ou moins fréquents, nous ne manquerons pas de remarquer que le territoire de la ville de Cuba, par ses abondantes mines de cuivre, présente une contradiction à ce qui a été observé en Angleterre, où les districts des mines sont ceux dans lesquels le tonnerre s’est fait le moins entendre, d’après les observations recueillies par M. Werton Delwyn, et dirigées par M. Luke Howard, en 1803 (3). Malgré la fréquence des pluies durant la saison chaude de l’an- née, c’est à dire aux mois de juillet, août et septembre, ce ne sont (1) Cuadro estadistico de la siemper fiel isla de Cuba; tableau statistique de la toujours fidèle île de Cuba. La Havane, 1829 , p. 18 . ( 2 ) ^Innnaire pour i838, article de M. Arago , p. 398 . (3) Annuaire pour i838, p. 399 . CM «AT. 2.^2 im ceux qui offrent lo plus grand nombre de jours nuageux Ordmairemenl les pluies d’oié , bien que très copieuses, sont de courte duree, et les jours durant i,.squels on les voit tomber sont extraordinairement beaux. On peut presque dire que, dans ces mois on ne voit guère de nuages que durant les pluies; tandis que, dans les autres mois, s’il y a quelques jours nuageux, ils ne sont aucunement pluvieux. Les jours complètement nuageux sont aussi très rares à Cuba. Nous avons extrait de notre journal comme terme moven do nos observations, les chiffres snivantî pour chaque mois. Jours nuageux Janvier 5 Février Mars Avril 5 Mai 8 Juin Juillet 6. , Août Septembre 7 23 Octobre 7 24 Novembre 8 92 Décembre 7 . . oa Jours alternativement clairs et nuageux. • • • • 26. . . . 20 . 24. 25. 23. 24. 25. 25. Totaux 80 285 Totaux 31 28 31 30 31 30 31 31 30 31 30 31 365 L annee qui nous a offert le plus grand nombre do jours nua- geux est 1827 : ils s’élevèrent à cent sept; celle qui nous en a offert le moins est 1826 ; ils sont an nombre de quarante-sept Mais en général, même dans ces jours complètement nuageux on n a pas cesse de voir l’azur du ciel en quelques occasions et Si, de jour, le ciel fut couvert, durant une grande partie de la nuit U était pur. Ces remarques peuvent donner une idée de la beauté du ciel de ces régions et de ses conséquences sur la vie et la vigueur des etres. Une température élevée, modérée cependant par une évapo- lalion considérable, qui verse dans l’atmosphère un torrent conti- nuel de vapeurs aqueuses, présente les conditions les plus heureu- ses pour le développement d’une végétation admirable, qui, de son côte, contribue aussi .à entretenir l’hnmidité atmosphérique l«se GEOGRAPHIE. 224 de sa vigoureuse existence. Aussi résulle-t-il de là que, durant toute l’année, les champs et les forêts de Cuba sont en fleur- mais le commencement de l’été, ou de la saison dans laquelle tombent les pluies, semble être le moment où la nature tout en- tière se transforme en fleurs. Une température qui à l’air libre est constamment entre 24 et 40 degrés, une humidité atmosphérique qui n’est pas moindre de 85“ de l’hygromètre et qui fréquemment atteint le maximum, accélèrent l’ascension de la sève et facilitent l’absorption et le développement des plantes à un degré extraordi- naire. La plupart des semailles sont heureuses à cette époque j mais on doit choisir, pour les faire, les terrains ombragés, parce que l’action de la lumière agit trop vivement, dans les champs, sur la plumule récemment développée, et provoque, dans les végétaux tendres, une transpiration par les feuilles, plus forte que ne l’est l’absorption par les racines. Tl n’en est pas ainsi durant l’hiver, appelé époque de la sécheresse, de la seca, et dont nous indique- rons, en terminant, les circonstances extrêmes. Alors la chaleur est peu stimulante pour trop accélérer la germination ; la plumule, lors de son apparition à l’air libre, n’éprouve pas l’action brûlante du soleil des mois chauds, et la lumière effectue comme il faut les combinaisons carbon acées et la solidification végétale. Cette pre- mière existence dispose la nouvelle plante aux fortes absorptions et transpirations qu’elle effectuera pendant les mois chauds, et, de cette manière, elle assure l’adolescence, au moyen d’une enfance bien dirigée. Durant la courte interruption qu’éprouve la végéta- tion cubanéenne pendant les jours froids et secs, on peut exécuter sans risques les opérations agricoles de la taille et de la transplan- tation, avec les racines à l’air, ce qui s’explique facilement. La taille diminue la superficie aérienne du végétal, et, comme l’ab- sorption atmosphérique, par la force solaire, n’attire pas alors avec autant d’énergie les sucs à cette superficie , les racines absorbent une quantité proportionnée aux besoins de la plante, et la nutri- tion continue avec régularité, sans que se fasse sentir alors sur les feuilles l’aclion atmosphérique, qui est si énergique en été. Quant à ce qui est de la transplantation, il est facile de se convaincre que toute la force vitale qu’exige la plante pour se fixer dans le nouveau sol venant exclusivement des racines, la reprise de posses- sion se fera avec d’autant plus de facilité et de sécurité que man- queront à l’atmosphère les agents actifs qui appellent la vie à la superficie. Au contraire, à l’époque des eaux, les deux prin- CLIMAT. 225 cipaux agents atmosphériques ayant leur plus forte énergie, il v a une tendance de la sève à se diriger vers l’extérieur, qui diminue l’action absorbante de la partie enterrée ou souterraine. Cette vie des plantes par les surfaces aériennes durant les cha- leurs de l’été est si marquée, et l’influence de l’humidité atmosphé- rique si énergique, que les sereins abondants des nuits suffisent presque toujours pour rétablir, par l’absorption des feuilles , les pertes qu’ont occasionnées la force évaporante du soleil et l’action constante delà radiation terrestre vers l’atmosphère et vers l’espace. La force prodigieuse avec laquelle la chaleur attire les sucs à la su- perficie accélère d’une telle manière leur mouvement, qu'il est inutile de tenter la multiplication des plantes parboulures, par marcotte ou par la greffe, durant la saison des pluies. Pour exécuter ces opéra- tions, il faut choisir le commencement et la fin de l’époque pendant la- quelle régnent les ven ts du nord , en en Iretenan t l’humidité du soi par de légers arrosages, dans le cas d’une sécheresse, et en établissant les pépinières à l’abri des vents secs du N. et du N. O. On obtient de cette manière, mieux que par toute autre, des résultats constants. Au commencement de ce chapitre, nous avons signalé quelques questions relatives à l’histoire de la météorologie cubanéeune, dont l’examen ferait connaître si, depuis le siècle passé, le climat de cette région a varié, soit dans la température moyenne des mois respectifs de l’année, soit dans la quantité et la fréquence des pluies et des orages d’été. Nous avons remarqué que ni le nombre des observa- tions, ni la manière dont elles avaient été faites, ne pouvaient offrir des résultats dignes d’être comparés. D’un autre côté, la seule an- née 1794 étant l’époque la plus reculée que nous possédions , elle ne l’est pas assez pour nous permettre d’en déduire les conséquences que nous cherchons. Cependant, comme les modifications qu’offre, suivant quelques vieillards, le climat de Cuba ne sont pas plus an- ciennes, à leur avis, si nous mettons de côté celles qui ont rapport à la température et que nous ne pouvons comparer, nous devons dire que, pour ce qui est des pluies, elles ne présentent aucune différence. En effet, il y a eu en 1794 cent deux jours pluvieux, chiffre absolument semblable à celui que nous avons obtenu ' comme terme moyen, de 1825 à 1831 j mais, pour les orages, cette même année en a offert soixante-deux , tandis qu’à notre époque vingt-quatre est le chiffre le plus élevé que nous ayons observé, dix-huit étant le terme moyen. ciiocuAniir 226 GEOGRAPHIE. En prenant une époque plus rapprochée, distante d’une décade et demie de celle de nos observations, c’est à dire 1811 à 1815. pendant laquelle se firent, à la Havane, des observations précises sur les pluies, nous voyons que la quantité moyenne annuelle d’eau tombée fut d’un peu plus d’un métré, et qu’elle ne dépassa pas 1,055 dans l’année la plus pluvieuse. De notre temps, l’année la plus pluvieuse fut 1831, pendant laquelle il tomba 47 pouces 7 lignes d’eau, ou 1,322 millimètres; et la quantité moyenne annuelle, déduite de sept années d’observations, est de 44 pouces 4 lignes, ou 1,029 millimètres, c’est à dire que ces quantités font plus fortes qu’à l’autre époque. Il résulte de tout cela que nous ne pensons pas qu’il se soit opéré aucune variation dans les lois du climat de l’île de Cuba; ce que nous serions seulement porté à croire, c’est que la saison des pluies a lieu actuellement à une époque plus reculée que jadis, toutes les opinions des vieillards s’accordant pour assurer que les premières pluies tombaient en mai et quelquefois en avril. Le tableau de 1794 montre positivement que le maximum des pluies y eut lieu en juin, tandis qu’à notre époque elles ne commen- cent pas régulièrement à être bien sensibles avant juillet, et les grandes averses ne s’observent même qu’en septembre. D. Joze-Maria Valenzuela, cultivateur très instruit de la Vuella de Abajo (contrée située à l’ouest de la Havane) , soupçonne aussi qu’anciennemeut la saison des pluies commençait en avril ou en mai; et il incline à le croire, par la raison que les baux des fermes de porcs se terminaient en août. Cela n’eût pas été de la sorte, si, à cette époque , les animaux n’eussent pas été gros , gras, et en état d’être transportés à la ville; d’ailleurs, comme le palmiste ou fruit du palmier royal, qui est la base de la nourriture de cet animal, necomraence à tomber qu’après les pluies, on peut en inférer que celles-ci avaient alors tout à fait cessé en août. Il nous reste à parler d’une opinion généralement répandue chez les cultivateurs et les gens de la campagne, à Cuba, et qui est relative à l’influence des phases lunaires sur la qualité des bois. Ils assurent tous que, durant la croissance de la lune, les arbres et les plantes grimpantes ou lianes contiennent beaucoup plus de sève que lors de la décroissance : aussi ne font-ils aucune < oupc de bois utiles durant la première de ces époques, mais bien dans l’autre, en préférant, de plus, les mois de la sécheresse {de la seca) ou de l’hivernage. Cette opinion n’est pas, du re^ste, par- ticulièrc aux habitants de l’îlc de Cuba, puisque nous la trouvons ^ partout admise en Europe. M. Saner, directeur des forêts de b rance (1), a observé que, durant la croissance de la lune, la sève ^ monte jusqu’à la cime des arbres ^ que le bois coupé durant cette ' période se sèche difficilement, qu’il se fend et qu’il ne tarde pas à être attaqué par les vers : il en infère qu’il ne peut être employé avec avantage dans les constructions. Lorsque la lune commence à décroître, la sève se dirige vers les racines, et, quand elle est dans son dernier quart, c’est à peine si le tronc en contient encore. Le bois coupé dans cette période est plus com- pacte, plus dur et d’un meilleur usage pour la bâtisse. Ces faits sont présentés par un homme libre de toute espèce de préoccupa- tion, et dont les remarques sont le fruit de vingt années d’expé- rience. * i M. Edmonstone, qui a vécu trente ans au milieu des forêts de Démérarj (2), assure que tout arbre coupé dans la pleine lune se fend comme s’il était sous l’action de deux forces opposées : ce qui est produit par l’évaporation totale de la très grande quan- tité de sève que l’arbre contient à cette époque. En outre, ces arbres sont fréquemment attaqués par la larve d’une espèce d’insecte, et tombent facilement en pourriture, ainsi que cela a été remarqué pour tous ceux des possessions anglaises de l’Amérique septentrio- nale. La sève, dit-il d’une manière décisive, monte directement dans la pleine lune et descend pendant la décroissance : fait qui doit se vérifier dans toutes les espèces d’arbres. Il est très remarquable, ainsi que nous l’avons dit ailleurs (3), que cette opinion, uniforme chez les praticiens de tous les pays' soit contredite par les savants; et on ne voit pas quelle origine peut avoir cette croyance populaire, si les faits sur lesquels elle repose ne sont pas certains. En exécutant, avec le soin et la pré- cision désirables, durant les phases de la lune, une série d’observa- tions comparées sur le mouvement du mercure dans le baromètre, l’ascension et la descension de la sève dans les végétaux ligneux’ on obtiendrait sans doute quelques unes des données nécessaires pour résoudre ce problème; car la question conserve pour nous (1) Bihliolkèqne physique economique, Paris, ii‘ 20. (2) Bulletin de M. Ferussac, sciences agricoles’, juin - Froriep’s noti- vol. XXIII , n" 4 . ( 3 ) yl miles Je cieneuis, n^riruluinq etc La Havane, n" de novembre 18211 GEOGRAPUIE. 2-28 ce caraclèrc à cause Je l’importance que nous accordons à l’assen- timent unanime des hommes pratiques. M. de Humboldt a dit quelque chose de l’influence des phases lunaires sur les oscillations de l’atmosphère, dans son intéressant Voyage en Amérique (1). Il avoue que , durant quelques nuits, on n’a rien observé de satisfaisant à cet égard, mais que D. Celestino Mutis lui a assuré qu’à Santa-Fé de Bogota le baromètre s’élève et s’abaisse plus dans les quadratures ; tandis qu’à l’époque des oppositions et des conjonctions, les différences entre onze heu- res de la nuit et trois heures et demie du malin sont extrêmemeni légères. M. Boussingault a répété les observations de Mutis, avec des instruments plus précis, et il n’a pu remarquer aucune influence de la lune sur les hauteurs barométriques. Néanmoins il ne nie pas cette influence sur la hauteur moyenne du mercure ; mais il la soup- çonne si faible , qu’à son avis elle doit se confondre avec les autres causes des variations horaires. Il résulte, des données recueillies par M. de Humboldt, que la moyenne barométrique des syzygies diffère seulement de 16 centièmes de millimètre de la moyenne des quadratures. Toaldo prétend avoir trouvé, par les moyennes de quarante années, que le baromètre, en Italie, est plus haut dans les quadratures que dans les syzygies, et à l’apogée qu’au périgée (2). Mais ce qu’il faudrait observer surtout, afin de découvrir la cause du phénomène dont nous venons de parler, ce serait le mouvement horaire diurne et mensuel de la sève, dans le tissu végétal, et cela au moyen d’un instrument bien précis, avec l’exactitude conve- nable. De celte manière seulement, on parviendra , nous le répé- tons, à réunir les données qu’exige la solution du problème, soit pour rectifier l’opinion des praticiens, soit pour la mettre d’accord avec celles que se sont formées les savants. fl) TomeX, page 4 Gg. — Laplace, Essai philosophique sur les probabilitcs , 1825, p. np, 123 , 274. — Connaissance des temps pour 1826, page 812. (2) HixmhoYAt, Helation de Ploy age, \A., p. 471 . — Délia infl . degli aslri , 1781, p. 122. — Lambert, /tel. Helo., t, IV, p. 128. — Journal de Phys., 1779, juin, p, 270. CLIMAT. 229 RÉSUMÉ. Afin de réunir dans le moins d’espace possible les résultats de toutes les lois du climat de la Havane, que nous avons déduites des observations exposées dans ce chapitre, nous allons en offrir un résumé complet. La pression moyenne annuelle, à la Havane, est de 759 milli- mètres 29 centièmes. L’élévation maxima observée a été de 770,42, et la minima, de 747,85. Les extrêmes déduits ont été 767,98 et 754,15. La température moyenne annuelle est de 25° 055 du thermo- mètre centésimal ; la température maxima observée de 32 °3, et la minima, de 10°. Les extrêmes déduits sont 31“ 09 ctl4'^ 07. La tem- pérature moyenne du mois le plus chaud est de 27“ 54, et celle du mois le plus froid , de 21° 87. La température moyenne de l’année, à Santiago de Cuba, paraît être de 27°; la température moyenne du mois le plus chaud, au même lieu, de 29° 4, et celle du mois le plus froid, de 23° 2. Il paraît aussi que le thermomètre s’élève quelquefois jusqu’à 34°. La température moyenne annuelle de quelques points de l’inté- rieur de l’île, au sud de la Havane, a ôté de 23° 06, pour une période de cinq années. La température moyenne du mois le plus chaud y a été de 28° 68, et celle du mois le plus froid, de 16° 82. Le point le plus bas de l’échelle qu’ait atteint le mercure, dans l’intérieur de l’île, en un lieu peu élevé au dessus du niveau de la mer , a été le point de congélation . Dans les grottes de roches calcaires, et aux sources d’une ri- vière, on a trouvé les températures de 22° et 23° ; dans un puits de 100 pieds (32 mètres) de profondeur, 24° 4; dans un autre, au voisinage de la Havane, 25° 7, et en différents puits de l’inté- rieur, 24°. L’humidité moyenne de l’atmosphère correspond, pour l’hygro- mètre à cheveux, à 85° 1 5 ; le maximum observé a été de 1 00° , le minimum de 66°, et les extrêmes déduits de 97° 9 et 75° 4. Le nombre total moyen de jours de pluie, à la Havane, se trouve être de 102, et les chiffres extrêmes obtenus en différentes années sont 135 et 75. Le mois le plus pluvieux a offert 22 jours de GEOGRAPHIE. pluie. Cl le moiDS pluvieux, 2. Le terme moyen, pour les mois les plus pluvieux, est de 12,4 jours, el, pour les moins pluvieux, 5,7. La quantité moyenne d’eau tombée dans l’année est de 1,029 millimétrés. L’année la plus pluvieuse a donné 1,171 milli- mètres, et la moins pluvieuse, 755 millimètres. La plus grande quantité d’eau tombée en un mois n’a pas excédé 255 millimètres, et la moindre, 4. Le terme moyen, pour les mois les plus plu- vieux , est de 1 47 millimètres , et , pour les moins pluvieux , de 3 1 . Dans l’intérieur de l’île, en une seule année, il est tombé 3,084 millimètres d’eau, dont 1,322 dans le mois le plus pluvieux. Le nombre de fois qu’il a tonné durant l’année moyenne, à la Havane, est de 18; l’année où il a tonné le plus en offre 32, et la moindre, 7. Le mois durant lequel il a le plus tonné compte 1 3 orages ; dans d’autres , cela n’a pas eu lieu une seule fois. Enfin, dans le courant d’une année entière, on peut compter comme terme moyen 285 jours clairs ou par moments nuageux, et seulement 80 jours nuageux ; l’année pendant laquelle il y a eu le plus de jours nuageux en a offert 107, et celle durant la- quelle il y en a eu le moins, 47; mais les cas d’un ciel entière- ment couvert pendant 24 heures de suite sont extrêmement rares. APPENDICE A LA PARTIE MINERALOGIQUE. Le professeur D. Pedro-Alejandro Auber, qui, durant notre absence de la Havane, a été chargé de la direction du jardin bota- nique et de l’enseignement de la science, nous a fait parvenir ré- cemment, parmi d’autres envois d’objets d’histoire naturelle, une collection d’échantillons de minéraux des districts de Cuba et de Villa-Clara; nous allons en donner l’énumération accompagnée de remarques sur la valeur de la plupart d’entre eux, afin d’ajouter a la connaissance des richesses de ce sol qui peuvent servir de base à des spéculations importantes. 100 (1 ). Cuivre carbonaté vert (malachite). — Excellent minerai pour la fabrication du sulfate de cuivre. (i) Nous adoptons la numération à partir de loo, alîn de ne pas confondre ces e'ehanlillons avec ceux qui ont itejà eie tleerits, CLIMAT 231 loi Cuivre carbonate vert, en rognons. — Aindicahlv au menu- objet. 102. Cuivre carbonate vert, recouvrant du cuivre sulfure. 103. Cuivre sulfure, avec cuivre carbonate vert et bleu. — Bon minerai. 104. Cuivre oxjdulé rouge, avec cuivre carbonate cl quartz co loré par le carbonate de cuivre. 105. Cuivre oxjdulé rouge et cuivre carbonate, avec quartz. 106. Cuivre carbonate bleu {azurité). — Excellent minerai qui donne jusqu’à 60 0/0 de métal. 107. Cuivre carbonate, en petits rognons, dans du quartz l'crru gineux. 1 08. Cuivre oxjdulé rouge, en paillettes {ziqueline). — Excellent minerai qui donne jusqu’à 80 O/O de métal. 109. Cuivre natif avec cuivre oxydulé. — Excellent minerai aussi productif que le précédent. 110. Cuivre natif. 111. Cuivre oxydulé cubique. — Excellent minerai et crisiallisa- iion rare. 1 12. Cuivre oxydulé rouge, avec traces de cuivre carbouatê. — Excellent minerai. 113. Cuivre oxjdulc avec quartz. — îdem. 114. Cuivre natif et cuivre oxydulé, avec quai iz. — 115. Cuivre oxydulé rougeâtre. — Idem. 116. Cuivre natif, dans une gangue ferrugineuse. 117. Cuivre pyrileux. — Minerai d’une valeur moyenne. 118. Cuivre pyriteux avec chaux sulfurée. — Minerai tréspauc/e. 119. Cuivre pyriteux avec cuivre siliceux et traces de cuivre cai- bonaté. — Minerai assez bon. 1 20. Cuivre pyriteux et cuivre sulfureux — Minerai d’une valeur moyenne. 121. Fer oxydulé magnétique, cristallisé. — Excellent minerai. 122. Fer oxydulé magnétique, amorphe et cristallisé, avec quartz dodécaèdre et chaux carbonatée. 123. Cuivre pyriteux nuancé {phillipsite '). — Valeur moyenne. 124. Fer oxydulé magnétique, cristallisé. — Excellent minerai. 125. Fer oxydulé magnétique, amorphe. — Valeur moyenne. 126. Fer chromaté laminaire ychromitc'). — Minerai précieux pour la fabrication des chromâtes de potasse et de plomb. 127. Fer sulfuré blanc (pyrite). GEOGRAPHIE. 232 128. ter oxydé hydraté (hématite creuse). — Bon minerai. 129. Oxyde terreux de manganèse. 130. Fer sulfuré décomposé, et alumine sous-sulfatée alcaline. 131. Chaux carbonatée crayonneuse. 132. Chaux carbonatée en stalactites. 133. Amphibole asbestoïde. 134. Cuivre pyriteux nuancé 135. Fer sulfuré blanc, en masse. 136. 137, 143, 146, 152. Calcédoines ferrugineuses. 138. Roche siliceuse décomposée. 139. Serpentine et diallage métalloïde. 140. Calcédoine cellulaire ferrugineuse. 141. Roche volcanique ferrugineuse. 142. Jaspe ferrugineux. 144, 145. Serpentine décomposée, avec asbeste. 147. Chaux carbonatée compacte, à grain très fin. -—Espèce de pierre lithographique. 148. Chaux carbonatée et globuleuse. 149. Bois agatisé. 150. Chaux carbonatée saccharoide. 151. Chaux carbonatée. 153. Jaspe verdâtre. 154. Chaux carbonatée compacte. POPULATION. L’histoire de la population de l’île de Cuba est un pro- blème compliqué et d’une solution très-difficile , à cause du manque de données précises et d’observations impartiales. En la considérant en général et sans descendre aux détails, on aperçoit aisément que le cours des lois de son accroisse- ment successif a dû dépendre des lois civiles, des lois natu- relles et des usages et coutumes introduits dans le pays par la race des conquérants. L’influence de celle-ci n’a pas été cer- tes avantageuse à la prospérité de la race indigène, dont la disparition du sol cubanéen est un des phénomènes les plus déplorables de son histoire. La nouvelle population exotique qui vint la remplacer pour les laborieux travaux de l’industrie des mines et de l’agriculture ne dut son accroissement qu’à de fréquentes et nombreuses introductions. Quant à la lace européenne, devenue l’arbitre et la dominatrice des deux autres par des droits acquis au temps de la conquête, par la suprématie de ses lois et par la supériorité de son intelligence, elle ne paraît pas avoir trouvé sous le beau ciel des tropiques , dans la région des brises rafraîchissantes , de la végétation robuste et de la vie générale de la nature, toutes les cir- constances favorables à son développement complet. La population indigène, qui ne fut jamais aussi nom- breuse ni aussi florissante, au temps de la conquête, que cer- tains écrivains 1 ont prétendu, mais qui aurait pu être assez considérable cependant pour se conserv er et s'améliorer sous POPULATION. 23 ï l’influence de sages institutions, a disparu complètement du territoire qui paraissait le plus en rapport avec sa nature et ses mœurs. La race africaine, importée par la force, mais qui a trouvé sous le ciel cubanéen des conditions plus favorables à son existence et à sa prospérité, aurait néanmoins disparu de même si , durant trois siècles, elle n’avait pas été renou- velée plusieurs fois de fond en comble. La race européenne enfin n’offre pas, non plus, ces signes caractéristiques d’une multiplication prospère et d’un heureux développement qu’on était en droit d’attendre de l’influence de lois sages et de circonstances avantageuses et propices. L’examen et la classification des causes qui peuvent avoir amené ces résultats nous obligeront à entrer dans des considérations politiques et sociales, peu honorables peut-être pour la mémoire de nos ancêtres et en parti- culier pour celle des gouvernements qui , méconnaissant les éléments admirables de prospérité qu’offrait le nouveau monde , et spécialement la belle île de Cuba , ne surent pas en tirer parti pour asseoir leur destinée et leur avenir sur des bases indestructibles. Une semblable étude nous démontrera que, loin de là , le système suivi a paralysé , en grande partie , les moyens qu’on avait à sa disposition , en laissant File constam- ment menacée d’un triste avenir et le sort de ses labo“ lieux habitants exposé à des catastrophes désastreuses. Si nous avions à présenter l’histoire de la population cubanéenne , telle que l’exigeraient ces considérations et bien d’autres encore, il serait nécessaire de déterminer les conditions particulières de chacune des trois races qui ont contribué à la former, c’est à dire, celles qui sont spéciales au climat et aux institutions sous lesquels elles ont vécu, les lois qu’elles ont respectivement offertes dans leur multiplication, leur décadence ou leur progrès; il fau- drait enfin s’élever à une hauteur suffisante pour décou- vrir, dans le possible, l’avenir réservé aux deux races qui ont survécu h la disparition de la race indigène. La simpU énonciation de ce programme démontre il. POPULAT.’OX. 235 1 impossibilité où nous sommes de le remplii- , faute de don- nées, d’une part , et à cause de la difficulté qu’il y aurait , un autre coffi, a les discuter impartialement, en raison des questions épineuses qu’embrasse ce sujet; enfin parce quil serait impolitique de présenter comme certain ou comme probable un avenir inconnu , quand à cet avenir est attachée l’existence ou la non-existence sociale d’un pays. e qu il y a de grave et de délicat dans cette matière et e manque de données numériques assez exactes pour la traiter convenablement nous ont empêché longtemps de poursuivre la rédaction de cette partie de notre ouvrage, (]ui aurait du suivre immédiatement celle de la Géogra- phie et du Climat, publiée en 1839. Durant cet espace de temps, la difficulté que nous éprouvions à écrire ce cha- pitre ne faisait que s’accroître, mais nous ne voyons pas s augmenter dans la même proportion la moisson de don- nées statistiques qui nous était indispensable pour remplir cette tache au gré de nos désirs. Si ce n’était pour résou- dre des questions de passé ou d’avenir, du moins, pour ( isciiter celles qui se rattachent au présent, nous avions abso- lument besoin de documents relatifs à la situation de l’île qui fussent le fruit d’un recensement moins défectueux et moins incomplet que celui qui a été publié en 1829. Mal- heureusement ce travail n’a pas encore été refait et la con- tinuation de cet ouvrage, dépendant de mille circon- stances qu’il n’a pas été en notre pouvoir d’éviter, nous oblige a écrire dés à présent cette partie , que nous ne sau- rions confier à d’autres. Toutes ces raisons nous permettent d’alléger notre tache on nous dispensant de traiter tous les points pour les- quels il n’existe pas encore des documents officiels et •gnes c foi. Dans cette classe doivent être raiip'és ceux qui concernent la population indigène primitive, sur aquc e on ne sait rien de plus que ce qu’ont écrit nos anciens histoiiens , et ceux aussi, bien plus intéreSvSants à connaître , qui nous donneraient la population actuelle de de divisée en ses différentes castes (>l conditions. T/ab.seuce POPULATIO^. ^36 de CCS docLimenls paraîtra notable dans un livre tel que celui-ci, mais le blâme n’en saurait retomber sur l’auteur. Nous avons longtemps réfléchi au moyen de reculer la rédaction de ce chapitre, afin de l’écrire un jour plus com- plètement ; mais nous avons reconnu que nous ne pourrions nous disculper de laisser davantage en suspens cette par- tie de notre œuvre, et qu’il n’est pas possible d’y tolérer une lacune pareille à celle qui existerait, si nous passions de prime abord aux chapitres du commerce et des revenus de l’île de Cuba, qui doivent suivre celui-ci et pour lesquels nous ne manquons pas heureusement de documents exacts. Obligé donc de parler de la population cubanéenne, nous le ferons avec les données que nous possédons, et quant aux considérations politiques et sociales que le sujet amène naturellement, nous ne présenterons que celles dont l’o- mission nous serait justement reprochée dans les circon- slances actuelles. Quoiqu’un bon système de colonisation et de civilisation eût pu, au temps de la conquête, tirer un parti avantageux de la race indigène , Thistoire et les documents inédits que nous avons con- sultés ne Jious offrent que le témoignage de sa diminution pro- gressive et de sa rapide décadence. Nos anciens historiens diffèrent sur le nombre d’habitants que possédait l’ile de Cuba , au temps de la conquête, et ils fixent, moins exactement encore, celui qu’of- fraient les populations que rencontra l’expédition de Vadelantado Diego Velasquez, quand, en 1511 , il alla de Saint-Domingue con- quérir et coloniser Tîle de Cuba. On voit dans leurs récits, quoique d’une manière extrêmement vague, que le nombre des indigènes pouvait alors s’élever de deux cent à trois cent mille , et il paraît que les écrivains plus modernes, qui ont discuté ce point obscur d’histoire , sont aussi d’accord sur ce chiffre. Les documents iné- dits que nous avons consultés ne jettent aucun jour sur ce pro- blème, et ne confirment pas cependant l’assertion répétée par les historiens -, de sorte que nous ne pouvons nous décidera la croire probable, et moins encore exacte. Nous basons notre opinion sur la difficulté qu’il y a d’évaluer le nombre des babilants d’un pavs POPULATION, 237 sur le seul aspect des groupes qui s’offrent à la vue et qui parais- sent toujours plus nombreux qu’ils ne le sont réellement; nous la basons aussi, et cette raison est pournous plus puissante encore, surlepetit nombred’Indiensqui existaientréellementvingtansaprès et qui, si le nombre primitif était certain, démontrerait une morta- lité horrible, inexplicable parla réunion môme de toutes les causes qu’on assure avoir influé sur la diminution de la race indigène. Il est hors de question que la diversité de mœurs qu’on voulut violemment introduire dans le peuple cubanéen primitif, les rudes travaux auxquels on l’assujettit, les mauvais traitements que lui lirent subir les premiers colons , en le considérant comme un ramassis d’esclaves ; les pestes et les épidémies qui l’affligèrent, l’in- fluence enfin do toutes ces causes sur le caractère des pacifiques ha- bitants, en les poussant au suicide, diminuèrent notablement leur nombre, tant sous le gouvernement de l’adelantado Diego Velas- quez, qu’aprèssa mort arrivée en 1524. Dans les documents que nous avons réunis à l’Appendice , on trouvera la preuve de la ré- partition vicieuse des Indiens entre les premiers colons, malgré la sagesse et l’humanité des institutions et les intentions philanthro- piques et chrétiennes du gouvernement suprême. L’intérêt indivi- duel, secondé par la faveur des chefs, éludait toutes les mesures, abusait de toutes les lois ; non conten t de soumettre à son ambition et à son avarice les malheureux indigènes, il allait chercher d’autres victimes dans les contrées voisines, les assujettissait à l’esclavage et réclamait constamment du monarque l’approbation d’une aussi immorale tyrannie. Ces documents et l’opinion unanime des histo- riens démontrent que la population indigène éprouva des pertes considérables dans lespremières années qui suivirent la découverte; mais nous avons peine à croire que cette diminution ait été aussi énorme qu’elle résulterait du nombre de trois cent mille habitants, admis comme certain au commencement de la colonisation; car, d une part, les documents que nous avons réunis ne mentionnent ni ce nombre, ni un nombre plus grand oumoindre, et, de l’autre,ilsci- tentcelui des Indiensquiexistaientvingtans après; la différence est si grande, qu il en résultera! tune mortalité réellementépouvan table. En effet, le licencié Vadillo écrivait à l’impéralrice, de la ville de Santiago de Cuba , le C mai 1532 , qu’il pouvait alors y avoir dans toute l’île de quatre à cinq mille Indiens, soit indigènes, soit originaires d’autres pays ; et les officiers royaux confirmaient cette asseition dans une lettre du 9 juillet, adressée à la même princesse; ^33 POPULATION. la population hlanche n’excédait pas alors cinq cents âmes (1). Il nous répugne à croire que l’avarice de ce petit nombre en ait pu venir au point de sacrifier, en vingt ans, près de trois cent mille indigènes, deux cent mille au moins, en accordant le tiers de celle population à l’épidémie qui eut lieu dans l’été de 1531 (Doc. n°xL). Nous inclinons, par conséquent, à croire que le nombre des pre- miers habitants del’île de Cuba n’était pas aussi considérable que le prétendent les historiens, trompés par l’aspect qu’offrent toujours des groupes de sauvages que quelque événement réunit hors de leurs habitations. Les pestes et les épidémies d’une part , et la ten- dance au suicide de l’autre, diminuèrent ce nombre contre la volonté des conquérants, qui désiraient les conserver, et contre le vœu du puvernement et des autorités, qui recommandaient toujours de les bien traiter (Doc. n" xviii). Il ne faut pas oublier enfin que lesquatre expéditions à la Côte-Ferme et à la Nouvelle-Espagne, dans les an nées 1517, 1518, 1519 et 1520 et les suivantes au Pérou, en empor- tèrent une portion qui n’est pas à dédaigner. Ce qu’il y a de cer- tain, c’est qu’au moment où Diego de Soto , adelantado de la Flo- ride, débarqua à l’îlede Cuba en 1538, il n’y restait plus qu’un très petit nombre d’indiens, qui fut réuni à Guanabacoa en 1554 . La population indigène avait donc disparu presque tout entière , longtemps avant qu’un demi -siècle se fût écoulé depuis la conquête. Si nous revenons à l’époque de 1532, que nous avons déjà citée, époque à laquelle la population indigène se trouvait notablement réduite , il paraît que la population africaine s’élevait à cinq cents individus. La diminution des Indiens, la nature des travaux qu’on entreprenait dans les mines et l’opposition des monarquesà permettre qu’on fît des esclaves dans les terres nouvellement découvertes, obli- gèrent de recourir à l’introduction des nègres, qui, par leur force et leur vigueur, étaient déjà reconnus fort supérieurs aux indigènes. Les premiers qu’on débarqua dans les îles découvertes ne venaient pas d’Afrique, mais d’Espagne, et arrivaient instruits dans la re- ligion chrétienne J au moins était-il fait mention de cette circon- stance dans les cédules royales. Nous trouvons vestiges d’introduc- tion d’esclaves à la Espanola ou Saint-Domingue , à partir de 1505 (Doc. Lxxxix et suiv.) : depuis on eu acheta à Lisbonne, et, suc- cessivement, on alla en chercher aux îles du cap Vert et sur la côte (i) Voir 1rs (lociiments de l’appendice, n‘® xlv et li POPüLA'ffON. 239 il’Afriquc. Le lOaoiU 1518, Icgouvcrncmenl accorda auroi dePor üigal l’aulorisalion d’j Iransporler quatre ccnls esclaves libres de lüUsdroits, et au gouverneur de Bresa une aulre autorisation pour un pare, I nonibre. L’année suivante, une compagnie allemande obtint le privilège d’importer dans les îles et sur la terre ferme jusqu’à quatre mille nègres, et, dans les années suivantes, plusieurs liabilaiits obtinrent la faveur d’autorisations semblables Le besoin de bras se fit sentir dans l’ilc de Cuba dés les premiers temps, cequ, ne serait (,as arrivé si la population indigène eiii compte trois cent mille babitanls, comme l’ont cru les bistoriens Los premiers nègres qui furent transportés d’Espagne dans cette de, ainsi que dans celle de Saint-Domingue, payaient un droit de , 1|2 pour 100. En 1526, deu.T; étrangers introduisirent, en vertu d une autorisation, quarante négresdes îles du cap Vert et bien- tôt soixante-dix encore, qui furent admis àcausc du grand besoin qu ou en avait. En 1528, les députés des cités et villes permirent de demandera S. M. le débarquement de sept cents nègres ou né- gresses des lies susmentionnées. Il est constant qu’on les avait delà occupés aux travaux des mines avant 1530. Depuis les demandes lurent continuelles. La valeur de ces esclaves n’était que de 55 à 56piastres; enl535, ilsbaissèrentà47(Doc.n"Lxxviii). Ala même époque, le gouvernement et les autorités du pays, prévoyant, à ce if tio" exotique pourrait attirer sur lie, s efforçaient de les détourner, soit en ordonnant que les nepes se mariassent et que pour trois nègres il y eût dans les babi lationsun blanc (Doc. Lxxxix), soiten demandant qu’onaugmentât le nombre des femmes pour assurer la tranquillité et l’obéissance des hommes. Ce qui vient d’être dit confirme l’exacte observation de l’au- teur de la note II, dans l’histoire de la Havane, de D. Félix Arratc (1), sur l’époque des premières introductions d’esclaves dans file de Cuba, introductions fort antérieures à celles qui eu- rent heu, par suite des contrats passés avec D. Gaspard de Peralta on 1586, avec Pedro Gomez Reynel en 1595, et avec Antonio Kodnguez de Elvas en 1615(2). Elles cessèrent en 1640 par suite du soulèvement du Portugal, et furent suivies du traité con (s) Rapport tic Son V.xc D. Francisco de Arango. ,2^0 POPULATION. du cuire le roi et la banque de Séville , pour tout le cours du XVII' siècle. Des nègres furent depuis introduits dans l’ile par diverses factoreries étrangères, par la compagnie de la Havane depuis 1740, par les Anglais durant leur courte domination , par le marquis de Casa Enrrile depuis 1773 jusqu'en 1779, par la maison Baker et Dawsou de 1786 à 1789, et enfin par suite de la liberté du commerce, due à la cédule royale de cette même année, continuée sans interruption jusqu’à la convention de 1817, entre l’Angleterre et l’Espagne. _ Des écrivains de grand renom, etqui passentpourimparliaux(l ), font monter à trois cent mille le minimum du nombre des esclaves introduits dans toute l’ile de Cuba , durant ce long espace de trots siècles. Le trafic des noirs étant prohibé, mais la traite n ayant nas cessé l’ile continua à recevoir annuellement un nombre d es- claves qui devait être considérable, si l’on considère les fréquentes expéditions qui s’y firent, les besoins urgents des habitations qui se sont élevées et le bas prix auquel se sont vendus les nègres. Il n’est pas cependant facile d’apprécier exactement le nombre an- nuel de ces introductions clandestines. Un écrivain de la Havane les calcule à vingt mille(2) i sirTbomas Fowel Buxton(3) à soixante mille, elun journal anglais(4)àcentquaranle-quatremille.M .Mac Lean porte à quatre-vingt-quatre mille ceux seulement qu on a introduitsdesbaiesde Bénin etdeBiafra(S). Nous ne supposons pas qu’on doive regarder comme exagérée l’évaluation qui fait entrer annuellement dans l’ile au moins trente mille nègres depuis 1818, ce qui donne jusqu’aujourd’hui une introduction générale de sept cent mille esclaves, lesquels, joints à l’introduction supputée pour les trois siècles antérieurs , donnent un résultat total d un million d’individus, transportés d’Afrique à l’île de Cuba depuis sa découverte jusqu’à présent. S’il est difficile de réunir les éléments necessaires au c.alcul de l’inlroductiou des individus de race africaine . il ne l’est pas moins , l’apprécier celle des individus de race européenne. Dans les pre- miers temps elle était si réduite, que les informations citées a Ibid ,-,,, , lissm potMiue sur ttle de Cuba de M. éc HumliolJt ; Uistoire de ”(sV M^'saco : Parallèle entre Cuba et quelques colonies anglaises, M.iarui- (3) De la traite des esclaves en Jfrique , Paris, iS^io. (4) Le PFatchman, ai février i838 , Pans, p. 3G. (5) Idem, p. 53. POPULATIOIV. 211 i’appcndjcc ne la portent pas au-dessus de cinq cents habitants. En Tan 1532 , les officiers du roi disaient que le nombre des Indiens était de quatre à cinq mille et celui des esclaves de cinq cents, d’où il résultait plus de seize domestiques pour chaque habi- tant (Doc. n° II), La population blanche aug^menta donc fort peu dansl’île, parce que les merveilleuses découvertes faites sur le continent de la Nouvelle-Espagne et au Pérou y attiraient tout e monde j mais les avantages que le commerce révéla dans le port de la Havane, les échanges dont il devint le centre, l’accrois- sement qu’acquirent les productions du sol , les émigrations de la Jamaïque, des Florides, de la Louisiane , de Saint-Domingue et, par dessus tout , l’attrait d’un trafic qui élevait à de fruc- tueux bénéfices les grâces octroyées par le gouvernement, aug- mentèrent la population blanche, au point où elle put être évaluée sur la fin du dernier siècle. Eu exarninaut l’Iiisloire des progrès des deux populations exoti- ques qui habitent l’ile de Cuba , il n’est pas possible de se défendre d’une considération capitale | c’est que l’une j ajant été introduite par la contrainte et l’autre attirée par l’utilité , la première s’est beaucoup plus accrue que la seconde, et qu’au milieu de mille obstacles politiques et sociaux , elle commande par la force et do- mine par les produits de son travail. Là la race noire représente tous les attributs de matérialité qui peuvent constituer les ma- chines; la race blanche, le capital et l’intelligence, qui tirent parti de cet élément. De celte considération essentielle, il n’est pas difficile de descendre à d’autres, qui expliquent les circon- stances délicates dans lesquelles doit se trouver un pars dont la population, libre et pensante, n’est pas .assez forte pour dominer dans un cas urgent, l’autre race réduite en esclavage et abrutie’ mais dont le travail entretient l’existence du pays. ’ Faisons trêve à ces réflexions, qui nous entraîneraient beaucoup trop loin de la question statistique que nous nous proposons d’exa- miner ; occupons-nous maintenant ,à réunir les données nui existent sur l’accroissement succissif des deux populations et sur la proportion dans laquelle elles se trouvent pour celte élude nous n’aurons guère qu’à répéter les calculs que nous avons pu- b les en 1831 (1), mais sous une forme qui nous parait plus con- venable et qui pourra intéresser davantage le public. (i) flul«ireico„o,„kr,-poUliquea Müstiq,icdeltle,h C„b^ , llav.ine ,S3, POPULATIOIN . lU 242 POPULATION. Pro(jrès de la population à diverses époques. — Dans les villes et dans les campagnes. — Proportions en castes et en sexes. Les recensements et états officiels de la population que nous avons eus sous les yeux sont au nombre de quatre, savoir ; 1“ Celui de 1774, dressé par ordre de M. le marquis de la Torre, 51" gouverneur de la Havane : ce document , qui présente, en outre . un résumé statistique de cette époque, a été imprimé à la Havane et réimprimé par l’abbé Raynal, dans son ouvrage bien connu. 2o Les recensements de 1791 et 1792, dressés par ordre de S. E. D. Louis de Las Casas, gouverneur de la Havane : le second, imprimé sur une feuille de papier commun, contient un rapide résumé statistique (1) ; après avoir corrigé les nombreuses erreurs de calcul qui s’j trouvent, nous l’avons adopté de préfé- rence au premier, parce qu’il nous a paru plus exact. 3« Celui de 1817, dressé de concert par S. E. D. José de Cien- fuegos, 67" gouverneur, et D. Alexandre Ramirez, IJ"" intendant de la Havane. H fut publié en 1819 , sur une grande feuille in- folio, et présente la population générale de l’île divisée en gouver- nements, juridictions, cantons et communes, d’après les castes, les sexes et les états ; ce recensement est fort préférable aux précé- dents, mais il n’est pas exempt d’erreurs dans les détails. 4" Celui de 1827, qui fait partie du travail statistique, dressé par une commission de chefs et officiers de l’armée, sur l’ordre et sous la direction de S. E. D. Francisco Dionisio Vives, alors gouver- neur et capitaine général de l’île. Cet important ouvrage est le premier de ce genre qui ait été publié à Cuba (2). Il présente la population et la richesse des trois départements dans lesquels il suppose l’île divisée, ainsi que les juridictions , les cantons, les villes et les villages. U est précédé d’une introduction instructive et curieuse sur son étendue, son territoire, son climat, ses produc- tions, son commerce et ses revenus ; et les états relatifs à chaque (1) En comparant les totaux de ces deux recensements, il en résulte que, dans l’année qui s’est écoulée de l’iin à l’autre, il y a eu un accroissement de popula- tion de 17,481 .Imes. (2) Voir l’extrait et l’annonce de cet ouvrage, publiés dans le n" .“la des yln- nalcs des sciences, Havane, i 83 o. POPULATIOIV. 243 deparCcmentsont piéccdcs d’introductions semblables. On recon- naît que le manuscrit a été revu avec un très grand soin par les personnes chargées de sa publication , car aucune de ses parties ne roniGrine la moindre erreur. Voici les résumés comparalifs que j’ai faits des quatre recense- ments, après avoir corrigé les erreurs des (rois premiers (1). soiies pTrI r proviennent de Ja transcription des TeZ nui ont nu /tf --fraction. Je n’ai pas voulu parler de de h cmnnlicati / commises dans les recensements et qui sont inséparables de la compheatmn de ces travaux difficiles. Au reste , les causes de ces erreurs disparaissent peu a peu dans les opérations suivantes. RECENSEMENT DE 1774 POPULATION '2 ’i i RECENSEMENT DE 1792 . POPÜLATIOX. 245 TOTAL GENERAL. jOcO.OOSCOOSSvJ«3— O0ï>-.— 5 so' .jcT Il .O _ 151,130 1 12,303 10,475 11,61 1 10,496 27,518 72,403 1 -5T CO t :0 CO CO O GO CO CO t> 05 of iO O CO CO CO 272,301 II FEMiMES H «-•OOOÏ^^7'<^COO sa SV (X> 7,849 4,457 5,341 4,841 12,947 aO CO CO 9,867 1,186 2,903 10,148 24,104 ï 1 > 1 Kègres. 10,624 1,131 205 246 438 1,783 69 633 6,340 21,469 690 340 502 451 3,329 5,312 CD O O aO 05 |> l> ^ O (tT 4,019 O O GO^ O 1 ^ 1 M Mulâtres. g ST-.0 z§ 1,278 CC O -O O CO CO iN O CO (W CO CO l> 2,224 CO — :o o -4> sa <»< r |i r CO CO O CN CO <^co i- O CO c» t> |> Vf <5" aO GO O 05 VP O CO 5V O CO aO Vf o_ Blanches. g c^ot>iOcoi>Oii-OfOO |ço*-005co z,z. 1 ^ -r- ^ CO “3" s CO 1 uO pît' tO î — O O j CO O çv O tri cv' cv i> 05 CO 3,119 396 2,021 4,220 aO CO Ci O CO CN c/3 H 1 S / Total. !r-5TOCN 1 co" 57 sT -Z co“ ! O CO 00 CO O ^ aO V— ( |> AiO l> <3^0 ff^CO -O (;0 C^ aO 36,968 9,937 1,180 2,934 10,613 24,664|| CO 05 .^oaco OOOCOCO COOO— <0500 «5 ->■' Z' ^ O ocT iJO O O »-0 1 1.C CO t- CO O CO 05 CO CV CO CO 05 Vf CO ^ S ^ CO 4 98ü| aC aC CO 1 i 1 ^ f Mulâtres. soo ^ sa sa CO (îa co <0 O CO OO sa CO CO sa 05 2,180| O O aO CO CO GV CO aQ , CO ^ VP ! 1 cv CO GV i 05 CO «> aO* O \ lii j INègres. <*“00 05 05— ^COCOOr^05CDCC coijococo oosa CO 'CO lO CO s^ ^ (=a sa"" 5,779| (jy l> CO CO COCO-îî-COI> A^ t> — C 05 4,349 2,712 585 377 2,043 â,717| *o CO aO 05 05 CN GV r- Blancs. 5aOi;LA riux RECENSEMENT DE 1817 . ( POPULATION. KEGENSEMENT DE 1827 . I I Outre CCS quatre recensements que le g^ouveniement a fait ré- diger et publier à (liffcreutes époques, le consulat rojal (e/ real POPULATION. 249 consuMo) rocuoillit el «liscula. cni 8)0, les données relatives à la population blanche et à la population de couleur. Le résultat de ce travail intéressant, réuni à quelques autres , fut imprimé à Madrid en i814, sous le titre de Docummtos de que hasta ahora se com- pme el expedienle sobre el trafico y eselavitud de los negros, etc Documents dont se compose à l’heure qu’il est le travail relatif à la traite et a Tesclavag-e des nègres, etc. Les nombreux tableaux et les curieux rapprochements que con- lien cet ouvrage sont précédés d’uue adresse faite au nom du cou- sulat rojal et de la société patriotique, adresse qui restera tou- jours comme un morceau digne d’éloges. Les travaux du consulat royal ont servi à M. Humboldt pour les calculs qu il a rassemblés dans son Essai politique mr Vile de Cuba Nous devons prévenir que, bien que cet ouvrage n’ait Ole publie qu’en 1826. tout ce qu’il renferme d’essentiel avait eja vu e jour dans la Relation du voyage aux régions équinoxiales (lu nouveau continent (1). VEssat politique Kakemo, en outre , beaucoup de documents P us recents, qui furent communiqués à l’illustre écrivain lors de son voyage a la Havane. Fl parait toutefois qu’il n’eut pas connais- sance du recensement officiel de 1817, car, à la page 135, il cite seulement le rôle de population rédigé par la députation provin- ciale de celte époque, pour lui servir de guide dans quelques dis- positions intérieures. Ce travail parut dans les almachs (Guus) de 1 lie, et fut cité dans divers documents. Le chapitre de l’ouvrage de M. Humboldt sur la population ne laisserait encore aujourd’hui rien à désirer, s’il renfermait les deux recensements de 1817 el de 1827. En renvoyant au travail de ce savant pour tout ce qui est calcul sur les castes les conditions, etc. , jusqu’en 1811, nous nous proposons de réu- ir et d examiner, d’après un procédé semblable, les nouveaux otmments qu’il n’a pu avoir sous les yeux , afin que ce chapitre puisse servir de complément au sien. Notre ouvrage ne contien- nnnr ", 'î absolument indispensables pour éviter la confusion. I '“f 'l“a"’a recenseraenis dont il a été question, les cl sses blanches, de couleur libre, esclave, el de couleur en géné- lal , présentaient les proportions suivantes : 230 1*0I'ULAT10N. En 1774 1792 1817 1827 3b 18 2b 4i P 0^0 49 20 31 51 43 20 37 57 44 14 41 56 11 résulte de ces rapprochements qu’à Cuba la population libre a toujours été non-seulement plus forte que la population esclave , mais encore que la race blanche a continuellement surpassé la se- conde de quantités assez considérables. L’introduction imprudente d’esclaves, dans les dernières années qui précédèrent l’abolition delà traite, produisit, dans la population de celte classe , une augmentation de 36 à 10 pour 0/0, et cependant nous voyons, dans la dernière statistique, que le nombre total des blancs sur- passait celui des esclaves de 3 pour 0/0. Mais, en comparant la classe blanche et celle des gens de couleur , à la première et à la dernière époque , on remarque qu’il y a eu renverse- ment de chiffres : dans l’une , les blancs représentent un 56® de la population , et les gens de couleur un 44®, tandis qu’en 1827 c’est tout le contraire. Si nous examinions les documents des années postérieures, nous trouverions le second do ces nombres encore bien plus fort. Ces chiffres présentent un résultat qui mérite de fixer l’atten- tion du gouvernement et de toutes les personnes intéressées à la prospérité et à la tranquillité du pays. En effet, il est certain que, malgré les omissions contenues dans les recensements officiels, le nombre des esclaves , relativement à la population générale, a été toujours en augmentant, tandis que celui des blancs a, au con- traire, diminué j et, bien que le nombre de ces derniers ait toujours paru supérieur à celui des esclaves, les différences ont été toujours en diminuant, et cela presque en raison inverse, comparative- ment à la classe de couleur, qui depuis le recensement de 1792 apparaît constamment plus forte que la classe blanche. Mais plus loin, en comparant les sexes de chaque caste, nous aurons à laire quelques autres observations analogues à celles-ci. Dans les cinquante-trois années qui se sont écoulées depuis le recensement du marquis de la Torre jusqu’à celui de 1827, la population générale s’est accrue de 523,867 individus. Les aug- mentations d’un recensement à l’autre ont été de 58,6 pour o/o de 1774 à 1792, de 103 pour O/O de 1792 à 1817, cl de 27,3 pour 0/0 de 1817 à 1827; ce qui donne respectivement POPULATION. pour rau^mcntalioii auBuclIe de chacune de 251 CCS trois époques : 3,3 2,7 pour 0/0. me niojen de I augmentation annuelle pour chacune de ces cinquanle-trois années a donc été de 5,8 pour O/O sur le mouvement primitif. Les augmentations annuelles de chaque classe ont respeclive- n éprouvé iverses oscillations dont on peut trouver l’expli- popuLion”' * BLANCS. libres. esclaves. TOTAL 1 fies gens 1 DE COULEUR. | De 1774 à 1792 2,7 4,2 5.0 4,6 De 1792 à 1817 3,1 4,4 5,4 4,4 De 1817 à 1827 - 2,1 0,68 4,4 Lepoque du plus grand accroissement delà population, tant libre qu esclave, est celle qui s’est écoulée entre le second et le troisième recensement ; la moins favorable à toutes les classes est celle qui embrasse les dix dernières années ( 1 ). Si l’augmentation eut suivi alors la même marche que dans les années antérieures la popuhlmn de 1828 se serait élevée à 774,246 individus, don? 314,177 blancs. Ce fut enire le premier et le second recensement que l’on ac- corda aux navires nationaux et étrangers la libre importation des noirs; les décrets relatifs à la liberté du commerce, décrets dont pol'lurn ■ !’■ il est Jil ,|UC te ,,tus hn acc eisscnient ,lo la | 0,H, at.0„, >elanve„,e„t au uombie de, année, écoulée,, eut lieu duraul le. Il «Ici nuie, années. Mais cette observation ne doit s’entendre qu’en ureuani d une tnauiere absolue le, ebiIVre, de, ausmentatiou, annuelles, 2 non l;' " ' lalivemcnl a la i>o|mlalio„ exi.tani i l’é|.„que de cl.aciin des iccensemenls. 252 POPULATION. nous parlerons en temps opportun, et qui parurent à la même époque, amenèrent, en outre, dans l’île des familles de divers points de l’Europe. En 1795, la population blanche s’accrut des fugitifs de Saint-Domingue qui continuèrent à y arriver successivement. Les immigrations, favorisées, du reste, par une cédule royale qui établit alors une junte de population et créa des fonds de secours pour les nouveaux colons, augmentèrent durant les premières années de ce siècle, pendant les guerres de Napoléon et les dis- sensions de l’Amérique espagnole. Les proportions que nous venons d’assigner aux castes et les augmenlations annuelles respectives, envisagées d’une ma- nière générale, diffèrent de celles que présentent les départements, les juridictions , les districts (jpartidos) et les communes (pobla- ciones) comparés entre eux. Les 3/5®" de la population de couleur résidaient en 1811 sur la juridiction de la Havane, depuis le cap San Antonio jusqu’à Alvarez. Dans le district de Puerto-Principe, les blancs, les gens de couleur libres et les esclaves constituaient respectivement les 52 centièmes , les 14 centièmes et demi et les 33 centièmes et demi de la population totale. On remarquait aussi, à cet égard, de grandes différences entre les quatre districts de la province de Cuba. Les proportions qui, à Cuba même et dans sa juridiction, étaient, en 1791, de 40 33 27 se trouvaient être, en 1811, de 38 25 37 A Baracoa, les avantages de la culture du café avaient singuliè- rement augmenté le chiffre des gens de couleur libres. A Holguin, il était très minime, tandis qu’au contraire Bayamo offrait les proportions suivantes : 30 44 26 Enfin toute la province de Cuba donnait, pour moyennes des trois castes , 37 35 28 D’après les éléments que nous a fournis la Statistique de 1827, POPULATION. nous avons trouvé qu’alors les valeurs mêmes castes étaient , Dans le département occidental , Dans celui du centre. Dans celui de Test , 253 proportionnelles de ces 40 11 49 59 15 26 36 27 37 D résulte de ces diverses comparaisons que la population libre surpasse en nombre la population esclave dans les trois départe- ments. Celui du centre est le plus favorisé sous ce rapport; un quart environ seulement de sa population appartient à la race esclave. Les blancs, ainsi que les esclaves , sont en majorité dans le dé- partement de l’ouest; et, le rapport de ces deux castes entre elles étant à peu prés le même pour les deux grandes divisions extrêmes de l’ile , il se trouve que, au point de vue du nombre des gens libres, le département oriental est dans les meilleures conditions. En comparant les augmentations qu’ont éprouvées, de 1817 à 1827, les trois castes dans les trois départements, d’après les ré- sultats approximatifs (1) des recensements de ces deux époques, on voit que la supériorité numérique de la population blanche s’est maintenue dans le département du centre, que les gens de couleur libres j ont au contraire éprouvé une diminution no- table, et que le plus fort accroissement des esclaves se remarque dans le département de l’ouest, ce qu’il faut attribuer indubita- blement aux progrès de la culture et au nombre d’habitations qui s y sont élevées durant ces dix années. Voici les résultats de ces comparaisons : O ) Nous disons parce que les departecents de ,8a, ont ,1 hn..te, „„ peu d.lfe, -entes de celles des juridictions adoptée» par le ,-ecenseme 254 population. = ^ CASTES. DÉPARTEMENT de l’ouest. DÉPARTEMENT du CENTRE. DÉPARTEMENT de l’est. Blancs 23,5 p. y, augm . 29,2 p. augm . 56,6 p. y„ augm. Hommes de couleur libres. 12,5 « 6,2 .) « 26,9 }> dim. Esclaves 68,0 « » 29,3 « D 24,5 w augm. Pour le total 37,0 « » 1 1 1 26,9 « ), 1 3,6 » » On peut reconnaître en même temps combien ont été lents les progrès de la masse générale de la population des parties orien- tales de Tîle, puisque , si elle conservait la même marche dans son accroissement, il lui faudrait deux cent soixante-huit ans pour doubler. Le rapport d’augmentation du département de l’ouest, qui est de 37 p. 0/0, montre qu’en moins de vingt-huit ans sa population pourrait atteindre un chiffre double, sans qu’elle eût besoin d’avoir recours aux causes puissantes qui peuvent accélérer ses progrès. Il résulte, des deux recensements faits à la Havane en 1791 et 1810, que les blancs ont augmenté de 73 p. 0/0 en vingt ans, les gens de couleur libres de 171 , les esclaves de 165, et enfin la masse totale de 117 p. 0/0. Dans le quartier de Guadeloupe, les trois classes se sont accrues, en dix ans seulement, de 295 310 Et, en masse, de 178 p. 0/0. Mais les accroissements partiels de l’un des quartiers de la ca- pitale, choisi de préférence à tout autre, ne peuvent nullement servir à établir une loi générale. POPLLATIOIV. 255 Durant cette meme période, les accroissements de la classe blanche, dans la partie orientale, furent extraordinaires ; à Bara- coa elle s’accrut de 165 p. 0/0 en vingt ans, à Holguin de 107, à Bavamo de 120. On remarquait alors déjà , tant à Cuba qu’à Ba- racoa (t), et sans pouvoir en expliquer la cause, la diminution des gens de couleur libres , diminution qui s’est également fait sentir lors des deux derniers recensements, ainsi que nous l’avons déjà dit. Les trois classes des blancs, des gens de couleur libres, et des esclaves, présentent, au point de vue de leur répartition, dans les principales villes de l’ile , des proportions qui méritent d’être étu- diées, parce que, jointes à d’autres considérations , elles peuvent nous aider à déterminer leur état de bien-être respectif et celui de l’industrie qu’elles exercent. Il y avait à la Havane, en 1827, 46,621 blancs, 23,562 indi- vidus de couleur libres el 23,840 esclaves , c’est à dire un esclave sur deux blancs et un sur trois individus de couleur libres. A Puerto-Principe, il j avait 32,996 blancs, 6,165 individus de couleur libres et 9,851 esclaves : ce qui donne moins d’un esclave par chaque trois blancs et plus d’un par chaque quatre individus de couleur libres. A Cuba, qui avait 9,302 blancs, 10,032 individus de couleur libres et 7,404 esclaves, il se trouvait donc moins d’un esclave pour chaque blanc et un pour chaque 2,6 individus de couleur libres. A Santi-Espiritus, où il j avait 5,802 blancs, 2,775 individus de couleur libres et 2,222 esclaves, la proportion équivalait à un esclave pour chaque 2, 6 blancs et un esclave pour chaque 3,8 indi- vidus de couleur libres. A Malanzas, avec une population de 6,333 blancs, 1,941 indi- vidus de couleur libres et 3,067 esclaves, il j avait un esclave pour deux blancs ou pour 2,6 individus de couleur libres, propor- tions à peu prés semblables à celles de la Havane (2) A Guanabacoa, avec 5,194 blancs, 1,786 individus de couleur libres et 2,143 esclaves, les proportions étaient les mêmes. (i) Documents. {D Un article très jndicieux , insère dans les feuilles cfuotidiennes de Matan- 52 et 23 février i83o, évalué ;'i plus de i3,ooo times la popula- zas des 20,2 lion de cel te ville à cell époque. 256 POPULATION. A la Trinidad, où I’od trouvait 5,597 blancs, 4,003 individus de couleur libres et 2,943 esclaves, il y avait moins d’un esclave pour deux blancs et quatre individus de couleur libres. A Villa-Clara, 4,502 blancs, 2,310 individus de couleur libres et 1,720 esclaves donnent un esclave pour 2 et 1/2 blancs ou pour quatre individus de couleur libres approximativement. En comparant ces chiffres de la population des villes principales de l’île, pour en extraire une moyenne, on trouve que les blancs, les gens de couleur libres et les esclaves y étaient dans les rapports des nombres 43 31 26 avec 100 proportions très avantageuses, puisqu’elles donnent approxima- tivement deux blancs et trois individus de couleur libres pour chaque esclave. En 1791, elles étaient, pour la Havane, comme 53 22 25 sont à 100^ En 1810, comme 43 27 30 sont à 100. Par le recensement de 1817. on les trouva comme 45 26 29 sont à 100; et , en 1 827, on les a eues comme 49 25 26 sont à 100. D’après ce dernier recensement, la population blanche a donc augmenté des 4 centièmes, et le nombre des esclaves, diminué de 3. Les rapports des castes entre elles, dans les districts ruraux, varient beaucoup selon les districts et selon le genre de culture qui y domine. Il résulte des travaux exécutés par le consulat royal, en 1811, que, dans les districts de grandes plantations de sucre et de café, les blancs forment à peine un tiers de la population (1), et les rapports des castes y flottent entre 0,30 et 0,36 pour les blancs, (i) Humboltlt, p. i6o, documents cites POPULATION. 257 0,03 et 0,06 pour les gens de couicur libres, 0,58 et 0,67 pour les esclaves; tandis que, dans les plantations de tabac de la Vuelta de Abajo, on a les proportions 0,62, 0,24 et 0,14, et, dans les districts de pâturages, 0,66, 0,20 et 0,14. D’après le recensement de 1827 et en calculant la population des campagnes par déduction , nous trouvons pour les districts de grandes cultures, tels que ceux des juridictions de Matanzas, Guines, etc., les chiffres suivants : 0,30 0,02 0,68 0,32 0,03 0,63 Et, pour les districts de la Vuelta de Abajo et autres du dépar- tement du centre, ceux-ci : 0,50 0,22 0,26 0,67 0,09 0,22 Reprenant à cette heure les valeurs que nous avons déduites antérieurement comme représentatives de la proportion qui existe entre les classes des blancs, des gens de couleur libres et des escla- ves , c’est à dire 0,43 0,31 0,26 et les comparant aux moyennes de la population des districts ruraux : 0,45 0,09 0,45, il en résulte que le rapport des blancs à la population totale étant à peu près égal de part et d’autre, celui des hommes de cou- leur libres est de 0,22, et celui des esclaves, de 0,19 plus grand dans les campagnes que dans les villes. La Statistique contient, à la page 26 de l’introduction, un résumé général (dont les quantités sont exprimées en parties cen- tésimales, afin de ne pas faire varier la marche de l’exposition) de la répartition de la population dans les campagnes et les villes, qui donne 57 centièmes pour la population totale des campagnes et POPULATION. 258 43 centièmes pour celle des villes (1). Les blancs, les gens de cou- leur libres et les esclaves participent à la composition de ces deux chiffres dans les proportions suivantes ; 0,38 0,6 0,56 pour le premier cas, 0,54 0,24 0,22 pour le second. Cette répartition équivaut aux rapports suivants entre la popu- lation des villes et villages et celle des campagnes ; Pour les blancs ;; 100 ; 92,8, Pour les gens de couleur libres. . : : 100 r 4^9,5, Pour les esclaves. . :: 28,9 : 100. D’après le meme ouvrage, les esclaves des plantations pouvaient être divisés de la manière suivante ; 70,000 dans les sucreries, 50.000 dans les cafèteries, et les 100.000 restant dans les autres plantations (2). En 1826, une commission spéciale, créée alors pour donner scs avis au gouvernement, et de laquelle nous parlerons en son lieu et place, parvint à rassembler quelques documents sur la juridiction de la Havane. Ils ont sans doute passé sous les yeux de la commission militaire de statistique, qui les aura corrigés au moyen de données plus récentes. La masse générale de la population, comparée à la superficie de l’îlc, donne, d’après les calculs de M. Bauza (qui admet une superficie de 3,615 lieues carrées) (3), 197 individus par lieue carrée, en supposant que le minimum de la population soit de 715.000 âmes. Le recensement de 1827, qui présente un total général peu dif- férent de ce dernier chiffre, donne 201,5 habitants par lieue car- rée, l’île en ayant 3,496 f . Il résulte d’une comparaison sembla- ble, faite pour chacun des trois départements, que celui de l’ouest en a 481 j celui du centre, 116; et celui de l’est, 107. (i) La junte de gouvernement de real consulado évaluait, en i8ii, à i 4 i,ooü individus la popidation des gens de couleur libres dans les villes cl villages , et à 1 85,000 celle des campagnes. (?.) Introduction au Tableau statistique , Cuadro estadistico , p. 26. (8) Humboldt. POPUJ.AHOiX. 259 Proportions entre les s En examinant comparativement les quatre recensements, par une méthode semblable à celle dont nous nous sommes servi pour découvrir les relations qui existent entre les quatre époques. Lus cTasses dLa ' entre les sexes et chacune des classes de la population, ainsi qu’avec la population totale: rapport des sexes a chacune des populations ANNÉES. EL A nche de COULEUn LIBEE ESCLAVE TOTAL du sexe masculin. du sexe Péminin. du sexe masculin. du sexe féminin. du sexe masculin. du .sexe féminin. du sexe masculin. du sexe féminin. 1774 0,58 0,42 0,52 0,48 0,65 0,35 0,58 0,42 1792 0,54 0,46 0,47 0,53 0,56 0,44 0,53 0,47 1 0,55 0,45 0,52 0,48 0,62 0,38 0,57 0,43 j 1827 0,54 0,46 0,48 0,52 0,64 0,36 0,56 0,44 lanuZLne T ““ population est aussi mc- vlrlmiLLa^r^ do ces oseSrLes' principales époques de la traite, l’application que l’on eu fai utuTcLT-''^ Celle ot a' nomh /t /“'eees années, dans les plantations, augmenté le nombre des uegres en favorisant la génération par les Lriâge ' v.durdrseLs""'‘‘‘?""“'’“^ districts de grande culture (1). Dans les villes où le luxe (0 D>ros»r lt„„b„KU, ,e .apport entre lo« I, |o. Icnunei , 1 e la POPULATION. 260 (les familles entretient un nombre superflu de serviteurs des deux sexes, où les travaux domestiques exécutés par les femmes sont très multipliés, il en résulte que le rapport entre elles et les hommes arrive aux proportions plus naturelles de 1 à 1,4 et à la Havane de 1 à 1,2 (1). A Cuba , comme aux États-Unis, comme dans tous les pays où l’accroissement de la population blanche est due à des immigrations d’hommes , leur nombre est toujours plus fort que celui des femmes. A. Seybert, dans ses Annales statistiques de l’Union, dit qu’en 1810 on y comptait 96 femmes pour 100 hommes, et qu’aux époques antérieures la différence était encore plus grande (2). Il fait à ce sujet une observation très juste, c’est que, lors des deux derniers recensements, les femmes de 16 à 26 ans étaient en plus grand nombre que les hommes du même âge, bien que le nombre total de ceux-ci surpassât celui des premières. Avant de parler des naissances, nous exposerons les résultats positifs du rapport des sexes, tel qu’il existe à la Havane. Les proportions suivant lesquelles se sont accrues les di- verses classes de la population.de 1817 à 1827, considérées au point de vue des sexes , présentent des résultats dignes d’être exa- minés. L’augmentation , chez les blancs de Lun et de l’autre sexe, fut de 30 p. 0/0 dans ces dix années ou de 3 p. 0/0 durant cha- cune d’elles ; chez les esclaves, il y eut augmentation considérable des individus du sexe féminin, car elle s’éleva à 38 p. 0/0, tandis que, pour les individus du sexe masculin, elle fut seulement de 27 p. 0/0. Il est à croire que la diminution de la traite et le soin que l’on prend déjà (dans les habitations bien administrées) de favoriser les mariages et de veiller à la conservation des enfants auront produit le renouvellement partiel des travailleurs au moyen des créoles , dont les proportions entre les sexes sont naturelles-, il est résulté de là, chez les nègres, une aug- mentation dans les individus de sexe féminin, puisque l’intro- duction des hommes seuls avait cessé. Ceci est confirmé par le plus grand nombre d’individus du sexe féminin et de jeunes filles race noire, esclaves dans les sucreries est de i à 4 ; pour la population de louteFîle, il est de i à 1,7. D’api'ès les observations du docteur Oliver {Anales de cien~ cias etc., n° 11), il y a dans le partido d’Abjuizar 4 1,9. p. 0/0 d’individus du sexe létninin et 58,8 p. 0/0 du sexe masculin , ce qui donne le rapport i à t, 4 . (1) Humboldt, Essai politique. (9) Traduction française par Schell'er, p. 95. l'OPULATlON, 261 au dessous de 12 ans que préseule le recensement de 1827, car le nombre total des esclaves dépassait alors 20 p. 0/0, et sur le chiffre total des esclaves du sexe masculin ceux de moins de 15 ans at- teignaient 16 p. 0/0, proportions que ne devaient certes pas pré- senter les deux sexes dans les expéditions parties des côtes d’Afrique. Il y a eu en dix ans, chez les hommes de couleur libres, d’après la Statistique ^ une diminution des individus de sexe masculin qui correspond à It p. O/O, et une des individus de sexe féminin qui équivaut à 1 p. O/o. Le rapport des uns et des autres avec le chiffre total est de 48 et 52 p. 0/0. Nous verrons par la suite, en analysant les naissances et les décès , que les seconds sont en si grand nombre dans cette classe de la population, et surtout parmi les nègres, qu’en soustrayant des naissances les adultes bap- tisés (1), lesquels y ont été confondus par équivoque , il en ré- sulte une perte effective pour les naissances -, les résultats du recen- sement, quant à la diminution de la classe de couleur libre, se trouvent donc ainsi confirmés. Mais ce que l’on ne peut expliquer d’une manière satisfaisante, surtout en recourant aux tableaux de détail des naissances et des décès, qui ont dû servir pour le tableau général publié dans la Statistique , c’est que la diminution dont nous venons de parler soit dans le rapport de 1 1 p. O/O chez les individus du sexe masculin , et dans celui de 1 p. 0/ü seulement chez ceux du sexe féminin. Nous avons examiné plus haut la proportion qui existait entre les différentes classes delà population dans les trois départements ; nous pourrions donner actuellement une série de calculs sem- blables pour les sexes j mais ce travail , peu utile en lui-même et pour l’avantage que l’on pourrait en retirer, nous éloignerait trop des questions principales que nous nous proposons de résoudre dans ce chapitre. Comme la population des villes et villages est seulement donnée par classe et non par sexe dans la Statistique de 1827 , il ne nous est pas possible, faute de bases, de présenter les rapports qui exis- tent entre ces derniers. Le recensement fait à la Havane en 1828 , bien que très peu développé, nous permet au moins de faire ce curieux examen. Il en résulte que le rapport des individus du (O Ces iiegres libres adultes baptises sont ceux que les vaisseaux anglais ont saisis sur les négriers depuis i8ao. POPULATION. sexe masculin à ceux du sexe féminin était, pour la capitale, comme : 1 00 à 84 chez les blancs , 93 à 100 chez les mulâtres, 78 à 100 chez les nègres libres, 100 à 85 chez les nègres esclaves, 100 à 100 chez les nègres en général, 100 à 100 chez les gens de couleur. La différence que l’on remarque entre les quantités représen- tatives de la population masculine et de la population féminine des diverses castes est plus importante qu’elle ne le semble au premier aspect. En effet, une population peut-être numérique- ment supérieure à une autre et lui être en même temps très infé- rieure en force physique, en énergie morale, en aptitude et en disposition pour le travail, en produits industriels, en moyens de défense, etc. Ce sera sous ces différents points de >ue que devront être étudiées les différentes castes de la population cubanéenne, si l’on veut que les documents statistiques aient d’utiles résultats. Le recensement de 1827 , comparé à celui de 1817, montrait qu’eu dix ans les blancs s’étaient accrus de 71,221 individus, et les esclaves 86,697 , augmentations qui, intrinsèquement, sont bien plus fortes, si on compare les chiffres de leur composition sous le rapport des sexes. En effet, celle des blancs comprend 38,134 individus du sexe masculin et 33,087 du sexe féminin, celle des esclaves de 58,966 individus de sexe masculin , et 20,831 du sexe féminin. Ainsi, en 1827 , la population blanche était su- périeure à la population esclave de 24,109 individus, et cepen- dant la seconde était supérieure à la première d’environ 50,000 individus du sexe masculin , l’excès de l’une sur l’autre se trou- vant composé seulement de femmes. Les calculs que nous avons faits dans le principe pour chercher les lois de l’augmentation respective annuelle des castes ne don- nèrent pas de chiffres aussi appréciables, pour en faire des appli- cations politiques et économiques, que ceux qui reposent sur l’exacte appréciation des sexes de chacune d’elles. Les documents éclaireraient encore davantage la question, s’ils eussent donné î’âgcdcs individus que l’on compare, car une population peut ne POPULATION 263 paraître nombreuse (|ue par suite du graud uoiubre d’ciit’aiits et de valétudinaires (1). Rapport entre les naissances et les décès. — Mouvement annuel de la La Statistique de 1827 contient à ce sujet un résume général pour toute l’îlc et pour chacun des départements^ résumé dont nous déduirons des conséquences importantes qui nous serviront à corriger une grande partie des erreurs que présentent les autres recensements. Mais on y a commis l’inadvertance de donner comme chiffre représentatif des naissances celui des baptêmes. Ce dernier, qui est exact jusqu’à un certain point (2) pour les blancs, est très loin de l’être pour les noirs libres et les esclaves : 1° parce que , au nombre des nègres libres baptisés de la Havane ont été mis les nègres dits émancipés, c’est à dire ceux ijiic les na- vires anglais ont arrachés aux négriers depuis 1 820 ; 2° parce que, au nombre des esclaves baptisés , on a compris aussi beau- coup d’adultes provenant de la même source (.3) ; 3° parce que dans les quantités exprimant le nombre des baptisés n’ont pas été compris ceux qui le sont en naissant et qui meurent aussitôt, ni les mort-nés, ni les enfants exposés ou abandonnés dans les lieux publics. Il résulte de tout cela que le chiffre des baptisés, comme repré- sentatif des naissances , est un peu inférieur à la vérité pour les classes des blancs et des mulâtres (4), et beaucoup trop élevé pour les nègres. Par la même raison, la mortalité est chez ces derniers (1) On peut lire qudcfues réflexions sur la valeur re'elle des populations dans nos Leçons d économie sociale (Lecciones de cconomica social) , Madrid , 1 83 g (2) Nous disons un certain point , parce que le nombre des naissances s accroît de celui des enfants baptisés qui meurent en naissant, des mort-nés et des enfants exposés dans les lieux publics, trois classes diflereutes dont il n est fait aucune mention sur les registres de baptêmes. On sait, de plus, que dans les deces des gens de couleur se trouve compris un nombre de baptisés au moment de mourir, <{ui n’apparaissent pas sur les registres de liaptêmes. ( 3 ) Dans les six paroisses ils furent au nombre de 6(ji en 1826 , de 7 1 8 en 182G, de 611 en 1827, deCo2cn 1828 et de 897 en 1829; total pour cinq années, 8,889 ( 4 ) La diQîculté d’obtenir pour ces deux classes le chilTrc exact des enfants mort-nés, de ceux qui meurent en naissant et de ceux qui sont exposés, fait que 1 on peut confondre les baptêmes avec les naissances sans qu’il en résulte une erreur bien sensible. POPULATION. 264 un peu inférieure relativement aux naissances, et l’accroissement par les naissances, supérieur à ce qu’ils sont l’un et l’autre en réalité. Nous avons cru nécessaire de faire cette observation parce que, tant dans les almanachs officiels {las guias) qui se publient annuellement à la Havane, que dans les autres documents relatifs à la population, on confond toujours par inadvertance le chiffre des baptêmes avec celui des naissances. Nous aurons l’occasion plus loin d’apprécier l’erreur qui en est résultée dans l’estime de la population havanéenne. Toutefois, en l’absence de tout autre document sur les nais- sances et les décès pour l’île entière, nous emploierons, dans les comparaisons qui vont nous occuper, les résumés donnés par la Statistique. BAPTÊMES, MARIAGES ET DÉCÈS DE LIEE DE CUBA EN 182 POPULATION, 265 POPULATION. Ku tomparaul les iiouvcau-nés à la populalion respective de chaque castC; on arrive aux proportions suivantes : Chez les blancs, 4 pour 100 ; Chez les hommes libres de couleur, 4,4 ; Chez les esclaves 4,4. Les nouveau-nés, comparés aux femmes, donnent ; Chez les blancs, 9 pour 100 ou 1 nouveau-né pour 1 1 femmes ; Chez les hommes libres, 8 pour 100 ou 1 pour 12,2 femmes / Chez les esclaves, 12 pour 100 ou 1 pour 8 femmes. Cet excédant dans les nouveau-nés de la population esclave doit être attribué aux raisons allég^uées dans le commencement de cet article; mais, en supposant que le rapport des esclaves nouveau- nés aux femmes soit le même que chez les blancs, il n’en résulte que 9,423 naissances , et la différence de 3,306 doit provenir des adultes baptisés. Néanmoins, ceux-ci se trouvent nécessairement en plus grand nombre dans le total des baptisés, puisque le rap- port de 1 à 11 n’est pas certainement celui qui existe entre les nouveau-nés et les femmes de la classe esclave , mais un tout autre beaucoup plus fort. La classe libre ne met pas de bornes à sa mul- tiplication, tandis que la classe esclave est forcée de restreindre la sienne. Si les proportions que nous avons signalées étaient positives, il en résulterait [qu’il y aurait, dans toute l’île, 1 nouveau-né sur '■25 individus de la population blanche, 1 sur 22 dans la classe libre de couleur et 1 sur 22 dans les esclaves. Le rapport des nais- sances à la populalion serait donc moindre dans la classe blanche que dans aucune des deux autres, bien qu’elle soit favorisée par toutes les circonstances sociales de moralité, de bien-être, etc. Si, nonobstant la cause de l’erreur mentionnée, les nouveau-nés sont dans l île en moins grand nombre chez les blancs que chez les gens de couleur, nous devons trouver dans ce fait le confirmation de la remarque faite en Europe, que ce sont les classes pauvres qui mul- tiplient davantage. Si l’on compare maintenant les nouveau-nés portés sur la Slalistiquo, au nombre de femmes en état d’avoir des enfants, c’est a dire de douze ans et au dessus, ou trouvera les ré- sultats suivants eu faveur de la génération de couleur ; chez les POPULATION. 267 blancs, 1 nouvcau-nc par 7,2 femmes , et, chez les gens de cou- leur, 1 par 6,7. Dans le département occidental, oü l’erreur mentionnée doit produire les plus grandes différences, on a 1 nou- veau-né par 22,7 individus blancs, ou par 7,2 femmes de douze ans et au dessus , et 1 baptisé par 21,6 individus libres de cou- leur, ou par 6,6 femmes du même âge. Dans le département du centre, il y a 1 nouveau-né par 27,6 individus blancs, ou par 7,7 femmes de l’âge mentionné, et 1 par 27,2 ou par 7,1 fem- mes de la caste de couleur ; et, dans le département oriental, 1 nou- veau-né par 22,5 individus blancs , ou par 6,4 femmes, et 1 bap- tisé par 21,5 de couleur, ou par 7,8 femmes de douze ans et au dessus (1). Il y aurait donc, dans les deux premiers départements, un excé- dant en faveur de la race de couleur j et ce n’est que dans le troi- sième qu’il serait moins avantageux à cette classe dans le rapport des nouveau-nés aux femmes adultes. Les décès comparés à la population de chaque caste donnent, pour toute l’îlc, les résultats suivants : Chez les blancs, 2,1 pour 100; Chez les hommes libres, 2,7 ; Chez les esclaves, 2,4. Ces rapports de mortalité varient dans les trois départements, llpérit, dans le département occidental, 1 individu sur 40,8 blancs, 1 sur 27,9 chez les hommes libres, cl 1 sur 35,9 chez les es- claves. Dans le département du centre, les nombres proportion- nels correspondants sont : 62,6 47 86, et, dans Torienlal, 47 45,8 43, On peut en conclure que, relativement à la population de chaque classe, il meurt plus de blancs et moins de gens de couleur dans le département occidental , et que celui du centre présente la plus laiblc mortalité dans toutes les classes; car, eu admettant même le nombre des baptisés pour celui des nouveau-nés chez les gens de couleur, la mortalité parmi eux dépasse 63 pour 100 et 55 pour (i) Ces comparaisons des nouvcau-ucs à la populalion cL aux femmes font soupcounci de nombreuses omissions dans tes recensements auUuicurs. 268 POPULATION. ! i 100 chez ies blancs du premier, tandis que, dans le second, le rap- port des décès aux naissances est, chez les blancs, comme 44 a 1 00, et, chez les gens de couleur, comme 41 à 100. Les proportions de la mortalité varient encore davantage si l’on compare celle relative à chaque caste à la campagne et dans les villes. M, Humboldt rapporte qu’il y a des sucreries où la mor- talité est de 15 à 18 pour 100, et dans celles qui sont bien admi- nistrées, de 6 à 8 pour 100. Celle des nègres nouvellement arrivés était de 10 à 12 pour 100, suivant les observations faites par le docteur Oliver, dans le district d’Alqnizar, où existent les cafè- teries les plus nombreuses et les plus considérables de la juridic- tion de la Havane; la mortalité générale y aurait été, en 1821, de 4,2 pour 100, ou d’un décès sur 23,5, et, considérée relative- ment aux castes blanche et de couleur, de 3,9 pour 100 pour la première, et de 4,3 pour la deuxième, c’est à dire de 1 mort sur 25,6 blancs, et de 1 sur 23 gens de couleur (1). Il mourait dans toute l’île, en 1827, 1 individu sur 1,8 baptisé. En ne considérant que les castes, il en résulte 1 décès sur 1,9 nais- sance chez les blancs, et 1 sur 1,7 chez les gens de couleur. Les chiffres qui représentent l’excédant des naissances sur les décès dans les diverses castes de blancs, de mulâtres libres, de nè- gres libres, de mulâtres et de nègres esclaves sont les suivants : 48,7 57,7 11,5 44,3 pour 100 des naissances ( 2 ). L attention est appelée sur le troisième nombre, qui est le seul qui donne une aussi faible différence entre les naissances et les décès, bien que, comme nous l’avons déjà dit, le chiffre qui repré- sente les nègres libres nouveau-nés contienne en plus tous les adultes baptisés dans l’année. La différence, dans le département oriental, est seulement de 14 individus en faveur des naissances, et de 205 dans toute l’île, chiffre moindre que celui des émancipés baptisés , qui , déduits du total, donnent une mortalité annuelle au dessus des naissances. Nous ne savons à quelle cause attribuer cette POPULATION. 269 perte extraordinaire dans une caste, la plus privilégiée de celles de couleur, tant par sa position sociale que par le genre de travaux modérés auxquels elle se livre. Dans les classes de couleur du département oriental, on remar- que des différences fort notables dans les mortalités respectives. Il meurt un nombre de nègres libres presque égal à celui des nou- veau-nés. Parmi les mulâtres , la proportion n’est que de 36 à 1 00. Cette coïncidence de la grande mortalité dans la classe libre de couleur avec sa diminution sur le rôle de 1827, comparé à celui de 1817, prouve que, si les éléments numériques emplovés dans le plus récent sont certains, il n’est pas nécessaire de supposer des erreurs dans le précédent pour expliquer la cause de la diminution obser- vée, comme l’indiquent les auteurs de la Statistique dans les notes du résumé général. D’un autre côté, les circonstances, apparentes ou vraies, qui in- fluent sur l’augmentation ou la diminution des castes de couleur, moyennes ou libres , sont si nombreuses, qu’il n’est pas tou- jours exact d’attribuer leurs oscillations à la mortalité plus ou moins grande. Mais, relativement aux chiffres du recensement moderne, il faut qu’il y ait quelque autre erreur, puisqu’elle devrait être plus forte qu’en 1817, tant à cause du grand nombre d’es- claves qui obtiennent des lettres d’affranchissement qu’en raison de l’accroissement annuel de génération dans la classe libre. L’er- reur, à notre avis, doit être cherchée dans le recensement qui offre des nombres trop faibles, puisqu’il est reconnu que de 114,000 hommes libres de couleur existant dans celui de 1181, et ll/o58 dans celui de 1817, ce nombre tombe à 106,494 dans celui de 1827. Avant de terminer cet article, nous allons offrir un extrait des observations qui ont été publiées sur la population de Matan- zas (1). De 1816 à 1829, il y a eu, dans cette localité, 4,272 baptêmes et 2,941 enterrements de blancs; 6,287 baptêmes et 5,848wnter- rements de gens de couleur, ce qui donne, en quatorze années une différence en faveur des nouveau-nés de 431 dans la première classe et de 2,439 dans la seconde (2). En 1829, les naissances (.) Journal de Matanzas des ao, 2, , 22 et 28 février .83o, article de 0. J;,yme Badia , négociant de cette ville. ^ (2) On a sans doute commis dans ces calculs une erreur pareille à relie c/ue nous avons déjà signalée : on a pris les baptêmes pour les naissances. ’ é POPULATION. 270 étaient, avec la population, en raison de 1 à 13,9, les décès avec la population également, en raison de 1 à 18, et les décès avec les naissances, en raison de 1 à 1,09 chez les blancs. Dans les gens de couleur, les rapports analogues étaient ; De 1 à 10,7 de 1 à 15,3 j— de 1 à 1,4. De ces comparaisons, l’auteur conclut que, sur 18 personnes, il y en meurt 1 parmi les blancs, et 1 sur 1 5 parmi les gens de cou- leur j mortalité certainement extraordinaire, et qu’on attribue, dans l’article cité, aux dangers que courent les premiers jusqu’à ce qu’ils se soient acclimatés (1). MARIAGES. Suivant la Statistique^ il a été contracté, dans l’année dont il est question, 1 mariage sur 194 individus. En considérant à part les classes de la population, il en résulte 1 mariage sur 166 blancs, 236 mulâtres libres, 347 nègres libres et 207 esclaves. Cela mon- tre que, aujourd’hui, les mariages sont plus fréquents entre les esclaves qu’entre les gens libres de couleur, circonstance assez notable qui prouve beaucoup en faveur du sage calcul des maîtres, qui, tant dans les habitations que dans les villes, favorisent l’u- nion légitime de leurs esclaves, tandis que les libres, abandonnés à une corruption de plus en plus grande, n’emploient les ressour- ces de l’indépendance dans laquelle ils vivent qu’à augmenter leurs vices, leur paresse et leur imprévoyance. En examinant les mêmes données de la statistique par dépar- tement, on trouve les chiffres suivants, représentant les individus qui, dans chaque mariage conclu en un an, sortent des castes blanche, libre de couleur et esclave : Département occidental, 143 319 161 )) du centre, 215 351 67 )) oriental, 182 214 949 Les mariages de blancs sont plus nombreux dans le département occidental qui réunit les villes les plus riches et les plus civilisées de l’île ^ mais il est bien digne de remarque que, dans les mariages (i) Peut-être a-t-on compris dans les enterrements tous ceux des étrangers, de la troupe, de la marine, et des nègres qu’on envoie de la campagne mourir à la ville, et, comme ces classes n’entrent pas dans la population permanente , il en résulte une mortalité fort accrue en comparaison. Lors même, en outre, que, dans les relevés des morts extraits des registres de paroisses, il n’y aurait pas d’oublis, combien n’a-t-il pas dft s’en commettre dans les recensements.^ POPULATION. 271 Cüiilraclés, il y ail si peu de différence entre la population blanche et la caste esclave, tandis que celui du centre témoigne d’une pro- portion plus que triple en faveur des mariages esclaves comparés à ceux des blancs. Quelles causes peuvent inlluer sur cette rareté extraordinaire de mariages dans la classe blanche, quand l’esclave offre la propoportion favorable de 1 sur 66 individus par an’ Il serait nécessaire de vérifier l’état des fortunes dans la classe blan- che, examiner le degré de mortalité des familles, et le tableau que présenté la société domestique et publique dans ce département pour répondre d’une manière exacte, bien que vraisemblablemen; peu satisfaisante, a cette question de statistique morale En prenant collectivement les gens de couleur, on trouvechaque année t mariage par 240 individus dans le département occidental par 209 dans celui du centre et par 581 dans l’oriental La dis’ proportion que présente ee dernier provient du peu d’encourage- ment qu 011 y donne aux mariages des esclaves entre eux, lesquels oltrent un véritable contraste avec les autres. Il est à regretter que la statistique publiée en 1829 ne con üenne ni le chiffre des mariages alors, ni celui de ceux qui ont ete laits dans un an dans les principales villes de l’île. Ce sont des données dont on pourrait tirer des conséquences fort importantes pour le bien-être et la moralité des familles blanches dans chacune d elles et pour ses progrès dans les familles de couleur ( 1 ), (i) Des observations réunies par le prêtre D. Juste Velez , directeur du s,.'™; notre dans 38 d, stricts de la juridiction , sur tes baptêmes tes mariares ete enterrements , il résulté les proportions suivantes : ^ CHEZ LES BLANCS. CHEZ LES GENS DE COULEUR. Les naissances aux adultes Les décès aux adultes 6,34 1 9^1 1 8,12 1 Les naissances aux décès •VjO 1 1 9 1 3,84 I Les baptêmes à la population.. . Les mariages à la population. . . Les décès à la population 1,21 39 1,14 30 1 Clfî OC 2,11 1 1,24 44 1,19 5f, * )Ol> oo J 1 8C i i I f POPULATION. ‘272 Quant à la Havaue, le recensement de 1828 donne, comme existant, 6,238 mariages blancs et 3,283 de couleur. Comparés à la population, on trouve 38 pour 100 parmi les hommes mariés, et 43 1/2 pour 100 parmi les femmes des deux classes. Le nombre des célibataires atteint 58 pour 100 et celui des femmes non ma- riées 43 1/2 pour 100. L’article publié à Matanzas, que nous avons eu déjà l’occasion de citer, présente aussi le relevé des mariages pendant les quatorze années qui se sont écoulées de 1816 à 1829 j ils atteignent le total de 747 pour les blancs et de 315 pour les étrangers et gens de couleur créoles. Leur rapport à la population était de 1 à 95 dans la dernière année, entre les blancs, et de 1 à 244 entre les individus libres de couleur; les mariages célébrés dans les années 1826, 1828 et 1829 sont en raison de 1, 2 et 4 entre les blancs. On voit donc que la fréquence des mariages est beaucoup plus grande à Matanzas qu’à la Havane et que dans aucun autre point de l’île. La fécondité des mariages se détermine en divisant le nombre des enfants légitimes nés dans une période donnée par celui des mariages célébrés dans le même laps de temps ; mais, pour que les résultats soient dignes de confiance, cette période doit être fort étendue, puisque, en réalité, les facteurs de cette division devraient être les nombres absolus des naissances légitimes et des mariages survenus dans le pays. La Statistique publiée en 1829 ne présente ces nombres que pour l’année 1 827, où elle a été dressée , et encore, dans celui des naissances, on ne distingue pas les légitimes des illégitimes. Il en résulte que, en divisant ce chiffre par celui des mariages célébrés, on a à peu près l’énorme quotient 7 pour re- présentant des enfants de chaque mariage blanc ou de sa fécondité. Relativement à ceux des gens de couleur, et surtout des esclaves, la donnée participe, en outre, de la grave erreur qui la rend inu- tile; elle mentionne les baptêmes au lieu des naissances. Note. Au moment de terminer la révision de ce chapitre , nous recevons le nouveau recensement de l’ile, pour 1840, recensement dont nous nous occu- perons à V Appendice. POPÜLATIO.\. 273 OBSERVATIONS ET COMPARAISONS STATISTIQUES SUR LE MOUVEMENT DE LA POPULATION DE LA HAVANE DANS LES CINQ ANS ÉCOULES DE 1825 A 1830. Pour que les notions statistiques d’un pajs se prêtent au plus graod nombre possible d’applications, on exige qu’elles soient recuedhes avec beaucoup d’exactitude et de précision, et que, en les réunissant, on n’ait pas omis quelque particularité notable ou oublié de corriger quelque canse d’erreurs, faciles à commettre dans des opérations decelte nature. Nous pouvons assurer que celles que nous avons rassemblées pour le travail dont le résumé forme le sujet du présent chapitre réunissent les conditions requises pour inspirer la plus entière confiance, puisque tout a été exécuté par nous-méme et que nous ne nous sommes hasardé à livrer à per- sonne le moindre extrait à faire des nombreuses données qui de- vaient remplir les tableaux, ni des calculs qui devaient nous con- duire aux lois que nous cherchions. Cependant nous n’offrons au public ce travail que comme un essai qui pourrait être appliqué généralement à un pajs plus étendu et plus peuplé, et pour donner une idée dans le nôtre de ce genre d’études et d’investigations aussi Utiles que peu pratiquées. Les documents dans lesquels nous avons puisé toutes nos notes se composent des registres où sont consignés, dans les paroisses les baptêmes, les mariages et les décès. Nous avons parcouru et extrait les 35,000 données qu’ils ont offertes en cinq ans, y com- pris les 1,229 d’un cimetière d’étrangers. Pour rédiger 'les états des naissances, nousavons eu égard, dans chaque donnée, à la caste au sexe, à la condition de légitime et d'illégitime, et au pur de la naissance. Nous devions avoir cette dernière circonstance présente à l’esprit parce que, à la Havane, les baptêmes des enfants en gé- néral ne se font que vingt jours, deux, trois mois, et même plus après leur naissance, soit afin de ne pas les exposer à l’impression directe de l’atmosphère, soit par habitude. Nous n’avons pas com- pris dans les tables des nouveau-nés de couleur les adultes bap- tisés provenant de la côte d’Afrique, tant esclaves que libres, mais bien tous les enfants baptisés au moment de mourir et ceux ^po- sés sur la voie publique, qui figurent, non sur les registres des naissances, mais sur ceux des décès. Par un système également à nous personnel, nous en avons recueilli les données dans les pa- / 274 POPULATION. roisses et les hôpitaux, et nous en avons formé de la sorte des états de mortalité par castes, par sexes, par âges, et par légitimes et illégi- times dans les enfants Æüün nous avons eu égard, pour les mariages, à toutes les circonstances que nous offraient les registres : état de cé- libataire ou de veuvage dans chacun des contractants, soit blancs, soit de couleur, condition de liberté ou d’esclavage dans les seconds, tout en regrettant de ne pouvoir désigner les âges et professions, parce qu’il n’en est pas question sur les registres. Nous avons dressé des tables particulières pour chaque période de cinq ans et pour le mouvement survenu dans la population de chaque paroisse -, nous avons dressé également des états géné- raux et des résumés avec les termes mojens. Si cette circonstance et les considérations diverses d’après lesquelles nous avons rédigé nos états, soit de naissances, soit de décès et de mariages, nous ont entraîné dans un travail long et minutieux, elles ont au moins contribué à en assurer l’exactitude, puisqu’il fallait néces- sairement retrouver le même total dans les sommes des divers ta- bleaux. Dans la première publication que nous fîmes en 1 83 1 , nous insérâmes diverses tables annuelles dont nous nous abstiendrons aujourd’hui pour arriver plus vite à notre but^ mais nous offrirons, en échange , les états de naissances, décès et ma- riages par mois, en détruisant toutefois l’inégalité de ceux-ci, qui influe sur les calculs et sur les comparaisons qu’on en peut faire. Enfin nous avons supputé les nombres proportionnels en résultats moyens, afin de représenter, à l’aide de courbes, les lois qu’offre le mouvement de la population, à la Havane, sous divers aspects. POPULATIOIV. 275 § 1. NAISSANCES. Tableau des naissances par sexes durant cinq années. BLANCS. SEXES. - 1825. 1826. 1827. 1828. 1829. TOTAL. Annee moyen''. Masculin 842 774 785 830 809 4,040 808,0 Féminin 756 762 795 828 821 3,962 792,4 Totaux.. . . 1,598 1,536 , 1,580 1,658 1,630 8,002 1,600,4 DE COULEUR. Masculin 775 911 878 865 797 4,226 845,2 Fe'minin 825 838 781 784 796 4,024 804,8 Totaux.. . . 1,600 1,749 1,659 1,649 1,593 8,250 1,650,0 totauxgÉnÉraux. 3,198 3,285 3,239 3,307 3,223 16,252 3,250,4 Il résulte de ce tableau que les garçons nouveau - nés sont aux filles comme 1,0196 à 1 dans les blancs, 1,0502 à 1 dans les gens de couleur, 1,0288 à 1 dans la totalité. Ou, ce qui revient au même, 50,5 p. 0/0 garçons et 49,5 filles dans les blancs, 51,4 et 48,6 — dans les gens de couleur, ^0,8 — — et 49,2 — en total. Il naît donc proporlionnclleinent plus de garçons que de llllos dans les gens de couleur que dans les blancs. 276 POPULATION. Ea comparant les chiffres annuels du tableau qui précède , on trouvera que le rapport des naissances des garçons à celles des filles, tant dans les blancs que dans les gens de couleur, n’a pas été le même dans toutes les années. 11 paraît donc que le nombre des filles venues au monde a aug- menté proportionnellement et progressivement dans les blancs et diminué dans les gens de couleur. Si l’on veut examiner ce même rapport des naissances dans les divers quartiers et paroisses de la Havane, les tables particulières que nous avons dressées conduiront à des comparaisons non moins curieuses, qui, réunies à d’autres que nous mentionnerons plus tard, soit sur les conditions des nouveau - nés, soit sur la mortalité, pourront produire des résultats fort importants relatifs à l’influence du luxe ou de la misère, de la moralité ou du délaisse- ment, des positions locales saines ou insalubres, et à la procréa- tion et à la mortalité des habitants de cette ville. En nous bornant, pour le moment, à ceux qui ont trait aux naissances, nous trouve- rons sur les tables partielles les rapports suivants des garçons aux filles, dans chaque paroisse et dans l’hospice des enfants trou- vés, pour terme moyen des cinq années observées. POPULATION. 277 PAROISSES. CHEZ LES BLANCS. CHEZ LES GENS DE COULEUR. Sagrario comme 1 à 1,202 comme 1 à 1,029 Santo Angel JJ 1 à 0,900 w là 0,995 Espiritu Santo « là 1,031 » 1 à 1,062 Santo Cristo JJ 1 à 0,847 » 1 à 0,338 Guadalupe JJ 1 à 0,966 » 1 à 1,001 Jésus Maria 1 à 0,958 >> 1 à 0,812 Hospice des enfants exposé.s . 1 à 1,011 » » )i Il y a à s’étonner vraiment de l’excédant des filles sur les gra- çons qu’offrent les paroisses du Sagrario et de VEspiritu Santo, tant parmi les blancs que dans la race de couleur. Dans cette dernière catégorie, il faut placer aussi la paroisse de Guadalupe. Dans certaines années, cet excédant a été vraiment digne de remarque, par exemple eu 1826, où la proportion a atteint 1 à 1,6. Quant à l’hospice des enfants exposés, les années dans lesquelles on a observé un excédant des filles sur les garçons reçus ont été 1827 et 1826. Qu’on nous permette maintenant quelques observations sur les rapports précédemment découverts entre le sexe des nouveau-nés. On a remarqué que sous les tropiques , comme en Europe, le chiffre des naissances des garçons dépasse celui des filles. Pour apprécier ces différences dans des pays distincts, il faut réunir les données de plusieurs années (1). De quatorze millions et demi d’observa- t.ons faites en France de 1817 à 1831 , il est résulté que le rap- port des naissances des garçons à celles des filles est de 106,38 à comparant les données des départements du Nord à celles U Midi, il ne parait pas que le climat exerce la moindre influence sur le rapport susmentionné entre les sexes. En comparant (O \oyczh Physique socude cleM. Quelelet, ouvrage auquel ont ëte’ tecs la plupart des données étrangères (pii suivent. emprun- 278 POPULATION. les données de pays appartenant à des climats fort divers, on a trouvé, en représentant le nombre des naissances des filles par 100, les nombres suivants pour celles des garçons: Russie, 108,91 ; province de Milan, 107,61 j Mecklenbourg , 108,07 j France, 106,55 J Pays-Bas (Belgique et Hollande), 106,44 j province de Brandebourg en Poméranie, 106,27 ; royaume des Deux-Siciles, 106,18; monarchie autrichienne, 106,10; Silésie et Saxe, 106,05; Étals prussiens, en totalité, 105,94; Westphalie et grand- duché du Rhin , 105,86 ; royaume de Wurtemberg, 105,69; Prusse orientale et duché de Posen, 105,66-, royaume de Bo- hême, 105,38; Grande-Bretagne, 104,75; Suède, 104,62; moyenne pour l’Europe, 106,00. La Havane offre le rapport de 103,25 à 100 pour les naissances de garçons et de filles, ce qui a pu porter à croire, comme l’ont pensé quelques voyageurs, que les climats chauds sont plus favorables à la naissance des filles. Mais, pour pouvoir prouver ce résultat, il faudrait un plus grand nombre de renseignements relatifs aux autres pays intertropicaux. Les observations recueillies au cap de Bonne-Espérance, depuis 1813 jusqu’en 1820, donnent, pour les naissances de garçons et de filles de race blanche, le rapport de 97,2 à 100, et, pour les nègres esclaves, celui de 103,9 à 100 , lequel peut servir à confir- mer ce qui précède. En considérant à part dans les naissances re- cueillies à la Havane celles des blancs et celles des gens de cou- leur, on obtient pour les premières la proportion de 101,9 à 100, et pour les secondes celle de 105 à 100, ce qui confirme encore le résultat obtenu au cap de Bonne-Espérance, où les naissances de filles sont plus nombreuses proportionnellement chez les blancs que chez les esclaves. Nous ne perdrons pas de vue cette donnée quand il sera question de la mortalité des sexes. Nous espérions découvrir, dans un ouvrage publié par notre savant ami M. Moreau de Jonnès, sur Vesclavage colonial, quel- ques renseignements à citer sur les lois qu’offrent les naissances des garçons et celles des filles dans les colonies françaises, mais nous avons regretté de n’y trouver que les totaux des naissances, qui pourront seulement nous servir plus tard quand nous traile- Icrons du mouvement de la population de couleur , libre et esclave. POPULATION. 279 § 2. RAPPORT DES LEGITIMES AUX ILLEGITIMES. Passant de la considération des sexes entre les nouveau-nés, à celle delà légitimité ou de Pillégiiimilé , nous avons dressé l’état suivant pour les cinq années du même lustre : Tableau des naissances légitimes et illégitimes par sexes. CLASSE. BLANCS. 1826. 1826. 1827. 1828. 1829. totaux. Année moyen®. Légitimés 1,102 1,038 1,089 1,094 1,109 5,432 1,086,4 Ille'gitimes .... 496 498 491 564 521 2,570 514,0 1 Totaux ..... 1,598 1,536 1,580 1,658 1,630 8,002 1,600,4 DE COULEUR. Légitimes 582 616 530 534 519 2,781 556,2 Illégitimes 1,018 1,113 1,129 1,115 1,074 5,469 1,093,8 Totaux 1,600 1,749 1,659 1,649 1,593 8,250 1,650,0 TOTAUX GÉNÉRAUX. 3,198 3,285 3,239 3,307 3,223 16,252 3,250,4 Il en résulte, en comparant les termes moyens que donnent ces cinq années, que le rapport des enfants légitimes aux illégitimes est de 2,11 à 1 pour les blancs, — pour ceux de couleur, 1,02 — - pour le total; C’est-à-dire, en établissant la comparaison par centièmes, comme nous l’avons déjà fait pour les sexes. 280 rOPÜLATION. 07,8 p. 0/0 légitimes, et 32,2 p. 0/0 illégitimes dans les blancs, 33,7 et 66,3 dans ceux de couleur , 50,5 » et 49,5 pour le total. Ce dernier chiffre correspond , comme nous venons de le dire , à 1,02 légitime par chaque illégitime , soit un nombre presque égal. Aucune capitale, aucune nation d’Europe n’offre un résultat semblable. En France, on compte 14,3 enfants légitimes par chaque ; illégitime. Dans le royaume de Naples, 20,6; en Prusse, 13,1; en Westphalie 11,4; dans quelques villes de ce royaume 4,6; à j Berlin , 6,7 ; à Paris, 2,8. Il est facile de prévoir les conséquences que produira, dans les liens sociaux et de famille, un nombre aussi considérable d’individus qu’en offre la Havane (et qui est , probablement égal dans toute l’île) soustrait à l’influence bien- faisante du mariage. ^ En comparant les légitimes et les illégitimes nés dans chaque ! période de cinq ans, tant dans la caste blanche que dans celle de couleur, nous trouvons les proportions suivantes : ANNÉES. BLANCS. GENS DE COULEUR. 1825 2,22 1 0,57 1 1826 2,08 1 0,54 1 1827 2,21 1 0,47 1 1828 1,93 1 0,48 1 1829 2,13 1 0.48 1 D’où l’on peut conclure que la démoralisation dans cette partie augmente plutôt qu’elle ne diminue parmi les gens de couleur. En consultant les états particuliers des paroisses de la Havane, avons trouvé que les naissances légitimes n’étaient pas, dans chacune, avec les illégitimes dans la même proportion. POPULATION. 281 Les légitimes dans la race blanche sont aux illégitimes Dans celle du Sagrario comme 5,5 : 1 Dans celle de Guadalupe — 4,9 : 1 Dans celle de l’Espiritu San lo — 4,4 : 1 Dans celle de Sanlo Angel — 3,3 : 1 Dans celle de Jésus Maria — 3,2 : 1 Dans celle de Santo Cristo — 2,8 : 1 Parmi les gens de couleur : Dans celle de Jésus Maria — 0,69 : 1 Dans celle de Guadalupe — ^ 0,56 : 1 Dans celle du Sagrario — 0,52 : 1 Danscelle de l’Espiritu Sanlo — 0,42 : 1 Dans celle de Santo Cristo — 0,40 : 1 Danscelle de Santo Angel — 0,36 : 1 Par ces comparaisons on découvre combien le degré de ri- chesse et de bien-être des familles peut influer sur les mœurs publi- ques et privées. Les districts de Santo Angel , de Santo Cristo et de Jésus Maria, qui réunissent le plus grand nombre de familles blanches nécessiteuses , sont aussi ceux qui offrent le plus grand nombre de naissances illégitimes. Ceux de la Cathédrale, de I Espiritu Santo et delà Salud présentent un résultat contraire. Dans les gens de couleur du district de Jésus Maria, qui ren- ferme beaucoup de familles aisées de cette classe , la proportion est favorable aux naissances légiümes, comme dans ceux de la Salud et de la Cathédrale, tandis que le contraire a lieu dans ceux de Santo Angel et de Santo Cristo. Le genre de vie, la nature des professions et des métiers qu’exercent les habitants et beau- coup d autres données semblables doivent être pris en considéra- tion pour établir ces calculs avec plus de certitude. V Annuaire du bureau des longitudes de France^ M. Hoffman en Prusse, M. Hassel en Westphalie, et ensuite M. Prévost (1) à Genève et M. Poisson à Paris, ont publié de semblables compa- raisons sur les nouveau-nés, garçons et filles, légitimes et illégi- times, et leurs observations , jointes à celles d’autres savants, ont prouvé que les naissances masculines sont en plus grand nombre que les féminines, fout porte à croire que quelques / 0 ) l effet de la légitimité nur la pi oporlion des naissances de differents sexes. 1 POPULATION. causes physiologiques influent sur la reproduction de ces phéno- mènes si universellement observés. Le temps découvrira peut-être ces causes comme les expériences de M. Girou de Buzareingues ont démontré celles qui déterminent, dans quelques espèces d’ani- maux, le sexe de leur progéniture (1). En outre, comme l’observe M. Prévost dans le mémoire en question, les naissances humaines présentent des résultats qui nous paraissent dépendre d’une cause purement naturelle et physiolo- gique, et qu’on doit sans doute attribuer aux institutions sociales qui régissent notre espèce. Il y a douze ans qu’on a prouvé en France, et, depuis, dans quel- ques autres pays, que les naissances légitimes donnent un excédant de garçons de beaucoup supérieur à celui qu’offrent les naissances illégitimes (2). En représentant par 100 le nombre des naissances féminines, soit légitimes, soit illégitimes, on a obtenu, pour repré- senter les naissances masculines de l’une et de l’autre condition, les nombres 106,69 et 104,74, résultats des relevés suivants : dans la monarchie autrichienne, 106,15 et 104,32; dans la monar- chie prussienne, 106,17 et 102,89- dans la Suède, 104,73 et 103,12; en Wurtemberg, 105,97 et 103,54; en Bohême , 105,65 et 100,44 ; dans la provincede Milan, 107,79 et 102,30; dans la Prusse orientale et à Posen, 105,81 et 103,60; dans le Brandebourg et la Poméranie, 106,65 et 102,42; dans la Silésie et la Saxe, 106,30 et 103,27; en Westphalie et dans le duché du Bas-Rhin, 106,07 et 101 ,55. En compulsant les don- nées fournies par différentes villes, on a des résultats moins po- sitifs en faveur des naissances masculines légitimes comparées aux illégitimes (3). M. Poisson a démontré que le rapport des nais- sances masculines aux féminines, dans les illégitimes, s’éloigne de la loi observée en France, car il a trouvé qu’il était comme 21 à 20 au lieu de 16 à 15. M. Mathieu a découvert des résultats semblables (4). M. Babbage a réuni les nombres suivants qui les (1) Mémoire de M. le chevalier Girou de Buzareingues , lu à l’Académie royale des sciences de Paris, en avril 1827 et imprimé dans le tome XI des Annales des sciences naturelles , Paris. ( 2 ) Letter..,., on proportionale meniher of birüis oJ~ the t\vo sexes. De M. Bab- bage , citée par M. Prévost. (3) Voir M. Quetelet, ouvrage cité ; et Bick.es , Zeitungjur das gesammte me- dical wesen. Annales d’hygiène , octobre 1882 . (4) Annuaire du bureau des longitudes. Mémoires de l’Académie des sciences, tome IX. POPULATION. 283 confirment : pour la France, 106,57 et lOi-,84 j pour Naples, 104,52 et 103,67; pour la Prusse, 106,09 et 102,78; pour la Weslphalie, 104,71 et 100,39; pour Montpellier, 107,07 et 100,81. L’état suivant nous fournit des rapports semblables pour la po- pulation de la Havane, Tableau des naissances légitimes et illégitimes par sexes. BLANCS. 1 Classe. Sexe. 1825. 1826. 1827. 1828. 1829. TOTAL, Année moyen®. Masculin. 573 527 566 563 550 2,779 iJT . Légitimés . < 1 1 1 Féminin. 1 529 511 523 531 559 2,653 530,6 1 1 1 1 Masculin. 269 247 219 267 259 1,261 252,2 Illégitimes, j 1 ^ Féminin. 227 251 272 297 262 1,309 261,8 DE COULEUR r • • t Masculin. 280 321 273 273 260 1,407 281,4 Légitimés. / Féminin. 301 295 257 261 259 1,373 274,6 1 Ille'gitimes. | Masculin. 494 590 605 592 537 2,818 563,5 1 1 Féminin. 524 543 524 523 537 2,651 530,2 Il résulte que, sur 100 naissances légitimes de blancs, il y en a 51,15 de garçons et 48,85 de filles, et, sur un oombre égal de nais- sances illégitimes, 49 masculines et 51 féminines. Dans les nais- sances de gens de couleur, on compte, sur 100 légitimes, 50,61 garçons et 49,39 filles, et, sur 100 illégitimes, 51,52 masculines et 48,48 féminines. Eu comparant les totaux, il en résulte dans les légitimes 50,97 garçons et 49,03 filles, et dans les illégitimes 50,75 garçons et 49,25 filles. Ces chiffres correspondent aux proportions suivantes, en représentant par 100 le nombre des naissances féminines dans chaque classe ; dans les blancs, mascu- lines légitimes 104,7, illégitimes 96,3; dans les gens de cou- leur, 102,5 et 106,2; et, dans les totaux, 104 pour les garçons POPULATION. légitimes et 103,2 pour les illégitimes. On voit que la loi qui établit que les naissances masculines illégitimes sont proportionnelle- ment moindres que les légitimes s’observe aussi à la Havane, quoique avec une légère exception, dans les gens de couleur. Les observations de M. Girou de Buzareingues , tendent à démontrer que les naissances provenant d’unions d’individus dont les occu- pations développent les qualités ph^^siques donnent plus de garçons que celles des personnes dont les travaux énervent les forces, et qu’elles pourraient servir peut-être à expliquer l’aberration mentionnée que présentent les naissances illégitimes masculines des gens de couleur, plus nombreuses que les naissances légitimes de ta même caste (1). On a voulu expliquer ces diverses proportions que les sexes présentent dans les naissances à l’aide de diverses considérations, les unes physiques , d’autres sociales. L’opinion de M. de Buza- reingues est combattue par celle de M. Bickes, suivant laquelle ce serait dans le sang des populations ou dans la constitution et la race que résideraient les forces ou les causes qui déterminent la production de beaucoup de garçons, sans qu’aucune influence soit exercée sur la proportion respective ni par les institutions ci- viles et politiques, ni par les mœurs , ni par les occupations, ni par le genre de vie, la richesse, la pauvreté, etc. Le professeur Hosacker a recherché en Allemagne l’influence de l’âge des pères sur les naissances masculines et féminines. M. Prévost, de Genève, s efforce de trouver l’explication de la prépondérance des pre- mières, particulièrement en ce qui concerne les naissances légi- times, dans la préférence accordée par les pères aux garçons et dans le désir de perpétuer par eux la famille. Dans son opinion , le nombre des naissances masculines devient plus considérable, parce que la tendance à continuer la procréation diminue à me- sure que les mariages atteignent ce but. Cette opinion, pour ac- quérir un degré suffisant de probabilité , aurait besoin d’être ap- puyée sur un nombre de faits beaucoup plus considérable que celui qu’on nous offre, et il faudrait de plus avoir soin de signa- ler à part ceux qui appartiennent aux villes et aux campagnes, (0 Ceux qui désirent voir ce phénomène des naissances masculines excédant les féminines, soumis au calcul des probabilités, peuvent lire les mémoires de M. Prévost, de Genève, dans le numéro d’octobre de la Bibliothèque universelle , ceux de M. Poisson dans le neuvième volume des mémoires de l’Académie royale des sciences de Paris et le tome XL des Annales de chimie. POPULATION. 2g5 aux peuples civilisés chez lesquels la prévoyance du mariage est grande, et aux nations plongées dans l’ignorance, mais résignées à leur sort, et qui ne font pas entrer dans leurs calculs économiques l’immoralité et l’égoïsme. Influence des saisons. Des données réunies nous permettent de déduire certaines con- séquences des phénomènes importants qu’offre la procréation de l’espèce humaine dans les différentes saisons , phénomènes qui présenteront quelques faits nouveaux pour le pays où les observa- tions ont été faites. Jusqu’à présent, on n’avait trouvé l’occasion de les étudier que dans quelques régions de l’Europe où les lois du climat sont bien connues et déterminées en quatre périodes ou époques, dont deux , celle d’hiver et celle d’été, ne manquent jamais d’offrir des caractères éminemment marqués et des consé- quences constantes sur la vie et l’existence des êtres. Mais il v manquait des données pour les pays situés entre les tropiques", dans ces latitudes privilégiées du globe, où l’existence des animaux et des plantes se trouve constamment soumise au principe excitant d’activité qui y domine, sans donner lieu à aucun repos, à aucune suspension dans les fonctions apparentes qui, en Europe, donnent alternativement à la physionomie de la nature les signes' soit de la vigueur et de l’énergie, soit de la léthargie ou de la mort. Il était donc important d’examiner l’influence que, dans la plus essentielle des fonctions de l’espèce, exerce la vitalité permanente des tropiques, plus ou moins modifiée par la chaleur et par l’humidité, mais jamais privée d’activité et d’énergie. A la fin de ce chapitre on trouvera le résumé des données qui serviront de base à ces observations. Les chiffres, pris tels que les présente cette table, pourraient donner naissance à quelques erreurs. Pour éviter ces erreurs, il est nécessaire de soumettre les nombres à une légère correction prove- nant de la durée diverse des mois. On remarquera en même temps que les nombres absolus ne donnent pas une idée suffisamment claire de leur valeur respective et ne se prêtent pas toujours égale- ment aux comparaisons que nous aurons à faire dans le cours de ce chapitre. Enfin ces comparaisons ne pourraient pas nous con- duire à des résultats positifs, si nous nous proposions de déter- miner la loi que suivent les naissances sans remonter au phéno- mène essentiel qui les enfante. Pour toutes ces raisons, nous POPULATION. 286 avons dressé un tableau des conceptions mensuelles à la Havane, en corrigeant les nombres ainsi que l’exige une égalité supposée de mois , et nous avons fait remonter nos calculs aux nombres pro- portionnels qui correspondent à la conception dans chaque mois, en supposant représentée par l’unité la conception moyenne annuelle. Pour aider davantage à l’intelligence des lois qu’offre le mouve- ment de la population à la Havane, nous adoptons la méthode de les représenter à l’aide de courbes, à l’instar de celles qu’a con- struites notre savant ami M. Quetelet et que nous avons aussi pré- cédemment suivies pour représenter les lois du climat. Les tables ainsi dressées et les courbes tracées de cette manière, il devient facile de procéder à un certain nombre de comparaisons sur les phénomènes que présente la conception de l’espèce humaine à la Havane, soit dans les deux castes qui composent sa population, soit dans les sexes de chacune d’elles. Nous considérons d’abord les lois que la conception générale présente dans cette ville, abstraction faite des castes et des sexes. La courbe qui les représente indique que les mois les plus favorables à la procréation de l’espèce sont ceux de décembre, janvier, février, mars et novembre , et les moins favorables ceux de juin , mai , août, juillet, septembre, avril et octobre. Ce dernier mois paraît représenter les conditions nécessaires à la conception moyenne. Depuis cette époque jusqu’en mars, la courbe offre des ondulations favorables , lesquelles descendent ensuite dans les mois d’été au dessous de la ligne de la conception moyenne. Nous pouvons donc croire qu’en général les mois de la saison froide, caractérisés à la Havane par une température n’excédant pas 29 degrés centésimaux et ne baissant pas au dessous de 10, et par la rareté des pluies , sont plus avantageux à la génération que ceux d’été , dans lesquels l’humidité est excessive et où le mercure est station- naire dans le thermomètre centigrade entre 20“ et 32“. En jetant un coup d’œil sur la table des lois comparées, on peut reconnaître aisément la marche inverse que suivent les conceptions et les températures moyennes mensuelles avec de très légères oscillations. Il résulte des observations de notre ami M. Villermé qu’en France les mois les plus favorables à la conception humaine sont ceux de mai, juin , juillet , août et mars , ou presque tous ceux qui correspondent à la période comprise entre le solstice d’hiver et l’équinoxe du printemps, c’est à dire pendant que le soleil s’ap- proche de l’hémisphère nord et s’élève sur l’horizon. Ce fait semble POPULATION. 2S7 indiquer l’influence de la lumière et de la chaleur sur le désir de la propagation. Quant ans mois qui lui sont le moins favorables Il paraît que ce devraient être, d’après cette règle, ceu* dans les- quels le soleil s’approche le plus de l’horizon, ou ceux d’hiver- mais les observations de Tauleur cité prouvent qu’en France époque des moindres conceptions est l’automne, saison dans laquelle les ruminants manifestent leur pins grande ardeur. En Belgique, suivant les données recueillies par M. QueleletCt') les plus fortes conceptions ont lieu dans les mois de mai îuin juillet, avril et mars, et les moindres en octobre, septembre no- vemhre et août. On a remarqué que dans ce pajs l’influencé des saisons est plus prononcée dans les campagnes que dans les villes ce qui doit être, car il j a ici plus de moyens de se mettre à l’ahrî des variations de la température qu’à l’extérieur. Des travaux du conseil de la ville de Nantes (2) il résulte oue la aussi les mois d’été sont beaucoup plus favorables à la généra- tion que ceux d’hiver , puisqu'en novembre, décembre, janvier et février, 776 enfants seulement furent conçus, et qu’en juin juillet, août et septembre, ce nombre s’éleva à 910. ^ La commission de statistique suédoise (3) a déduit des données appartenant aux deux lustres, ou espaces de cinq ans, de 1816 à 1825, que le mois de septembre était le plus fécond en naissances et celui de juin le moins fécond; c’est-à-dire que celui de déé cembre était le plus favorable à la conception , et celui de mars le moins favorable. La seconde donnée se rapproche de ce qui a été observé en France; la première coïncide avec ce qu’offre la Ha yane. Celte différence doit procéder de l’altération qu’exercent les institutions et les mœurs sur la loi vérilable que la nature tend à suivre en Europe. Pour la plus grande exactitude et la plus par- faite facilite des conséquences, il aurait fallu présenter séparément les observations de chaque quartier, et, en particulier, celles des cantons ruraux et des villes, comme l’a fait M. Quetelel Ces observations, celles du professeur M. Vanswiden ' de Tu nn celles de M. Balbi et d’autres, démontrent, comme le dit M. Villerme, « 1 influence, soit directe, soit indirecte, de la révo- « lution annuelle de la terre autour du soleil, des grandes varia- la l’Academie de Bruxelles et Conespondance mathématique et physique du même auteur. (2; Nantes, imprimerie de Mellinet-Malassis , 1826. ( 3 ) Iîei>ue encyclopédique , février 1820. POPULATION. 288 « lions de tempéralnre que cette révolution détermine, et de cer- (c laines constitutions météorologiques sur les conceptions. » On attendait la confirmation de ces remarques et elle a été donnée satisfaisante par les faits réunis dans la république de Buenos- Ayres , où les plus nombreuses conceptions ont lieu aux mois d’octobre, novembre et décembre, qui sont là ceux d’été, et les moindres en avril et août, qui sont les mois d’hiver. Entre les tro- piques, les observations faites à la Havane démontrent que les excès de chaleur ne sont pas propices à la génération, et celles qui ont été faites au nord et au sud des tropiques prouvent aussi que les excès du froid ne lui sont pas favorables j résultat analogue à celui qu’on a obtenu en comparant l’influence des divers climats sur la fécondité de l’espèce humaine (1). Ces observations nous dé- montrent que, même dans l’état de civilisation, ou sent déjà la puissante influence qui opère plus directement et plus impérieuse- ment sur tous les phénomènes de la vie des animaux et des plantes. En nous arrêtant maintenant à considérer les diverses courbes que représentent l’augmentation et la diminution mensuelle des conceptions dans les castes et les sexes, nous pouvons remar- quer quelques perturbations dans la loi générale indiquée. La courbe des conceptions blanches, après avoir descendu régu- lièrement du mois de janvier à celui d’avril, ensuite se détourne, toujours dans la ligne moyenne, jusqu’au mois de novembre, dans lequel elle monte au maximum. La courbe des concep- tions des gens de couleur offrirait une plus grande régularité, en analogie avec la loi générale, sans la forte ondulation qui l’inter- rompt au mois de mars. En examinant les courbes des concep- tions par sexes, on observe que cette ondulation dans la caste de couleur, en mars, provient en plus grande partie des filles que des garçons, et que d’elle aussi dépend l’autre ondulation qu’on peut avoir aperçue au mois de juillet. Dans le même mois, on en remar- que aussi une fort notable dans la courbe des conceptions fémi- nines, tandis que, dans les courbes masculines de l’une et l’autre caste, la perturbation sefaitsentir en mai ou deux mois auparavant. La grande déviation , jusqu’aux moindres conceptions qu’offre la courbe des blancs au mois d’octobre, provient de celles des gar- (i) Voir l’ouvrage de M. Quetelet susmentionné, les Éléments de statistique médicale Ac Hawkins, Londres, 1829; la Bibliothèque de Genèae, i833 j les An- nales des sciences naturelles , Paris, décembre 182G, etc. POPULATION. Ogg çons el non de celles des fîllcsqui^ daos ce mois, s’élèveut jusqu’au maximum , quoique descendant bientôt de la moyenne au mois de novembre pour continuer à monter ensuite. Dans cetlo partie, on trouve une notable sjmétrie dans les courbes corres- pondant aux conceptions des filles blanches et des garçons de couleur. Eu descendant maintenant à l’examen d’autres détails qui seral- tachent aux considérations qui nous occupent et en étudiant les tableaux et les courbes qui expriment la loi que suivent les concep- hons légilimesetlesillég-itimes, nous trouverons quelles sont celles d entre elles qui causent les ondulations et les perturbations dans la lot generale et naturelle découverte dans le principe. En commen- çant par la race blanche, nous vojons que la courbe des conceptions légitimés offre, en juillet, une perturbation occasionnée par les filles, el que les deux oscillations que présentent les illégitimes, en maielen septembre, proviennenldes conceptions masculines. Rela- tivement à celles de couleur, les légitimes offrent de notables dimi- nutions en juin et en septembre, et une ascension rapide en juillet et en août, laquelle provient des conceptions féminines, ainsique le maximum qu’atteignent en mars les conceptions illégitimes de la même caste. En considérant à part les courbes de celles-ci et des légitimés appartenant aux deux castes, on remarque, dans celle qui est relative aux secondes, c’est à dire aux conceptions légi- times, la même régularité, troublée, en juin, par une ondulation que nous offre la courbe des conceptions féminines blanches el par deux perturbations que nous présente la courbe des illé'gi limes en général, en mars et en septembre, provenant d’une aug- mentatton, la première dans les conceptions féminines des gens de couleur, et la seconde dans les masculines des blancs. En géné- ral, il parait exister une cause qui tend à accroître les conceptions Illégitimes anx mois de mars et de septembre, surtout dans la race blanche; et cette observation est complètement confirmée par la courbe irrégulière des conceptions illégitimes d’enfants blancs formée par les expositions à l’hôpital des enfants trouvés qui offre aussi ses deux maximums aux mêmes mois , et une autre ondulation d’accroissement, au mois de mai, que présente aussi la courbe de conceptions illégitimes des blancs, formée par les don- nées générales de toutes les paroisses. Le tableau suivant indique les expositions mensuelles faites à 1 hôpital des enfants trouvés durant cinq ans. roruLATio. 0 290 POPULATIOX. MOIS DES CONCEI-TIOHS. EXPOSITIONS. .TaTiviur Octobre. ....... Ffivrifir Novembre Mars Décembre Avril Janvier Mai- Février . . Juin. Mars Juillet Avril Août Mai Septembre .Juin Octobre .Tuillet, Novembre Août. . . Décembre Septembre Totaux Moyennes mensuelles CHIFFRES ABSOLUS. PROPORTIONNELS. 540 1,05 600 1,17 585 1,14 420 0,82 555 1,09 470 0,92 460 0,90 450 0,88 610 1,20 450 0,88 535 1,05 445 0,88 6,125 12,00 510 1,00 En jetant un dernier coup d’œil sur la courbe que représente la loi des conceptions en général à la Havane, on peut dire que la pre- mière perturbation de mars provient d’une augmentation dans les conceptions féminines illégitimes j celle de juin, d’un accroisse- ment dans les conceptions féminines légitimes ^ et que les autres perturbations partielles de masculines illégitimes de blancs, en mai et en septembre, de masculines légitimes de couleur, en avril et en octobre, etc., se compensent suffisamment pour ne point appa- raître dans la courbe générale. On pourrait faire d’autres nombreuses observations suggérées par l’aspect de ces lignes, mais nous croyons devoir les omettre, soit parce qu’elles sont à la portée de tout le monde , soit parce qu’elles correspondent à des phénomènes dont il ne nous est pas donné d’expliquer la cause. Quand les observations seront plus générales, plus nombreuses, et qu’elles pourront se présenter unies à d’autres, variées, sur l’état de moralité des familles, les POPULATION. J 291 époques de létes et de réjouissances publiques, les coutumes des pajs, etc., on pourra alors déduire de plus importan tes conséquences des éléments statistiques qu’on réunit en ce moment. Quoi qu’il en soit, il est facile de reconnaître déjà l’avantage qu’offrira, pour arriver facilement aux premières, le système graphique que nous nous sommes décidé à adopter pour représenter les seconds dans cet ouvrage. De la mortalité. Jamaislesconséquencesqu’ondeduiradel’étudede lamortaliléde I espece humaine dans un lieu déterminé de la terre ne seront assez utiles et assez applicables, tant qn’on n’examinera pas ce lieu sous les divers rapports du sexe, de l’âge, du climat et des saisons. D’or- dmaire, et il n j a pas lougtemps encore , l’attention des savants ne dépassait point, au plus favorable, la première ou la seconde con- sidération, et encore n’existe-t-il que très-peu d’observations réu- nies. Quanta la troisième, il n’en était nullement question. Peut-être faut-il attribuer cet oubli à ce que, ce genre de travail étant des- tine communément à la formation des tables de mortalité qui sont necessaires aux compagnies d’assurances sur la vie, on s’attachait de preference à la réunion des données dont elles avaient besoin Cependant 11 ne faut pas perdre de vue que l’exactitude de ces ta- bles se confirme d’une manière générale par les données relatives aux deux sexes et qu’elles ne doivent pas être dressées séparément pour chacun. ^ Les données que nous avons réunies à la Havane nous permet- tent d entreprendre l’examen des lois de la mortalité sous les di- vers points de vue indiqués. Par conséquent, les résultats qu’on en déduira, s ils ne peuvent pas être appliqués avec une conlnce absolue parce qu ils n’embrassent qu’une population et une période d une étendue insuffisante, fourniront au moins quelques élLenIs qui pourront etre comparés avec ceux qu’on aura obLus d’autre part Au reste, comme ceux que nous allons présenter appartien- nent a un pays et à un peuple placés dans des circonstanls fôr differentes de celles ou se trouve l’Europe, la connaissance pourra en êlre de quelque utilité pour la science. ^ Nous avons réuni, en divers états, les données numériques qui ont servi de base a notre travail et qui présentent la moralité de sfr 1"TrV •!« à 1829, sous les differents aspects de caste, sexe, âge des morts et 292 POPULATION. mois de l’année où ils ont cessé de vivre. Pour rendre ces résul- tats faciles à comparer, nous les avons rapprochés de nombres proportionnels, représentant, par l’unité, la mortalité moyenne annuelle dans chaque caste , sexe ou âge , toutes les fois que nous nous sommes proposé d’étudier les oscillations que la mort offre dans les diverses saisons, en supposant les mois d’égale durée et en calculant par parties d’un nombre fixe, qui est 100, la mor- talité dans les divers âges des individus de chaque caste et de chaque sexe. Nous procéderons, dans notre examen de la mortalité, d’une manière semblable à celle que nous avons suivie pour découvrir les lois de la conception , c’est à dire en étudiant d’abord la loi géné- rale qu’offre l’ensemble, et descendant ensuite à la considérer dans les différentes parties qui la composent et dans les époques dis- tinctes de la vie. Les mois les moins favorables à l’existence humaine paraissent être, à la Havane, les mois de mars, février et janvier, qui sont au nombre de ceux qui se présentent favorables à la génération. Les plus favorables ou de moindre mortalité sont ceux de no- vembre, décembre , juin et septembre, dont quelques-uns offrent également un petit nombre de conceptions. Les courbes de la mortalité, soit totale, soit relative à une caste ou à un sexe, ten- dent à descendre dans les mois d’été et à monter dans ceux d’hiver, de manière que, généralement parlant, on pourrait dire qu’à la Havane la première saison est plus favorable à la vie que la .se- conde, comme cela arrive aussi en Europe. Mais, en Europe, la courbe des mortalités offre une régularité qui ne caractérise pas celle de la Havane : les causes locales ne produisent, dans nos climats, d’autre effet que de transporter le maximum à un autre mois de l’hiver ou de l’automne, tandis qu’à la Havane, soit que l’on considère la courbe générale, soit qu’on étudie les cour- bes partielles, on aperçoit toujours, dans toutes, une tendance à un second maximum de mortalité dans les mois d’été, produisant dans le cours de la ligne une déviation subite. Il en résulte qu’il doit être intéressant de remonter à la recherche de la manière dont arrive cette perturbation et des causes qui peuvent la produire. Pour cela, il faut considérer les lois de la mortalité dans les castes et dans les sexes : nous allons nous en occuper. La courbe qui représente la mortalité des blancs se présente pleine d’ondulations si marquées , qu’à elles seules on pourrait attribuer les plus notables de la courbe de la mortalité générale. POPULATION. 293 Celles des hommes et des femmes de la même race sont pareilles dans le cours des mois de février, mars, avril, mai, septembre, octobre et novembre, et inverses dans ceux de décembre, janvier, juin, juillet et août. A mesure que, daos les mois extrêmes de l’année , la morlalité des blancs descend jusqu’à la ligne moyenne, celle des femmes de même couleur monte, etcequi> dans ^es premiers, est une tendance au maximum depuis juin, est, chez les secondes, une proportion marquée au minimum^ elles ne présen" lent même leur second maximum jusqu’en août. Quant à celui-ci, il est si prononcé dans la courbe des hommes , qu’il excède celui des mois de février et janvier dont nous avons parlé dans la courbe générale, en sorte que nous pouvons croire que la grande aug- mentation qu’éprouve la mortalité à cette époque est occasionnée par les hommes blancs. Ce fait se confirme et s’explique. à un certain point, si l’on rc- c urt à la mortalité mensuelle des hôpitaux qui ne reçoivent que des hommes et qui sont les suivants ; Janvier. | Fe'vrier. I Mars. 1 > < S .S '5 3 O < U rTi S s. OJ Octobre, j oJ S > O E Q '0) tn a San Ambrosio , 1825 à 1829 76 65 92 103 146 158 128 123 93 97 1d7 loZ San Juan deDios 1825 à 1829 162 133 184 145 149 195 203 198 247 240 ,196 277 Étrangers , 1820 à 1824 44 65 91 84 169 170 169 140 HA 56 1 1 8 i O ■ — — — — — — — — — Totaux. .... 282 263 367 332 464 532 530 470 493 436 339 430 — . — — — — San Ambrosio. . 0,64 0,71 0,78 0,92 I,2i 1,17 1,34 1,12 1,12 1,05 0,18 0,82 San Juan deDios. 0,80 0,74 0,93 0,75 0,75 1,02 1,02 1,00 1,28 1,21 1,02 1,40 Hôpital des éti an gers 0,42 0,69 0,87 A 00 i Al 1,68 i A 1,34 1,16 0,70 0,49 0,53 U^Oü 1 ,DI 1 ÿU 1 1 Totaux 0,67 0,69 0,87 0,82 1,10 1,31 1,26 1,12 1,45 1,01 0,83 1,02 Nous avons vu que la tendance à la baisse se manifeste dans les I i POPULATION. mois d’été et celle à la hausse dans l’hiver, si l’on considère la mor- ta lté en général. Celle des hôpitaux nous présente un phénomène contraire, à savoir : l’accroissement dans les mois d’été et la dimi- nution dans ceux d’hiver. Pour rendre ces lois plus perceptibles e pour que les résultats de nos éludes soient en même temps plus comparables, nous avons dressé un état qui offre les nombrL proportionnels à la mortalité mensuelle arrivée dans ces mois, en lessupposant de durée égale et en représentant par l’unité la mortalité moyenne mensuelle dans chaque hôpital. Cet état nous a servi pour tracer les courbes. L’état et les courbes nous permettent de recon- naître que la distribution des morts dans les hôpitaux a lieu dans Tordre suivant : Mois de plus grande mortalité août el mai. Mois de moindre mortalité : janvier, février, mars, novembre et avril. L’hôpital de San Ambrosio reçoit les malades de l’armée et de a marine espagnoles, parmi lesquels la plus grande mortalité arrive dans les six mois consécutifs de juin à octobre j elle descend bientôt de la moyenne et baisse aux plus faibles chiffres de mars, février et janvier. La courbe qui la représente est assez régulière dans son cours, montant depuis janvier jusqu’àjuin, descendant depuisjuillet jusqu’à décembre. L’hôpital de San Ambrosio réunit des individus dans la force de l’âge, attaqués, en plus grand nombre, par la fièvre jaune, les dyssenteries et d’autres maladies aiguës fréquentes dans les mois ardents de l’été. A l’hôpital de San Juan de Bios, on recueille beaucoup de pau- vres de la localité, appartenant à l’âge avancé de la vie hu- maine. Pour ce motif, on n’aperçoit pas, dans la courbe qui le re- présente, le maximum d’été, qu’engendrent lesdites maladies parmi les individus d’autres pays et dans la force de Tâge. Dans les malades de cet hôpital, le maximum arrive au mois de jan- vier, et c’est Tunique cause de la perturbation ou de la déviation qu’oflre dans ce mois la courbe générale de la mortalité des hôpi- taux. Enfin la mortalité des étrangers non domiciliés el de passage, qui résulté des enterrements quiontlieu dans un cimetière spécial, suit une marche semblable àcclle de la courbe de l’hôpital deSan Ambrosio; c’est a due une ascension rapide depuis le mois de janvier jusqu’à ceux de mai, juin et juillet, qui présentent un maximum encore plus durable, et ensuite une décroissance ma- POPULATION. 295 nifeste jusqu’en décembre. En somme, on peut dire que la direction de ces deux courbes représente celle de l’épidémie de la fièvre jaune, qui, exerçant ses plus grands ravages sur les hommes blancs, étran- gers au pays, parce que peu de femmes y vont, produit la déviation du cours naturel qu’on remarque dans la courbe de la mortalité générale, ou un second maximum d’été. Si le pays n’était habité que par des individus qui y seraient nés, la régularité de la courbe serait constante j mais l’émigration, l’exposant à une maladie en- démique, donne naissance à un accroissement demorlalitc en été, ce qui, sans cela, n’arriverait pas. Revenons maintenant à la mortalité de la caste de couleur, que nous n’avons pas encore approfondie; examinons-ladans l’état des nombres proportionnels et dans les courbes qu’ils prod uiseu t , et nous y remarquerons plus d’analogie entre ces courbes et celles de la mor- talité en général que dans celles des blancs. La tendance commune dans celles-ci est de descendre de la ligne moyenne dans les mois d’été, et de monter dans ceux d’hiver. Si l’on n’en exceptait une déviation fort marquée au mois de juillet, cette tendance se pré- senterait presque uniforme, spécialement dans la courbe des hom- mes. Pour découvrir la cause de cette perturbation, nous considé- rerons plus loin la loi de mortalité par âge, et les résultats nous feront pencher à attribuer l’accroissement de la mortalité, dans ce mois, à celle qui frappe les esclaves introduits de la côte d’Afrique par un commerce illicite. Quoiqu’il en soit, la recherche des causes des perturbations partielles qu’offre le cours des courbes de la mortalité ne peut être complète si l’on n’a pas sous les yeux toutes les observations que suggèren t l’âge, le sexe, la condition des morts, leurs mœurs, leurs vices, les époques d’émigration et d’autres causes fort difficiles à apprécier. Quand elles peuvent être bien connues dans un pays, nous ne doutons pas que, alors, la science ne réus- sisse à expliquer tant les lois générales que leurs perturbations, produites par le mouvement de la population, et à soumettre ces données au calcul des probabilités, comme cela s’est déjeà fait pour d’autres éléments de la physique sociale , tout aussi difficiles à ap- précier. De ce qui précède nous pouvons déduire que, sous les tropi- ques comme dans les régions tempérées, la saison d’hiver est la moins favorable à la vie de l’espèce humaine ; mais on peut remar- quer, en outre, dans la direction de toutes les courbes de morta- lité, une autre oscillation ascendante dans le mois d’octobre plus pro- POPULATION. noncée dans la race blanche que dans celle de couleur, mais com muue a tomes deux. Chez la première ellefait monter îa rnortamé dumo.saudessusdela mojeunedel’an, et dans la seconde elle s’en pproche. L explication de ce phénomène peut, selon nous, se dé pajs de Europe un accroissement dans la mortalité au mois de septembre par suite de certaines maladies qui se développent . P les chaleurs de l’ete. Suivant que les maladies qui affligent l^a population sont plus ou moins cruelles, la tendance de la courbe ■ *'«“ s» >-<;al'ser dans les mois les pins voisins ou les plus e o^nes des ardeurs de l’été. Mais, selon nous, l’augmentation de mortalité chez les gens de couleur au mois de juillet, mortalité qui ne peut s expliquer par la fièvre jaune dont ils sont exempts mais bien par les maladies dont ils sont victimes dans cette sai- ■son, rend moins considérable que chez les blancs la mortalité d’oc- tobre que produisent ces maladies. En classant ainsi la population, c’est à dire en groupes considérables de chaque sexe dans l’une et l’autre race, nous croyons avoir indiqué les lois générales de la mortalité dans cha- -uned elles; mais il nonsresleàexaminer si elles opèrent delà même maniéré a toutes les époques de la vie des individus, parce qu’il pourrait arriver que le maximum de mortalité trouvé dans les mois d hiver fût dû, non à une influence fatale de cette saison sur tous les âges de la vie, mais uniquement au grand nombre de yclimes que les rigueurs de l’hiverfrappentdans un âgedéterminé dans la vieillesse pat exemple. Comme nous avons déjà vu appa- raître un second maximum dans la mortalité des hommes blancs produit par l’épidémie de la fièvre jaune sur les individus qui on’t alteinl I âge le plus vigoureux de la vie, et sans que les enfants 111 les vieillards concourussent à le former, c’est d’une manière sem a e que peuvent se produire les au très ondulations qu’offrent es cour es, et qui correspondent à une mortalité mensuelle va- riable. Ces réflexions doivent donner une idée de l’importance des. études sur la mortalité sous le point de vue suivant. Influence de Vâge. Nous nous sommes proposé de suivre dans ce travail la voie uverte par notre laborieux ami M. Quetelet, tant que nous le pcrraellront le nombre et la valeur des données que nous em- POPULATION. 297 plojons. Pour les rendre comparables, nous y ferons les mêmes corrections que dans les précédentes, et supposant représentée par 100 la mortalité annuelle arrivée dans chaque sexe, dans chaque caste et dans la localité , nous calculerons les parties propor- tionnelles de ce nombre qui correspondent à la mortalité partielle de chaque âge de la vie. Un des tableaux insérés à la fin de cet article offre le résultat de ces calculs qui ont servi également à tracer les courbes. Pour le moment, et afin de ne pas compliquer les réflexions qu ils nous suggèrent, nous considérerons seulement les nombres qui correspondent à la mortalité , par décades de la vie. En jetant les yeux sur la dernière colonne de l’état qui a trait à la mortalité ans toute la population, il paraît qu’environ les 44 centièmes des individus qu’elle frappe ont moins de dix ans.quo, à la seconde decade, la mortalité baisse à environ 11 centièmes; qu’elle monte à plus de 14 dans la troisième, et que bientôt elle descend successive- ment dans celles qui suivent. On peut donc dire que de 100 nou- veau-nés à la Havane, 56 seulement dépassent dix ans, 46 en- trent dans l’âge adulte, un peu plus de 30 dépassent trente ans, 22 entrent dans la quarantaine, et 14 seulement atteignent le demi-siècle, sur lesquels encore plus d’un üers meurt avant de compter soixante ans de vie. Qu on examine les chiffres des diverses colonnes du tableau ou les courbes qu’ils déterminent, et l’on remarquera que , dans les deux castes et dans lesdeux sexes, la décade de vingt à trenteans est celle qui offre le plus grand nombre de victimes; ce qui peut s expliquer, soit par les progrès que font dans ce climat les mala- dies graves qui affligent la vie, soit par l’influence de la fièvre jaune sur les blancs, soit enfin parle plus grand nombre d’individus de cet âge que reçoit le pajs par l’émigration des blancs et le trafic clan- destin des esclaves. Quand les individus d’un âge diminuent dans une population , il ne faut pas s’étonner de voir croîire le chiffre qui exprime sa mortalité ; toutefois il j a , dans la décade qui nous occupe entre vingt et trente ans, une cause dominante de morla- ite qui a été reconnue par les statisticiens et confirmée par les ob- servations. Quand lephvsique de l’homme a atteint tout son dé- veloppement, ce serait alors que l’énergie de sa constitution devrait opposer une grande résistance aux efforts de la maladie ; mais c’est alors aussi que les passions exercent leur plus grande influence et occasionnent un maximum de mortalité qui, eu Europe, ne ^98 POPULATION. paraît inhérent qu’aux hommes, mais qui, à la Havane, paraît ég^alement commun aux femmes j peut-être en elles la cause morale que nous avons indiquée se combine-t-elle avec une autre, les peines que cause la maternité, pour occasionner le nombre élevé de décès et faire qu’il ne dépende pas absolument des causes qui influent sur les hommes. La décade de dix à vingt ans ne présente pas proportionnelle- ment autant de victimes parmi les blancs que parmi les gens de couleur, et nous pourrions assigner à ce phénomène une des causes que nous venons de mentionner. Depuis trente ans la mor- talité relative va en diminuant avec plus de lenteur chez les blancs, avec plus de rapidité dans la caste de couleur. Parmi les premiers, environ 13 p. 0/0 sur les naissances atteignent l’âge de soixante ans j dans les seconds, ce chiffre ne dépasse pas 5 p. 0/0. Relativement aux sexes , la première décade est plus favorable, en général, aux femmes qu’aux hommes, quoique la différence soit bien minime, de même que dans la seconde et la troisième. Entre trente et cinquante ans, il meurt, au contraire, plus de femmes que d’hommes. La proportion leur redevient favorable entre cinquante et soixante, et de nouveau contraire dans les der- nières décades de la vie. Si l’on considère la population en géné- ral et que l’on compare la mortalité des âges au dessus de soixante ans, on trouvera pour les femmes qui dépassent ce terme 10 p. 0/0 et 7 I seulement pour les hommes. Qu’on n’oublie pas qu’à la population masculine indigène il faut ajouter un nombre d’individus venus du dehors, beaucoup plus considérable que celui des femmes, et alors on reconnaîtra que réellement il arrive aux âges avancés un plus grand nombre des secondes que des premiers. La différence se montre plus grande si l’on considère la mor- talité dans les sexes de chaque race. Parmi les blancs, la pre- mière décade de la vie offre de plus fortes pertes eu femmes qu'eu hommes, tandis que le contraire arrive chez les hommes de couleur. Dans la seconde décade, plus favorable à la conserva- tion de la vie que la troisième, ce résultat ne se fait pas autant sentir parmi les hommes que parmi les femmes chez les blancs; le contraire a lieu chez les gens de couleur. Dans la troisième dé- cade, on remarque une différence semblable en faveur des femmes blanches, tandis qu’il n’y eu a aucune chez les gens de couleur. L’âge de trente à quarante ans revient de nouveau plus contraire aux femmes qu’aux hommes blancs, comme nons l’avons observé POPULATION. 299 dans la première décade, et le même effet a lieu dans la caste de couleur; mais, depuis l’âge de quarante ans jusqu’à celui de soixante, il meurt plus d’hommes que de femmes, autant parmi les blancs que parmi les gens de couleur. Passé cet âge, la propor- tion est favorable aux hommes, ce qui confirme ce que nous avons dit plus haut, qu’un moindre nombre d’hommes que de femmes arrive à la vieillesse. Ne considérant que les castes sans tenir compte des sexes, on remarquera que les âges dans lesquels il meurt plus de personnes blanches que de couleur sont ceux de zéro à dix ans et de qua- rante et au dessus, c’est à dire l’enfance et la vieillesse. Dans âge de la vigueur, de dix à quarante ans, il périt un plus grand nombre d’individus de couleur que de blancs, dans la pro- portion de 42 à 25 , sans que la fièvre jaune, qui attaque de pré- férence les seconds, suffise à détruire cette énorme différence si errible pour la race de couleur. Ainsi , en ne tenant pas compte e I introduction du dehors des uns ni des autres, on peut dire que sur loo nouveau-nés de cette catégorie, 19 blancs dépassent la cinquantaine, tandis qu’il n’j en a que 10 de couleur, c’est à ire a moitié. Le plus grand nombre de vieillards morts parmi les blancs démontre une vie plus longue dans cette caste , quoiqu’il ne aille pas oublier que l’émigration européenne amène à la Havane eauconp de personnes adultes. Cependant, puisque 7 p. 0/0 du toia des blancs morts vont au delà de soixante-dix ans, tandis qu 11 U jen a que 2 1/2 p. 0/0 qui jouissent de cet avantage parmi les gens de couleur, nous devons en conclure qu’effectivement il arrive a cetage avancé beaucoup plus des premiers que des seconds, propor- tionnellemeutaunombred’individusquiuaissentdanschaquecaste. yuant aux centenaires, nous n’avons trouvé que l’indication de 0 d entre eux morts dans l’espace de cinq ans, parmi les- quels blancs et 5 de couleur , tous femmes dans les premiers , et 3 hommes et 2 femmes dans les seconds , ce qui confirme notre observation sur la plus grande durée de la vie chez les femmes que chez les hommes. Les âges qu’ont atteints ces individus sont Dans la Belgique, e^n 1831, il n’y avait que IC centenaire.s, ommes; et à Paris, en 1838, il ne mourut qu’un individu de plus de cent ans. Après avoirconsidéré la mortalité des sexes d’après les décades de Vie, 1 est intéressant de les examiner dans la période la plus POPULATION. courte de l existence, qui est celle durant laquelle survient une mortalité qui enlève près de la moitié des nouveau-nés ; mais ce grand nombre de victimes ne périt pas uniformément dans chacun des dix premiers jours qui suivent la naissance j il y a danscette pé- riode des phases beaucoup plus fatales les unes que les autres. A la. lin duchapitre on trouvera l’état et les courbes quiindiquent la mor- talité de l’enfance dans ces diverses phases, tant parmi les blancs que parmi les gens de couleur j en les consultant, on verra que, dans les premiers sept jours de l’existence, le mal qui, dans l’île de Cuba, exerce ses ravages à cette époque, le terrible tétanos {tris- mus enlève près d’un dixième des nouveau-nés, et que les garçons ont plus à en souffrir que les femmes et les gens de cou- leur plus que les blancs (1 ). Dans les jours du premier mois de la vie qui suivent le septième, la mortalité est encore plus forte puis- qu’elle atteint et dépasse de 4 p. 0/0 les naissances j ce qui fait environ 14 p. 0/0 des naissances dans le premier mois. Le se- cond est beaucoup plus favorable, puisque la mortalité n’y excède pas 3 p. 0/0 dans aucune des deux classes. Dans la troisième elle est à peu près la même. Dans les deux réunis, il n’y a pas la moitié de décès que dans le premier. Dans les neuf mois qui sui- vent jusqu’à l’année révolue , la mort n’enlève pas plus d’un autre dixième des nouveau-nés : la proportion est plus grande chez les blancs que chez les gens de couleur et chez les femmes que chez les hommes parmi les premiers. En réunissant ces mor- talités de la plus tendre enfance, on remarque que près des trois dixièmes des nouveau-nés meurent dans la première année de la vie. Aux deux années suivantes, la mortalité n’atteint guère le tiers de celle qui précède, car elle ne dépasse pas 8 t/2 p. 0/0 pour le total des naissances j elle est plus forte dans les blancs que (i) Il faut remarquer que les nombres absolus du tableau ge’nëral de la mor- talité' par âges , qu’on trouve à la fin du chapitre , repre'sentent , pour les courtes ])ëi iodes de la première decade, non pas ceux qui ont été observés, mais ceux t[u on a calcules pour la mortalité qui a eu lieu à cette époque. Au lieu de 6 , 6 g 4 morts que nous avions comptés , âgés de moins de lo ans , on n’avait l’âge exact que de 5,447 pour les distribuer dans ces périodes. Mais le résultat en est aussi juste pour le calcul que celui des nombres proportionnels du tableau qui nous sert de guide dans toutes nos comparaisons. Les chiffres observés relativement à l’âge de o à lo ans porté à la 8 ' ligne sont : 1,263 i,iG 4 2,427. 1,664 1,356 3,020. — 2,327 2,620 5 , 447 * Au lieu des suivants donnés par le calcul : 1,528 1,399 2,927.-2,073 1,694 3,767.-3,601 3,093 6,694. POPULATION. 30 J dans les gens de couleur et parmi les femmes chez les uns et les autres. Enfin dans les sept années suivantes de cette première dé- cade fatale, la mortalité ne va pas au delà de 6 1/2 pour 0/0^ elle est plus forte chez les gens de couleur que chez les blancs, mais égale dans les deux sexes des uns et des autres. Il résulte de tout ce qui précèdeque, à l’exception des premiers sept jours de l’existence, toutes les autres périodes de l’enfance, jusqu’à l’âge de trois ans^ sont plus favorables à la caste de couleur qu’aux blancs -, qu’en- suite la proportion fatale se tourne contre eux dans les âges de plus de force et d’énergie vitale, époque où meurent les individus les plus vigoureux d’origine africaine, d’où résulte pour eux une moindre mortalité de vieillards , le nombre de ceux qui arri- vent à un âge avancé étant peu considérable. L’aspect des courbes tracées d’après ces résultats offre, en gé- néral, assez d’uniformité. Les ondulations de la mortalité sont plus douces dans celles des blancs que dans celles des gens de couleur , si l’on en excepte les dernières décades de la vie, dans lesquelles les courbes se maintiennent élevées chez les premiers et baissent progressivement et constamment chez les seconds. L’examen de ces lignes, et de l’autre tableau de mortalité que nous avons cal- culé pour pouvoir établir des comparaisons avec les tables publiées dans d’autres pa^s, permet de poursuivre ces curieuses et in- téressantes investigations. Dans ce tableau nous évaluons à 1,000 le nombre annuel des naissances de chaque sexe ou caste, lequel diminue successivement avec la mortalité qui frappe chaque âge. Comme le nombre des naissances annuelles que nous avons obser- vées n’est pas aussi élevé qu’il le faudrait pour apprécier les der- niers chiffres, nous n’avons pas voulu nous servir d’un facteur plus considérable. Telle que nous l’avons supposée, notre table donne une idée assez claire de la loi de la mortalité par âge à la Havane, trayil unique en son genre, fait sur une population qui vit sous le ciel ardent des tropiques et se compose de deux races qui, bien qu’elles se mêlent fréquemment, ne laissent pas d’offrir de notables différences dans les circonstances de leur mortalité respective. Il faut espérer qu’en répétant de semblables observa- tions dans des climats analogues ou parviendra à la confirmation des lois curieuses dont nous n’annonçons qu’en tremblant l’exis- tence. Mais sans descendre encore à la considérer dans les diverses sai- sons de l’année, comme nous le ferons bienlôl, les données que POPULATION. nous avons recueillies nous permeltent de reconnaître une autre cause de variation dans la loi de mortalité de l’enfance. Nous a^ons déjà vu comment elle chang-eait dans ses diverses périodes ; nous allons voir l’influence qu’exerce sur elle la légitimité ou l’illé- gitimité des naissances. Le tableau suivant présente les documents que nous avons pu extraire de ces registres de paroisses qui, comme nous l’avons dit auparavant, donnent l’âge de tous les enfants qui y sont inscrits. Les nombres proportionnels que nous avons calculés, en supposant égale à 100 la mortalité de chaque condition , serviront mieux que les nombres absolus aux comparaisons que nous avons à faire. POPULATION. 30 g et la mortalité est plus grande dans les seconds que dans les pre- miers, pour l’une et pour l’autre race. Si nous représentons aussi par 100 le total des enfants morts entre la naissance et l’àge de trois ans, nous trouverons les nom- bres proportionnels suivants : Légitimes. Blancs 30 De couleur. ... 20 Total 50 Illégitimes. Blancs 15 De couleur. ... 35 Total 50 C’est a dire que la mortalité générale de légitimes et d’illégitimes étant égale durant cette période, il meurt, parmi les blancs le double des premiers sur les seconds, et que presque le contraire a lieu parmi ceux de couleur. Le premier résultat est difficile à ex- pliquer. Des recherches de MM. Baumannet Sussmiich il résultait que, dans toutes les périodes de l’enfance, pour 1 mort léW tiwe on en comptait 1 fi , et près de 2 i illégitimes; et"la différence continuait jusqu’à la septième année, de sorte que seulement un dixième des enfants illégitimes atteignait l’âge mûr. Le docteur Casper, calculant sur la population de Berlin, trouva qu a 2,311 individus mineurs de quinze ans, légitimes, morts en un an, correspondaient 160 illégitimes; mais, comme il naissait annuellement 5,S62 légitimes et 1,080 illégitimes, la proportion de la mortalité était de 1 à 2, 5 pour les premiers, et de 1 à 1,9 pour les seconds. Afin d’établir des comparaisons semblables à "la Havane, nous prendrons les nombres qui représentent les nais- sances légitimes et illégitimes dans les quatre paroisses dont les registres de décès constatent ces données. Dans ces paroisses sont nés, terme moyen : 743, 6 enfants blancs, légitimes^ ^ » » illégitimes; 392, 6 )) de couleur, légitimes; ^ » illégitimes. En procédant aux comparaisons correspondantes, nous au- rons l’état suivant, qui montre le rapport de la mortalité des POPüLATiüX. 304 eofents des diverses classes, avec les naissances dans les mêmes classes : AGES. BLAl \CS. DE COULEUR. LEGITIMES. ILLÉGITIMES. LÉGITIMES. illégitimes. De 0 à 7 jours. . . . 8,6 p. 7„ 7,1 P- 7o 11.1 P. Vo 14,3 p. 7o Be 7 jours à 1 mois. 2,6 » 6,5 ), 4,4 « 5,0 » De 1 mois à 2 mois . 1,7 « 2,8 » 2,5 » 2,2 )> De 2 mois à 3 mois. 2,7 « 4,1 » 2,1 » 2,2 « De 3 mois à 1 an. . . 11,4 7,5 » 13,9 « 11,7 >. De 1 an à 3 ans. . . . 10,3 )* 5,6 « 12,0 » 8,9 « De 0 à 3 ans 37,0 >> 33,6 « 46,0 » 44,3 « Il paraîtrait donc, d’après les registres, qu’il meurt, parmi les enfants blancs, un nombre proportionnellement plus grand de légitimes que d’illégitimes dans les premiers âges de la vie, et qu’il en est de même parmi ceux de couleur. Le premier tableau n’est point parfaitement exact, parce que beaucoup d’enfants en- trés dans l’hôpital des enfants exposés sont transférés dans des maisons particulières ou à la campagne, et que, s’ils y meurent, il peut en être fait mention dans d’autres paroisses que dans les quatre susindiquées. Quelques-uns de la même classe sont aussi légitimés avant d’arriver à l’âge de trois ans j mais cette observation ne s’ap- plique pas aux nouveau-nés, et nous voyons que, parmi eux, il en meurt plus de légitimes que d’illégitimes dans la classe blanche. A quoi peut-on attribuer cette particularité si remarquable? Dans ceux de couleur, les proportions de la mortalité se présentent dans un ordre plus naturel et plus en rapport avec les circonstances qui accompagnent la première existence des enfants, soit légitimes, soit illégitimes. Tl meurt , dans le premier mois de la vie, un plus grand nombre des seconds que des premiers, et bientôt la propor- tion change en faveur des légitimes, peut-être par suite du grand POPULATION. 305 nombre des seconds qui sont légitimés, et il en résulte un total un peu plus considérable de légitimes morts. A l’exemple des travaux exécutés par MM. Villermé et Milne- Edwards, en France (1), et d’une manière plus complète par MM. Quetelet, à Bruxelles (2), et Lombard, à Genève, nous nous proposions d’extraire, de nos notes sur la mortalité de la Havane toutes celles qui concernent l’âge des morts dans les divers mois de l’année; nous étions de plus excité à nous imposer cette tâche par la considération que les courtes périodes que nous avions notées dans la vie de l’enfance rendaient nos observations comparables à celles de notre illustre ami M. Quetelet, avantage dont ne jouissent pas celles qu’ont réunies les savants français susmentionnés, qui se sont bornés à déterminer la mortalité des enfants nouvellement nés. M. Quetelet, analysant et comparant les nombres d’un total de 400,000 décès arrivés en Belgique a réussi à déterminer d’une manière précise l’influence des saisons sur la mortalité de l’espèce humaine à divers âges, et la différence qu exerce sur elle l’habitation des individus à la campagne ou dans les villes. L’ensemble de son travail offre un tout, nou- veau pour la science, très-important pour les comparaisons successives auxquelles il pourra donner lieu, et comme un modèle pour la précision et la sagacité mises en œuvre dans les Malheureusement le terrain sur lequel nous avons fait les nôtres Mortalité mensuelle^ par âges. recherches. était trop peu étendu pour nous donner des résultats rioric» l/>c* ^4. __ Ha. • . Il nous a été possible de les réunir. Un pareil défaut dans la totalité de notre travail se fait sentir sur la population de la Havane, (1) Mémoire présenté a l’Académie des (2) De l’influence des saisons sur la mor des sciences, le 2 féi>rier 1829. mortalité aux différents âges dans la Bel- rOPULATION. 20 306 POPULATION. et c’est pour cela que nous mettons en avant, pour nous disculper ici, la même excuse que nous avons donnée pour l’ensemble au- quel appartient ce passage j c’est-à-dire qu’il sert d’échantillon de ce qu’il est utile et convenable de faire pour étudier comme on le doit la population d’un pays. La considération des deux castes qui forment celle de la Havane nous a forcé , en outre, à diviser en deux grands groupes le nombre déjà si réduit de nos observations : d’où il a résulté de si petites quantités correspondantes pour certains âges, que, en les compa- rant, la différence de très-petites unités a dû nécessairement éta- blir des différences fort notables dans la loi que nous cherchions. En traçant les courbes qui devaient indiquer cette loi dans la mor- talité mensuelle de chaque période de la vie, nous avons reconnu d’une manière plus palpable l’effet de l’exiguïté de nos nombres, de très-légères différences dans la mortalité moyenne produisant, dans le cours de notre ligne, des perturbations assez rapides, et, dans l’ensemble, une suite d’ondulations qui rendaient difficile l’appréciation de sa tendance comme loi. Probablement, il en ar- rivera de même au travail deM. Lombard, renfermant 17,623 ob- servations, s’il a le projet de le représenter au moyen de courbes. Nous nous trouvons donc dans la nécessité de ne nous servir de notre œuvre, qui a été de longue et pénible exécution, que pour choisir et présenter, outre les nombreux résultats qui s’offrent à la vue, ceux qui nous paraissent les plus importants et les plus certains, parce qu’ils dépendent moins de la petitesse des nombres comparés. Les observations de MM. Villermé et Edwards ne se rapportent pas à la mortalité des périodes de la vie inférieures à l’âge de trois mois, et, en conséquence, les nôtres, sur l’âge de 0 à 7 jours, de 7 jours à 1 mois, de 1 à 2 mois, et de 2 à 3 mois, ne peuvent avoir de termes de comparaison que dans celles de M. Quetelet , de 0 à 1 mois et de 1 à 3 mois. Les savants français cités ont trouvé deux maximums dans la mortalité des trois premiers mois de la vie^ un fort marqué en janvier et février, un autre moindre, qui se présente six mois après, en août. M. Quetelet ap- pelle le premier absolu, et le second secondaire, et il a reconnu que le second, c’est-à-dire le maximum d’été, n’est point percep- tible en Belgique avant le second mois de la naissance, mais que, en effet, il se manifeste et se prononce fortement jusqu’à la moitié de la première annee de la vie. Les deux maximums, réunis en POPULATION. aoûl se séparent ensuite de plus en plus et vont se fixer, un en avril, I antre en novembre ; bientôt ils se réunissent de nouveau “»is sep- A la Havane, la plus grande mortalité des enfants blancs, mineurs bre eTl ^ O 1 Total 1,653 1,597 3,250 1,625 1,489 3,114| 28 f- 108 + 136 En comparant ces résnltats à la population blanche et de cou- lenrdes sm paroisses qui les ont offerts, on trouvera 1 nouveau- né sur chaque 20 individus de la première, 1 pour chaque 23 de la seconde, et 1 pour chaque 21,7 du total. Dans les décès, les chiffres correspondant à la population de chaque . lasse et au lotal sont : 25. ^0. 22,6. M lî POPULATION. Mais ces proportions ne sont pas exactes, parce que la population des paroisses doit être supérieure à celle que porte la Statistique; si elles l'étaient, il eu résulterait que la procréation et la mortalité seraient plus fortes à la Havane que dans aucun autre pays d’Eu- rope et d’Amérique. Elles ne sauraient être comparées ni à celles de la Martinique, dont le chiffre de mortalité, 1 sur 33 , cor- respond à celui de la Russsie 5 ni à celle de la Guadeloupe , 1 sur 45 correspondant à celle de PAllemag-ne ; ni à celle de Guyane, 1 sur 31 , analogue à celle de la Lombardie ; ni à celle de Bourbon, 1 sur 30 , proportion qui ne dépasse pas celle du Danemark, etc. La nouvelle publication de notre savant ami M. Moreau de donnés, sur l’esclavage colonial, nous offre le moyen de présenter à nos lecteurs quelques comparaisons des données delà Havane avec celles des autres colonies. Voici les rapports respectifs de nouveau- nés libres (blancs et affranchis) à la population, et des morts avec la mênoe population : A la Martinique, comme 1 est à 28,6 et comme 1 est à 34,7 A la Guadeloupe, » 1 » 29,3 » 1 » 31 A la Guyane, » 1 » 32 » l A Bourbon , « 1 » 26,9 » 1 » » 29,7 » 45,5 Dans les colonies anglaises, le rapport des nouveau-nés et des morts à la population libre était comme il suit : A Antigoa , comme 1 est à 31 et comme 1 est à 43 A la Barbade , » 1 » 24 )) 1 M 24 A Tabago , » 1 » 33 » 1 » 44 A Maurice , » 1 » 30 M 1 » 41 Moyenne, » 1 )) 27 » » 1 32,5 Les mouvements de la population esclave, les naissances et les décès présentaient avec la population d’autres rapports dont voici un extrait POPULATION. .315 Colonies françaises. Martinique, elle est de 1 sur 33 , 3 et de 1 sur 33.4 Guadeloupe , » i » 49,6 » 1 )) 45,6 Guyane , » j » 48 » 1 » 31,3 Bourbon, » i » 61 » 1 » 30,8 Moyenne, » i » 45 . 1 M 36,1 Colonies anglaises. • Jamaïque, elle est de 1 sur 43 et de 1 sur 53 Démérary, Essequibo, 1 Y) 47 » 1 » 31 Trinité, » i )) 47 )) 1 )) 32 Tabago, >, \ )) 38 » )) 24 St, -Vincent, » \ „ 35 » \ » 26 Ste. -Lucie, » i » 42 )) 1 )) 33 Nieves, „ j )t 36 )) 1 )) 34 Monserrat, » \ )) 31 » 1 » 33 St.-Ghristophe, » i » 32 )) 1 » 31 Moyenne, » \ )) 42 » 1 )) 31 Les documents intéressants publiés sur les colonies anglaises à I occaston de l’abolition de l’esclavage, nous fournissentdes rapports entre es naissances et les décès à comparer avec ceux des Antilles. ous les suivants ont présenté nn excédant des décès sur les nais- sauces montant à 9,413 pour la Jamaïque, en 4 ans ; 2,773 pour la Trinité, en 5- 1,385 pour Tabago, en 4 ■ 2,779 pour Saint-Vincent, en 4j 662 pour la Dominique, en 3 j 12,065 pour Démérarj et Essequ’ibo, en 5. La Grenade, Sainte-Lucie, Antigoa, Nieves, Monserral, Saint- Christophe, Tortola, Virgenes et Berbice ont offert, dans certaines années, un excédant de naissances sur les morts, et dans quelques autres le contrmro. La Barbade et Bahama ont présenté constani- meut . a première, un excédant de 7,655 naissances en -i ans ; la seconde, un excédant de 1,496 en 3. 3 ^ C POPULATION. Il résulte de cette curieuse réunion de documents que, dans les colonies françaises, la population libre offre, chaque année, un excédant de naissances sur les décès, et la population esclave un excédant de décès sur les naissances, équivalents, le premier à un quatorzième de la population en dix ans, et le second à un dix- huitième dans la même période. L’accroissement annuel de la popu- lation libre, dans les quatre colonies anglaises déjà citées, est de 1 individu sur chaque 1 55« ; tandis que le terme moven de la dimi- nution annuelle qu’offre la race* esclave dans les neuf colonies principales, par suite de l’excédanj, des décès sur les naissances, est de 1 sur 222. Dans ces colonies, en douze ans, la perte attribuée d cette cause a atteint près de trente mille esclaves. La proportion des naissances à la population esclave est donc la même dans les An- tilles anglaises et françaises j elle a pour terme mojen un quarante- deuxième dans les premières, un quarante-troisième dans les se- condes, et monte à un quarante-cinquième dans les dernières, si 1 on y joint l’îlc Bourbon. Cette identité de résultats, obtenue, dit M. Moreau de donnés, de tant de sources différentes, dans treize colonies diverses, qui forment une chaîne d’îles de 200 lieues au milieu de l’Atlantique équatorial, prouve irrécusablement que dans tout l’archipel américain l’esclavage produit les mêmes effets : il réduit la population humaine d’environ 25 p, 0/0. Cette conformité de résultats se réunissant pour établir la dimi- nution dont il s’agit prouve combien sont inexacts et erronés ceux qu’a publiés eu 1828 la Statistique officielle de l’île de Cubaj car il faudrait en conclure, non-seulement que la population esclave y donnerait un excédant considérable des naissances sur les décès, mais encore que la proportion des naissances à la population y serait plus foriedaus la condition esclave que danslablanche etdans toute la castelibre.il est, en effet, incroyable, inexplicable, que dans l’île de Cuba la procréation esclave monte à 1 individu par chaque fois 21 habitants, et que sa mortalité ne dépasse pas 1 sur 40,5, quand on trouve la proportion de 1 sur 24 dans les nouveau-nés blancs et celle de 1 sur 36 dans les décès d’affranchis. En extrayant et analysantces données de la Statistique officielle, nous avons déjà signalé quelques-unes de ces erreurs, et nous les avions déjà fait connaître en 1831 dans notre Histoire économico- politique et statistique de Vile de Cuba, que M. Moreau de donnés a eue sous les yeux. Il ne devrait donc pas s’étonner de retrouver dans le document officiel les erreurs que nous dénoncions au POPULATION. 3 J 7 monde savant, et qu’il est facile de prouver au mojen des données que nous avons recueillies à la Havane et que nous avons insérées dans le même chapitre. Tout ce qu’on peut noter, dans la susdite Statistique officielle, de contraire aux faits bien observés depuis dans les colonies françaises et anglaises, se trouve déjà démontré dans le paragraphe 9, intitulé Rapport entre les naissances et les mortsj de notre histoire politique. Le résumé figure aussi à l’état de la page 62 : il en résulte que l’augmentation des naissances sur les morts, dans la classe de couleur, a été, à la Havane, de 3 p. 0/0 en 1825, de 2 p. 0/0 en 1826, et que, dans les trois années suivan- tes, il y a eu une perte à proportion plus considérable. Le terme moyen de l’accroissement chez les blancs est de 21 p. 0/0; la dimi- nution des gens de couleur est de 12 p. 0/0 sur les naissances. « La proportion des nouveau - nés qu’un peuple perd ou con- serve est la meilleure pierre de touche du bien-être ou du mal- être des masses, » dit un judicieux économiste moderne (l). Dans le cours de cet article, on a pu observer les proportions dans les- quelles chaque classe perd ses individus nouveau-nés et dans l’âge adulte. Nous avons trouvé que le département du centre conserve plusses individus. En limitant nos observations à la ville de la Ha- vane, on vient de voir que la raortalitéannuelle diminue à peu prés de 96 pour 100 les accroissements obtenus par la génération ; que, en prenant isolément chacu ne des deux classes blanche et de couleur,' la perte de la première est de 79 pour 100 sur les naissances, et que! dans la seconde, la perte annuelle est égale à toutes les naissances plus 202 individus, c’est-à-dire que les naissances, comparées aux décés, sont comme 100 à 112 1/3. Cette proportion entre les dé- cès et les naissances, si digne d’être observée et prise en considé- ration, s’est accrue à la Havane à partir de 1825, puisque de 433 blancs qu’il y avait d’excédant alors, la proportion est descen- due à 151, et que, dans les gens de couleur, le nombre des décès a dépassé, l’an dernier, de 608 celui des naissances, tandis que, en 1825, il atteignait seulement 50, et que, en 1826, il y a eu un léger excédant de 35 naissances. Nous avons déjà vu quelles étaient les proportions entre les hommes et les femmes, nés ou morts, et nous avons trouvé pour résultat moyen chez les blancs : (O D Ivernois , Lettres sur les rapports parleruentaires relatifs a la population surabondante de l’Irlande, Bibl. de Genève, mars i83o. 5 femmes. 4-4,9 » pour 100, hommes J 48,6 48,8 femmes. Pfoporüonsraoinsfevorablesauxhoimnesblancs qu’aux femmes et, a peu de chose près , égales dans les classes de couleur. Comparons maintenant les causes d’augmentation et de diminu- tion qui font varier la population dans la balance des naissances et es deces de chaque sexe. Nous trouverons que, chez les blancs la population augmente ; que les garçons j contribuent sur 'les naissances dans la proportion de 16,3 pour 100, et les filles dans celle de 26,4 pour 100. Nous verrons, au contraire, la po- pulation de couleur décroître dans les naissances en raison de 12,2 pour 100 sur les garçons, et de 12,3 pour 100 sur les ailes. A la Havane, le rapport des hommes aux femmes est, d’après les chiffres du recensement, de 100 à 84 pour les blancs, de 100 a 100 pour les gens de couleur. En comparant cette donnée au nombre des naissances dans les deux classes, il eu résulte une naissance sur 9 femmes blanches et une sur 11 1/2 femmes de couleur. Ce résultat, qui démontre une fécondité moindre dans les lemmes de race africaine que dans celles d’Europe, est confirmé par de nombreuses observations faites dans les antres Antilles A la Martinique, 100 femmes libres produisent par an 96 enfants et le meme nombre de femmes esclaves, 92 enfants esclaves. A la Guadeloupe, 92 enfants libres dans le premier cas, 88 esclaves lans second; a la Gujane, 86 et 68; à Bourbon, 128 et 88 Dans les quatre colonies, 400 femmes produisent 402 enfants, si elles sont libres, et 336 seulement, si elles sont esclaves. Nous ne comprenons, dans ces observations, que les filles nubiles, en élat d meres, tandis que, dans nos comparaisons antérieures, nous avions compris tous les individus du sexe féminin. Quoi qu’il en soit, un fait qu, parait constant, c’est que, dans les condiLnsoù ellesv,venauxAm.lles,laféconditédesfemmesafricainesestmoin- r^requecele des femmes de race européenne. Cette considération < St suffisante pour expliquer la diminution successive de la popu- POPULATION. lation esclave dans les colonies. Il n’esl pas nécessaire de recourir, pour cela, à un excédant de mortalité absolue ; il suffit de la mor- talité relative qu’offrent les naissances, qui ne sont pas en nombre suffisant pour maintenir l’équilibre, et beaucoup moins encore pour produire un accroissement par la génération. Il J a de bien intéressantes conséquences à déduire de ces données pour prouver irrécusablement l’influence fatale de l’es clavage sur l’existence d’une race qui semblait devoir trouver sous le ciel doux des tropiques, au sein d’une société amélio- rée par la civilisation, toutes les conditions désirables pour se multiplier, pour se perpétuer; et justement c’est le contraire qui arrive. Celte race entière aurait même déjà disparu du sol cu- baneen et de toutes les Antilles par l’effet naturel de l’équilibre rompu entre les naissances et les décès, si cet équilibre n’avait sans cesse été rétabli par la traite (Ij. Ces réflexions tendent aussi a démontrer l’importance qu’il y a à s’occuper d’amélio- rer la condition de cette race, afin qu’elle acquière les qualités necessaires a une fécondité, à un renouvellement constant a une augmentation que la suppression de la traite rend indis- pensables. (i) Le même fait a êtë observé aux États-Unis, et c’est pour cela queM Clav ê.sa.1, eo plein sénat que le cours naturel des rlioses conduisait à l’^Lcipation POPULATION. ;J20 Mariages. Le rapprochement de 1,848 mariages que constatent les re- gistres de paroisses durant cinq années nous a offert les résultats suivants : BLANCS. DE COULEUR. TOTAUX. Contractants célibataires 947 617 1,564 Célibataires et veuves 76 25 101 Célibataires et veufs 109 38 147 Veufs et veuves 14 22 36 Total 1,146 702 1,848 Contractants esclaves 278 j 1 L’un d’eux étant esclave 131 ! / . 702 Tous les deux étant libres 293 ) La première comparaison importante que nous pouvons faire à l’aide de ces chiffres a trait à la fécondité respective des mariages blancs et de couleur. Nous procéderons comme lorsqu’il s’est agi de mentionner les données inexactes de toute l’île. Nous fixons à 7 enfants le terme mojen de la fécondité du mariage des blancs , et nous ne nous hasardons pas à nous servir de la fausse donnée des naissances de la race de couleur, pour en déduire un résultat absurde. Les chiffres que nous pouvons employer pour le calcul plus circonscrit de la population de la Havane sont beaucoup plus exacts; ils nous donnent 4,7 enfants par mariage de la caste blanche, et environ 4 pour celui des geus de couleur. Si la seconde proportion paraît un peu forcée , il ne faut pas ou- blier qu’elle s’applique à la population de couleur d’une ville qui, dans son total de 140 mariages par an , en offre 85 avec des conditions de liberté dans un des contractants, ou dans les deux, et seulement 55 où peuvent dominer les causes de stérilité que nous avons précédemment déduites, modifiées toutefois POPULATION. 32 J par l’esclavage domestique beaucoup plus doux que celui des champs. La population blanche étant de 32,555 âmes dans les six pa- roisses (1) et celle de couleur de 38,243, il en est résulté, pour 1828., 1 mariage sur 127 blancs, et 1 mariage aussi pour 263 individus de couleur ; proportion beaucoup plus favorable aux blancs que dans aucun des trois autres départements. On nous objectera peut-être que la comparaison des mariages à la population est inexacte à la Havane, puisque le calcul ne com- prend pas les troupes de la garnison et de la marine dans lesquelles il y a beaucoup d’hommes mariés. Cette objection est fondée mais, en n’établissant un parallèle qu’entre les femmes et les ma- riages, il en résulte pour les quatre paroisses centrales de la Ha- vane, et proportionnellement à la population respective du sexe fé- minin, près d’une moitié plus de femmes mariées que dans le departement central j c’est à dire 1 femme mariée sur 70 à la Ha- vane (2), et 1 sur 98 dans le département en question (3) Le recensement de 1828 offrant les femmes divisées dans un ordre différent de celui qui a été suivi dans la statistique, nous avons pris le chiffre total des femmes au lieu de celui des adultes comme c’eût été plus naturel. ^ Toutes les autres observations qu’on pourrait faire exigent les données exactes d’un recensement par quartier et par état qu’il faut espérer que la Havane possédera à l’avenir. Afin d’apprécier la valeur de ces données, bien qu’elles ne résul- tent que d’un petit nombre d’observations, nous croyons devoir présenter celles qu’ont offertes d’antres pays, et nous commencerons par celles qui ont été réunies dans les colonies françaises en 1 839. La Martinique donna 8 naissances par mariage de gens libres 569 dans la classedes esclaves et 17,4 pour le total; la Guadeloupe’ 6.4 naissances par mariage libre, 155,5 par mariage esclave e’t 18.4 pour le total j la Guyane, 7,6 naissances par mariage libre 24 par mariage esclave et 13,5 pour le total; Bourbon. 4,8 nais- fl) Statistique , page 47. (2) Nombre de femmes blanches intra-muros Mariages eu 1828 Rapport ( 3 ) Nombre de blanches dans le département central Mariages Rapport 8,i53. ii5. 1,4 p. 0/0. 44,786. 456. I p. 0/0. roriILATION. 2-1 322 POPULATION. sances par mariage libre et 8,8 pour le total. Enfin, additionnant toutes ces colonies, il en résultait 6,2 naissances par mariage libre, 87,3 par mariage esclave et 14 pour le total. Il n’était pas né- cessaire de prévenir que dans ces chiffres se trouvent comprises toutes les naissances illégitimes , dont la proportion avec les lé- gitimes n’est pas inconnue. En conséquence, ces données ne peuvent être comparées qu’aux suivantes de la Havane, qui se rap- portent aussi au total des naissances des deux classes : 9,5 nais- sances par mariage blanc , 11,6 par mariage de couleur et 10,3 par mariage en général. Les différences, on le voit, sont considé- rables^ mais il faut remarquer que notre comparaison a lieu entre des îles entières et une ville où les mariages sont beaucoup plus fréquents. Les mariages comparés à la population donnent, dans les colonies françaises, les résultats suivants : Martinique, 229 habitants libres, 1794 esclaves et 523 en général par mariage; Guadeloupe, nom- bres respectifs, 192, 5852 et 657; Gujane, 146, 1125 et 566; et la population de toutes ces colonies, 182, 3419 et 500. Sur ces résultats, nous devons faire la même remarque que sur les précé- dents, relativement aux populations rurales et urbaines. Notre ami et collègue M. Benoiston de Châteauneuf a publié, dans les Annales des sciences naturelles (décembre 1826), un mé- moire intéressant sur l’intensité de la fécondité en Europe au com- mencement du XIX® siècle, dans lequel il considère le territoire étendu qu’offre cette partie du monde comme divisé en deux cli- mats uniques : un qui, commençant en Portugal et finissant aux Pa^'s-Bas, s’étend du 40^ degré au 50® et représente le midi ; tandis que l’autre , partant de Bruxelles et aboutissant à Stockholm , c’est à dire du 50® degré au 67®, représente le nord. Dans le premier, 100 mariages offrent 457 naissances, et, dans le second, le même nombre n’en produit que 430. La différence est plus grande quand on compare les fécondités respectives à des régions extrêmes : par exemple, le Portugal donne 5,10 naissances par mariage, et la Suède 3,62. Le terme moyen, en France, est de 5,03; il est de 4,64 dans les départements du nord. On a trouvé, plus récem- ment, que le rapport des mariages aux naissances n’était, en France, que de là 4,08, et aux naissances légitimes, de 1 à 3,79(1). M. Quetelet a trouvé, en Belgique, le rapport de 1 à 4,72 pour (i) Physique sociale. POPULATION. 323 terme moyen des provinces j et, en y supposant la meme propor- tion qu’en France dans les naissances illégitimes, il en résulterait que le rapport des mariages aux naissances légitimes serait de 1 à 4,4-. Nous venons de mentionner le chiffre proportionnel des habi- tants que la Havane doit avoir par chaque mariage. En Belgique, on a trouvé celui de 144; en France, celui de 131,4; en Angle- terre, celui de 120; en Prusse, celui de 102. Remontons aux chiffres précédemment trouvés pour la Havane et les colonies fran- çaises, et nous en déduirons que cette ville seule offre un rapport des mariages à la population blanche semblable aux proportions européennes. Quant aux gens de couleur , le chiffre correspondant des mariages paraît être aussi le plus fort qu’offrent les populations analogues. M. Sadler, dans son ouvrage intitulé La loi de la population , cherche à prouver que là où les mariages sont le plus nombreux, leur fécondité est moindre et que là aussi la mortalité est plus grande. Ainsi, en France, les départements qui offrent les chiffres avantageux de 110 et 120 et de 120 à 130 habitants par mariage donnent seulement 3,79 enfants par mariage et 1 dé- cès sur 35 à 39 habitants; au contraire, les départements où il se contracte 1 mariage sur 160 à 170 et plus d’habi- tants donnent 4,48 à 4,84 enfants légitimes dans chacun, et 1 dé- cès sur43 à 46 habitants. M. Queteletdit qu’en Prusse, pour 1 ma- riage sur 102 habitants, on compte 4,23 naissances par mariage et 1 décès sur 36 habitants; en Angleterre, 1 mariage sur 1 20 habi- tants, 3,77 naissances par mariage et un décès sur 49 habitants; en France, 1 mariage sur 13 1,4 habitants, 3,79 naissances par mariage et 1 décès sur 40 habitants; en Belgique, 1 mariage sur 144 habi- tants, 4,72 naissances par mariage et 1 décès sur 43 habitants. Les données de la Havane qui peuvent être comparées à celles-là sont : dans la classe blanche, 1 mariage sur 127 habitants, 4,7 naissances légitimes par mariage et 1 décès sur 25,6 habitants; et dans celle de couleur, 1 mariage sur 263 habitants, 4 nais- sances légitimes par mariage et 1 décès sur 20,6 habitants. On voit que, dans cette ville placée sous le climat des tropiques, c’est à la fréquence et à la fécondité des mariages que correspond une mortalité plus considérable , dont la proportion doit servir de preuve aux observations que nous avons faites, principalement sur la classe de couleur, tant libre qu’esclave. Relativement aux 324 POPULATION. colonies françaises, nous avons trouvé à ajouter, aux chiffres déjà calculés des habitants et des naissances par chaque mariage, les suivants qui indiquent les rapports des décès à la population respec- tive. A la Martinique, 1 décès sur 25,4 habitants blancs et sur 32 es- claves; à la Guadeloupe, 37,2 et 44. Ces résultats nous étonnent, car ils montrent une plus grande mortalité dans la population libre que dans la population esclave, mortalité à laquelle certainement ne correspondent ni la fréquence des mariages, ni la fécondité qu’on doit leur supposer d’après le nombre des naissances légitimes W illégiti- mes. Quoi qu’il en soit, nous avons cru devoir calculer tous ces rap- ports et les comparer à ceux obtenus en d’autres pays pour approfon- dir l’étude des intéressants problèmes qui s’y rattachent. Mais il ne faut pas oublier que leur solution demande d’autres recherches quel- quefois négligées , parfois impossibles, comme cela nous est arrivé à la Havane, où nous n’avons pu nous procurer certaines données, telles que l’âge des contractants et l’indication relative aux ma- riages en premières et secondes noces; car tous les âges ne sont pas également propres à la multiplication de l’espèce. La précocité des mariages influe directement sur leur fécondité respective, etpar suite, comme nous l’avons dit, sur les lois de la mortalité et le mouvement annuel de la population. A la Havane, on se marie dans un âge fort tendre, les femmes surtout plus que les hommes, et la race blanche plus que celle de couleur , parce que les condi- tions nécessaires à l’existence sociale supposent dans l’homme un âge que n’a pas besoin d’attendre la femme ; mais les circonstances sociales qui permettent de s’occuper des soins d’une famille se trouvent en retard pour les esclaves et pour les gens de cou- leur en général. Peut-être la précocité moindre des mariages de la race africaine, malgré la plus grande précocité de l’âge nu- bile, exerce-t-elle dans cette caste une puissante influence qui explique bien le défaut d’équilibre que nous avons signalé entre les décès et les naissances , car la durée de la fécondité étant fixe et la fécondité elle-même étant plus forte dans les premières années qui suivent la puberté, plus on retarde le mariage, moins il reste d années à la propagation de la race, et moindre sera la reproduction qu’on obtiendra dans les dernières périodes de l’âge favorable à la progéniture. Nous pourrions aussi appuyer nos ob- servations sur d’autres données dignes d’examen , telles que la durée de l’allaitement et la différence de ce soin rempli par la mère ou par des nourrices, circonstances qui influent puissam- POPULATION. 325 ment, tant sur la fécondité des mariages que sur la mortalité des enfants. Mais, quoique nous possédions des observations géné- rales servant d’appui à la doctrine récemment émise par le doc- teur Loudon , il nous manque des faits qui puissent être soumis au calcul et à une comparaison précise. Ce que nous avons dit servira au moins à éclairer ces problèmes de population et à gui- der les observateurs qui, après nous, s’occuperont de rassembler les données qui s’y rattachent. C’est ainsi qu’ils ne dédaigneront aucune des remarques recueillies, dont on peut tirer un parti avantageux dans l’état actuel de la science. On a agité aussi la question de savoir si l’accroissement indéter- miné de la population convient aux nations et s’il faut favoriser dans ce but le mariage des pauvres. De l’examen des recensements de tous les peuples de l’Europe , et de leurs tables de naissances , décès et mariages, il résulte des conséquences fort importantes qui aident à remonter des effets aux causes et des causes aux re- mèdes pour les pays situés dans des circonstances telles que l’ac- croissement de la population y soit un mal. On ne peut nier que l’intérêt de la société s’accommode mieux de la conservation des nouveau-nés que de l’accroissement de leur nombre ^ et l’on re- marque dans les pays malheureux que l’accroissement de la po- pulation et l’augmentation proportionnelle de la mortalité sont des conséquences l’un de l’autre. C’est pour ce motif que, avant de se prononcer sur les accroissements réels d?un peuple , il faut examiner dans quelle raison la mortalité y augmente ou y di- minue chaque année proportionnellement aux naissances. Dans le cours de ce chapitre, nous avons énuméré les résultats pour la Havane, et nous avions auparavant mentionné les proportions re- latives aux autre pays. « On ne peut nier, disait Malte-Brun , que les classes peu portées aux jouissances intellectuelles doivent nécessairement se propager avec plus d’activité, car l’homme d\nwi\ ne prévoit rien, tandis que l’homme éclairé /« mwère. » De cette activité naît une génération aussi chétive, aussi indolente au moins que celle qui lui a donné l’être, et comme à ces augmentations n’en corres- pondent point de semblables ni dans les subsistances , ni dans les travaux productifs, la société, surchargée d’individus, se dégrade, s’appauvrit de plus en plus , et voit s’accroître, avec la population, les misères publiques. Ces observations faites il y a longtemps par Haie, Bacon, POPULATION, Stewart, Townshend, Herenshouand et autres, développéeset con- firmées par les calculs scientifiques de Malthus, et reproduites sous une forme claire et à portée de tout le monde par M. Say dans son Catéchisme, ne sont pas applicables à Fîle de Cuba. On n’y a pas encore vu et l’on ne prévoit pas le cas où l’on y verra le nombre des nouveau - nés excéder celui des individus qui peuvent ali- menter les produits du sol, et par conséquent son heureuse popu- lation ne crie pas comme celle de la prolifique Irlande : nous sommes d’autant plus malheureux que nous sommes en plus grand nombre. Si les apôtres de la propagation illimitée en Europe, con- sidérée comme base de la richesse de l’État, veulent mériter le titre auquel ils aspirent à'^amis des hommes, ils doivent appliquer leurs prédictions à l’Amérique, où l’abondance des terres vierges, la fertilité du sol et la bonté du climat rendent certaine la maxime de l’augmentation des produits avec l’augmentation des habitants, et par conséquent avec la fréquence des mariages et avec la procréation et la conservation des nouveau-nés. Ce qui in- téresse les gouvernements d’Europe privés de ces heureuses cir- constances, ce n est pas l’augmentation des naissances sans dimi- nution dans la mortalité relative, c’est un redoublement d’efforts pour la conservation des individus qui naissent. Cette idée a été fort clairement émise dans les lettres adressées à M. K. J. Wil- mot Horton, sur les enquêtes du parlement relatives à la popula- tion excessive de l’Irlande (1), et dans d’autres ouvrages , parmi lesquels une mention toute particulière est due à celui récemment publié par notre ami le docteur Loudon sous le litre de : Solution du problème de la population et des subsistances (2). Nous nous sommes abstenu de multiplier dans ce chapitre nos comparaisons et nos remarques sur la population de l’île de Cuba et sur les phénomènes qu’offre celle de la Havane, que nous avons spécialement étudiées, afin de ne point dépasser certaines limites que nous nous sommes imposées en écrivant ce livre. Nous avons seulement posé les faits et établi les principes dont le développe- ment eut demandé un traité particulier pour chaque chapitre^ mais comme nous nous adressons à ceux qui savent juger, non sur le volume, mais sur la masse d’idées qu’offre un ouvrage, nous lais- sons à 1 application et au travail d’autres que nous le soin de s’occu- (1) BihUothcque de. Ce/?èi^e, numéro de mars i83o, déjà cité. ( 2 ) Paris, 1 842 , lil)rairic de Girard. POPULATION. 327 perdes problèmes spéciaux qui résultent du livre que nous publions. Mais nous ne cesserons de recommander, comme digne d’être pris en considération, le triste résultat que nous avons trouvé pour la Havane, dans les cinq années 1825 à 1829, de l’augmentation de l’excédant des décès sur les naissances et la recherche des causes qui ont pu influer sur un pareil phénomène, tant dans la classe blanche, dont la progression dans les différences en plus est de ; 4 - 433 -1- 429 -i- 312 + 373 + 151 : terme moyen 4 . 339,6, que dans celle de couleur, qui offre la suivante : — 50 + 35 — 125 — 265 — 608 : terme moyen — 202,6, en comparant les décès aux naissances dans les cinq années du lustre. Peut-être une influence quelconque est-elle exercée par l’émi- gration des autres pays qui augmente la proportion de la mortalité chez les blancs, et par les introductions de femmes de couleur qui produisent un résultat semblable dans leur caste. Mais les considérations de cette espèce que nous avons faites doivent nous porter à croire à l’existence d’autres causes sociales , qui exigent un remède prompt et efficace. Nous pensons devoir terminer ce chapitre par un résumé gé- néral de la population libre et esclave de toutes les colonies des Antilles depuis la nouvelle organisation sociale qu’ont reçue celles de l’Angleterre. Il ne sera pas inutile d’en consulter les nombres pour comprendre les graves questions qui s’agitent aujourd’hui. Nous devons avertir que le chiffre de la population de Haïti, publié par M. Moreau de donnés dans son livre sur l’esclavage colonial, ne mérite aucune confiance 5 nous l’adoptons, cepen- dant, comme un minimum. 328 POPULATION. POSSESSIONS. POSSESSIONS ESPAGNOLES. Cuba ( 1841 ) Puerto Rico (1836). COLONIES françaises (1839), Martinique Guadeloupe et dépendanc® Haiti COLONIES HOLLANDAISES et DANOISES. Saint-Thomas Saint- Jean .* Sainte-Croix Saint-Barthélemy. . . Curaçao [ Saint-Eustaclie.. Saint-Martin . ' * COLONIES anglaises (1839) Jamaïque Trinidad. Tabago ’ " Grenade Saint-Vincent Barbade ’ Sainte-Lucie..!!."] Dominique ] " Saint-Christophe. .. Monserrat " Antigua !!!!!!* Nieves !!!'!'* Anguila üü Tortola et les Vierges!! «ahamas Bermudes. ! Possessions espagnoles. . Colonies françaises ...!’’’ Colonies hollandaises et da- noises Colonies anglaises. Haïti BLANCS, CENS de couleur libres. TOTAL des individu libres. ^ esclaves. 418,291 1 152,831 î 571,121 » 436,495 188,861 ) 126,391 1 315,268 i 41,818 10,105 ' 30,728 40,833 74,333 13,000 23,360 36,360 93,646 26,000 110,000 136,000 » 550 1,500 2,050 8,000 150 200 350 3,000 2,223 1,164 3,387 28,000 1,000 1,500 2,500 7,500 2,781 4,033 6,814 6,026 1,000 4,000 5,000 11,000 500 1,500 2,000 4,000 35,000 326,490 361,490 3,632 35,413 39,045 » 306 12,894 13,200 1,000 20,000 21,000 » 1,200 25,000 26,200 » 15,000 85,000 100,000 1,000 14,000 15,000 J, 720 17,940 18,660 » 1,612 21,521 23,133 î> 300 6,700 7,000 >} 2,050 34,450 36,500 }} 500 9,500 10,000 » 200 1,800 2,000 730 7,000 7,730 4,000 16,000 20,000 J, 4,000 4,509 8,500 » TOTAL général. 1,007,624 367,0861 Î1S,( 130,00611 136,000 10,060 3,360 31,387| 10,000 12,840 16,000 6,000 361,490 39,045 13,200| 21,000 26,200 100,000 15.000 18,660 23,133 7.000 36,500 10,000 2.000 7,730 20,000 8,500 RESUME GENERAL. 23,105 8,204 71,250 26,000 Total . 735,719 279,237 886,397 478,313 54,088 77,193 167,979 13,897 22,101 67,526 638,208 709,458 110,000 136,000 » 1,095,430 1,831,149 713,818 1,364,710 245,172 89,627 709,468 136,000 2,544,967 POPULATION, 329 Tableau des naissances par mois à la Havane pendant cinq^ BLANCS. I MOIS. I 1825 1826 . 1827. . 1828 . 1829. TOTAL . MOVEHKE. I J Janvier.. 129 129 133 110 624 124,8 1 I FeVrier . 115 120 117 130 91 573 114,6 1 1 Mars 125 116 138 120 101 600 120,0 1 1 Avril 106 123 .132 159 116 636 127,2 1 Il Mai 124 121 121 125 143 634 126,8 1 1 Juin 131 139 120 129 140 659 131,8 1 Il Juillet 138 124 116 117 166 661 132,2 1 1 Août 137 129 140 i tu ■i 1 Septembre 151 150 156 i OO 131 J Ol i K C ) > i 138,8 1 1 Octobre 152 147 137 168 168 /ou 772 147,2 1 154,4 1 I Novembre 145 129 140 150 149 713 142,6 1 1 Décembre 151 109 134 158 . 148 700 140,0 1 1 Total 1,598 1,536 1,580 1,658 1,630 8,002 1000,4 1 DE COULEUR. | 1 Janvier 140 153 136 174 100 703 140,6 1 1 Fe'vrier 109 136 141 114 96 596 119,2 1 1 Mars 118 149 122 128 110 627 125,4 1 1 Avril 115 132 118 141 132 638 127,6 1 1 Mai 120 130 141 130 130 651 130,2 1 1 Juin 120 115 131 109 145 620 124,0 1 1 Juillet 126 149 154 134 135 698 139,9 1 1 Août 153 153 145 143 147 741 148 2 1 1 Se})tembre 145 182 156 144 133 760 152,0 1 1 Octobre 137 152 130 149 168 736 147,2 1 1 Novembre 151 149 147 121 138 i 706 141,2 1 1 De'cembre 166 149 138 162 159 774 154,8 1 Total | 1,600 1,749 ] 1,659 1 ,649 1 1,593 8,250 1650,0 1 Total G^î^ÉuAl. . , i 1,198 î J, 285 a 1,239 3 ,307 3 :,223 16,252 3250,4 1 1 | i- I \ f MOIS DES POPULATION. î 1 «iiissssllSI i M I sssssissaasï a TOTAUX î 149 146 137 131 124 115 138 134 128 142 142 159 s FÉMININ. 147 144 147 131 115 114 129 122 123 135 141 150 a (masculin 1 22SaSSSiSsï3 a ' i a S N g s' ! 5 w Q l| J3Kî:gSSSgSSëî3 5 j| g ' i j ïïïïïSSSS52M2 a BLANCS. H 5 ! 8 Ml 2:gg85SiggS$Sî: S MASCULIN 5 1,10 1,07 1,07 0,96 0,94 0,88 0,95 0,93 0,96 0,99 1,04 1,12 1 lî-îllliflllî- § -T lî»||î-SII!-:- S -T 1 iKlIIIIÎ-l!-:- S -r IIkIIIIIII:- § I:c4îlllllï-ï- § -T ( llllllllï!-!-:- 1 l!-!#ll||||3î g -T lIsS-IIÎSSI!:- 8 « § SlîllSISsSII 1 1 5SIIIISISÎÎ!- g -F 1 S!4IS14ISS!-5 î- Janvier Février Mars Avril Mai Juin. Juillet Août , Décembre J POPULATION, 331 Tableau de la mortalité par mois dans les paroisses et d V hôpital de Paula. MOIS, BLANCS. 1825. 1826. 1827. 1828. 1829. total. ANNÉE moyenn'^ Janvier 147 rtfï Q C 93 150 153 172 140 115 97 131 108 120 545 109,0 FeVrier 7U Q i O 5 QO Mars O 1 OO 117 77 89 97 81 536 107,2 Avril 90 82 80 111 112 00 93 12Ü OO 597 119,4 Mai 487 97,4 ji i nn luy 105 138 119 119 123 99 535 107,0 Juillet lUU 7 K. 501 100,2 Août 7o Q t. 1 53 589 117,8 Septembre 1 12 ot 550 492 110,0 Octobre Oo 1 1 1 yo •i 90 98,4 Novembre 53 91 XIX on i^y Oi 109 106 77 110 548 416 508 109,6 Décembre yu fi 7 yi i A7 i i 9 83,2 O i Xxj i 1 J O 101,6 Total 1,165 1,107 1,268 1,285 1 1,479 6,304 1260,8 DE COULEUR. Janvier 212 i O i 148 140 143 139 166 272 230 308 189 169 938 187,6 Février l'tO loi ■< Ci. t: Mars i / i 1 oD luo i PO 831 166,2 Avril 1 oo iAA 1 KIl ioy ^ 9 A 900 180,0 Mai 1 97 J 1 97 lo4 760 152,0 Juin OQ Xo 1 i Q/î 132 127 171 170 147 147 i 9Q 731 146,2 Juillet Uo 1 '\'7 i OO 1 97 163 195 144 163 668 133,6 Août Xùi 143 1 HA 1^ / 190 793 158,6 Septembre i OO 124 1 150 145 143 736 147,2 Octobre J UO 112 167 689 137,8 Novembre 120 144 100 164 155 187 163 143 124 149 752 150,4 Décembre 1 OO •i 9 9 709 141,8 loo 175 756 151,2 Total 1,650 1 714 1,784 1,914 2,201 9,263 1852,6 Total gékéual. . . 1 2,815 2,821 3,052 3,159 3,680 15,567 3113,4 332 POPULATION. Mortalité moyenne mensuelle et nombres proportionnels de cette mortalité par mois , en admettant que la moyenne annuelle de chaque sexe , de chaque caste , etc., soit représentée par 1,00. MOIS. BLANCS. DE COULEUR. TOTAUX. ç « » s « .à ” 1 B U ^ B S 1 a ë '.S “ J .a a .S K ‘b « ^ é K ■J ^ s « 576 1 586 ! 336 • 916 927 ' 559 ' 1,486 De 7 jours à 1 mois. 156 136 ' 280 190 • 140 330 340 1 270 610 De 1 à 2 mois.. . . 82 70 ' 152 96 ; 70 166 178 140 318 De 2 à 3 id 110 115 65 150 225 85 195 180 375 De 3 mois à 1 an. 350 355 705 466 399 865 816 754 1,570 De 1 à 3 ans 285 325 610 330 365 695 695 690 1,285 De 3 à 10 id 210 175 385 320 325 645 538 500 1,030 De 0 à 10 id . . . . 1,628 1,399 2,927 2,073 1,694 3,767 3,601 3,093 6,694 De 10 à 20 id. . . . 223 147 370 686 724 1,410 909 871 1,780 De 20 à 30 id.... 415 299 714 866 817 1,683 1,281 1,116 2,397 De 30 à 40 id 281 272 553 406 463 869 687 735 1,422 De 40 à 50 id 297 234 531 275 334 609 572 568 1,140 De 50 à 60 id.... 243 158 401 210 199 409 453 357 810 De 60 à 70id 177 170 347 107 129 236 284 299 583 De 70 à 80 id 158 159 317 84 97 181 242 256 498 De 80 à 90 id ... . 49 72 121 25 46 71 74 118 192 De 90 à 100 id... 7 11 18 9 14 23 16 25 41 De 100 ans et au dessus )) 5 5 3 2 5 3 7 10 Totaux ^ 3,378 2,926 I 6,304 4,744 4,619 1 9,263 ! 5,122 ' 7,445 15,567 334 POPULATION. Tableau qui indique combien il reste d'individus vivants à chaque âge, en prenant pour terme de comparaison un nombre fixe de 1;,000 naissances. AGES. BLANCS. DE COULEUR. totaux. Sexe masc. Sexe fe'm. Total. Sexe masc. Sexe fe'm. Total. Sexe masc. Sexe fe'm. Total. De 0 1,000 1,000 1,000 1,000 1,000 1,000 1,000 1,000 1,000 De 7 jours 900 920 910 880 930 905 890 925 908 iDe 1 mois. ........ 860 870 865 840 900 870 850 885 868 !De 2 mois 830 840 835 820 880 850 825 860 843 Ido 3 id 800 800 800 810 860 835 805 830 818 De 1 an 690 680 685 710 770 740 700 725 713 De 3 ans 610 570 590 640 690 665 625 630 628 De 10 id 550 510 530 570 620 595 660 565 563 De20 id 480 460 470 420 460 440 450 460 455 De 30 id 360 360 360 240 280 260 300 320 310 De 40 id 280 270 275 150 180 165 215 225 220 De50 id.. 190 190 190 90 100 95 140 145 143 De 60 id 110 140 125 40 60 60 75 100 88 De 70 id 60 80 70 20 30 25 40 55 48 : De 80 ans et au dess. 10 20 15 » 10 5 5 ,5 10 MORTALITÉ RELATIVE DE CHAQUE AGE HT De chacdhe des CEASSES DE : LA POPULATION. De 0 à 7 jours. . . . 10 8 9 12 7 9,5 11 f,5 9,25 De 7 jours à 1 mois. 4 6 4,5 4 3 3,5 4 4 4 De 1 à 2 mois 3 3 3 2 2 2 2,5 2,5 2,5 De 2 à 3 id 3 4 3,5 1 2 1,5 2 3 2,5 De 3 mois à 1 an.. . 11 12 11,5 10 9 9,5 10,5 10,5 10,5 De 1 à 3 ans 8 11 9,5 7 8 7,5 7,5 9,5 8,5 De 3 à 10 id 6 6 6 7 7 7 6,5 6,5 6,5 De 0 à 10 id 45 49 47 43 38 40,5 44 43,5 43,75 •De 10 à 20 id 7 5 6 15 16 15,5 11 10,5 10,75 De 20 à 30 id 12 10 11 18 18 18 15 14 14,5 De 30 à 40 id 8 9 8,5 9 10 9,5 8,5 9,5 9 De 40 à 50 id 9 8 8,5 6 8 7 7,5 8 7, 75 De 50 à 60 id 8 5 6,5 5 4 4,5 6,5 4,5 5,5 |De 60 à 70 id 5 6 5,5 2 3 2,5 3,5 4,5 4 De 70 à 80 id 5 6 5,5 2 2 2 3,5 4 3,75 De 80 ans et au dess. 2 1,5 » 1 0,5 0,5 1,5 1 Totaux 100 100 100 100 100 100 100 100 100 POPULATION, 335 Tableau de la mortalité mensuelle par âges. BLANCS. AGES. U P P > "O S > Û .S ’3 >-5 O ë s U J ■«! O H CO s Q De 0 à 7 jours r. 21 le 12 64 53 43 3. r 11 18 64 61 36 7 kk i 2( ï 12 7 16 ) 57 5 39 i 23 i 3; ) 1! 2 42 5 21 r 13 ! 32 19 ! 4: 1 25 De 7 jours à 1 mois. De 1 à 2 mois 21 12 2£ 73 t O 1 1‘ > < î 5C > 20 1 4; • D î 41 i .21 3 470 5 235 De 2 à 3 id - 1 . i ' ! ' I D 4( 31 32 1 3 ! ( 5 8 ; K ) K ) 125 De 3 mois à 1 an.. . i 1 1 1 5( Ai 5 14 ) 50 9 1 49 ' 1] 32 1 17 î 36 11 24 1 n 1 4( ) 185 ) 585 i J, 1 36 1 43 33 1 42 2( i 31 506 1^ ! 24 22 13 1 28 22 ! 31 320 De 0 à 10 id 281 299 24 44 32 49 33 322 38 ' 500 1 27 , 44 46 53 229 28 50 53 35 30 33 34 1 240 49 211 ' — ■ — — De 10 à 20 id 22 63 45 zo i 199 ' 231 180 248 2,927 De 20 à 30 id 64 44 43 40 22 23 8 2 Ou 37 33 27 28 24 370 De 30 à 40 id 00 98 58 43 81 67 59 48 61 714 De 40 à 60 id De 50 à 60 id 37 30 31 26 0/ 31 9ft 47 60 41 49 62 58 46 36 42 37 563 531 De 60 à 70 id 20 24 9 30 36 25 21 18 35 35 34 35 39 29 38 401 De 70 à 80 id ou 30 38 QA 30 31 17 35 347 De 80 à 90 id 9 oU 16 1 » 23 31 17 24 317 De 90 à 100 id 1 J D 7 C) 10 13 8 9 9 121 De 100 ans et au dess. » 1 }> 7i J 1 » )) » 1 2 )> 6 1 3 3) 18 5 Totaux 545 636 596 A oc CO/. 602 — — — — — — ^oO oo5 590 550 491 548 416 511 6,304 DE COULEUR. De 0 à 7 jours 53 20 17 12 65 75 60 62 22 9 54 22 1 R CQ AA 57 20 75 36 56 20 58 19 De 7 jours à 1 mois.. De 1 à 2 mois 00 24 1 i bU 14 59 26 52 24 64 22 733 269 De 2 à 3 id 6 1 O 1 CL 1 J i 5 12 8 II 69 5 8 11 14 7 129 De 3 mois à 1 an. .. De 1 à 3 ans 72 64 48 10 90 'Î’Q IZ 59 h O 7 62 37 34 8 62 4 55 21 40 10 42 7 31 9 58 122 696 De 3 à 10 id /O 48 4o 9 C 38 41 36 39 44 35 38 36 568 ^0 34 62 44 39 26 48 514 De 0 à 10 id ; De 10à20id De 20 à 30 id j De 30 à 40 id De 40 à 50 id De 50 à 60 id De 60 à 70 id De 70 à 80 id De 80 à 90 id De 90 à 100 id De 100 ans et au dess. Î82 ï (73 1 161 1 75 58 34 25 22 6 2 1 557 J 128 1 148 1 66 55 38 19 14 4 3 » 591 £ 137 c 164 1 79 46 32 22 15 10 2 1 513 517 29 65 44 32 24 13 6 2 J) 279 5 112 137 1 73 64 32 17 17 10 » Î89 ; 93 ,20 ] 67 47 29 13 17 J) 3 1 Î34 5 93 ] (40 1 79 58 46 18 16 7 2 }) >89 2 112 1 34 1 66 66 37 10 10 8 3 1 !81 : 00 40 70 34 25 18 13 6 2 0 295 : 119 ] 145 1 84 54 26 22 15 5 1 )) >49 ; 115 !28 : 75 59 36 23 17 6 1 0 308 111 137 80 34 42 26 12 4 2 1 3,767 1,410 1,683 86o 609 409 236 181 71 23 5 Totaux 9 '39 8 32 8 99 7 45 7 '31 6 69 7 93 7 3c|788 6 66 7 09 7 56 { ),263 336 POPULATION, Nombres proportionnels à ceux de la mortalité mensuelle par âges. AGES. De 0 à 7 jours.. . . DeTjoursà 1 mois. De ï à 2 mois. . . . De 2 à 3 id De 3 mois à 1 an.. De 1 à 3 ans De 3 à 10 id BLANCS. De 0 à 10 id... De 10 à 20 id.... De 20 à 30 id. . . . lO à 40 id... . De 40 à 60 id.... De 60 à 60 id..,. DeOOansetaudes. DeO à 7 jours.. . . De 7 jours à 1 mois. De 1 à 2 mois. . . . De 2 à 3 id De 3 mois à 1 an.. De 1 à 3 ans De 3 à 10 id De 0 à 10 id. . . . . De 10 à 20 id. . . . De 20 à 30 id De 30 à 40 id De 40 à 60 id De 60 à 60 id. ... De 60 ans et audes. 1,06 0,96 0,81 0,86 0,98 0,83 1,07 1,60 0,77 1,31 1,23 1,60 0,96 0,86 0,86 1,07 1,2 1,61 1,60 1,72 1,19 1 , 1,16 1,64 1,61 1,13 1,30 0,69 0,86 0,73 0,77 0,96 0,71 0,9 1,10 1,06 ,16 0,82 1,24 1 ,' 0,86 0,90 0,96 0,72 0,81 0,91 1,19 0,96 0,71 1,06 0,81 1,18 0,97 0 0,61 0,98 1,11 0,03 0 1,2 1,03 16 0, 0,91 0,62 0,86 0,83 92 1,18 88 24 1,16 ,96 0,76 1,19 0,91 0,87 1,16 0,87 0,91 1,14 1,06 1,07 0,97 0,3 0,90 0,68 1,02 0,82 0,96 0,96 1,66 1,66 1,24 1,06 1,00 0,81 0,3 0,90 0,83 0,84 1,17 ,36 ,00 ,34 ,02 ,17 1,11 1,13 0,8 0,71 0,67 0,80 0,61 1,27 1,03 0,8 0,82 1,07 16 0,90 ,12 1,06 1,11 1,14 0,77 1 1,44 1,0 1,6 1,10 0,71 '1,22 0,43 0,60 0,80 0,98 0,63 0 72 1,04 0,86 1,16 0,92 0,86 0,98 1,32 1,29 1,14 1,00 1,06 0,76 1,01 0,91 0,76 0,83 0,86 1,01 0,89 0,83 0,82 0,88:1,13 0,72 1,06 DE COULEUR. 0,86 0,88 1,62 1,2 1 , 1 ' 1,60 1 , 1,10 0,86 1,46 0,96 0,94 1,21 0,90 0,96 0,96 0,86 0,97 0,97 1,06 0,62 0,88 1,60 0,86 0,84 1,16 1,06 0,86 1,71 1,04 0,47 1,14 0,76 0,47 0,76 1,04 1,3 0,60 1,50 1,2 0,7 0,8 1,1 0,4 2,1 1,0 0, 1,39 1,63 1,00 1,06 0,87 1,17 0,93 0,67 0,70 0,61 1,48 1,66 1,68 0,78 0,82 0,76 0,82 0,96 0,74 0,82 i,20 1,11 0,60 0,78 0,97 0,78 1,21 1,04 0,90 0,62 — — — — — — — — — — 1,21 1,23 1,01 0,87 0,93 1,06 0,90 0,91 0,92 0,79 1,16 1,14 1,00 0,93 0,80 0,77 0,93 0,86 0,99 0,99 1,14 1,16 0,93 0,96 0,87 0,98 0,93 1,01 1,02 0,93 0,98 1,07 0,91 0,98 0,79 1,07 0,82 0,97 1,13 1,04 1,16 0,89 0,87 1,06 0,94 1,13 1,28 0,68 1,06 1,18 1,19 0,92 0,96 0,92 0,88 1,34 1,07 0,76 0,76 1,07 0,90 1,18 1,04 1,02 0,79 1,00 0,73 0,88 1,00 1,10 1,03 0,97 0,66 0,9 0,91 0,76 1,11 population. 337 a»a,.vsb bu Be„»,un „.ce«seme„ de PoruLvr.o» „e ,.>,ee de cuba. (ion* la popula- Havane; et ce précis nous 0 ^“™“''^“'' ^ l’impression de cet ouvrage Tn *'^5'.^'"' ’ tandis qu’on achevait document si important nous aU "a ’ «mettre un ‘'■'sdece travail! d«^ kerrp:!!r:aP,:'"\''“ tiques , déduits du erand comparaisons statis- - extrait é ,a pa.e'rw " ‘™-era daus le département oriel^f 1 et, T sonnes , qui , aiomé /, t. n ’i ’ ^ 38,000 per- 1,045,624 habitants Permanente, donne un total ~.i<- é,,.:. il ; ;, : 7“ *■• I- »... ... ..*....-.. 7 .:; ^ ^ ;■" « '■•■ suivant. ^ trouveront sur l’état 338 POPULATION. a augmenté, nous trouvons que, pour les blancs , cette augmenta- tion a été de 34,5 p. 0/0 dans les 14 années ou 2,5 p. 0/0 par an J pour les hommes libres de couleur, de 43,5 p. O/O ou 3,1 p. O/O par an, et pour les esclaves de 52 p. 0/0 ou 3,7 p. 0/0 par an. Le document que nous venons de recevoir nous donne la popu- lation de l’île, partagée par départements et juridictions, d’après les races, les sexes, les âges et les circonstances de mariages et de veu- vages. Les races se présentent dans leur ensemble et subdivisées en conditions j il en résulte cinq catégories différentes, savoir : celle des blancs, des mulâtres libres, des nègres libres, des mulâ- tres esclaves et des nègres esclaves. Les périodes des âges sont de 0 an à 15 ans, de 15 à 60 ans , et davantage. DANS TOUTE L IEE. HOMMES. ■ 0 à 15 ans. 16 à 60 Au dessus Total. Rapports. ans. de 60. K3ssaBBŒB=sa=sx Blancs 88,617 133,054 5,473 227,144 39 59 2 Libres de couleur. . . 27,988 45,208 2,507 75,703 37 60 3 Esclaves 5-1,515 219,781 6,954 281.250 20 78 2 Totaux 171,120 398,043 14,934 584,097 29 68 3 FEMMES. Blanches 83,835 103,460 3,852 191,147 44 54 2 Libres de couleur. . . 27,001 47,990 2,144 77,135 35 62 3 Esclaves 44,483 108,328 2,434 155,245 28 70 2 Totaux 155,319 259,778 8,430 423,527 37 61 2 Le rapport entre les hommes et les femmes offre les propor- tions suivantes : POPULATION. 339 Départements. blancs. libres DE COULEUR. esclaves. totaux Occidental . . 55,4 à 44,6 52,7 à 47,3 53,0 à 47,0 54,3 à 45,7 49,5 à 50,5 49,2 à 50,8 Central 61,5 à 35,5 59,5 à 40,5 Oriental 69,7 à 30,3 56,5 à 43,5 Dans toute l’ile, . . 50,0 à 50,0 49,5 a 50,5 58,8 à 4l,4 64,4 à 3